Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 14 avril 2021, n° 18/27392

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 3 - ch. 1, 14 avr. 2021, n° 18/27392
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/27392
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 8 octobre 2018, N° 15/18233
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRET DU 14 AVRIL 2021

(n° 2021/ , 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/27392 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B63GA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Octobre 2018 – Tribunal de Grande Instance de PARIS
- RG n° 15/18233

APPELANTES

LA FONDATION DU JUDAÏSME FRANCAIS agissant pour le compte de la fondation sous égide à dotation consomptible dénommée 'Fondation ndividualisée BA A et B G', agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités au siège susvisé

[…]

LA FONDATION POUR LE MUSEE D’ART ET D’HISTOIRE DU JUDAÏSME représentée par son Président domicilié en cette qualité audit siège

[…]

représentées par Me Arnaud GUYONNET de la SCPAFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

ayant pour avocat plaidant Me AG-François VEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : T006

INTIMES

Madame N E

née le […] à […]

[…]

r e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

ayant pour avocat plaidant Me AY BODSON, avocat au barreau de PARIS, toque : L95

Monsieur X, Y, O G

né le […] à […]

[…]

Madame D G

née le […] à […]

[…]

représentés par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

ayant pour avocat plaidant Me Bertrand BURMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1941

Maître S I, Notaire

[…]

représenté par Me Thomas RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499

ayant pour avocat plaidant Me Z-José GONZALEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P499

Maître P Q-AS, Notaire

né le […] à […]

[…]

représenté et plaidant par Me W AA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0435

Madame AU T U, assignée à étude par acte d’huissier du 09.01.2019

61/63 rue Chardon-Lagache – 75016 PARIS

Madame Z-V F, assignée à personne habilitée par acte d’huissier du 08.01.2019

chez Maître P Q-AS […]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRASSO, Président, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO,Président

Mme Catherine GONZALEZ, Conseiller

M. Raphaël TRARIEUX, Conseiller désigné par ordonnance du Premier Président de la Cour d’appel de Paris en vertu de l’article R 312-3 du code de l’organisation judiciaire pour compléter la chambre

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

— rendu par défaut

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

M. MPaul G, né à Paris le […] est décédé sans héritier réservataire le […], à l’âge de 81 ans.

Aux termes d’un testament olographe en date du 9 juin 2009 et de deux codicilles en date des 9 et 10 juin 2009, il avait pris les dispositions suivantes :

« Par testament, je soussigné MPaul G, rentier, déclare léguer un tiers de mes biens mobiliers à ma conjointe N E, le solde sera réparti ainsi :

- 50.000 euros à AU T U demeurant […] ,

- 50.000 euros à Z-V F, originaire de la Bastide d’Armagnac, dont j’ai

partagé la vie de 1964 à 1972,

- le reste ira à la création d’une Fondation « BA A et B G », en mémoire

de mon père A, de ma mère B, de mon frère C et de moi-même. Cette fondation devra financer un prix BA A R annuel de 35.000 euros en récompense des avancées ou des découvertes importantes consécutives à son travail des chercheurs. Ils seront issus de l’institut WEIZMAN PASTEUR et de l’Hôpital HADESSAFT à JERUSALEM.

- 50.000 euros annuels seront destinés à l’aide des personnes âgées juives dans le

besoin, ou malades (Casip-OrHannh-Osé). La Fondation sera dirigée par D et X G, ainsi qu’N E. La fondation sera dirigée par un directoire.

La majorité sera requise pour toute décision importante impliquant le choix du chercheur ou investissement conséquent. Je souhaite que les dons aident à la recherche médicale et à l’aide des personnes dans le besoin.

- 10.000 euros annuels iront à une Fondation qui 'uvre pour entretenir la mémoire de la Shoa.

Tableaux d''uvres d’art.

Un inventaire a été établi par N à laquelle je lègue le tableau de peintre japonais « Shigara » à l’encre de Zao Wou Ki et le pastel de Renoir à N.

Elle aura l’usufruit des autres 'uvres d’art pendant 35 ans, après quoi les 'uvres

importantes seront offertes au Musée d'[…], soit au grand

musée d’art de Jérusalem.

Les 'uvres d’une valeur inférieure à 15.000 euros seront vendues aux enchères, le produit de la vente attribué à la Fondation B et A G pour alimenter son fonctionnement.

X G sera responsable avec N de la gestion financière, D de l’attribution de l’allocation des fonds de la Fondation.

Ils percevront, pour leur temps et travail, un salaire annuel de 10.000 euros.

Les dispositions de ce testament concernent également le compte que je détiens à la banque JP MORGAN à NEW YORK. »

M. MPaul G était lié à Mme E par un pacte civil de solidarité et X et D G sont ses neveu et nièce.

Le testament a été déposé chez maître S I à la requête de Mme E.

Le 2 avril 2014, la Fondation du judaïsme français a dressé un acte revêtu de sa seule signature intitulé « Convention de la fondation AT BA A et B G » et se présentant comme une convention conclue entre d’une part la Fondation et d’autre part le défunt agissant par testament.

Le 10 avril 2014, Maître Q-AS a reçu à la requête de Mme E et d’une personne désignée comme « la Fondation créée sous l’égide de la Fondation du Judaïsme Français, dénommée 'Fondation AT BA A et B G’ un acte de notoriété selon lequel le défunt a:

— pour légataire universel:

«Une Fondation 'BA A et B G’ à créer '',

— pour légataires à titre particulier:

M. T U et Mmes E et F et Le Musée d’art juif ou Grand Musée d’Art de Jérusalem ».

Par ordonnance du 3 octobre 2014, le président du tribunal de grande instance de Paris a envoyé en possession la personne ainsi désignée: « La Fondation AT BA A et B G, créée sous l’égide de la Fondation du Judaïsme français ».

Le 18 février 2015, Maître P Q-AS, notaire associée à Paris, avec la participation de Maître S I, a dressé un acte de partage et de conversion d’usufruit en pleine propriété entre « La Fondation créée sous l’égide de la Fondation du Judaïsme Français, dénommée ' Fondation AT BA A et B G ' à dotation consomptible, domiciliée au siège de la Fondation du Judaïsme Français à […] '', la Fondation pour le musée d’art et d’histoire du judaïsme et Mme E.

