Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 23 septembre 2021, n° 20/06872

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 7

ARRÊT DU 23 Septembre 2021

(n° 180 , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/06872 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBZ3F

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Février 2020 par le juge de l’expropriation de Paris RG n° 18/00170

APPELANTS

Monsieur F G X

[…]

93270 E

représenté par Me Philippe LOUIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 38

Madame H I J K épouse X

[…]

93270 E

représentée par Me Philippe LOUIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 38

INTIMÉES

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SEINE ST DENIS COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

France domaine

[…]

[…]

non représentée

SOCIÉTÉ DU GRAND PARIS

[…]

[…]

représentée par Me François DAUCHY, avocat au barreau de Paris, toque : T07

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Juin 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Hervé LOCU, Président chargé du rapport :

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Hervé LOCU, président

Bertrand GOUARIN, conseiller

Monique CHAULET, conseillère

Greffier : Sixtine ROPARS, lors des débats

ARRÊT :

—  RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Hervé LOCU, Président et par Marthe CRAVIARI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

L’établissement public Société du Grand Paris (ci-après SGP) a notamment pour mission la conception, l’élaboration et la réalisation de projets d’infrastructures composant le réseau de transport public. Afin de lui donner les moyens nécessaires à sa mission, la SGP peut acquérir des biens de toute nature nécessaire à la création et à l’exploitation de ces projets.

Un décret n°2015-1791 du 28 décembre 2015 a déclaré d’utilité publique et urgents au profit de la SGP afin de réaliser des tronçons de métro reliant les gares de Noisy-Champs et Saint-Denis Pleyer, et d’autre part, les gares de Mairie de Saint-Ouen et Saint-Denis Pleyel, dans les départements de la Seine-et-Marne et de Seine-Saint-Denis.

Le tracé de référence de ligne 16 du réseau de transport public du réseau de transport public du métro automatique du Grand Paris passera sur le territoire de la ville de E. Par conséquent, sont notamment concernés par l’opération les époux X, propriétaires d’un tréfonds de la parcelle cadastrée BC n°18 sise […] à E (93270).

Faute d’accord sur l’indemnisation, la SGP a, par mémoire visé par le greffe le 31 août 2018, saisi la juridiction de l’expropriation du TJ de Paris (conformément à sa compétence d’attribution, telle qu’issue du décret du 17 juin 2016, concernant les contentieux de l’expropriation pour la réalisation du réseau de transport du Grand Paris) aux fins de fixer l’indemnité due aux époux X au titre de l’expropriation partielle de leur tréfonds.

Un transport sur les lieux a été réalisé le 27 novembre 2019.

Par un jugement du 27 février 2020, le juge de l’expropriation du TJ de Paris a':

' Rejeté l’exception de nullité soulevée par les époux X';

' Dit n’y avoir lieu à faire droit à la demande d’injonction de produire des actes portant sur des mutations';

' Fixé à la somme de 10.933 ' (arrondi) l’indemnité de dépossession à revenir aux époux X':

* l’indemnité principale s’établit comme suit 500 x 0,9 x 15,52'% x 266 x 0,5 = 9.288,72 '

* l’indemnité accessoire : 1.643,31 ' pour la dépossession en tréfonds d’une partie de la parcelle désignée ci-dessous': […] à E (93270), […], contenance cadastrale': 294 m²,

emprise en tréfonds': 266 m², profondeur de l’emprise': 9,30 m.

' Condamné la SGP à payer aux époux X la somme de 3.000 ' sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile';

' Rejeté toutes les autres demandes';

' Rappelé que les dépens seront supportés par l’expropriant.

Les époux X ont interjeté appel le 5 juin 2020 limité à l’exception de nullité soulevée par les expropriés : nullité du mémoire, l’indemnité principale, aussi bien en ce qui concerne la méthode que les éléments de comparaison retenus que les abattements, l’indemnité de dépréciation du surplus et les frais irrépétibles sur la procédure d’appel.

