Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 23 juin 2021, n° 18/13718

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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www.legalbrain-avocats.fr · 18 avril 2022

30% des salariés français déclarent avoir subi au moins un comportement hostile sur leur lieu de travail au cours des 12 derniers mois et 20% craignaient de perdre leur emploi selon une enquête de la Dares réalisée en 2016 et en 2019. Le harcèlement numérique participe grandement à ce constat. Il est très présent au sein de nombreuses sociétés, sans que les employeurs ne s'en rendent forcément compte. Avec la numérisation des espaces de travail, de nouvelles formes de « harcèlement numérique » sont nées ces dernières années. La jurisprudence a eu l'occasion d'en pointer certaines. Exemples …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 6, 23 juin 2021, n° 18/13718
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/13718
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 6 novembre 2018, N° F17/07648
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 23 JUIN 2021

(n° 2021/ , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/13718 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B637P

Décision déférée à la Cour : Décision du 07 Novembre 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F17/07648

APPELANTE

Madame Y X

[…]

Représentée par Me Clément SALINES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SAS PISCINE CENTER O’CLAIR prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège.

[…]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 mai 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Anne BERARD, Présidente de chambre, chargée du rapport et Madame Nadège BOSSARD, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en leur rapport, composée de :

Madame Anne BERARD, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Pauline MAHEUX, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Anne BERARD, Présidente de chambre et par Madame Pauline MAHEUX, Greffière présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Mme Y A épouse X a été embauchée le 1er avril 2010 par la société Piscine Center O’Clair, dont le siège est à […], au poste de responsable communication et gestion internet ' poste administrateur de réseaux informatique, statut cadre.

Le 21 novembre 2010 elle a signé un avenant au contrat de travail, il prévoit un exercice de ses fonctions en situation de télétravail. Elle était domiciliée à Paris.

La convention collective du commerce des articles de sport et des équipements de loisirs est applicable.

La société emploie plus de onze salariés.

Mme X a eu un enfant, né le […].

La société Piscine Center O’Clair a été rachetée par la société Groupe Cabesto au début de l’année 2017.

Par courrier du 3 août 2017, l’employeur a indiqué à Mme X qu’il serait mis fin au télétravail à compter du 13 novembre 2017.

Mme X a été en arrêt de travail à partir du 06 septembre 2017.

Le conseil de prud’hommes de Paris a été saisi par Mme X le 21 septembre 2017, aux fins de demander la résiliation judiciaire du contrat de travail, les indemnités de rupture, des rappels d’heures supplémentaires et indemnités.

Le 12 février 2018 le médecin du travail a émis un avis d’inaptitude de Mme X, précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise.

Mme X a été licenciée pour inaptitude le 21 mars 2018.

Par jugement du 07 novembre 2018 le conseil de prud’hommes a :

Débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes ;

Débouté la Piscine Center O’Clair de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné Mme X aux dépens.

Mme X a formé appel le 05 décembre 2018, précisant les chefs contestés.

Dans ses conclusions déposées au greffe et signifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 19 février 2019, auxquelles la cour fait expressément référence, Madame X demande à la cour de :

Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes du 7 novembre 2018 et, le réformant :

— Fixer le salaire de référence à la somme de 7 083 euros ;

— Constater le harcèlement moral dont Mme X est victime ;

— Constater la modification unilatérale de son contrat de travail ;

— Constater les heures supplémentaires impayées de Mme X ;

— Constater le non-respect par l’employeur du congé maternité ;

— Constater le non respect par l’employeur des dispositions relatives à la procédure de reclassement pour inaptitude ;

— Constater que la Piscine Center O’Clair n’a jamais respecté ses obligations découlant du télétravail de la demanderesse ;

— Constater le manquement de l’employeur à son obligation de formation ;

En conséquence :

A titre principal :

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme X aux torts exclusifs de son employeur ;

Dire et juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme X produit les effets d’un licenciement nul ;

En conséquence :

Condamner la Piscine Center O’Clair au paiement des sommes suivantes :

Indemnisation du préjudice subi : 141 600 euros (20 mois)

Indemnité compensatrice de préavis : 21 249 euros (3 mois)

Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 2 124,90 euros

Ordonner la remise des certificat de travail, attestation Pôle Emploi et bulletin de salaire afférents sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document.