Le 30 mars 2016, le président du même tribunal a rétracté l’ordonnance d’envoi en possession du 3 octobre 2014.

Par acte du 19 novembre 2015, la Fondation et le musée ont assigné Mme E devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par actes d’huissier du 15 décembre 2015, Mme E a assigné la Fondation, le musée, Mme T U, X et D G, S I, P Q-AS et Z-V F devant le même tribunal.

Les deux instances ont été jointes.

Par jugement en date du 9 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a statué ainsi :

Constate le désistement d’instance et d’action de l’association 'uvre de secours aux enfants;

Déclare recevables les demandes de la Fondation du Judaïsme Français;

Déclare recevables les demandes de Madame E;

Déclare irrecevables les demandes des consorts G tendant à:

— prononcer la nullité de l’acte du 2 avril 2014 intitulée « Convention de la Fondation AT BA A et B G '' pour défaut de signature,

— prononcer la résolution de l’acte du 2 avril 2014 intitulée « Convention de la Fondation AT BA A et H '',

Déclare recevables leurs autres demandes;

Prononce la nullité de l’acte du 2 avril 2014 intitulé « Convention de la Fondation AT BA A et B G '' en tant que convention;

Constate qu’il s’agit d’un acte unilatéral de la Fondation du Judaïsme Français;

Constate le défaut de personnalité de la « Fondation AT BA A et B G »;

Se déclare incompétent pour statuer sur la demande de Madame E tendant à:

— condamner la Fondation du Judaïsme Français à lui verser 50.000 euros en réparation du préjudice consécutif aux saisies diligentées par elle à son encontre;

Renvoie l’affaire devant le juge de l’exécution de Paris afin qu’il soit statué sur cette demande;

Prononce la nullité des actes suivants:

— le legs institué dans les termes suivants: «le reste ira à la création d’une fondation « BA A et B G » en mémoire de mon père A et de ma mère B et de mon frère C et de ma mère '',

— l’acte de partage du 18 février 2015;

Déboute Mme E de ses demandes tendant à:

— prononcer la nullité de:

. l’acte de notoriété du 10 avril 2014,

. l’attestation immobilière du même jour,

— prononcer au fond la rétractation de l’ordonnance du 3 octobre 2014,

— déclarer Mme E propriétaire de la totalité des « tableaux contenus dans la succession de feu MPaul G '',

— ordonner la réintégration dans la succession des lingots et pièces d’or remis par X le 6 mars

2015 à Maître Q-AS,

— condamner la Fondation du Judaïsme Français à lui verser 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Déboute la Fondation du Judaïsme Français et la Fondation pour le musée d’art et d’histoire du judaïsme de leurs demandes tendant à:

— déclarer Madame E coupable de recel,

— déclarer « la Fondation AT BA A et B G '' propriétaire de biens dépendant de la succession de MPaul G,

— déclarer la Fondation pour le musée d’art et d’histoire du judaïsme et le musée propriétaires des biens dépendant de la succession de MPaul G,

— ordonner à Madame E la remise de biens dépendant de la succession de MPaul G,

— ordonner le partage des biens dépendant de la succession de MPaul G,

— condamner in solidum Madame E et les consorts G à leur verser à chacun une somme de 25.000 euros au titre de l’article l’article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile;

Autorise Maître Q-AS, notaire séquestre, à restituer à X G les lingots et pièces d’or déposés par lui le 6 mars 2015;

Déboute les consorts G de leurs demandes tendant à:

— prononcer la nullité de l’acte de notoriété et de 1'ordonnance d’envoi en possession du 3 octobre 2014,

— condamner la Fondation du Judaïsme Français à payer les frais d’ annulation,

— condamner la Fondation du Judaïsme Français à leur verser une somme de 18.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne la Fondation du Judaïsme Français et la Fondation pour le musée d’art et d’histoire du judaïsme à verser à maître I une indemnité de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute Maître Q-AS de sa demande tendant à condamner in solidum Mme E et les consorts G à lui verser une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la Fondation du Judaïsme Français et la Fondation pour le musée d’art et d’histoire du judaïsme aux dépens échus à cette hauteur de l’instance et accorde à Maître W AA le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile;

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

La fondation du judaïsme français et la fondation pour le musée d’art et d’histoire du judaïsme ont relevé appel de cette décision par déclaration du 4 décembre 2018.

Aux termes de leurs conclusions d’appelantes signifiées le 1er mars 2019, elles demandent à la cour de :

Sur les demandes de Mme N E :

Vu l’article 20 de la loi n°87-571 du 23 juillet 1987,

— Infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du legs institué dans les termes

suivants : « le reste ira à la création d’une fondation « BA A et B G » en mémoire de mon père A et de ma mère B et de mon frère C et de ma mère », ainsi que de l’acte de partage du 18 février 2015,

— Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme E de ses autres demandes, fins et conclusions,

Statuant à nouveau :

— Dire et juger que la fondation dénommée « Fondation AT BA A et B G » a valablement été constituée sous l’égide de la Fondation du Judaïsme Français,

— Dire et juger que la « Fondation AT BA A et B G » a valablement pu recueillir le legs universel institué en sa faveur par MPaul G,

Sur l’action en recel successoral :

Vu l’article 778 du code civil, ensemble l’article 724-1 du même code ,

Vu les articles 910 et 970 du code civil,

— Confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré la Fondation du Judaïsme Français et la Fondation pour le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme recevables et bien fondées en leurs demandes,

— Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la Fondation du Judaïsme Français et la Fondation pour le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme de leurs demandes tendant à :

— déclarer Mme E coupable de recel successoral,

— déclarer « la Fondation AT BA A et B G » propriétaire de

biens dépendant de la succession de MPaul G,

— déclarer la Fondation pour le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme propriétaire de biens dépendant de la succession de MPaul G,