Pour l’exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures':

' déposées aux greffes, par les époux X, appelants, le 1er septembre 2020 et notifiées le même jour (AR du 2 septembre 2020) aux termes desquelles, ils demandent à la cour de ':

— déclarer recevable et bien fondé leur appel ;

— constater la nullité du mémoire introductif d’instance de la GSP et la renvoyer en conséquence à se pourvoir comme elle avisera';

— subsidiairement, fixer l’indemnité à revenir aux époux X à la somme totale de 40.501,60 ' qui se décompose comme suit':

— indemnité principale': 179.550,00 (266 m² x 675 (750 ' ' 10%) = 179.550,00 '. La valeur résiduelle du terrain par référence à la méthode Z': 20'% de 179.550,00 ' soit 35.910,00 ')';

— indemnité accessoire (frais de remploi': 4.591,60 ''; dépréciation du surplus': 5.000 ')

— leur allouer une somme de 5.000 ' au titre de la dépréciation du surplus';

— confirmer les frais irrépétibles de première instance';

y ajoutant, condamner la SGP au paiement d’une somme de 3.000 ' sur la base de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel.

' déposées aux greffes, par la SGP, intimée, le 1er décembre 2020 et notifiées le même jour (AR du 2 décembre 2020) aux termes desquelles elle demande à la cour de ':

— dire et juger les époux X mal fondés en leur appel'; en conséquence, de débouter ces derniers de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions';

— confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du 27 février 2020 (RG n°18/00156).

Le commissaire du gouvernement n’a pas adressé ou déposé de conclusions.

MOTIFS DE L’ARRÊT':

Les appelants soutiennent':

* la nullité des écritures de la SGP': dans leur mémoire introductif d’instance, la SGP a utilisé des références trop anciennes. Il est demandé sur le plan du principe, au regard des exigences du code de l’expropriation en la matière et de l’article 6 de la CEDH, que la cour tranche la question de savoir si des références trop anciennes correspondent à une absence de référence, et par voie de conséquence à une absence d’exposé des moyens. Il est demandé dès lors qu’il soit dit et jugé qu’à la date du 1er février 2018 (notification), l’absence de référence exploitable emporte nécessairement la nullité du mémoire.

* sur l’évaluation de l’indemnité': le choix du premier de juge de retenir la méthode A ' B est une erreur parce que cette méthode qui a été prévue pour les tréfonds des immeubles (haussmannien) situés à Paris ne peut être étendue à l’évaluation d’un tréfonds situé en banlieue, dans lequel pour la plupart les constructions sont pavillonnaires. Reprenant un arrêt de 2017 Consorts C c/ RATP, la Cour d’appel de Paris avait retenu la méthode d’évaluation Z qui «'suggère d’envisager la variation de la valeur du tréfonds non pas de façon unique, mais en distinguant selon qu’il se situe dans une zone rurale, pavillonnaire ou d’activité…'». Ce choix est souverain pour le juge (Cour de cassation du 6 décembre 2018, Pièce n°20).

Par conséquent, il est demandé d’appliquer le raisonnement Z étant rapporté au bien des époux X, il conviendra de dire et juger qu’à une profondeur de 9,60m, la valeur minimum des tréfonds doit être appréciée à 20'% de la valeur du terrain (à rapprocher de 10'% minimum pour un terrain à une profondeur de 40m retenue par l’expertise Z).

* sur l’évaluation': il est critiqué l’utilisation de la moyenne des références qui «'ne veut strictement rien dire'» (par ex, les valeurs du commissaire allant de 308 '/m² à 589' m²).

En définitive, il est demandé à la Cour de retenir, vu les références versées aux débats et les acquisitions opérées par la SGP aux fins de démolition, que le prix de base soit retenu à hauteur de 850 '/m², à la date du jugement, c’est-à-dire en février 2020 à E, proche de la gare et en zone UEB.

* sur l’abattement pour encombrement': il est demandé à la Cour, compte tenu de l’implantation des constructions par rapport à la superficie de parcelle, de ne retenir qu’un abattement pour encombrement de 10'% et non pas les 20'% fixés par le premier juge.

La SGP rétorque que':

* sur l’exception de nullité': le mémoire est parfaitement conforme à l’article R. 311-12 et on voit mal en quoi les droits des expropriés auraient été niés, en ce qui concerne le droit au procès équitable. La Cour écartera cette exception.

* sur la méthode d’évaluation': la méthode Z qui a été utilisée une seule et unique fois, sera écartée dès lors qu’elle revient à déterminer la valeur d’un tréfonds sans prise en compte des possibilités effectives d’exploitation de ce dernier, lesquelles varient en fonction de caractéristiques objectives et déterminables et qui influent tout aussi directement que nécessairement sur sa valeur.

Le jugement ne pourra sur ce point qu’être confirmé.

* sur la valeur du terrain': les références proposées ne sont pas pertinentes.