A titre subsidiaire :

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme X aux torts exclusifs de son employeur;

Dire et juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme X produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

Condamner la Piscine Center O’Clair au paiement des sommes suivantes :

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 106 245 euros (15 mois)

Indemnité compensatrice de préavis : 21 249 euros (3 mois)

Congés payés sur préavis : 2 124,90 euros

Indemnité au titre du préjudice moral distinct : 14 166 euros (2 mois)

Ordonner la remise des certificat de travail, attestation Pôle Emploi et bulletin de salaire afférents sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document.

A titre infiniment subsidiaire :

Dire et juger que le licenciement pour inaptitude de Mme X est dénué de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

Condamner la Piscine Center O’Clair au paiement des sommes suivantes :

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 106 245 euros (15 mois)

Indemnité compensatrice de préavis : 21 249 euros (3 mois)

Congés payés sur préavis : 2 124,90 euros

Indemnité au titre du préjudice moral distinct : 14 166 euros (2 mois)

Ordonner la remise des certificat de travail, attestation Pôle Emploi et bulletin de salaire afférents sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document.

En tout état de cause :

Condamner la Piscine Center O’Clair au paiement des sommes suivantes:

Rappels de salaires pour heures supplémentaires : 45 148 euros

Congés payés afférents : 4 514,80 euros

Contrepartie obligatoire en repos : 4 996,90 euros

Congés payés afférents : 499,69 euros

Indemnité forfaitaire pour travail dissimulé sur le fondement de l’article L. 8221-3 du Code du travail : 42 498 euros (6 mois)

Remboursement des frais liés au télétravail : 2 520 euros

Dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de formation : 10000 euros

Dommages et intérêts pour non-respect du congé maternité : 10 000 euros

Article 700 du code de procédure civile : 5 000 euros

Ordonner le versement des intérêts au taux légal sur les salaires et sommes afférentes sollicités sur le

fondement des dispositions de l’article 1231-6 du Code civil à compter de la saisine de la juridiction de céans et pour les dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l’article 1231-7 du Code civil à compter du prononcé du jugement à intervenir ;

Condamner la société Piscine Centrer O’Clair aux entiers dépens.

Dans ses conclusions déposées au greffe et signifiées par le réseau privé virtuel des avocats le17 mai 2019 auxquelles la cour fait expressément référence la société Piscine Center O’Clair demande à la cour de :

Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a débouté Mme X de l’intégralité des demandes relatives à l’exécution de son contrat de travail,

Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail,

En conséquence,

Dire et juger que Mme X a été intégralement remplie de ses droits quant à l’exécution de son contrat de travail

Dire et juger que la société Piscine Center n’a commis aucun manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme X,

Débouter Mme X de l’ensemble des demandes formulées au titre de l’exécution de son contrat de travail,

Débouter Mme X de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de l’ensemble des demandes financières subséquentes,

A titre principal :

Réformer le jugement de première instance en ce qu’il a débouté Mme X de ses demandes relatives au licenciement pour inaptitude intervenu,

Et, statuant à nouveau,

Dire et juger que la contestation par Mme X de son licenciement pour inaptitude est irrecevable,

A titre subsidiaire :

Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a considéré que le licenciement pour inaptitude de Mme X reposait sur une cause réelle et sérieuse et l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes,

En conséquence,

Dire et juger que le licenciement intervenu en date du 21 mars 2018 était parfaitement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Débouter Mme X de l’ensemble des demandes relatives à la prétendue absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement.

A titre reconventionnel :

Condamner Mme X au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 06 avril 2021.

MOTIFS :

Sur la résiliation judiciaire

En application de l’article 1224 du code civil, le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée. Ce n’est que si le juge estime la demande de résiliation infondée qu’il statue sur le bien-fondé du licenciement.

Le salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail doit rapporter la preuve que l’employeur a commis des manquements graves à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

A l’appui de sa demande de résiliation du contrat de travail, Mme X invoque à titre principal le harcèlement moral qu’elle a subi.