— ordonner à Mme E la remise de biens dépendant de la succession de AB AC

G,

— ordonner le partage des biens dépendant de la succession de MPaul G,

— Infirmer le jugement en ce qu’il a autorisé Maître Q-AS, notaire séquestre, à restituer à M. G les lingots et pièces d’or déposés par lui le 6 mars 2015,

Statuant à nouveau :

— Dire et juger que Mme E a commis des actes de recel successoral, tant en ce qui

concerne les 'uvres d’art et meubles meublants visés dans l’acte d’inventaire supplémentaire en date des 13 et 16 mars 2015, qu’en ce qui concerne les 24 lingots d’or et 449 pièces d’or actuellement sous la garde de Me Q-AS,

— Dire et juger que Mme E ne peut prétendre à aucune part ni aucun droit sur les

biens meubles corporels et valeurs objets de ce recel,

— Dire et juger que les 'uvres d’art et meubles meublants susmentionnés reviennent en pleine propriété à la « Fondation AT BA A et B G », sous l’égide de la Fondation du Judaïsme Français, et à la Fondation pour le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, selon les distinctions ci-après :

* à la « Fondation AT BA A et B G » :

— AY AZ, fusain sur papier, 47,5 x 29,5 cm

— Hans Hartung, pastel et fusain sur papier, 37,5 x 27 cm

— AD AE, technique mixte sur papier, 39 x 24 cm

— Gao Xingjian, encre sur papier, 59,5 x 46,5 cm

— Fabienne Verdier, acrylique et encre sur toile, […]

— A AF, mine de plomb sur papier, 11,5 x 9,5 cm

— AG AH, mine de plomb sur papier, 11 x 14 cm

— AI AJ, huile sur toile, […]

— AB AK, acrylique sur papier, 21 x 15,5 cm

— AL AM, gouache sur papier, 21,5 x 9 cm

— C AN, encre sur papier, 14 x 11,5 cm

— MLouis BD, pastel et mine de plomb sur papier, 30 x 21,5 cm

— Hans Hartung, aquatinte en couleur sur papier, 25 x 68 cm

— AG AO, eau forte sur papier, 54 x 37 cm

— Fabienne Verdier, acrylique et encre sur toile, […]

— Fabienne Verdier, pigment et encre sur toile, […]

— Fabienne Verdier, pigment et encre sur toile, […]

— Fabienne Verdier, acrylique et encre sur toile, […]

— Zao Wou-Ki, lithographie en couleurs sur papier, 40 x 51 cm

— AD AE, lithographie en couleurs sur papier, 65 x 53 cm

— commode en bois de placage à décor de marqueterie, ouvrant à tiroirs, sur pieds gaines fuselés, dessus de marbre gris

— guéridon en bois, piétement tripode

— bureau plat en acajou, ouvrant à un tiroir en ceinture, pieds cannelés, style BC XVI

— bureau plat de dame en bois verni, un tiroir, pieds fuselés, style BC XVI

— malle en métal noir usagé

* à la Fondation pour le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme :

— AP AQ, huile sur toile, […]

— Joan Mitchell, huile sur toile, […]

— Wang Yan Cheng, huile sur toile, […]

— Zao Wou-Ki, huile sur toile, […]

— Ordonner à Mme E de remettre les dits biens aux concluantes dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard,

Subsidiairement, Ordonner le partage des biens susmentionnés dans les termes du

testament du 9 juin 2009,

— Dire et juger que les 24 lingots d’or et 449 pièces d’or actuellement séquestrés entre les mains de Me Q-AS reviennent en pleine propriété à la « Fondation AT BA A et B G », sous l’égide de la Fondation du Judaïsme Français,

— Autoriser Me Q-AS à remettre les valeurs susmentionnées à la « Fondation

AT BA A et B G », sous l’égide de la Fondation du Judaïsme

Français,

Subsidiairement, Ordonner le partage des lingots d’or et pièces d’or susmentionnés dans

les termes du testament du 9 juin 2009,

Sur les demandes de M. X G et Mme D G :

— Infirmer le jugement en ce qu’il a autorisé Maître Q-AS, notaire séquestre, à restituer à M. G les lingots et pièces d’or déposés par lui le 6 mars 2015,

— Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. G et Mme G de leurs autres demandes, fins et conclusions,

Sur les appels en garantie :

— Condamner in solidum Me I et Me Q-AS à relever et garantir la Fondation du Judaïsme Français de toute condamnation pécuniaire qui pourrait être mise à sa charge, en conséquence d’une éventuelle annulation de la constitution de la « Fondation AT BA A et B G »,

En tout état de cause :

— Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la Fondation du Judaïsme Français et la Fondation pour le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme à verser une indemnité de 3.000 € à Me I, au titre des frais irrépétibles, et en ce qu’il les a condamnées aux dépens,

— Condamner in solidum Mme E, M. G et Mme G à verser à la Fondation du

Judaïsme Français et à la Fondation pour le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme une indemnité de 30.000 € à chacune d’entre elles en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamner in solidum Mme E, M. G et Mme G aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP AFG, Avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Aux termes de ses conclusions signifiées le 12 février 2021, Mme N E demande à la cour de :

Sur les demandes de Mme N E :

Vu l’article 18-2 de la loi n°87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat,

Vu l’article 887 du Code Civil,

Confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du legs institué dans les termes suivants : « le reste ira à la création d’une fondation « BA A et B G », ainsi qu’en ce qu’il a prononcé la nullité de l’acte de partage du 18 février 2015,

Recevoir Mme E en son appel incident,

Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme E de ses demandes tendant à :

— déclarer Mme E propriétaire de la totalité des « tableaux contenus dans la succession de feu MPaul G »,

— ordonner la réintégration dans la succession des lingots et pièces d’or remis par X (G) le 6 mars 2015 à Maître Q-AS,

Statuant à nouveau :

Déclarer que Madame N E est propriétaire, par don manuel, de la totalité des tableaux et 'uvres d’art que lui avait données feu MPaul G,

Autoriser la restitution à son bénéfice de la totalité des tableaux et 'uvres d’art que lui avait donnés feu MPaul G par don manuel,

