Infirmation partielle 8 décembre 2021
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Sur la décision
| Référence : | CA Paris, pôle 6 - ch. 10, 8 déc. 2021, n° 19/06787 |
|---|---|
| Juridiction : | Cour d'appel de Paris |
| Numéro(s) : | 19/06787 |
| Décision précédente : | Conseil de prud'hommes de Paris, 7 novembre 2018, N° 17/08838 |
| Dispositif : | Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée |
Sur les parties
| Président : | Gwenaelle LEDOIGT, président |
|---|---|
| Avocat(s) : | |
| Parties : |
Texte intégral
Copies exécutoires
REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le
: AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 10
ARRET DU 08 DECEMBRE 2021
(n° , 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/06787 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CADZF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Novembre 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 17/08838
APPELANT
Monsieur A X
[…]
[…]
Représenté par Me Sophie HUMBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0950
INTIMEE
SAS PONTICELLI FRERES Prise en la personne de son Président
[…]
[…]
Représentée par Me Violaine CHAUSSINAND NOGARET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0009
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Octobre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Gwenaelle LEDOIGT, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre
Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre
Madame Véronique BOST, Vice Présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 24 août 2021
Greffier, lors des débats : Mme Sonia BERKANE
ARRET :
— contradictoire
— mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, présent lors du prononcé.
EXPOSE DU LITIGE :
M. A X a été engagé par la société par actions simplifiée (SAS) Ponticelli Frères, suivant contrat à durée indéterminée en date du 21 mai 2012, en qualité d’ingénieur travaux.
La SAS Ponticelli Frères a pour activité la tuyauterie industrielle, la chaudronnerie et la maintenance industrielle.
Après avoir travaillé sur le chantier de Beynes (78) en France, M. A X a été affecté en qualité d’ingénieur travaux sur le site de traitement de pétrole et de gaz d’Obagi au Nigéria, d’avril 2013 à décembre 2015, la société Ponticelli Frères s’étant vue confier par Total, la construction de structures en vue du développement de la capacité de production du site. Cette affectation a été précédée de la signature de « conditions générales d’expatriation » et d’un avenant intitulé « conditions particulières ». L’avenant « conditions particulières » prévoyait un salaire de 2 900 euros bruts pour 182 heures mensuelles, le rythme de travail étant organisé en rotation 6/2 (6 semaines de travail, 2 semaines dites de détente).
A son retour en France, le salarié a refusé d’être affecté sur le site de Flamanville et il a demandé à bénéficier d’un congé pour création d’entreprise, le 26 février 2016, mais il lui a ensuite été proposé de réintégrer les effectifs de la SAS Ponticelli Frères qui l’a nommé sur une nouvelle mission au Nigéria du 30 mai 2016 au 11 février 2017, sur un site situé à Port Harcourt. Cette affectation a, également, été précédée de la signature de « conditions générales d’expatriation » et d’un avenant « conditions particulières », qui prévoyait un salaire brut mensuel de 3 012 euros pour 182 heures mensuelles, le rythme de travail étant toujours organisé en rotation 6/2. Lors de son retour en France, le salarié a été affecté au service Contrôle de projet de l’agence Division Construction.
Dans le dernier état de la relation contractuelle régie par la convention collective des cadres du bâtiment, le salarié percevait une rémunération mensuelle brute de 3 313 euros.
Le 24 février 2017, M. A X, par l’intermédiaire de son conseil a sollicité le paiement des heures de travail réalisées au-delà de 182 heures par mois lors de ses missions d’expatriation ainsi que des heures travaillées durant les périodes de détente et jours fériées et des indemnités de grand déplacement non réglées.
La société Ponticelli Frères lui a répondu que le « complément d’expatriation » avait pour objet de « compenser » les horaires pratiqués sur les sites nigérians et qu’en ce qui concernait les indemnités de grand déplacement, elles ne pouvaient être revendiquées en cas d’affectation en région parisienne.
Le 18 avril 2017, le salarié a été placé en arrêt de travail, renouvelé jusqu’au 17 juillet 2017.
