Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 21 janvier 2021, n° 20/10786
TCOM Paris 7 juillet 2020
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CA Paris
Infirmation partielle 21 janvier 2021

Arguments

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  • Accepté
    Parasitisme

    La cour a jugé que la reprise du guide par Isowatt, en substituant son logo, constitue un acte de parasitisme, créant un trouble manifestement illicite.

  • Accepté
    Trouble manifestement illicite

    La cour a ordonné la destruction des exemplaires du guide pour faire cesser le trouble manifestement illicite.

  • Accepté
    Mesures d'instruction

    La cour a jugé que la communication de ces documents était nécessaire pour établir la nature et la teneur du préjudice dans un futur procès.

  • Rejeté
    Préjudice non établi

    La cour a estimé que les pièces versées ne démontraient pas les conséquences de la diffusion du guide, et a donc rejeté la demande de provision.

  • Accepté
    Frais non répétibles

    La cour a condamné Isowatt à verser une indemnité pour couvrir les frais non répétibles exposés par la société X.

Résumé par Doctrine IA

La Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 21 janvier 2021, a statué sur l'appel de la SAS Isowatt contre une ordonnance du Tribunal de Commerce de Paris datée du 7 juillet 2020. La société Isowatt était accusée par les sociétés SAS X, SAS X Connect et SAS X Y de parasitisme pour avoir diffusé un guide informatif créé par SAS X en substituant son propre logo. La première instance avait interdit à Isowatt de diffuser le guide et ordonné la destruction des documents litigieux, en plus d'une condamnation au paiement de dommages et intérêts.

La Cour d'appel a confirmé l'interdiction de diffusion et la condamnation aux dommages et intérêts, mais a infirmé l'ordonnance sur la destruction des documents, la jugeant trop générale. Elle a ordonné à Isowatt de détruire les exemplaires papier du guide avec son logo et de justifier cette destruction auprès de SAS X. La Cour a également ordonné à Isowatt de fournir à SAS X les factures d'impression et les listes de diffusion du guide. La demande de provision de SAS X a été rejetée faute de preuve suffisante du préjudice. Isowatt a été condamnée aux dépens d'appel et à payer 5.000 euros à SAS X au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 2, 21 janv. 2021, n° 20/10786
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/10786
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 6 juillet 2020, N° 2020021871
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRET DU 21 JANVIER 2021

(n° 27 , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/10786 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCEQH

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Juillet 2020 -Président du Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2020021871

APPELANTE

S.A.S. ISOWATT agissant poursuites et diligences de son Président domicilié ès qualité audit siège.

[…]

[…]

Représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELARL CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

Assistée par Me Morgane LUSSIANA, avocat au barreau de LYON,

INTIMEES

S.A.S. X agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège,

[…]

[…]

Représentée par Me Hervé LEHMAN de la SCP LEHMAN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0286

Assistée par Me Aurélie BOULET, avocat au barreau de PARIS,

S.A.S. X CONNECT agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège,

[…]

[…]

Représentée par Me Hervé LEHMAN de la SCP LEHMAN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0286

Assistée par Me Aurélie BOULET, avocat au barreau de PARIS,

S.A.S. X Y agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège,

[…]

[…]

Représentée par Me Hervé LEHMAN de la SCP LEHMAN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0286

Assistée par Me Aurélie BOULET, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Décembre 2020, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Michèle CHOPIN, Conseillère conformément aux articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Hélène GUILLOU, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Lauranne VOLPI

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Hélène GUILLOU, Présidente de chambre et par Lauranne VOLPI, Greffier présent lors de la mise à disposition,

Exposé du litige

Le groupe X est un spécialiste de la rénovation énergétique, dans le cadre du dispositif légal des Certificats d’Economies d’Energie (CEE).

La SAS Isowatt 'uvre également dans l’amélioration énergétique de l’habitat, en particulier sur l’Y, le chauffage et la ventilation, et la production d’électricité.