Ordonner à la FJF et à la Fondation Mahj la remise des biens en leur possession, revenant à la succession de MPaul G,

Sur les demandes de la Fondation du Judaïsme français et de la Fondation MAHJ

Vu l’article 778 du code civil, ensemble les articles 724-1 et 1010 du même code,

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la Fondation du Judaïsme Français et la Fondation pour le MAHJ de leurs demandes tendant à :

— déclarer Mme E coupable de recel successoral,

— déclarer « la Fondation AT BA A et B G » propriétaire de biens revenant à la succession de MPaul G,

— déclarer la Fondation pour le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme propriétaire de biens revenant à la succession de MPaul G,

— ordonner à Mme E la remise de biens revenant à la succession de AB AC G,

Et, statuant à nouveau

Débouter la Fondation du Judaïsme Français et la Fondation pour le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme (PRO MAHJ) de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Sur les demandes de M. X G et Mme D G :

Infirmer le jugement en ce qu’il a autorisé Maître Q-AS, notaire séquestre, à restituer à M. X G les lingots et pièces d’or déposés par lui le 6 mars 2015,

Statuant à nouveau :

Ordonner que les lingots et pièces d’or actuellement séquestrés entre les mains de Me Q-AS soient réintégrés à la succession

En tout état de cause :

Débouter Maître P Q AS et Maître S I de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de Mme E,

Condamner in solidum la Fondation du Judaïsme Français et la Fondation pour le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme à verser à Mme E une indemnité de 30.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner in solidum la Fondation du Judaïsme Français et la Fondation pour le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Lexavoue, Avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamner Maître Q AS à verser à Mme J la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner Maître S I à verser à Mme E la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article l’article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile .

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 27 mai 2019, M. X G et Mme D G demandent à la cour de :

Dire et juger D G et X G recevables et fondées en leurs demandes

d’intimés et d’appelants incidents.

CONFIRMER le jugement du 09 octobre 2018, en ce qu’il a :

1) Déclaré recevables et avoir intérêt à agir les consorts G pour se prévaloir de la nullité de l’acte de création du 02 avril 2014 pour inexistence d’une des parties et pour non respect de volontés du défunt MPaul G ;

2) Déclaré recevable et avoir intérêt à agir X G pour l’obtention de la restitution des lingots et pièces d’or ;

3) Prononcé la nullité de l’acte du 02 avril 2014 intitulé « Convention de la Fondation AT BA A et B G » en tant que Convention ;

4) Constaté qu’il s’agit d’un acte unilatéral de la Fondation du Judaïsme Français ;

5) Constaté le défaut de personnalité de la « Fondation AT BA A et B G » ;

6) Prononcé la nullité de l’acte de partage du 18 février 2015 ;

7) Débouté la Fondation du Judaïsme Français et la Fondation pour le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme de leur demande tendant à :

Déclarer Madame E coupables de recel ;

Déclarer la Fondation AT BA A et B G propriétaire des biens dépendant de la succession de MPaul G ;

Déclarer la Fondation pour le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme propriétaire des biens

dépendant de la succession de MPaul G ;

Ordonner à Madame E la remise de biens dépendant de la succession de AB-

AC G ;

Ordonner le partage des biens dépendant de la succession de MPaul G ;

Condamner in solidum Madame E et les consorts G à leur verser chacun une somme de 25 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

8) Autorisé Maître Q-AS, Notaire séquestre, à restituer à X G les lingots et pièces d’or déposés par lui le 6 mars 2015 ;

9) Débouté Maître Q-AS de sa demande tendant à condamner in Solidum Madame E et les consorts G à lui verser une somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

INFIRMER le jugement du 09 octobre 2018, en ce qu’il a :

1) Déclaré irrecevables les demandes des consorts G tendant à :

Prononcer la nullité de l’acte du 2 avril 2014 intitulé « Convention de la Fondation

AT BA A et B G » pour défaut de signature ;

Prononcer la résolution de l’acte du 2 avril 2014 intitulé « Convention de la Fondation

AT BA A et B G » ;

2) Prononcé la nullité du legs institué dans les termes suivants « le reste ira à la création

d’une fondation BA A et B en mémoire de mon père A est de ma mère B et de mon frère C et de ma mère » ;

3) Débouté les consorts G de leur demande de condamnation de la Fondation du Judaïsme Français à payer les frais d’annulation ;

4) Débouté les consorts G de leur demande de condamnation de la Fondation du Judaïsme Français à leur verser la somme de 18 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

STATUANT A NOUVEAU,

* A titre principal

1) Dire et juger les consorts G recevables en leurs demandes de nullité de l’acte de création du 02 avril 2014 pour défaut de signature ;

2) Dire et juger que les consorts G justifient d’une qualité et d’un intérêt légitime à agir pour demander la résolution judiciaire de l’acte de création du 02 avril 2014, qualifié d’acte unilatéral de la Fondation du Judaïsme Français, après la nullité de l’acte de création du 02 avril 2014 intitulé « Convention de la Fondation AT BA A et B G », en raison de :

L’application du testament du 09 juin 2009 ;

La déformation délibérée de l’acte de création par la Fondation du Judaisme français, en ce

qu’elle a notamment ajouté aux personnes prévues par le défunt comme dirigeants de la Fondation voulus par ce dernier un représentant de la Fondation du Judaïsme Français;

3) Constater que le testament du 09 juin 2009 n’a pas fait l’objet d’interprétation de façon

extra-judiciaire avant l’acte unilatéral de création de la Fondation AT A et B G du 02 avril 2014 ;

4) Dire et juger que la Fondation du Judaïsme Français n’est pas légataire à quelque titre que ce soit, en ce qu’elle n’a pas été désignée par ledit testament ;

En tirer toutes conséquences de droit ;

5) Dire et juger recevables et fondés les consorts G à demander la nullité de fond de l’acte unilatéral de création, au visa de l’article 1108 du Code Civil, relatif à la mise en 'uvre de son objet ;

6) Dire et juger que :

Le legs au profit de la Fondation AT BA A et B G, […], sous

égide de la Fondation du Judaïsme Français, est nul ;

En application du testament du 09 juin 2009, le principe du legs à une Fondation autonome

demeure ;

Du fait de l’annulation du legs à la […] et en application du testament du 09

juin 2009, le délai d’un an en vue de la création d’une Fondation autonome ne commencera

à courir qu’à compter du caractère définitif de la décision à intervenir ;

7) Dire, juger et déclarer, en complément du dispositif du Jugement dont appel, Monsieur

X G seul propriétaire des lingots et pièces d’or, notamment en application de l’article 2276 du Code Civil et ordonner à Maître Q-AS, Notaire séquestre, de les restituer sans délai dès signification de la décision à intervenir à Monsieur X G.