Au jour prévu pour sa reprise, M. A X ne s’est pas présenté à son poste de travail et par courrier du 28 juillet 2017, l’employeur l’a mis en demeure de justifier son absence. Un second
courrier du 17 août 2017 lui a été transmis à cette même fin.
Le 25 août 2017, M. A X a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 4 septembre 2017, auquel il ne s’est pas présenté.
Le 7 septembre 2017, le salarié s’est vu notifier un licenciement pour faute grave, libellé dans les termes suivants :
«Nous avons constaté votre absence sans motif depuis le 18/07/2017.
Par courrier recommandé AR du 28/07/2017, nous vous avons demandé de justifier votre absence. Vous n’avez pas répondu à ce courrier.
Nous avons renouvelé notre demande par un second courrier le 17/08/2017, auquel vous n’avez pas répondu. Nous vous avons donc convoqué à un entretien préalable le 04/09/2017, dans nos bureaux situés […] à Emerainville (77), afin de recueillir vos explications.
Vous n’avez pas répondu à cette convocation, que nous vous avons adressée par lettre simple et par courrier recommandé avec accusé de réception le 25/08/2017.
En conséquence, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave, suite à votre absence sans justification à votre poste de travail ».
Le 27 octobre 2017, M. A X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour contester son licenciement et solliciter un rappel de salaire pour des heures supplémentaires et pour des heures travaillées durant les périodes de détente et les jours fériés ainsi que pour réclamer un rappel de frais de déplacement en France et des dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Le 8 novembre 2018, le conseil de prud’hommes de Paris, dans sa section Encadrement, a statué comme suit :
— déboute M. A X de l’ensemble de ses demandes
— déboute la SAS Ponticelli Frères de sa demande relative à l’article 700 du code de procédure civile
— condamne M. A X aux entiers dépens.
Par déclaration du 29 mai 2019, M. A X a relevé appel de cette décision dont il a reçu notification le 04 mai 2019.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 21 septembre 2021, aux termes desquelles M. A X demande à la cour d’appel de :
— révoquer l’ordonnance de clôture prononcée le 6 octobre 2021 et dire recevable les conclusions signifiées le 6 octobre 2021
— réformer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté Monsieur X de l’intégralité de
ses demandes
— dire que la prescription des demandes de rappels de salaire ne porte que sur celles antérieures au 7 septembre 2014 et s’agissant de salaires payés le 10 du mois, sur celles antérieures au mois d’août 2014
— dire fondées les demandes de rappels de salaire non prescrites
— condamner la société Ponticelli Frères à régler à Monsieur X les rappels non prescrits suivants, avec intérêts à compter du 27 février 2017 :
* au titre des heures de travail réalisées au Nigéria au-delà de 182 heures par mois : 36 443 €
* au titre des heures de travail réalisées durant le jours dits de détente : 1 369 €
* au titre des heures de travail réalisées durant les jours fériés : 9 332 €
* et les congés payés afférents à ces rappels : 4 376 €
— dire et juger nul et en toute hypothèse sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur X intervenu par lettre du 7 septembre 2017
— condamner la société Ponticelli à régler à Monsieur X les sommes suivantes :
* indemnité compensatrice de préavis brute : 9 900 €
* congés payés afférents : 990 €
* indemnité de licenciement nette : 4 950 €
* dommages et intérêts en application des dispositions de l’article L. 1235-3 alinéa 2 antérieures à l’ordonnance n°2017-1387 : 33 132 €
* dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des faits constitutifs de harcèlement moral et/ou exécution fautive du contrat de travail : 10 000 €
— condamner la société Ponticelli Frères à régler à Monsieur X en application de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 3 000 € pour les frais irrépétibles d’appel
— débouter la société Ponticelli Frères de toutes ses demandes
— la condamner aux dépens.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 5 octobre 2021, aux termes desquelles la SAS Ponticelli Frères demande à la cour d’appel de :
A titre principal
— dire Monsieur X mal fondé en son appel
— l’en débouter
— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
A titre subsidiaire
— juger la demande de rappel de salaire d’août à octobre 2014 irrecevable car prescrite
— débouter M. X de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
En tout état de cause,
— débouter M. X de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
— condamner Monsieur X à payer à la société Ponticelli Frères la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
— condamner Monsieur X aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Benichou & Associés.
Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 6 octobre 2021.
MOTIFS DE LA DECISION :
1/ Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture
M. A X sollicite la révocation de l’ordonnance de clôture rendue le 6 octobre 2021, en faisant valoir que le 4 octobre 2021, soit l’avant-veille de la clôture, la SAS Ponticelli Frères a communiqué des conclusions n°2, ainsi que 5 pièces complémentaires. Comme il en avait l’obligation, le conseil de M. A X les a transmises à son client le 4 octobre 202 et a demandé à pouvoir y répondre. Ces derniers éléments ont été intégrés dans de nouvelles conclusions notifiées dans la soirée 6 octobre 2021, soit postérieurement à l’ordonnance de clôture dont il est demandé le rabat.
Le conseil de la SAS Ponticelli s’oppose à la révocation de l’ordonnance de clôture en faisant valoir qu’il s’était déjà trouvé contraint de solliciter un report de la première ordonnance de clôture prévue le 22 septembre 2021, en raison de la communication par le salarié de pièces et de nouvelles conclusions la veille et l’avant-veille de la clôture, alors qu’aucun échange n’était intervenu entre les parties entre le 27 novembre 2019 et le 20 septembre 2021.
La cour relève qu’après une absence d’échanges de conclusions et de pièces entre les parties pendant quasiment deux ans, un premier report de l’ordonnance de clôture a été rendu nécessaire par la communication tardive de pièces et de nouvelles conclusions par M. A X, que par la suite et alors qu’une nouvelle date de clôture avait été fixée au 6 octobre 2021 pour permettre à la SAS Ponticelli de répondre aux dernières écritures du salarié, ce dernier a continué à communiquer de nouvelles pièces le 4 octobre et des dernières écritures en date du 6 octobre, donc postérieures à la date de la clôture, aux termes desquelles il ne se contentait d’ailleurs pas de répondre aux conclusions de l’employeur mais où il complétait ses dernières conclusions.
En l’état de ces indications, il n’existe aucun motif grave de rabattre l’ordonnance de clôture, les parties ayant l’obligation de se faire connaître en temps utile les moyens de fait que lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent.
Il ne sera donc pas fait droit à la demande de révocation de l’ordonnance de clôture du 6 octobre 2021 formée par le salarié et ses conclusions datée du 6 octobre 2021 seront dites irrecevables.
2/ Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
2-1 Sur la prescription
L’employeur fait valoir qu’en application de la prescription triennale pour les créances salariales M. A X ne peut solliciter de rappels antérieurs au 28 octobre 2014, soit 3 ans avant sa saisine du conseil de prud’hommes, qui est survenue le 27 octobre 2017.
Mais, l’article L. 3245-1 du code du travail précise que lorsque le contrat de travail est rompu, l’action en paiement porte sur les sommes dues au titre des trois années qui précèdent la rupture du contrat.
En conséquence, il convient de considérer que les demandes de rappel de salaires sont recevables à compter du 7 septembre 2014 (puisque le licenciement a été notifié le 7 septembre 2017) sans qu’il y ait lieu de faire remonter cette date au mois d’août 2014, ainsi que le demande le salarié, au motif que la paie était versée le 10 de chaque mois.
2-2 Sur les heures supplémentaires effectuées sur les chantiers au Nigéria
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci.
M. A X explique que, lors de sa première mission effectuée du 13 mai 2013 au 9 janvier 2016, il a réalisé bien plus que 182 heures mensuelles puisqu’il travaillait du lundi au samedi de 7h à 12h et de 13h à 18h et le dimanche de 7h à 12h, soit au minimum 65 heures hebdomadaires, représentant plus de 281 heures mensuelles.
Au soutien de ses allégations, il verse aux débats l’attestation de M. Voelker, qui indique :
« J’ai été affecté au Nigeria par Ponticelli sur le chantier d’Obagi OML58, où je travaillais dans le département Contrôle de projet avec A X. Nous travaillions dans le
même bureau jusqu’en automne 2014.
Les horaires obligatoires de travail du lundi au samedi étaient 7h-12h et 13h-18h. Le
dimanche, nous ne travaillions que le matin.