L’article 1152-1 du code du travail dispose que :

'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'

En application de l’article L. 1154-1 du code du travail, il incombe au salarié qui l’invoque de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Dans cette hypothèse, il incombera à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Par mail du 8 février 2017, Mme X a sollicité un entretien avec le directeur général, M. L, proposant deux dates du mois de février auxquelles elle serait présente dans les locaux de la société. Il résulte des mails échangés que le rendez-vous a d’abord été reporté au 15 mars, puis a été annulé. Cet entretien devait notamment permettre à Mme X de rencontrer la nouvelle équipe.

Mme X justifie qu’un repas a été organisé entre les salariés le 31 mars 2017, mais que son supérieur hiérarchique direct, le directeur informatique, M. D, ne l’a pas conviée. Le repas a été précédé d’une réunion stratégique avec le directeur général de la société Cabesto, en présence de tout le personnel de la société Piscine Center O’Clair, exceptée l’appelante.

L’entretien avec le directeur général avait été de nouveau prévu au début du mois de juillet 2017. Lorsqu’il a été sollicité par Mme X, M. L lui a répondu par mail du 29 juin 2017 se concentrer sur le commerce et qu’il reviendrait vers elle.

Mme X s’est déplacée au siège de la société le 1er août 2017 : elle a eu un entretien avec M. L, le directeur de la société, et M. C, le directeur commercial de la société Cabesto.

Par courrier du 3 août 2017, la société Piscine Center O’Clair a informé Mme X que conformément à l’entretien du 1er août, il allait être mis fin à sa situation de télétravail à compter du

13 novembre 2017.

M. C a par la suite adressé plusieurs messages à Mme X dans un style particulièrement direct, voire brusque.

Par mail du 4 août 2017 à 11h50, en réponse à un reporting de Mme X, M. C lui a indiqué : 'je ne valide pas ta stratégie sur août de reconduire ce mode de fonctionnement. Je te demande d’arrêter immédiatement toutes ces campagnes….je souhaite connaître ton budget d’investissement prévisionnel sur août. …. merci de me renvoyer également le détail de chaque campagne… la communication à distance pour Cabesto est une solution par défaut, et il est hors de question de ne communiquer que par mail, merci à l’avenir de respecter tes engagements (tu devais me communiquer ces informations pour hier soir) ce mode de fonctionnement ne me convient pas. J’attends ton appel aujourd’hui comme convenu.'

Le même jour à 18h27 M. C a adressé un autre mail à Mme X : 'cette façon de travailler ne me convient pas, je n’ai toujours aucune information depuis notre échange téléphonique, il n’est pas normal que je doive attendre les informations permettant de cadrer ton travail. Je veux :…. Je te demande: ….de me communiquer les dates de tes souhaits de congés jusqu’à mai 2018.'

Enfin dans un mail adressé à 20h36 en réponse à un complément d’informations de Mme X, il lui a écrit : 'merci de ne plus jamais me faire ce type de plan, me donner les info à 18h30 alors que je t’avais informé que je les souhaitai pour jeudi soir. 1) concernant ton budget prévisionnel il n’est bien sur pas validé....'

Le jeudi 10 août 2017 M. C a écrit à Mme X : 'B Y, pour ton information le CA est de +3 hier et +31 avant hier…. je te redemande : ….il est plus qu’urgent d’avoir des investissements rentables. J’ai du mal à imaginer que tu sois capable d’analyser quotidiennement la performance de plus de 4 000 mots clés et incapable d’ici ton départ de faire le peu de choses que je te demande.'

Le vendredi 11 août 2017 M. C a adressé un mail à Mme X indiquant : 'merci de ne pas travestir mes demandes… Il est hors de question que tu me fournisses à nouveau les informations que je te demande à la dernière minute sans me permettre d’apporter les actions correctives.'

Mme X expose que le 5 septembre 2017 elle a eu un entretien téléphonique avec M. C, qui lui aurait hurlé dessus. Elle a fait l’objet d’un arrêt de travail à compter du 6 septembre 2017.

