Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 19 mars 2021, n° 20/03815

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 19 MARS 2021

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/03815 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBRJ7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Janvier 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2016078751

APPELANTE

SAS EDITIONS ECONOMICA

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le n° 712 030 014,

représentée par Me Lara AYACHE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1869

INTIMEES

S.A.R.L. I KIOSQUE, société en liquidation judiciaire, représentée par la SCP BTSG pris en la personne de Maître Z X ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL I-KIOSQUE

[…]

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le n° 507 748 135,

S.C.P. BTSG prise en la personne de Maître Z X, ès qualité de mandataire judiciaire de la SARL I KIOSQUE

[…]

[…]

représentées par Me Edith LAGARDE-BELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : C2524

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Janvier 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Denis ARDISSON, Président de la chambre

Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par M. Denis ARDISSON, Président de la chambre, et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

****

Vu le jugement rendu le 13 janvier 2020 par le tribunal de commerce de Paris ayant aux termes de son dispositif :

— dit la société Editions Economica recevable en ses demandes,

— dit recevable l’intervention volontaire de la SCP BTSG prise en la personne de Maître X ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société I-Kiosque,

— condamné la société Editions Economica à payer à la société I-Kiosque la somme de 46.957,97 € TTC assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 août 2016, date de la mise en demeure,

— débouté la société Editions Economica de l’ensemble de ses demandes,

— condamné la société Editions Economica à payer à la société I-Kiosque ainsi qu’à la SCP BTSG prise en la personne de Maître X ès qualités la somme de 1.500 € chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens, non compris le coût de l’injonction de payer,

— ordonné l’exécution provisoire ;

Vu l’appel relevé par la société Editions Economica par sa déclaration du 20 février 2020;

Vu les dernières écritures remises le 8 janvier 2021 par la société Editions Economica aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Dire et juger la Société Editions Economica recevable et bien fondé en ses demandes ;

— Infirmer en l’intégralité de ses dispositions le jugement en date du 13 janvier 2020 rendu par le Tribunal de Commerce de Paris ;

Statuant à nouveau :

A titre principal

— Dire et juger que les demandes de la société I-Kiosque sont infondées ;

En conséquence,

— La débouter de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre reconventionnel

— Fixer au passif de la Société I-Kiosque une somme de 39 262,52 € (14 333,28 € ht au titre des licences et 24 929,24 € au titre de préjudice de subvention perdue) ;

A titre purement subsidiaire

— Ordonner la compensation de la somme de 39.262,25 € avec la créance de la société I-Kiosque qui doit ainsi être strictement cantonnée à la somme de 7.695,45 € HT (46.957, 97 € – 39.262,52 €) ;

— Condamner la Société I-Kiosque à une somme de 2 000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Vu les dernières écritures remises le 28 décembre 2020 par la société I-Kiosque représentée par la INT3 en la personne de Maître Z X, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société I-Kiosque, aux termes desquelles elles demandent à la cour de :

Confirmer le jugement du 13 janvier 2020 en ce qu’il a condamné la société Editions Economica à payer à la société I Kiosque la somme de 46.957,97 € TTC assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 août 2016,

Confirmer le jugement du 13 janvier 2020 en ce qu’il a débouté la société Editions Economica de ses demandes,

Dire et juger la société Editions economica irrecevable à se prétendre libérée du paiement des prestations de la société I Kiosque,

En conséquence et en toute hypothèse,

La débouter de ses demandes,

Condamner la société Editions Economica à payer à la société I Kiosque ainsi qu’à la SCP BTSG prise en la personne de Maître Z X, ès qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société I Kiosque la somme de 3.000 € chacune en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société Editions Economica à supporter les entiers dépens de la présente instance.

Motifs

Comme l’y autorise l’article 455 du code de procédure civile, la cour se reporte aux dernières

écritures susvisées des parties et au jugement pour l’exposé des faits et de leurs moyens.

Il sera néanmoins succinctement rapporté que la société Editions Economica qui a pour activité l’édition de livres a confié à la société I-Kiosque la numérisation de 139 livres, opération qui peut donner lieu à l’attribution au profit de la première d’une subvention par le Centre National du Livre (CNL) selon deux devis en date du 13 avril 2011 d’un montant total de 47.777,60 € HT (57.142 € TTC), devis qui ont été acceptés par la société I-Kiosque.

Au motif que seule une des factures sur les quatre émises les 19 septembre, 29 novembre et 23 décembre 2011 avait été payée alors que la prestation correspondante avait été exécutée, la société I-Kiosque a sollicité et obtenu du président du tribunal de commerce de Paris une ordonnance en date du 15 septembre 2016 faisant injonction à la société Editions Economica de payer la somme de 46.957,97 € TTC à laquelle cette dernière a fait opposition devant le tribunal de commerce qui a rendu le jugement dont appel.

***

Sur la demande principale

Sur l’irrecevabilité soulevée par la société I-Kiosque tirée du principe que nul ne peut se contredire au détriment d’autrui.