Le 20 novembre 2019, la société X a proposé à la société Isowatt un partenariat 'Offre Pro’Pulse', centré sur la vente et l’installation de pompes à chaleur air/eau.

Début janvier 2020, la SAS X a créé un guide de 12 pages intitulé 'Nouveau Crédit d’Impôt Transition Énergétique et nouvelle prime 'Ma Prime Rénov''', destiné à expliquer ces nouveaux dispositifs entrés en vigueur le 1er janvier 2020.

Elle a envoyé ce guide par courriel à plusieurs entreprises partenaires, dont la société Isowatt, dans les premiers jours de janvier 2020.

Le 18 juin 2020, se plaignant d’un détournement du guide par la société SAS Isowatt, les sociétés SAS X, SAS X Connect et SAS X Y ont assigné la société SAS Isowatt en référé à heure indiquée devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, qui, par ordonnance contradictoire rendue le 7 juillet 2020, a :

— dit n’y avoir lieu à renvoyer la cause ;

— ordonné à la société Isowatt de cesser toute diffusion et/ou reproduction du guide d’X, sous quelque forme que ce soit, et sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de l’ordonnance ;

— ordonné la destruction de tous les documents de la société Isowatt faisant l’objet du litige ;

— condamné la SAS Isowatt à payer à la SAS X la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus ;

— rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;

— condamné en outre la société Isowatt aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 79,83 euros TTC dont 13,09 euros de TVA.

Le premier juge a fondé cette décision notamment sur les motifs suivants :

— les dossiers commerciaux de la société Isowatt sont la copie conforme des dossiers des sociétés X, à l’exception du nom de l’entreprise, seul changement apparent pour les clients en première de couverture ;

— une telle méthode relève du parasitisme et constitue un trouble manifestement illicite ;

— la somme demandée par les sociétés X à titre de provision est une demande de dommages et intérêts relevant du juge du fond, de même que la demande de communication de la liste de diffusion du guide détourné.

Par déclaration en date du 24 juillet 2020, la société Isowatt a fait appel de cette ordonnance, critiquant l’ordonnance en ce qu’elle a ordonné la cessation de la diffusion du guide sous astreinte et la destruction de tous les documents faisant l’objet du présent litige, en ce qu’elle l’a condamnée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de ses conclusions remises le 22 octobre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société SAS Isowatt demande à la cour, le fondement des articles 31, 32-1 et 873 du code de procédure civile et de l’article 1240 du code civil, de :

in limine litis,

— dire et juger dépourvues d’intérêt pour agir les société X Connect et X Y ;

par conséquent,

— rejeter toutes les demandes, fins et prétentions formulées contre les sociétés X Connect et X Y à son encontre ;

au fond,

— dire et juger les sociétés Isowatt et X non concurrentes mais partenaires ;

— dire et juger que le document targué de parasitisme dénommé 'Guide rénovation 'nouveau CITE et nouvelle prime RENOV'' n’est aucunement le dossier commercial de la société Isowatt ;

— dire et juger que copier la production non protégée d’autrui ne saurait caractériser en soi, dans le cadre de la liberté du commerce et de la libre concurrence, une faute ;

— dire et juger que faute de protection au titre de la propriété intellectuelle, le guide repris sous le logo de la société Isowatt et son contenu sont usuels et banals, propriété du domaine public et librement utilisable par tous acteurs économiques ;

— dire et juger que seule une faute distincte de la copie du guide et la démonstration d’un préjudice en résultant seraient susceptibles d’être sanctionnées ;

— dire et juger que la société X ne rapporte aucune preuve ni d’une faute distincte, ni d’un préjudice résultant de la copie de son guide par la société Isowatt ;

— dire et juger que la société X n’identifie pas la valeur économique individualisée qui serait le fruit de ses investissements réalisés pour la conception et l’élaboration de la présentation de son guide ;

— dire et juger que la société X ne démontre aucune appropriation par la société Isowatt d’éléments d’identifications de la société X ;

en conséquence,

— dire et juger l’existence de contestations sérieuses ;