8) Dire et juger que, par effet de contagion de la nullité de convention de la Fondation AT BA A et B G du 02 avril 2014,

Tous les actes subséquents sont nuls et de nul effet, en ce y compris tant l’acte de notoriété

du 10 avril 2014 que l’acte de partage du 18 février 2015 ;

* A titre subsidiaire :

Prononcer la Résolution Judiciaire de l’acte de création de la Fondation AT B et A G, sous l’égide de la Fondation du Judaïsme Français, censée être datée du 02

avril 2014 ;

Dire et juger que, par effet de contagion, tous les actes subséquents sont nuls et de nul effet, en ce y compris tant l’acte de notoriété du 10 avril 2014 que l’acte de partage du 18 février 2015 ;

* En toute hypothèse:

' Dire et juger que les lingots et pièces d’or remis à Maître Q-AS par Monsieur X G le 06 mars 2015 ne font pas partie de la succession de feu MPaul G, qu’ils n’ont jamais été visés dans le testament du 09 juin 2009 et en ordonner au Notaire séquestre, sans délai et dès la signification de la décision à intervenir, la restitution à Monsieur X G qui en a été destinataire par don manuel émanant de MPaul G, de son vivant et en sa présence ;

' Déclarer nuls et/ou annuler l’ensemble des actes d’administration et de disposition

accomplis par la Fondation du Judaïsme français, à sa demande et/ou pour le compte de La Fondation AT « BA A et B G », sur tous les biens (immobiliers et mobiliers) et droits composant la dotation de la Fondation « BA A et B G », depuis sa création censée être datée du 02 avril 2014, ou tout autre bien dépendant de la succession ;

' Faire supporter à la Fondation du Judaïsme Français l’ensemble des coûts et frais de toutes natures générés par ces annulations ;

' Donner acte à Mme D G et M. X G qu’ils se réservent le droit de demander

réparation sur tous préjudices directement liés à la non observation du testament du 09 juin 2009 et codicille, ainsi que de tous les actes de gestion, d’administration et de disposition opérés par la Fondation du Judaïsme Français, une fois qu’ils auront pu effectivement être destinataires de l’inventaire précis et officiel desdits actes ;

' Condamner la Fondation Judaïsme français à Payer à Mme D G et M. X G la somme de 30 000 € TTC (25 000 € H.T) en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure civile ;

' Condamner la Fondation du Judaïsme Français aux entiers dépens ;

Aux termes de ses conclusions signifiées le 29 mai 2019, Maître I, notaire, demande à la cour de :

Confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 9 octobre 2018

en ce qu’il a rejeté les demandes formulées à l’encontre de Maître I par l’Association

Fondation du judaïsme français, et par l’Association la fondation pour le musée d’art et d’histoire du judaïsme, et a condamné l’Association fondation du judaïsme français à payer à Maître I la somme de 3.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Débouter l’Association fondation du judaïsme français, et l’Association la fondation pour le musée d’art et d’histoire du judaïsme de toutes leurs demandes formulées à l’encontre de Maître I.

Mettre hors de cause Maître I,

Y ajoutant,

Condamner l’Association fondation du judaïsme français, et l’Association la fondation pour le musée d’art et d’histoire du judaïsme, ou tout succombant à lui payer une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Les condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 3 juin 2019, Maître Q-AS, notaire, demande à la cour de :

Infirmant le jugement entrepris,

— Confirmer la dévolution successorale fixée à l’acte de notoriété après décès dressé le 10 avril 2014 par la concluante ;

— Dire valide l’acte de partage du 18 février 2015.

— Déclarer en conséquence sans objet la demande infiniment subsidiaire de la Fondation du Judaïsme Français contre la concluante.

Subsidiairement, confirmant le jugement entrepris,

— Rejeter la même demande quand bien même ces actes seraient démenti ou annulé par la Cour.

En tous les cas,

— Condamner in solidum Mme N J, M. X G et Mme D G à payer à la concluante la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

— Condamner in solidum Mme N J, M. X G et Mme D G

aux entiers dépens, de première instance et d’appel, et dire que Me AA, avocat,

pourra, en application de l’article 699 du code de procédure civile, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont il déclarera avoir fait l’avance sans avoir reçu provision.

Mme AU T U et Mme Z-V F n’ont pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l’article 455 du code

de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 16 février 2021.

SUR CE, LA COUR :

Sur la nullité du legs institué dans les termes suivants : « le reste ira à la création d’une fondation BA A et B G »

Selon les appelantes, la fondation dénommée « Fondation AT BA A et B G » a valablement été constituée sous l’égide de la Fondation du Judaïsme Français, et a donc pu valablementrecueillir le legs universel institué en sa faveur par MPaul G.