Dans un mail adressé au directeur de la société Piscine Center O’Clair le 7 septembre 2017, Mme X a rappelé son investissement important depuis plusieurs années et a signalé les difficultés qu’elle rencontrait, notamment avec M. C. Dans sa réponse du 22 septembre le directeur, M. L, a contesté la réalité de la situation exposée par Mme X, justifiant notamment le bien-fondé de l’intervention du directeur commercial de la société Cabesto, puis le 20 octobre suivant il lui a indiqué revenir sur la décision de mettre fin au télétravail.

Le certificat médical du 21 septembre 2017 indique que Mme X présentait un état réactionnel suite à des difficultés professionnelles, l’obligeant à prendre un traitement.

Dans le document de suivi du 13 décembre 2017 le médecin du travail mentionne un syndrome dépressif secondaire à des dysfonctions dans les relations de travail. La fiche médicale indique qu’elle prenait du Xanax et du Deroxat.

Le 12 février 2018, le médecin du travail a émis un avis d’inaptitude, l’état de santé rendant impossible tout reclassement dans un autre emploi.

Mme X a été licenciée pour inaptitude le 21 mars 2018.

Pris dans leur ensemble, ces éléments permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

L’employeur n’apporte aucun justificatif au report à plusieurs reprises de l’entretien sollicité par Mme X au mois de février 2017. Il conteste qu’elle ait été isolée, sans produire d’élément expliquant pour quel motif elle n’a pas été conviée à la réunion stratégique du 31 mars 2017 après le rachat de la société Piscine Center O’Clair, en présence de tous les autres salariés, puis au repas. Il ne justifie pas qu’elle ait été sollicitée pour des activités communes des salariés.

Lors du premier entretien que Mme X a eu avec ses responsable le 1er août 2017, il lui a été indiqué qu’il allait être mis fin à sa situation de télétravail, alors qu’elle résidait à Paris et que le siège de l’entreprise est situé à Cogolin, dans le Var. La lettre adressée sous forme recommandée avec avis de réception le 3 août suivant indique que l’objectif de ce retour au travail dans les locaux de l’entreprise est l’amélioration et le bon fonctionnement du service.

L’avenant qui a mis en place le télétravail prévoit une clause de réversibilité permettant à chacune des parties de mettre fin au télétravail, avec un délai de prévenance de trois mois à l’issue d’un délai de vingt quatre mois, ce qui dispensait la société Piscine Center O’Clair d’obtenir l’accord de la salariée pour mettre fin au télétravail. Cette clause doit cependant être mise en oeuvre de façon loyale. L’employeur ne produit aucun élément relatif à l’organisation de l’activité de l’entreprise, ne justifie d’aucune difficulté qui serait survenue en raison du télétravail de Mme X. Il n’est pas établi que la présence de Mme X dans les locaux de l’entreprise avait pour objectif l’amélioration du fonctionnement du service. Compte tenu de l’ancienneté de la situation de télétravail, de l’éloignement géographique entre le domicile de la salariée et de la composition de sa famille, Mme X ayant eu un enfant en 2016, la société Piscine Center O’Clair n’a pas mis en oeuvre la clause de reversibilité de façon loyale. Contrairement à ce qu’elle soutient, l’intimée ne justifie pas du regroupement de tous les salariés dans les locaux de l’entreprise.

La société Piscine Center O’Clair expose que les échanges avec Mme X traduisent l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, que M. C a interrogé Mme X sur ses missions, l’a alertée sur les actions qu’il jugeait inappropriées et lui a fourni des consignes claires, la salariée n’ayant de cesse de remettre en cause chaque recommandation et directive.

Le responsable hiérarchique de Mme X était fondé à modifier l’organisation, à adresser des demandes à Mme X et à contrôler son activité. Si à plusieurs reprises la salariée a formé des observations et a demandé des précisions, il résulte des mails échangés qu’elle a mis en oeuvre les consignes qui lui ont été adressées et ne s’y est pas opposée.

Dans plusieurs mails expédiés à Mme X, M. C lui reproche de ne pas avoir adressé les informations dans les délais attendus, sans qu’il soit justifié que des délais avaient au préalable été fixés à la salariée.

M. C n’était pas fondé à s’adresser à Mme X dans les termes des mails versés aux débats. Lorsqu’il a été sollicité par la salariée, le directeur de la société n’a pas pris en compte les difficultés qu’elle exprimait.