La société Editions Economica soutient qu’il ressort des mails adressés par la société Actissia, société mère de la société I-Kiosque et de société Cyber Scribe, société qui dépendrait du même groupe et de la mention manuscrite qui figure sur l’exemplaire de la facture 2011-09-1139 qu’elle produit, que celle-ci a été acquittée.

Devant les premiers juges, la société Editions Economica après avoir abandonné le moyen tiré de la prescription de la demande en paiement présentée par société I-Kiosque, s’est opposée au paiement des factures, au motif que les prestations n’avaient pas été rendues dans les délais initialement convenus, précisant que le référencement des livres et leur mise en vente avaient été effectués en 2015 par la société Cyber Scribe et non par la société I-Kiosque ; elle ne s’était aucunement prévalue s’être acquittée du paiement des factures litigieuses.

En prétendant pour la première fois devant la cour avoir payé ces factures courant 2015, soit avant la saisine du premier juge, la société Editions Economica revient sur sa défense initiale qui s’articulait autour du principe d’exception d’inexécution ; ces deux moyens reposent sur des faits contradictoires, puisque par l’un, en s’opposant au paiement, elle admet implicitement ne pas avoir payé tandis que par l’autre, elle se prétend libérée en raison du paiement intervenu ; cette contradiction sur des faits porteurs de conséquences juridiques différentes et par la confusion qu’elle engendre, nuit à la défense de la société I-Kiosque et rend donc la prétention de la société Editions Economica présentée pour la première fois devant la cour par laquelle elle soutient que le paiement est intervenu, irrecevable.

Sur le fond.

Pour s’opposer à la demande en paiement, la société Editions Economica prétend qu’il existait un contrat tripartite entre elle, la société I-Kiosque et le CNL et que cette dernière qui avait été désignée auprès de celui-ci e-distributeur des livres n’a pas réalisé les prestations dans le délai requis de deux ans pour l’attribution de la subvention, lui en faisant perdre le bénéfice ; ainsi, outre les prestations de numérisation, elle soutient avoir consenti à la société I-Kiosque une licence de commercialisation permettant à cette dernière de percevoir 50% des recettes sur les ventes indirectes de livres par les sites internet ; elle indique que la société Cyber Scribe, société soeur de la société I-Kiosque s’était engagée à reprendre la gestion du catalogue numérique et le référencement des ouvrages.

Au demeurant, l’objet des deux devis versés aux débats émis par la société I-Kiosque le 13 avril 2011 portent sur une opération de conversion PDF imprimeur en PDF ebook (image plus texte), sans aucunement se référer à une prestation de commercialisation ou de distribution. Le rappel des numéros attribués aux devis sur les quatre factures qui ont été émises par la société I-Kiosque les 19 septembre, 29 novembre et 23 décembre 2011 ainsi que la concordance à l’euro près de leurs montants avec ceux figurant sur les devis permet de les rattacher avec certitude à ces derniers.

La société Editions Economica par un courrier daté du 4 avril 2011 adressé au président national du livre (CNL) a présenté deux demandes de subvention pour la numérisation de documents, dont celle d’un montant de 25.545,24 € au titre de la collection « Guerres et Guerriers » et « Campagnes et Stratégies » concernée par le présent litige.

Néanmoins, il apparaît, ce que ne conteste pas la société I-Kiosque, que cette dernière a accompagné la société Editions Economica dans ses démarches pour l’attribution de cette subvention ; les documents commerciaux de la société I-Kiosque édités sur le net indiquent d’ailleurs qu’elle se charge de monter les dossiers de subventions.

Il résulte ainsi d’un échange de mails entre la société I-Kiosque et la société Cyber Scribe qui aidait la première dans ces démarches, intervenu dans le courant du mois d’avril 2011, après le dépôt de la demande de subvention que celle-ci devait être complétée par l’indication du nom du e-distributeur retenu par la société Editions Economica et par une lettre d’engagement sur les droits numériques.

Par un mail du 13 juillet 2012, la société I-Kiosque informait la société Editions Economica que « les 262 ebooks d’Economica convertis par I-Kiosque sont à présent disponibles sur la librairie I-Kiosque et sur Gallica » ; ce mail précisait, en outre, les liens d’accès aux sites I.Kiosque et Gallica. Il se terminait par l’indication que la société Editions Economica pouvait désormais « demander le paiement du solde de la subvention au CNL ».

Le courrier du CNL directement adressé au président de la société Editions Economica (M. Y) le 25 juillet 2011, l’informant de l’attribution de la subvention d’un montant de 25.545 € montre que les diligences nécessaires à son obtention avaient été accomplies.

La société Cyber Scribe dans un mail du 22 octobre 2014 adressé au CNL l’informait que dans le cadre de la défaillance et de la disparition de la société I-Kiosque, elle avait été retenue par la société Editions Economica pour assurer la gestion de leur catalogue numérique et le référencement des ouvrages concernés et indiquait que certaines subventions n’auraient pas été versées, manifestant son souhait d’exposer les détails du dossier en vue d’une régularisation.