Elle soutiennent que la « Fondation AT BA A et B G '' ne dispose pas de la personnalité juridique,mais est une fondation abritée au sens de l’article 20 de la loi n° 87-571, c’est-à-dire une entité administrative au Sein de la FJF ; que la constitution de la Fondation G, fondation abritée sous l’égide de la FJF, ne souffre d’aucune irrégularité dès lors qu’elle ne relève pas des dispositions de l’article 18-2 de la loi de 1987, applicables aux seules fondations dotées de la personnalité morale, mais de son article 20, concernant les fondations sous égide, qui dispose que « peut également être dénommée fondation l’affectation irrévocable, en vue de la réalisation d’une 'uvre d’intérêt général et à but non lucratif, de biens, droits ou ressources à une fondation reconnue d’utilité publique dont les statuts ont été approuvés à ce titre, dès lors que ces biens, droits ou ressources sont gérés directement par la fondation affectataire, et sans que soit créée à cette fin une personne morale distincte » ; que l’article 20 de la loi du 23 juillet 1987 n’impose en aucune façon au testateur de désigner la fondation reconnue d’utilité publique qui sera chargée d’abriter la fondation instituée par son legs ; que le choix de la structure ne constituait pas une interprétation du testament qui n’avait rien prévu, mais davantage une question relevant de son exécution, qui incombait aux personnes désignées pour contrôler et assurer le fonctionnement de la fondation, à savoir Mme E et les consorts G ; que la constitution d’une fondation autonome dotée de la personnalité morale et bénéficiant de la reconnaissance d’utilité publique était exclue, le formalisme inhérent à la constitution d’une telle fondation comme son fonctionnement particulièrement lourd la réservant à de grandes causes nationales nécessitant des capitaux très importants, largement supérieurs au patrimoine en l’occurrence affecté par MPaul G à la fondation appelée de ses v’ux ; qu’il était donc tout à fait possible, en droit, de considérer que le testament entendait créer une fondation abritée, au sens de l’article 20 susvisé, le choix de la fondation autonome chargée d’abriter cette fondation à créer n’étant qu’un acte d’exécution du legs et non une condition de sa validité.

Mme E et les consorts G, se prévalant des dispositions d’ordre public de l’article 18-2 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 (sur le développement du mécénat), soutiennent que la FJF se

serait appropriée la succession de MPaul G en violation de ses dispositions testamentaires et du texte susvisé, aux motifs que le testament olographe du 9 juin 2009 ne désignant personne pour constituer la fondation « BA A et B G », il aurait dû être demandé au Préfet de Paris de désigner une fondation reconnue d’utilité publique afin de procéder aux formalités de constitution et de reconnaissance d’utilité publique de la fondation à créer.

Un legs universel adressé à une fondation à constituer post mortem, peut se réaliser de deux manières.

Soit la fondation à constituer est une fondation autonome, dotée de la personnalité morale. Telle est l’hypothèse visée par l’article 18-2 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987, suivant lequel un legs peut être fait au profit d’une fondation qui n’existe pas au jour de l’ouverture de la succession sous la double condition que la fondation obtienne la reconnaissance d’utilité publique qui lui conférera la personnalité morale (rétroactivement à compter du décès), et que cette reconnaissance soit demandée dans l’année du décès. Le texte précise que si la reconnaissance d’utilité publique n’est pas demandée dans ce délai, le legs est nul.

Le testateur désigne dans son testament la personne chargée de constituer la fondation et d’en demander la reconnaissance. A défaut, ces formalités seront effectuées par une fondation reconnue d’utilité publique désignée par le préfet du lieu d’ouverture de la succession.

Soit la fondation à constituer est une fondation abritée, c’est-à-dire une fondation à créer sous l’égide d’une autre fondation habilitée à l’accueillir. Elle jouit alors d’une autonomie administrative et financière, mais elle n’a pas de personnalité morale propre. Aussi les dispositions précitées de la loi du 23 juillet 1987 n’ont-elles pas lieu de s’appliquer.

Dans cette seconde hypothèse, le fondateur adresse à une personne morale publique ou privée une libéralité à charge pour cette personne morale d’affecter cette libéralité à l''uvre envisagée par le fondateur.

En l’espèce, le testament, dont il est rappelé qu’il est olographe, désigne le légataire comme suit : « le reste ira à la création d’une fondation « BA A et B G » ».

Le notaire a invité les parties, non pas à déposer un dossier de reconnaissance d’utilité publique de la fondation à créer, reconnaissance emportant création d’une fondation disposant de la personnalité morale, mais à s’adresser à la Fondation de France pour créer la fondation souhaitée par le testateur sous son égide et les formalités ne ce sens ont été entreprises.

Les consorts G et Mme N E ont ensuite préféré approcher la Fondation du Judaïsme Français, non mentionnée dans le testament à quelque titre que ce soit, pour signer une convention de création en son sein d’une fondation dénuée de personnalité juridique, constituée d’un simple compte affecté.

Le testament ne désigne pas non plus la personne chargée de constituer la fondation dénommée « Fondation AT BA A et B G ».

Le tribunal, relevant que le testament ne fait aucune référence à la FJF de sorte qu’il ne la désigne aucunement fut-ce en qualité de fondation « abritante », a interprété l’acte en considérant qu’il visait à la création d’une fondation autonome avec effet rétroactif au jour du décès, comme le permet l’article 18-2 de la loi n° 87- 571.

En effet, la possibilité énoncée par l’article 20 de la loi de créer une fondation sous égide suppose que la fondation abritante pressentie soit citée dans le testament, et à défaut, le legs est fait à une personne incertaine, en violation des dispositions de l’article 906 du code civil qui traduit le principe

fondamental suivant lequel il ne peut exister de droits sans sujets de droit.

Il appartient toujours aux tribunaux d’interpréter les testaments et d’en dégager le sens et la portée véritable et en l’espèce, le testateur a manifesté sa volonté de gratifier la fondation dénommée « Fondation AT BA A et B G » et imposer à sa succession la charge de la créer, ce qui en l’absence de référence à une fondation abritante ,ne se concevait que de manière autonome.

Comme indiqué ci-dessus, l’article 18-2 d de la loi n° 87- 571 prévoit expressément que la création d’une fondation post mortem ne peut être effectuée par legs, que sous la condition que ladite fondation acquière la personnalité morale, que ce soit ,après les formalités de constitution, par décret de reconnaissance d’utilité publique, nécessaire en France, ou par tout autre acte à l’étranger.

Il prévoit également qu’à défaut de désignation par le testateur des personnes chargées de constituer la fondation et d’en demander la reconnaissance d’utilité publique, il est procédé à ces formalités par une fondation reconnue d’utilité publique désignée par le représentant de l’Etat dans la région du lieu d’ouverture de la succession.