La société Piscine Center O’Clair ne démontre pas que les différents faits établis par la salariée, l’absence d’entretien régulier, les demandes à bref délai, le ton des messages et l’annonce de la fin du télétravail, étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le harcèlement moral de Mme X doit être retenu.

Si l’employeur est revenu sur sa décision de mettre fin au télétravail, le harcèlement moral est constitué d’autres comportements, qui sont à l’origine des arrêts de travail successifs qui se sont poursuivis après la saisine du conseil de prud’hommes du 21 septembre 2017 et ont conduit au

licenciement pour inaptitude de Mme X. Ils sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

La résiliation du contrat de travail doit être prononcée aux torts de l’employeur, avec effets au 21 mars 2018, date du licenciement.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les heures supplémentaires

Mme X demande le paiement d’heures supplémentaires pour la période du 22 septembre 2014 jusqu’au début de son arrêt de travail, le 7 septembre 2017.

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence de rappels de salaire, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Le contrat de travail initial de Mme X prévoit un horaire mensuel de 151,67 heures. Il précisait les horaires journaliers, du lundi au vendredi.

Le 21 novembre 2010 Mme X a signé un avenant prévoyant la mise en place du télétravail.

L’article L.1222-10 du code du travail, en sa version applicable à la période d’exécution du contrat de travail, dispose que :

'Outre ses obligations de droit commun vis-à-vis de ses salariés, l’employeur est tenu à l’égard du salarié en télétravail :

1° De prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci ;

2° D’informer le salarié de toute restriction à l’usage d’équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de telles restrictions ;

3° De lui donner priorité pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles et de porter à sa connaissance la disponibilité de tout poste de cette nature ;

4° D’organiser chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail ;

5° De fixer, en concertation avec lui, les plages horaires durant lesquelles il peut habituellement le contacter.'

L’avenant au contrat de travail de Mme X prévoit :

'3.2 horaires de travail et plages de disponibilité :

Mademoiselle A Y pourra choisir les horaires de travail qui lui conviennent en respectant :

- des plages horaires de disponibilité : c’est à dire des périodes pendant lesquelles l’entreprise et les partenaires de l’entreprise peuvent la joindre. Mademoiselle A Y devra être joignable de 8h30 à 12h30 et de 14h à 17h pendant ses jours de travail. Ces plages sont fixées par Mme X en concertation avec Mademoiselle A Y. En dehors de ces plages horaires, Mademoiselle A Y pourra utiliser son 'droit à la déconnexion’ en mettant en veille ses systèmes de communication professionnelle.

3.3 Modalités de décompte des heures et des jours travaillés

Les parties signataires conviennent qu’un document mensuel sera établi sur la base des déclarations de Mademoiselle A Y.

Ce document de contrôle et de suivi de l’amplitude des journées de travail permettra le contrôle du respect des durées de repos minimales entre deux journées de travail et de vérifier la charge de travail allouée à Mademoiselle A Y.'

Mme X produit un décompte précis qui indique les dates, amplitudes horaires et le nombre d’heures supplémentaires sollicitées pour chaque période. Elle verse aux débats des historiques d’intervention informatique, des justificatifs de trajet et de très nombreux courriels adressés à ses collègues, supérieurs, ou aux partenaires de la société.

La société Piscine Center O’Clair conteste la réalité du temps de travail effectué par l’appelante, faisant valoir que les périodes au cours desquelles elle devait pouvoir être jointe ne correspondent pas à du temps de travail effectif et qu’elle était libre de l’organisation de son temps de travail. Elle indique que de nombreux messages sont ponctuels, qu’ils ne correspondent pas à l’exécution d’une tâche, ne démontrent pas l’amplitude du temps réalisé, étant parfois envoyés au cours des périodes de congés.

L’article L.3121-1 du code du travail dispose que 'La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.'

La société Piscine Center O’Clair à qui incombe la charge du contrôle du temps de travail ne produit aucun élément en ce sens. Les documents mensuels prévus par l’avenant au contrat de travail ne sont pas produits, ni aucun compte rendu d’entretien sur l’activité de Mme X.