Le CNL, par un mail du 28 octobre 2014 mis aux débats par la société Editions Economica, répondait à la société I-Kiosque que l’aide à numérisation obtenue par celle-ci « est toujours en cours dans l’attente des justificatifs plusieurs fois demandés » et précisait « que le CNL n’intervient pas dans les relations entre un éditeur et ses prestataires et que la maison d’édition en tant que demandeur et bénéficiaire de l’aide est l’interlocuteur exclusif de nos (leurs) services ».

Il résulte de la teneur de ces correspondances d’une part que la convention tripartite dont l’appelante se prévaut n’existe pas, d’autre part que la société I-Kiosque a procédé à la numérisation des ouvrages faisant l’objet des devis, que leurs versions numérisées ont été mises en vente sur internet, que la société Editions Economica aidée par la société I-Kiosque s’est vue attribuer une subvention.

Alors que le paiement des factures litigieuses n’était pas subordonné au versement par le CNL de la subvention, la société Editions Economica ne saurait s’opposer au paiement des factures au motif qu’elle ne lui aurait pas été versée, étant relevé à titre surabondant que ce défaut de versement s’explique par le fait qu’elle n’a pas satisfait aux demandes de justificatifs réclamés par le CNL, s’abstenant d’ailleurs de les verser aux débats devant la cour tandis que les intimées pour leur part les

produisent, s’agissant en particulier du courrier adressé le 29 janvier 2015 par le CNL à la société Editions Economica par lequel il lui demandait de lui demandait pour le versement de la subvention de lui adresser une copie des factures acquittées.

De même, l’absence pendant plusieurs années de réclamation de la société I-Kiosque en paiement des factures et la cessation par cette dernière de la commercialisation et du référencement sur internet des versions numérisées des ouvrages, dès lors que son action n’est pas prescrite comme l’a finalement admis la société Editions Economica devant les premiers juges, ne constituent pas un motif valable pour cette dernière de refuser le paiement.

Pour les motifs qui précèdent qui s’ajoutent à ceux non contraires des premiers juges, le chef du jugement qui a condamné la société Editions Economica à payer à la société I-Kiosque la somme de 46.957,97 € avec intérêts au taux légal à compter du 29 août 2016, date de la mise en demeure est confirmé.

Sur la demande de la société Editions Economica en fixation au passif de la société I-Kiosque de la somme de 39.262,52 €.

La société I-Kiosque soulève l’irrecevabilité de cette demande au visa de l’article 564 du code de procédure civile du fait de son caractère nouveau.

A l’appui de cette demande la société Editions Economica produit deux factures d’un montant total de 14.333,28 € HT émises le 16 février 2015 portant comme objet « concession de distribution des 'uvres numériques au profit de I-Kiosque ' période 2011-2014 ». Elle y ajoute un montant de 24.929,24 € au titre de la subvention du CNL non perçue

L’émission de ces factures constitue manifestement une tentative de régularisation du dossier en vue du versement de la subvention qui finalement ne sera pas été versée ; pour autant, cette demande qui se rattache avec un lien suffisant à la demande principale en paiement présentée par la société I-Kiosque, présente un caractère reconventionnel qui la rend recevable en appel.

La société I-Kiosque soulève également la prescription de cette demande, faisant valoir que la société Editions Economica aurait dû agir au plus tard le 20 février 2020, soit dans le délai de cinq ans de l’émission de ces factures supposée être celle de leur transmission.

Quelques soient les circonstances de l’émission de ces factures, directement suggérée par la société Actissia, société mère de la société I-Kiosque qui a pris le relais auprès du CNL de sa filiale en vue du versement de la subvention à la société Editions Economica, la demande de la société Editions Economica formée pour la première fois devant la cour plus de cinq ans après leur transmission rend sa réclamation du chef de la somme de 14.333,28€ irrecevable.

S’agissant du surplus de la demande de la société Editions Economica à hauteur de 24.929,24 €, le moyen d’irrecevabilité soulevé par la société I-Kiosque tiré du défaut de déclaration au passif de la société I-Kiosque au visa de l’article L.622-22 du code de commerce est retenu, la société Editions Economica ne contestant pas ne pas avoir procédé à la déclaration de sa créance, est admis. La créance de la société I-Kiosque étant de ce fait inopposable à la procédure collective ouverte le 14 janvier 2018.

Sur les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Editions Economica succombant en son appel supporte les dépens d’appel ; les chefs du jugement étant par ailleurs confirmés.

Les circonstances factuelles de ce dossier commandent de ne pas faire application en cause d’appel

des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sans qu’il n’y ait lieu d’infirmer les chefs du jugement ayant fait application de cet article.

PAR CES MOTIFS :

Confirme en l’ensemble de ces chefs le jugement rendu le 13 janvier 2020 par le tribunal de commerce de Paris ;

Y ajoutant,

Déclare la société Editions Economica irrecevable en sa demande reconventionnelle en fixation au passif de la société I-Kiosque de la somme de 39.262,25 € et en sa demande subséquente en compensation ;

Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Editions Economica aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

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  2. Code de procédure civile
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