En l’espèce, aucune des dispositions de l’article 18-2 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 n’a été respectée puisqu’à défaut pour M. MPaul G d’avoir désigné dans son testament la personne chargée de constituer la fondation et d’en demander la reconnaissance, les formalités de création devaient être effectuées par une fondation reconnue d’utilité publique désignée par le préfet du lieu d’ouverture de la succession et non par les consorts G et Mme N E, et puisqu’il n’a pas été déposé de demande de reconnaissance d’utilité publique auprès de l’autorité administrative compétente dans l’année suivant l’ouverture de la successions ».

Le jugement sera donc confirmé en ce qui a dit que le légataire était inexistant et que le legs devait être déclaré nul.

Sur la nullité de l’acte de partage

L’article 887 du code civil dispose que le partage peut être annulé en cas d’erreur sur l’existence des droits des copartageants.

Dès lors qu’il est fondé sur un legs nul, l’acte de partage du 18 février 2015 doit être annulé et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l’annulation des autres actes

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a estimé que l’acte de notoriété du 10 avril 2014 n’était que la réception par le notaire des déclarations des requérants quant à la dévolution de la succession et que ne modifiant pas l’ordre juridique ce n’était pas un acte juridique susceptible d’annulation pour erreur.

L’ordonnance d’envoi en possession du 3 octobre 2014 a été rétractée par la juridiction compétente le 30 mars 2016.

Sur le recel successoral

La FJF reproche à Mme E d’avoir dissimulé des tableaux et à M. G d’avoir soustrait de la succession des pièces et lingots d’or.

Le jugement s’est interrogé sur l’intérêt à agir de la FJF qui n’est pas légataire du défunt par suite de la nullité du legs.

Force est de constater que cette question étant dans le débat, la FJF ne se prononce aucunement sur ce point dans ses écritures alors que le recel successoral ne concerne pas celui qui ne participe pas aux opérations de partage.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté ses demandes à ce titre.

Sur les appels incidents

sur la propriété revendiquée par Mme E de la totalité des « tableaux contenus dans la succession de feu MPaul G »

Mme E se prévaut d’une lettre que lui a adressée MPaul G le 26 juillet 2009, de son vivant, dans laquelle il dit notamment « Je te laisse l’ensemble de mes toiles. Si tu étais dans le besoin, vends-les pour te sauver.»

Devant le tribunal, elle a fait valoir qu’il s’agissait d’un testament, et subsidiairement , que si ce testament devait être jugé irrégulier, elle avait bénéficié d’un don manuel.

Les premiers juges, après avoir relevé que le testament du 26 juillet 2009 était nul faute d’être manuscrit comme l’impose l’article 970 du code civil, ont estimé qu’en se prévalant à titre principal d’un testament, Mme E admettait implicitement mais nécessairement qu’elle n’était pas propriétaire des biens revendiqués du vivant du défunt et donc qu’il n’y avait pas eu de don manuel à son bénéfice, de sorte qu’elle ne pouvait soutenir à titre subsidiaire l’existence d’un don manuel.

Devant la cour, Mme E soutient que sa demande au titre du don manuel revêtait un caractère subsidiaire, ce qui exclut toute contradiction avec le principal.

Si sur la même demande, il existe bien en l’espèce une contradiction entre les moyens de droit invoqués, il est permis aux parties à l’instance de développer des raisonnements juridiques alternatifs et d’articuler des règles de droit contradictoires ou exclusives l’une de l’autre dès lors qu’elles établissent entre elles un lien de principal à subsidiaire et dès lors que les positions contraires ne sont pas adoptées au cours de l’instance dans des conditions qui induisent en erreur l’adversaire sur les intentions du demandeur.

La lettre du 26 juillet 2009 a été authentifiée par l’expert judiciaire près la Cour d’Appel de Paris, qui certifie que « la signature qui apparaît sur le document de question date du 26 juillet 2009 provient bien de la main de Monsieur MPaul G ».

Elle a le caractère d’une reconnaissance de l’existence du don manuel portant sur « l’ensemble de mes toiles », soit sur la propriété des tableaux de M. MPaul G et sur la part de M. MPaul G dans la propriété indivise des tableaux acquis conjointement par lui et Mme E au cours de leur vie commune.

Les tableaux sont restés dans le domicile du donateur qui était aussi celui de la donataire.

Mme E étant possesseur des biens litigieux par ce don manuel, bénéficie d’une présomption de propriété.

Il y a donc lieu de l’en déclarer propriétaire et d’en autoriser la restitution à son bénéfice.

sur la réintégration dans la succession des lingots et pièces d’or

Il n’est pas contesté que M. X G était en possession des lingots et pièces d’or revendiqué par

Mme E et la Fondation et qu’il les a volontairement remis le 6 mars 2015 à Maître Q-AS.

C’est par une juste appréciation des faits de la cause que le tribunal a retenu, d’une part que la fondation n’avait aucun droit dans la succession et que les lingots et pièces d’or n’étaient pas inclus dans le legs consenti à Mme E, d’autre part que, possesseur de ces biens, M. X G en était présumé propriétaire en application des dispositions de l’article 2276 du code civil.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a autorisé la restitution des lingots et pièces d’or à son bénéfice.

sur la validité de la création de la fondation G

Désignés au testament comme devant diriger la fondation G, les consorts G ont qualité à agir pour contester la validité de l’acte de création.

Ils ont intérêt à agir pour décès de l’une des parties contractantes antérieurement à l’acte puisqu’il s’agit d’une nullité générale et donc absolue.

C’est à juste titre que le tribunal a relevé que l’acte de création se présentait comme une convention conclue entre la Fondation et MPaul G alors que ce dernier n’existait plus au jour de formation de l’acte et n’avait donc pu y consentir, de sorte qu’exprimant la seule volonté de la FJF, l’acte de création était en réalité un acte unilatéral.

Les consorts G ont intérêt à agir pour demander la nullité de cet acte unilatéral pour non respect de la volonté du défunt par la Fondation.