Leur demande d’infirmation du jugement sur ce point sera en conséquence écartée

* sur la dépréciation du surplus': la demande ne caractérise aucunement l’existence d’un préjudice certain, d’autant plus que': la somme forfaitaire proposée est imprécise dans son calcul, les appelants ne justifient d’aucun droit acquis à la réalisation d’ouvrages en sous-oeuvre de leur propriété et enfin compte tenu de la profondeur de l’ouvrage (9,3m), la présence du tunnel n’obère pas la possibilité de réaliser en surplomb cet ouvrage au moins au niveau de sous-sol.

Il faudra en conséquence écarter la demande et confirmer le jugement sur ce point.

SUR CE, LA COUR

- Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l’article R311-26 du code de l’expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l’appel étant du 5 juin 2020, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel.

À peine d’irrecevabilité, relevée d’office, l’intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L’intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l’ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d’exemplaires qu’il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l’espèce, les conclusions des époux X du 1er septembre 2020 et de la SGP du 1er décembre 2020 déposées dans les délais légaux sont recevables.

- Sur l’exception de nullité soulevée par les époux X

Devant le premier juge les époux X ont demandé de constater la nullité du mémoire introductif d’instance de la société du Grand Paris au motif que l’inertie de l’autorité expropriante permet de juger qu’il n’y a pas lieu à procédure d’urgence et que le mémoire ne contient pas d’exposé

des moyens.

Si la déclaration d’appel par RPVA mentionne que l’appel porte sur l’exception de nullité soulevée par les expropriés et qu’ils demandent dans le dispositif de leurs conclusions qui saisit la cour en application de l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile de constater la nullité du mémoire introductif d’instance de la société du Grand Paris et la renvoyer en conséquence à se pourvoir comme elle avisera, ils ne développent aucun moyen dans leurs conclusions relatif au premier point relatif à l’inertie de l’autorité expropriante permettant de juger qu’il n’y a pas lieu à procédure d’urgence ; en conséquence il convient d’adopter les motifs pertinents du premier juge aux termes desquelles il n’appartient pas au juge de l’expropriation d’exercer un contrôle sur la qualification d’urgence, cette appréciation relevant du juge administratif et de confirmer le rejet de l’exception de nullité sur ce point.

Les époux X reprennent le 2° point de leur exception de nullité à savoir que les références jointes au mémoire de l’expropriant s’échelonnent entre le 28 mars 2014 et le 17 février 2016, qu’il s’agit de références trop anciennes, que le mémoire doit être jugé nul, faute de production de références exploitables et que la validité du mémoire devait nécessairement s’apprécier à la date de sa notification, soit le 1er février 2018 ; ils indiquent en effet que dans le cadre d’un procès équitable, relatif à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, il est impératif que l’expropriant, en établissant ses écritures, produise des références actualisées et adaptées ; il est donc demandé au plan du principe que la cour tranche la question de savoir si les références trop anciennes correspondent à une absence de références, et par voie de conséquence à une absence d’exposer les moyens et qu’il soit jugé qu’à la date du 1er février 2018, date de notification, l’absence de référence exploitable emporte nécessairement la nullité du mémoire.

L’article R 311-12 du code de l’expropriation dispose que les mémoires signés par les parties ou leur représentant, comportent l’exposé des moyens et prétentions des parties. Celles-ci joignent les documents et pièces qu’elles entendent produire. Les mémoires indiquent le montant demandé ou offert pour l’indemnité principale et, le cas échéant, pour chacune des indemnités accessoires.

En l’espèce, le mémoire de la société du Grand Paris du 1er février 2018 contient un état de la procédure, un descriptif du bien en cause, le détail des méthodes de calcul de chacune des indemnités chiffrées proposées en principales et accessoires et neuf termes de comparaison.

Les époux X indiquent que les références produites sont trop anciennes, alors même qu’à la date de notification du 1er février 2018, elles datent de moins de 5 ans, s’agissant de 9 termes de référence entre mars 2014 et février 2016.

En conséquence, outre le fait que les termes de références produits à supposer qu’ils soient jugés trop anciens ne constituent pas une absence d’exposer les moyens, en l’espèce, les termes produits ont moins de 5 ans par rapport à la date de notification et il n’y a donc pas atteinte dans le cadre d’un procès équitable à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a exactement rejeté l’exception de nullité soulevée par les époux X.