— réformer l’ordonnance de référé RG n°20/2021871 en date du 7 juillet 2020 dont appel selon déclaration n°20/17434 en date du 24 juillet 2020 pour ce qu’elle a statué comme suit :

ordonné à la société Isowatt de cesser toute diffusion et/ou reproduction du guide d’X, sous quelque forme que ce soit, et sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de l’ordonnance ;

ordonné la destruction de tous les documents de la société Isowatt faisant l’objet du litige ;

condamné la SAS Isowatt à payer à la SAS X la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus ;

— condamné en outre la société Isowatt aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 79,83 euros TTC dont 13,09 euros de TVA ;

— confirmer l’ordonnance de référé RG n°20/2021871 en date du 7 juillet 2020 dont appel selon déclaration n°20/17434 en date du 24 juillet 2020 pour le surplus ;

— condamner la société X ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 5.000 euros au regard du caractère abusif de la procédure ;

— condamner la société X ou qui mieux le devra au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la société X ou qui mieux le devra aux entiers dépens.

La société Isowatt fait valoir en substance les éléments suivants :

in limine litis, sur le défaut d’intérêt à agir des sociétés X Connect et X Y,

— que les sociétés Isowatt et X se sont rapprochées autour de l’offre de partenariat 'Pro’Pulse', mais qu’elle n’entretient des relations commerciales qu’avec la société X et non avec les sociétés X Y et X Connect qui sont dépourvues d’intérêt à agir ;

sur les conditions du référé,

— que le parasitisme fondé sur l’article 1240 du code civil nécessite la réunion d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité ; que la faute consiste dans l’action de s’approprier le travail et les investissements d’un concurrent ;

— que les sociétés Isowatt et X ne sont pas concurrentes mais partenaires, la société X étant en charge d’apporter des prospects à la société Isowatt ; que leurs activités sont distinctes et non concurrentes ;

— qu’en l’absence de risque de confusion entre produits concurrents, l’élément matériel du parasitisme n’est pas caractérisé ;

— que le document litigieux ne constitue pas son dossier commercial, mais un guide des aides ouvertes pour les travaux de rénovation et qui promeut uniquement les compétences de la société X ;

— qu’en dehors de la page de couverture, c’est bien le nom de la société X qui est mentionné de nombreuses fois dans le guide ;

— que la société X n’a ni encadré l’usage de ce guide, ni ne l’a protégé ;

— que les éléments contenus dans ce guide sont usuels et banals, propriété du domaine public et librement utilisables par tous acteurs économiques ;

— qu’il n’existe donc aucune faute distincte de la copie du guide et aucun préjudice en résultant ;

— que la société X n’apporte la preuve ni d’investissements réalisés pour ce guide, ni de sa valeur économique individualisée, ni même d’une confusion dans l’esprit du public.

Les sociétés X, X Connect et X Y, par conclusions remises le 4 novembre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, demandent à la cour, sur le fondement de l’article 873 du code de procédure civile et de l’article 1240 du code civil, de :

— constater le caractère manifestement illicite du détournement du guide créé par X et diffusé à la société Isowatt le 6 janvier 2020 ;

— constater le dommage grandissant résultant pour elles des agissements de la société Isowatt ;

— constater l’existence d’un préjudice certain pour elles résultant du détournement par la société Isowatt du guide créé par X ;

en conséquence,

— confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a ordonné à la société Isowatt de cesser toute diffusion et/ou reproduction du guide d’X, sous quelque forme que ce soit, et sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir ;

— confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a ordonné à la société Isowatt de procéder à la destruction de tous les exemplaires papier du guide détourné ;

y ajoutant,

— condamner la société Isowatt à verser à la société X une provision de 15.000 euros ;

— condamner la société Isowatt à communiquer à la société X, sous astreinte de 500 euros par jour de retard dans les 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir

la/les facture(s) d’impression du guide détourné ;

la liste de diffusion par mail de la plaquette détournée ;

la liste de diffusion du guide détourné par courrier ou par tout autre moyen ;

— ordonner à la société Isowatt devra également justifier de la destruction de tous les exemplaires papier du guide détourné, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard dans les 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir ;

— condamner la société Isowatt à payer à la société X la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la société Isowatt aux entiers dépens.