Les horaires pendant lesquels Mme X devait pouvoir être jointe ne constituent pas du temps de travail effectif. Mme X ne se contente pas de produire des justificatifs d’activité à des horaires au delà des périodes pendant lesquelles elle devait être joignable, elle justifie également des interventions qu’elle a effectuées au cours de ses plages de disponibilité, qui démontrent la réalité de son activité sur ces horaires.

Certains courriels ne constituent que des échanges de nature personnelle entre les salariés de l’entreprise, ils démontrent cependant une consultation régulière de la messagerie professionnelle et sont peu nombreux. Pour l’essentiel les courriels échangés sont des informations de tâches réalisées ou des réponses à des demandes professionnelles. Le contenu de certains messages indique qu’ils ont été précédés d’opérations importantes, de modification des éléments informatiques, de collectes de données ou de mise en oeuvre de la fin d’une opération commerciale. Ils sont confirmés par les historiques des interventions informatiques effectuées par Mme X, qui constituent bien du travail effectif.

Il doit être tenu compte que les messages adressés ponctuellement par Mme X au cours de ses périodes de congés ne démontrent pas l’amplitude du travail effectuée à ces occasions. Il doit cependant être observé que pour de nombreuses périodes de congés Mme X ne demande le paiement d’aucune heure supplémentaire.

Les éléments produits par l’appelante établissent qu’elle a travaillé au cours de la période de son congé maternité, du 30 mai au 22 septembre 2016. Les messages adressés correspondent à de véritables interventions de sa part, et non à des échanges de nature conviviale avec ses collègues; à plusieurs reprises Mme X est intervenue après avoir été sollicitée par un salarié de l’entreprise. Son supérieur ne pouvait pas l’ignorer, Mme X lui ayant adressé régulièrement des reportings de son activité. Comme le fait valoir l’intimée, au cours du congé maternité les périodes d’activité n’ont pas dépassé la durée hebdomadaire légale du temps de travail. L’employeur a assuré le maintien du salaire au titre de la prise en charge du congé maternité, après communication par Mme X des indemnités journalières, mais doit la rémunérer au titre du travail qu’elle a accompli, sans majoration de taux.

Il résulte des éléments produits qu’en dehors de la période du congé maternité Mme X dépassait très fréquemment la durée du travail hebdomadaire. La cour a la conviction que Mme X a accompli des heures supplémentaires à hauteur de 619 heures, outre 131 heures de travail pendant la durée du congé maternité.

Le taux de rémunération horaire de Mme X a été constant sur toute la période, de 46,70 euros.

Compte tenu du nombre d’heures effectuées et des taux de majoration applicables, la société Piscine Center O’Clair doit être condamnée à payer à Mme X la somme de 42 835,57 à titre de rappel de salaires, outre 4 283,55 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la contrepartie en repos

En application de l’article l’article L. 3121-30 du code du travail, les heures supplémentaires effectuées au delà d’un contingent ouvrent droit à un repos compensateur égal à 100% de la durée dans les entreprises de plus de 20 salariés. Le contingent annuel est de 220 heures.

Au cours des différentes années concernées Mme X n’a pas dépassé le contingent annuel. Elle doit être déboutée de sa demande.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l’indemnité pour travail dissimulé

Pour caractériser le travail dissimulé prévu par l’article L.8221-5 du code du travail la preuve de l’élément intentionnel de l’employeur doit être rapportée.

En l’absence de démonstration des éléments caractérisant l’élément intentionnel de la société Piscine Center O’Clair, la demande d’indemnité formée à ce titre par Mme X doit être rejetée.

Le jugement sera confirmé de chef.

Sur les conséquences financières de la résiliation

La résiliation prononcée pour des faits de harcèlement moral produit les effets d’un licenciement nul.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis

La société Piscine Center O’Clair ne conteste pas la durée de préavis de trois mois sollicitée par Mme X.

L’indemnité compensatrice de préavis correspond au montant de la rémunération que la salariée aurait perçu si elle avait travaillé.

Les bulletins de paie mentionnent un salaire de base de 7 082,89 euros. Il convient de prendre en compte le montant des heures supplémentaires qui auraient été effectuées pendant cette période par Mme X.