- Sur l’évaluation de l’indemnité

Le premier juge a retenu comme date de référence celle du 29 juin 2010, correspondant s’agissant d’un droit de préemption, à la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes approuvant, révisant ou modifiant le plan local d’urbanisme délimitant la zone dans laquelle est situé le bien.

sur l’indemnité principale

A. la méthode

Le premier juge a rejeté la méthode d’évaluation des tréfonds proposée par les époux X, à savoir une expertise effectuée par Monsieur Z dans un arrêt la cour d’appel de Paris du 29 juin 2017 et il a appliqué la méthode employée habituellement à savoir le barème des experts judiciaires, messieurs A et B.

En appel, les époux X formulent la même demande en indiquant que la méthode A et B ne concerne en aucun cas l’évaluation d’un tréfonds situé en banlieue, celle-ci étant établie pour Paris ; ils indiquent en effet que par arrêt du 29 juin 2017, la cour d’appel de Paris (pièce numéro 18) a retenu une autre méthode d’évaluation, à savoir celle émanant du rapport de Monsieur Z, expert judiciaire, la cour ayant indiqué : « l’expert Z relève que le rapport A et B a été rendu dans un contexte très différent de celui du présent dossier puisque le bien alors en cause se situe en milieu urbain à Paris, dans un site déjà bâti, bâtiment haussmannien.

Considérant par ailleurs que Monsieur Z suggère d’envisager la variation de la valeur du tréfonds non pas de façon unique mais en distinguant selon qu’il se situe dans une zone rurale, pavillonnaire ou d’activité…

Même si le tableau des situations auquel il aboutit est plus délicat à mettre en 'uvre que l’application d’une formule unique, dans cette mesure, elle répond mieux à l’objectif d’une réparation appropriée du préjudice subi par l’exproprié qui reste le souci principal du juge de l’expropriation » ; ils se réfèrent également à l’arrêt de la Cour de cassation du 6 décembre 2018 rendu sur cet arrêt (pièce numéro 20) qui a indiqué : « mais attendu que la cour d’appel qui ne s’est pas référée à la présence de l’ouvrage public mais aux caractéristiques de la situation du terrain, à la qualité du sol et à la profondeur de la nappe d’eau souterraine, a souverainement choisi la méthode d’évaluation du tréfonds lui paraissant la mieux approprié au bien en cause » ; Monsieur Z à la page 83 de son rapport a proposé différentes évolutions par rapport à ses prédécesseurs, évolutions qui concernent le terrain à ce jour exproprié figurant en page 86 dans laquelle il suggère : 'cas de la zone rurale, pavillonnaire d’activité : une indemnité minimale plancher de 10 %.

Cependant, sans l’arrêt susvisé du 22 juin 2017, la cour a également indiqué : « considérant que la cour ne rendant pas d’arrêts de règlement, il ne lui appartient pas de décider si la méthode préconisée par l’expert Z doit remplacer dans tous les cas celle proposée par Messieurs A et B, mais seulement d’apprécier si elle est mieux adaptée à la situation soumise du terrain des appelants ».

Dans l’arrêt de la Cour de cassation du 6 décembre 2018, si comme indiqué, pour le 3e moyen, elle a indiqué que la cour d’appel, qui ne s’est pas référée à la présence de l’ouvrage, mais aux caractéristiques de la situation du terrain, à la qualité du sol et à la profondeur de la nappe d’eau souterraine, a souverainement choisi la méthode d’évaluation du terrain lui paraissant la mieux approprié eau bien en cause, par contre sur le 4e moyen, elle a prononcé une cassation en indiquant que, pour dire que l’indemnité pour dépréciation du surplus du terrain est égale au surcoût imposé par la présence du tunnel à la construction d’un immeuble de niveau de sous-sol et surseoir à statuer sur la fixation de cette indemnité jusqu’à la réalisation du projet de construction des consorts C et D, l’arrêt du 29 juin 2017 retient que la présence du tunnel de la RATP impose des travaux supplémentaires pour une telle construction et se réfère à l’augmentation du coût de la construction due à la réalisation de fondations spéciales devant s’ancrer de part et d’autre du tunnel à niveau inférieur à celui-ci et à la réalisation de dispositifs qui devront être mis en place pour neutraliser les vibrations consécutives au passage du train, qu’en statuant ainsi, en indemnisant un préjudice qui résulte de l’implantation de l’ouvrage public et n’est pas la conséquence directe de l’emprise pour laquelle l’ expropriation a été ordonné, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

En effet, si le juge de l’expropriation a le pouvoir souverain de choisir la méthode d’évaluation, pour déterminer l’indemnité de dépossession ainsi que tout autres indemnités accessoires permettant de réparer l’intégralité du préjudice causé au propriétaire du fait de l’expropriation sur le fondement l’article L321-1 du code de l’expropriation, il n’appartient pas au juge judiciaire d’indemniser le préjudice résultant de l’implantation d’un ouvrage public, notamment lorsque celui-ci grève le surplus de terrain conservé par le propriétaire.