Vivent X quittait régulièrement le travail après 18 h ou y retournait le dimanche après-midi.
De par son poste, il devait assurer une certaine continuité de son travail durant ses périodes de détente » (pièce 34).
Sur le chantier de Port Harcourt, il a, aussi, réalisé des heures supplémentaires au-delà des 182 heures contractuellement prévues puisqu’il travaillait du lundi au vendredi de 7h à 12h et de 13h15 à 18h45, et le samedi de 7h à 12h, soit plus de 232 heures mensuelles, ainsi qu’en témoignent M. Loret (pièce 35) et M. Gaspar (pièce 52).
Ainsi, M. Loret déclare :
« En ma qualité de Contrôleur de gestion au Nigeria pour Ponticelli, je peux témoigner que
les horaires sur le chantier d’Obagi OML 58 étaient à partir de 2013, de 7 à 12h, puis de 13h à 18h, tous les jours, excepté le dimanche (jusque 12 h).
Cela représentait donc 65 heures par semaine.
Nous travaillions de manière systématique durant les jours fériés français, mais également
durant les jours fériés du Nigéria (').
Je peux également confirmer que la charge de travail de Monsieur X l’obligeait à faire de nombreuses heures, parfois le soir, le dimanche où durant ses détentes en France. (…)
Pour le projet OFON 2 D3D5 à Port Harcourt, les bureaux et ateliers n’étant pas situés sur la base vie, (le départ du bus pour les bureaux était fixé à 7 h du matin. Puis, retour pour la pause déjeuner à 12h. Il repartait à 13h15 pour les bureaux. La journée de travail se terminait à 18h45 quand le bus arrivait de nouveau au camp. Ceci du lundi au vendredi et le samedi matin. Cela représentait 9H45 /jour de travail effectif, 5 jours par semaine et 4h45 le samedi. ».
Dans son témoignage M. Gaspar relate :
« Sur le projet OML58 les horaires officiels de travail étaient du lundi matin au dimanche midi soit 65 heures par semaine. Sur le projet OFON 2, le travail s’arrêtait le samedi midi et représentait 54 heures par semaine.
Le nombre d’heures annuel moyen travaillées était de 2 500 heures sur OML58 et de 2 060
heures sur OFON 2, alors que dans les deux cas les expatriés étaient contractuellement
tenus de faire 182 heures par mois soit 1 803 heures annuelles.
Dans le cas de A X, durant sa période sur le projet OML 58, de par ses
responsabilités, il avait une charge de travail qu’il ne pouvait accomplir avec l’équipe mise à sa disposition. Son équipe était sous-dimensionnée et malgré de nombreuses demandes à la direction France, le problème n’a pas été résolu, ce qui contraignait A X à faire de nombreuses heures supplémentaires le soir tard, le dimanche après-midi et même de travailler durant ses détentes » (pièce 52).
Or, M. A X soutient que ces heures supplémentaires ne lui ont pas été réglées et qu’il ne peut lui être valablement opposé qu’elles auraient été compensées par l’indemnité d’expatriation qui n’avait pas cette vocation et qui était d’ailleurs versée aux salariés travaillant en agence, qui n’effectuaient pas les mêmes horaires de travail.
Au titre des heures supplémentaires effectuées d’août 2014 au 16 janvier 2016, M. A X demande un rappel de salaire de 36 443 euros, outre 3 644 euros au titre des congés payés y afférents.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre
L’employeur répond qu’avant de partir en mission au Nigéria, M. A X a signé des conditions générales et particulières d’expatriation qui mentionnaient un salaire de référence correspondant à celui qu’il aurait perçu en France pour un poste identique et précisant l’existence d’un complément d’expatriation pour tenir compte des « charges supplémentaires occasionnées par les conditions spécifiques de travail, de vie et d’environnement ainsi que des horaires pratiqués sur le chantier ».
La société intimée ajoute que ce complément était versé pendant les périodes effectives de présence sur le site et forfaitairement pendant une journée pour le voyage aller et une journée pour le voyage retour. Ainsi, sur une période de 8 semaines dont 6 travaillées, M. A X percevait, en sus de son salaire de base, une somme de 6 952 euros + 2 journées, en plus des 2 semaines de détente.