Dans les limites de la demande, la somme de 21 249 euros doit être allouée à Mme X au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 2 124 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

Sur l’indemnité pour licenciement nul

La résiliation judiciaire prononcée en raison d’un harcèlement moral produit les effets d’un licenciement nul à la date du 21 mars 2018.

L’article L. 1235-3-1, en sa version applicable à la date de la résiliation judiciaire, dispose que :

'L’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées à l’alinéa précédent sont celles qui sont afférentes à la violation d’une liberté fondamentale, à des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4, à un licenciement discriminatoire dans les conditions prévues aux articles L. 1134-4 et L. 1132-4 ou consécutif à une action en justice, en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l’article L. 1144-3 et en cas de dénonciation de crimes et délits, ou à l’exercice d’un mandat par un salarié protégé mentionné au chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la deuxième partie, ainsi qu’aux protections dont bénéficient certains salariés en application des articles L. 1225-71 et L. 1226-13.'

Comte tenu des heures supplémentaires effectuées, la rémunération mensuelle moyenne de Mme X était de 7 884,57 euros.

Mme X avait une ancienneté de près de huit années au moment du licenciement. Elle justifie d’un suivi médical prolongé et a perçu des indemnités journalières versées par la CPAM jusqu’au mois d’août 2018. Compte tenu de ces éléments, l’indemnité pour licenciement nul sera fixée à la somme de 65 000 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

En application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail la société Piscine Center O’Clair doit être condamnée à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage payées entre le jour du licenciement et le jour du jugement, dans la limite de six mois.

Il sera ajouté au jugement entrepris.

Sur le remboursement des frais liés au télétravail

Mme X sollicite la somme de 2 520 euros au titre des frais liés au télétravail sans aucun développement dans ses conclusions, ni justificatif produit.

Sa demande doit être rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de formation

Mme X sollicite la somme de 10 000 euros au titre du manquement de l’employeur à son obligation de formation, sans développement concernant cette demande dans ses conclusions.

Si l’employeur ne démontre pas avoir respecté son obligation, Mme X ne justifie d’aucun préjudice consécutif à l’absence de formation.

Sa demande doit être rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l’indemnisation pour non-respect du congé maternité

La réalité du travail de Mme X pendant la durée de son congé maternité est établie, ce qui a eu des conséquences sur sa vie personnelle et familiale.

Le préjudice subi par Mme X sera réparé par la condamnation de la société Piscine Center O’Clair à lui verser la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes, soit le 09 octobre 2017 et les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision.

Sur la remise des documents

La remise d’un bulletin de paie récapitulatif conforme, d’une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée et d’un certificat de travail sera ordonnée dans le délai d’un mois suivant la signification de la décision. Il n’y a pas lieu à ordonner d’astreinte.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société Piscine Center O’Clair qui succombe supportera les dépens et la charge de ses frais irrépétibles et sera condamnée à verser à Mme X la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes, sauf en ce qu’il a rejeté les demandes de contrepartie du repos compensateur, d’indemnités pour travail dissimulé, manquement à l’obligations de formation et, la demande de remboursement de frais du télétravail,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme X aux torts de l’employeur au 21 mars 2018,

CONDAMNE la société Piscine Center O’Clair à payer à Mme X les sommes suivantes :

—  42 835,57 à titre de rappel de salaires et 4 283,55 euros au titre des congés payés afférents,

—  21 249 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 2 124 euros au titre des congés payés afférents,

—  65 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,

—  6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect du congé maternité,

DIT que les créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2017 et les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision,

CONDAMNE la société Piscine Center O’Clair à remettre à Mme X un bulletin de paie récapitulatif, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt dans le délai d’un mois et dit n’y avoir lieu à astreinte,

ORDONNE à la société Piscine Center O’Clair de rembourser au Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Mme X, du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois des indemnités versées,

CONDAMNE la société Piscine Center O’Clair aux dépens,

CONDAMNE la société Piscine Center O’Clair à payer à Mme X la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société Piscine Center O’Clair de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 23 juin 2021, n° 18/13718