Les sociétés X, X Connect et X Y exposent en résumé ce qui suit :

sur le trouble manifestement illicite,

— qu’elle a réalisé, à ses propres frais, un guide informatif très complet que la société Isowatt a détourné en effaçant toute mention de la société X et en substituant son propre logo ;

— que, ce faisant, a détourné le travail et les investissements intellectuels, humains et financiers de la société X ;

— que ce guide a été en outre utilisé pour démarcher des clients et prospects de la société X ;

— que les deux sociétés proposent aux particuliers de réaliser des travaux de rénovation énergétique et sont concurrentes ; que la société Isowatt réalise la plupart de ses travaux grâce à du démarchage pour elle-même et non grâce au réseau de la société X ;

— que la faute requise peut être non intentionnelle, de sorte que la preuve de la mauvaise foi ou de l’intention de nuire n’a pas à être rapportée ; qu’il est donc indifférent que la société Isowatt ait utilisé les guides détournée pour faire la promotion des activités de la société X ;

— que l’effacement de son logo pour y substituer celui de la société Isowatt est suffisant pour caractériser la faute ;

— qu’elle n’a pas à revendiquer la protection au titre du droit d’auteur ou à transmettre des précautions ou des directives pour obtenir que son guide ne soit pas détourné ;

— que ce guide expose sur douze pages, à l’aide de schémas et d’images clairs et ludiques, le nouveau crédit d’impôt Transition Énergétique, la nouvelle prime rénov', les aides gouvernementales antérieures et les changements récents ;

— qu’elle a donc fourni un travail intellectuel, de mise en page, d’esthétisme, de synthétisation, de simplification et de schématisation pour la création du guide ;

sur ses demandes,

— qu’un préjudice s’infère nécessairement d’actes parasitaires ; que la difficulté d’évaluer avec précision ce préjudice ne fait pas obstacle à l’octroi d’une provision ;

— que la société Isowatt a d’ores et déjà engagé sa responsabilité sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

SUR CE LA COUR

A titre liminaire, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constater’ ou de 'dire et juger', qui constituent des moyens et ne sont pas, à tout le moins, des prétentions des parties de nature à la saisir.

S’agissant d’abord de la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir des sociétés X Connect et X Y, il sera relevé :

— qu’il résulte des écritures des intimées, non contestées sur ce point, que la SAS X est la maison-mère ; que la SAS X Connect est une filiale, chargée des relations commerciales avec les partenaires et de verser les primes aux particuliers, la SAS X Y étant une autre filiale, qui réalise les travaux d’Y ;

— que, dès lors, les sociétés X Connect et X Y, contrairement à ce qu’affirme l’appelante, ont intérêt à agir sur le fondement du parasitisme contre la société Isowatt, dans la mesure où la diffusion alléguée d’une brochure sous le logo Isowatt, alors qu’elle avait été confectionnée initialement sous le logo X, est de nature à constituer un acte de concurrence parasitaire pour les trois sociétés, qui peuvent considérer que le comportement de la SAS Isowatt constitue un détournement des investissements réalisés afin de démarcher les clients des sociétés SAS X, SAS X Connect et SAS X Y ;

— que la circonstance, alléguée par l’appelante, qu’elle aurait noué des liens contractuels avec la seule société SAS X importe peu, une action en parasitisme étant sans rapport avec l’existence préalable d’un contrat entre les parties.

La fin de non-recevoir sera donc rejetée.