Or, le rapport de Monsieur Z, outre le fait comme indiqué par l’arrêt du 29 juin 2017 qu’il aboutit à un tableau des situations plus délicate à mettre en 'uvre que l’application d’une formule unique (page 87 à 92) (24 cas de figure), il retient une valeur du tréfonds correspondant, au minimum à 10 % de la valeur du terrain nu, se fondant sur les futures nuisances sonores occasionnées par le tunnel ferroviaire et l’existence d’une future autorisation nécessaire pour les constructions futures (page 81), l’expert retenant un coût pour des adaptations techniques futures (plancher de 5%) ; cette méthode intègre donc un préjudice trouvant son origine dans les travaux publics effectués dans l’emprise expropriée, relevant de la compétence de la juridiction administrative.

En outre, le barème A et B présente l’avantage, par rapport au barème Lassalle précédemment utilisé, de ne pas avoir d’effet de seuil et de mettre en 'uvre une dégressivité allant de
-3,5 m à -90 m ; retenir une valeur minimale de 10 % comme sollicité revient à donner la même valeur à toutes les emprises au-delà d’une profondeur de 9 m ou 12,5 m, en considérant la neutralisation des premiers mètres de sous-sol, aboutissant à une absence de précision de l’approche des valeurs en tréfonds.

En effet, comme indiqué par le premier juge, cette méthode aboutit à déterminer uniformément la valeur d’un tréfonds, sans prise en compte des possibilités effectives d’exploitation de ce dernier, lesquels varient nécessairement en fonction de caractéristiques objectives et déterminables, tels que la nature du sous-sol en cause, sa profondeur ou encore la présence de la nappe phréatique.

En conséquence au regard de ces éléments, le premier juge a exactement écarté la méthode de Monsieur Z et retenu la méthode d’indemnisation des valeurs de tréfonds employée habituellement en application du barème des experts judiciaires Messieurs A et B.

B. sur l’évaluation

Il convient d’examiner les références des parties :

1° Les références des époux X

En appel, ils ne versent aucune référence.

Ils soulignent que la société du Grand Paris leur avait adressé avant toute procédure, une fiche de calcul de la valeur de leur tréfonds (pièce numéro 24), soit 6129,29 ', et que la proposition a diminué à la somme de 5884 '.

Cependant, cette proposition ne correspondant pas une mutation effective mais à une simple offre amiable sera écartée.

Il versent 9 pièces correspondant à des références :

'pièce numéro 5 : vente du 8 juillet 2015,15 chemin de la Mare aux Chanvres, pavillon d’habitation

'pièce numéro 6 : vente du 18 décembre 2015, 7/8, place de la gare, un ensemble immobilier en copropriété

'pièce numéro 6 : vente du 23 mars 2016,8/9, place de la gare, un pavillon à usage commercial et d’habitation

'pièce numéro 8 : vente du 25 mars 2016,10 chemins de la Mare aux Chanvres, un pavillon d’habitation

'Pièce numéro 9 : vente du 1er avril 2016, […], un local commercial avec boutique, arrière-boutique des chambres froides

'pièce numéro 10 : vente du 20 avril 2016, […], un pavillon d’habitation

'vente du 14 octobre 2016, 2, place de la gare, un bâtiment à usage commercial

'pièce numéro 12 : vente du 16 juin 2017, […], un pavillon d’habitation

'pièce numéro 14 : vente du 5 février 2018, […], un pavillon d’habitation.

En se fondant sur ces références, les époux X demandent de retenir une valeur de 850 '/m².

Cependant, l’ensemble de ces références concerne des acquisitions de propriétés bâties dont le prix correspond au sol d’assiette mais également aux constructions qui y sont édifiées ; ces termes non comparables seront en conséquence écartés.

[…]

Elle propose les références du commissaire du gouvernement de première instance qui seront examinées ci-après.