Sur une année, il a été calculé que le salarié avait touché une somme totale de 45 188 euros comme complément d’expatriation, étant entendu que tous les frais de logement, repas, blanchisserie et transport étaient intégralement pris en charge par la SAS Ponticelli Frères.
L’employeur affirme, donc, que, par le versement de la prime d’expatriation et l’octroi de 2 semaines de détente, le salarié appelant a été indemnisé pour les heures supplémentaires accomplies. Il est, par ailleurs, relevé que M. A X ne justifie pas du volume des heures supplémentaires qu’il prétend avoir effectuées et que les attestations qu’il verse aux débats ne sont pas objectives puisqu’elles émanent de salariés qui ont été en litige avec l’employeur.
Cependant, la cour retient que la prime d’expatriation a pour objet de compenser financièrement les désagréments familiaux et personnels liés à une expatriation pour motifs professionnels et que si elle peut faire référence aux conditions de travail dans le pays d’accueil, elle n’a pas vocation à rémunérer les heures supplémentaires accomplies par le salarié. D’ailleurs, le fait que cette indemnité ne soit pas soumise à cotisation sociale suffit à établir qu’il ne s’agit pas d’une somme versée en contrepartie d’un temps de travail.
Alors qu’il incombe à l’employeur de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, la SAS Ponticelli Frères ne remplit pas la charge de la preuve qui lui revient, le salarié ayant de son coté étayé sa demande en apportant à la cour des éléments précis. Il sera donc fait droit à la demande de rappel de salaire de M. A X pour la période du 07 septembre 2014 au 16 janvier 2016 à hauteur de 34 300 euros et 3 430 euros au titre des congés payés y afférents.
Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef.
3/ Sur les heures de travail réalisées durant les jours de détente et les jours fériés M. A X affirme que, durant ses missions au Nigéria, il a été amené à travailler durant ses 2 semaines de détente et les jours fériés ainsi qu’en témoignent les mails rédigés durant ces journées (pièces 41 et 44, 35, 54, 51) et l’attestation de M. Loret (pièce 35) qu’il produit aux débats.
Le salariée appelant revendique des rappels de salaire à hauteur de :
— 1 369 euros au titre des jours de détente travaillés
— 9 332 euros au titre des heures travaillées pendant les jours fériés et 1 070,10 euros au titre des congés payés afférents.
La cour observe que les courriels versés aux débats et l’attestation unique de M. Loret qui est imprécise et ne concerne que la première affectation du salarié au Nigéria sont insuffisants à établir que M. A X a travaillé durant les journées qu’il revendique et pour lesquelles il ne produit pas ses horaires de travail. Ainsi, à titre d’exemple, alors que M. A X comptabilise 8,27 heures de travail pour la journée de détente du 13 décembre 2014, il n’est produit aux débats qu’un courriel rédigé par le salarié, à 1h03, où il est écrit : « Z, voici où j’en suis arrivé jusqu’à maintenant » avec une pièce jointe dont on ignore à quelle date elle a été établie mais dont l’élaboration n’a pu, en toute hypothèse résulter d’heures de travail accomplies le 13 décembre (pièce 41).
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes de ce chef.
4/ Sur le rappel au titre des frais de déplacement en France
M. A X abandonne cette demande en cause d’appel puisqu’elle portait sur une période antérieure au mois d’août 2014, dont il convient qu’elle est couverte par la prescription.
5/ Sur le harcèlement moral
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l’article L. 1154-1, lorsque survient un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié établit des faits qui laissent supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. A X fait valoir qu’après sa mission au Nigéria, à Port Harcourt, qui s’est achevée le 12 février 2017, il s’est retrouvé sans affectation durant un mois. Il affirme que ce n’est qu’à la suite du courrier de son conseil à la société, en date du 27 février 2017, qu’il lui a été proposé de se rendre au siège de l’entreprise pour une nouvelle affectation.