Le tribunal a estimé que le non respect des volontés testamentaires du défunt ne se rattache ni au consentement ou à la capacité de la partie qui s’oblige, ni à la licéité de son objet ou de sa cause ; que l’acte litigieux était donc conforme à l’article 1108 du code civil dans sa rédaction en vigueur au jour de son adoption et qu’il n’y avait donc pas lieu de l’annuler pour défaut de respect des volontés du défunt.

Les consorts G font valoir que c’est en application du testament du 9 juin 2009 que la convention et/ou l’acte unilatéral était censé être créé et qu’à partir du moment où la convention querellée, à l’exclusive initiative de la FJF quant à sa mise en 'uvre et son contenu, est considérée comme nulle du fait de l’expression de la seule volonté de la FJF, il n’est pas concevable que l’acte de création de la Fondation soit, sur le fond, tout de même qualifié comme valable.

Les appelantes répondent que la volonté du défunt a été respectée parce que la FJF est soumise à un contrôle des pouvoirs publics qui est en soi une garantie suffisante du respect de la volonté du testateur dans l’administration de la Fondation G.

Le débat sur la volonté du défunt est en réalité vain dès lors que la création de la Fondation

« BA A et B G » résultait du legs contenu au testament du 9 juin 2009 et que ce legs étant nul et inefficace, la création de la Fondation « BA A et B G » suit le même sort.

En tout état de cause, cette fondation ainsi créée se trouve dépourvue d’objet puisque les biens qui faisaient l’objet du legs demeurent dans la succession et sont dévolus selon les règles légales, le disposant n’ayant pas désigné un second légataire appelé à recueillir le legs à défaut du premier. sur les conséquences de l’annulation du legs et de la nullité de la création

Il n’y a pas lieu pour la cour de statuer sur les demandes tendant à voir prononcer la nullité des actes d’administration et de disposition accomplis par la Fondation du Judaïsme français sur tous les biens (immobiliers et mobiliers) et droits composant la dotation de la fondation « BA A et B G » depuis sa création censée être datée du 02 avril 2014 et à faire supporter le coût à la Fondation du Judaïsme Français et notamment les frais de toutes natures générés par ces annulations.

Ces conséquences découlent en effet de l’exécution de la présente décision.

Il n’ a pas lieu non plus pour la cour s’agissant des conséquences de sa décision qui relèvent de son exécution, de dire et juger que du fait de l’annulation du legs à la […] et en application du testament du 09 juin 2009, le délai d’un an en vue de la création d’une Fondation autonome ne commencera à courir qu’à compter du caractère définitif de la décision à intervenir.

Sur les appels en garantie

La FJF demande la condamnation in solidum de Me I et Me Q-AS à la relever et garantir de toute condamnation pécuniaire qui pourrait être mise à sa charge, en conséquence d’une éventuelle annulation de la constitution de la « Fondation AT BA A et B G » dès lors que, tenus d’assurer l’efficacité juridique de leurs actes, leur responsabilité civile professionnelle se trouverait alors engagée.

Maître I souligne qu’il n’est pas rédacteur des actes invoqués, qu’aucune faute n’est AT à son encontre et que la conséquence d’une annulation ne constitue pas un préjudice donnant lieu à réparation ou garantie par le notaire.

Maître Q-AS conclut à l’absence de faute de sa part dans la mesure où de manière parfaitement régulière « la Fondation AT « BA A et B G », créée sous l’égide de la Fondation du Judaïsme Français » a été considérée par toutes les parties comme le successeur universel du défunt, ce qu’a consigné l’acte de notoriété qu’elle a reçu et où en la même qualité et avec l’assentiment exprès et éclairé de Mme E et des Consorts G la Fondation du Judaïsme Français a participé à l’acte de liquidation et de partage de la succession qu’elle a dressé le 18 février 2015.

Le tribunal a omis dans son dispositif de statuer sur ce point.

La responsabilité civile professionnelle du notaire ne peut être engagée que sur le fondement de l’article 1240 du Code Civil (anciennement article 1382 du Code Civil) et le demandeur à l’action en responsabilité a la charge exclusive, en application de l’article 9 du code de procédure civile, de la preuve des trois éléments cumulatifs, à savoir une faute personnellement imputable au notaire, un préjudice actuel et certain, et un lien de causalité direct.

Force est de constater que la FJF ne caractérise aucun de ces trois éléments, qu’elle emploie même dans ses écritures le conditionnel dans la formule « leur responsabilité civile professionnelle se trouverait alors engagée » et qu’elle demande une condamnation in solidum des deux notaires sans individualiser une faute de l’un ou de l’autre.

Par suite, elle sera déboutée de son appel en garantie.

Sur les demandes accessoires

Au vu des circonstances de l’espèce, il apparaît équitable de condamner l’Association fondation du

judaïsme français, et l’Association la fondation pour le musée d’art et d’histoire du judaïsme à payer à Maître I une indemnité de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de laisser à chacune des autres parties la charge de ses frais irrépétibles.

L’Association fondation du judaïsme français et l’Association la fondation pour le musée d’art et d’histoire du judaïsme seront condamnées aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement en ce qu’il a débouté Mme E de sa demande portant sur la totalité des tableaux contenus dans la succession de feu MPaul G,

Y substituant,

Déclare Mme N E propriétaire de la totalité des tableaux et 'uvres d’art que lui avait donnés feu MPaul G par don manuel et en autorise la restitution à son bénéfice.

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Constate que la Fondation « BA A et B G » a été crée par acte unilatéral de l’Association fondation du judaïsme français en exécution d’un legs nul ;

Déboute l’Association fondation du judaïsme français de son appel en garantie contre Maître I et Maître Q-AS ;

Condamne l’Association fondation du judaïsme français et l’Association la fondation pour le musée d’art et d’histoire du judaïsme à payer à Maître I une indemnité de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne l’Association fondation du judaïsme français et l’Association la fondation pour le musée d’art et d’histoire du judaïsme aux dépens de l’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile pour les avocats qui en ont fait la demande.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 14 avril 2021, n° 18/27392