3° Les références du commissaire du gouvernement

Le commissaire du gouvernement de première instance a proposé 5 termes comportant les références de publication :

'vente du 9 mars 2019, 4 impasse Carnot à E, parcelle cadastrée 71/BI/213,189 m², 97'000 ', soit 513 '/ m²

'vente du 21 novembre 2000, […] à E, parcelle cadastrée 71/BK/89, 423 m², 130'000 ', soit 308 '/ m²

'vente du 5 janvier […] à E, parcelle cadastrée […], 284 m², 120'000 ', soit 83 '/ m²

'vente du 27 septembre 2018,16 avenue Gambetta à E, parcelle cadastrée 71/BE/195, 371 m², 150'000 ', soit 405 '/ m²

'vente du 4 mars 2019, 16, avenue Jean-Baptiste à E, parcelle cadastrée […], 208 m², 122'488 ', soit 589 '/ m²,

soit une valeur moyenne de 448 '/ m².

Les époux X critiquent uniquement ces références, en ce que le premier juge a retenu la moyenne, alors que celles-ci s’échelonnent de 308 ' à 589 '/ m².

Ces références récentes et comparables seront retenues.

Dans le cadre de la méthode de la comparaison qui n’est pas critiquée, il y a lieu de se baser sur la moyenne de 448 '/m² ; au regard de la situation géographique et la configuration du bien, le premier juge a exactement retenu une valeur supérieure de 500 '/m², supérieure à la moyenne des références, telle que proposée par la société du Grand Paris et le commissaire du gouvernement.

S’agissant de l’abattement pour encombrement, les époux X demandent de retenir un abattement pour encombrement de 10 % et non pas 20 % comme fixé par le premier juge.

Le premier juge a appliqué un abattement pour encombrement pratiqué sur la valeur du terrain variant de 10 à 40 %, selon l’importance de la superficie du sol bâti déterminé sur le plan cadastral par rapport à la superficie de la parcelle selon tableau suivant :

'parcelle totalement bâtie : 40 %

'encombrement supérieur ou égal à 70 % : 30 %

'encombrement inférieur à 70 % et supérieur ou égal à 40 % : 20 %

'encombrement inférieur à 40 % et supérieur ou égal à 10 % : 10 %

encombrement inférieur à 10 % : aucun encombrement.

En l’espèce, l’abattement de 10% retenu n’étant pas contesté par les appelants, ceux-ci faisant référence à un abattement de 20% retenu dans un autre dossier, le jugement sera confirmé sur ce point.

Les autres paramètres de la méthode A et B, ne sont pas critiqués par les appelants, et notamment le coefficient de profondeur de 15, 52 % conformément à la formule de calcul habituellement appliquée ci-après :

(90 /(H-3, 5))% ou H est égal à 9, 60 m et le coefficient de nappe fixé en l’espèce à 0,5 ;

C. sur la fixation

Les autres paramètres de la méthodologie n’étant pas contestés, l’application de la formule [ V=Vu x S x Tr x Kp x Ks x Ke] permet de fixer comme suit l’évaluation de l’indemnisation : 50 X 0, 9 X 15,52 % X 266 X 0,5 = 9288,72 '.

Le jugement sera donc confirmé en ce sens.

sur les indemnités accessoires

A. sur l’indemnité de remploi

Les taux retenus par le premier juge n’étant pas contestés par les appelants, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a fixé l’indemnité de remploi à la somme de 1653,31 '.

B. sur l’indemnité de dépréciation du surplus

Comme devant le premier juge les époux X sollicitent une indemnité pour dépréciation du surplus d’un montant de 5'000 ', en raison de l’obligation de soumission de tout projet pour avis à la SGP, le moment venu.

Cependant, le seul préjudice pour les époux X a pour objet d’indemniser le préjudice direct, certain et matériels subi du fait de l’expropriation, ceux-ci ne démontrant pas en l’espèce un préjudice distinct entraînant une dépréciation du surplus sur le fondement de l’article L321-1 du code de l’expropriation tel qu’interprété par la cour de cassation selon un arrêt 3° civile, 4 mars 2021, N°20-10878.

En conséquence, le premier juge les a exactement déboutés de leur demande de 5000 ' au titre de cette indemnité du surplus et le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a fixé à la somme de 10 933 ' arrondis l’indemnité de dépossession à revenir aux époux X se décomposant comme suit:

— indemnité principale : 9288,72 '

— indemnité de remploi : 1643,31 '

- Sur l’article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la SGP à payer aux époux X la somme de 3000 ' sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

L’équité commande de débouter les époux X de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

- Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l’article L 312-1 du code de l’expropriation des dépens de première instance sont de droit supportés par l’expropriant; le jugement sera confirmé sur ce point.

Les époux X perdant le procès seront condamnés aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort ;

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Vu l’appel limité des époux X ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Déboute les époux X de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne les époux X aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 23 septembre 2021, n° 20/06872