Pour autant, la mission qui lui a été proposée, à savoir « s’assurer de l’optimisation des outils de suivi des coûts pour les projets » ne correspondait pas à ses qualifications d’ingénieur travaux et elle se trouvait située à 700 km de son domicile français. M. A X l’a donc comprise comme une mesure de rétorsion en réponse au courrier de son avocat qui, en sus de réclamer une nouvelle affectation sollicitait le paiement de ses heures supplémentaires et d’indemnités de déplacement. M. A X prétend, en outre, qu’il s’agit d’un management habituel de la société Ponticelli Frère pour parvenir au départ sans frais de salariés qu’elle n’entend pas garder (pièces 52, 33, 36).
Mais, il convient de relever que pendant la relation contractuelle, le salarié ne s’est jamais plaint d’un quelconque harcèlement, ni même d’une « mise au placard », notamment dans les courriers que son conseil a échangés avec l’avocat de la société intimée les 25 février 2017 et 10 mai 2017 (pièces 17 et 19 salarié). Il appert que si le contrat de travail du salarié prévoyait la possibilité d’être expatrié sur des chantiers à l’étranger son lieu de rattachement principal était néanmoins fixé à Vitry-sur-Seine et que la période d’inter-contrats d’un mois qui a suivi le retour du salarié du Nigéria ne présente pas une durée excessive, étant entendu qu’en raison de la crise pétrolière la SAS Ponticelli France se trouvait confrontée à une diminution de ses chantiers à l’étranger. Il est, en outre, établi que M. A X, qui souhaitait travailler prioritairement au Nigéria a refusé, à cette même époque, un poste au Congo et un chantier en France (pièce 17 employeur) et que, concomitamment au courrier de son conseil, il a sollicité une rupture conventionnelle à laquelle la société n’a pas souhaité donner de suite.
Par ailleurs, il n’est nullement justifié par les seuls éléments médicaux versés aux débats, à savoir les arrêts de travail du salarié qui ne comportent pas la mention du motif de l’arrêt, que la suspension du contrat de travail qui est intervenue présentait un lien de causalité avec les conditions de travail de M. A X.
En cet état, il n’est pas établi la matérialité de faits, pris dans leur ensemble permettant de laisser supposer l’existence d’agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible d’altérer la santé physique ou mentale du salarié.
C’est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté le salarié de sa demande indemnitaire de ce chef.
6/ Sur le licenciement pour faute grave
L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l’employeur d’alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur d’en apporter la preuve.
M. A X demande, à titre principal, à ce que le licenciement soit dit nul en raison du harcèlement moral subi et, à titre subsidiaire, qu’il soit jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En effet, il précise que son arrêt maladie, en date du 18 avril 2017, a duré plus d’un mois et que la société intimée n’a pas saisi le service de santé au travail pour que soit organisée une visite de reprise au terme de l’arrêt de travail.
A défaut du respect de cette obligation, M. A X affirme que le contrat de travail est resté suspendu et il soutient qu’il ne peut lui être reproché de ne pas s’être présenté à son poste de travail.
Néanmoins, alors qu’il est établi que l’employeur a adressé au salarié 2 mises en demeure de justifier son absence en date des 28 juillet 2017 (pièce 8) et du 17 août 2017 (pièce 9), ce dernier n’a ni adressé les justificatifs de son absence, ni manifesté son intention de reprendre le travail, de sorte qu’il ne peut être reproché à l’employeur de ne pas avoir organisé la visite de reprise. L’absence injustifiée du salarié constitue donc bien une faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail.
7/ Sur les autres demandes
La SAS Ponticelli Frères supportera les dépens de première instance et d’appel et sera condamnée à payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS ,
La Cour,
Dit qu’il n’est pas fait droit à la demande de révocation de l’ordonnance de clôture en date du 6 octobre 2021 et que les conclusions de M. A X notifiées à cette même date sont irrecevables,
Dit que les demandes de rappel de salaire pour la période antérieure au 7 septembre 2014 sont irrecevables,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :
— débouté M. A X de sa demande de rappel de rappel de salaire et de congés payés afférents au titre des heures supplémentaires, ainsi que de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
— condamné M. A X aux entiers dépens,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SAS Ponticelli Frères à payer à M. A X les sommes suivantes :
— 34 300 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 7 septembre 2014 au 16 janvier 2016
— 3 430 euros au titre des congés payés y afférents
— 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SAS Ponticelli Frères aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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