Concernant le fond du référé, l’article 873 premier alinéa du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite visé s’entend de toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

Il résulte en outre de l’article 873 en son second alinéa que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision

au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Enfin, aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

Il en résulte que le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer la réalité de ses suppositions à cet égard, cette mesure in futurum étant précisément destinée à l’établir, mais qu’il doit justifier d’éléments les rendant crédibles et de ce que le procès en germe en vue duquel il sollicite la mesure n’est pas dénué de toute chance de succès. Ni l’urgence ni l’absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d’application de ce texte.

En l’espèce, il convient pour la cour de constater :

— que le guide en cause a été créé par la SAS X au mois de janvier 2020 et est destiné à expliquer aux entreprises partenaires le nouveau crédit d’impôt transition énergétique et la nouvelle prime 'ma prime rénov'', entrés en vigueur au 1er janvier 2020 (pièce 1 intimées) ; qu’il a été diffusé le 6 janvier 2020 par courriel aux entreprises partenaires de la société, dont la SAS Isowatt ;

— que les intimées indiquent avoir appris, le 29 mai 2020, la diffusion, par la SAS Isowatt, du même guide, sous le logo de cette dernière (pièce 4 intimées) ;

— qu’il ressort de ce document que la SAS Isowatt a en effet mis son propre logo en page de couverture du guide, en haut à gauche de la page 1 ainsi qu’en bas à gauche des pages intérieures, étant observé que le corps du texte mentionne encore le nom 'X’ ;

— que l’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que peut être sanctionné sur le fondement de cet article le parasitisme, soit l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre, afin de tirer profit de ses efforts et son savoir-faire, sans rien dépenser ou en exposant des frais bien moindres que ceux auxquels il aurait dû normalement faire face pour arriver au même résultat s’il n’avait pas bénéficié des efforts de l’autre ;

— qu’il s’en déduit que, nonobstant les relations commerciales entre les sociétés (offre pro’pulse engageant à la société X à transmettre à la société Isowatt des projets de travaux vérifiés sous condition de rémunération), le fait que la SAS Isowatt ait repris le guide informatif créé par la SAS X, en substituant au logo de cette dernière son propre logo, constitue avec l’évidence requise une référé un acte de parasitisme, soit un trouble manifestement illicite en application de l’article 1240 du code civil, un tel comportement constituant, entre sociétés concurrentes, un détournement fautif de l’investissement réalisé par X pour la confection d’un guide, de nature à créer un préjudice par détournement de clientèle ;

— que peu importe que ce document puisse être qualifié ou non de document commercial, alors qu’il suffit de constater le détournement fautif par la reprise d’une brochure détournée, réalisée pourtant par une autre société ; que, de même, les sociétés intimées n’ont pas à démontrer, contrairement à ce qu’indique l’appelante, l’existence d’une protection au titre de la propriété intellectuelle pour faire état de faits de parasitisme ;

— que, comme le font valoir les intimées, la société appelante ne peut faire état du fait qu’elle est l’un des partenaires d’X lui ayant fourni des prestations pour estimer que le parasitisme n’est pas caractérisé, alors même qu’Isowatt effectue, par ailleurs, des travaux chez les particuliers sans passer par l’intermédiaire des sociétés du groupe X, de sorte que les parties peuvent être en situation de concurrence, même en étant partenaires sur des projets de travaux ;

— que l’appelante ne peut non plus être suivie lorsqu’elle indique qu’elle a en réalité participé à la promotion des activités d’X, le fait de diffuser une brochure d’X sous le nom d’Isowatt constituant en effet une publicité pour Isowatt, au détriment d’X, alors que les sociétés du groupe X sont à l’origine de l’investissement dans le guide, peu important aussi l’absence de mentions, dans le courriel de diffusion originaire, de son caractère confidentiel, condition non requise pour établir un acte de parasitisme ;

— que la société Isowatt ne s’est d’ailleurs pas limitée à diffuser le guide tel que confectionné par X, mais a bien modifié son aspect en faisant disparaître à de nombreuses reprises le logo initialement reproduit ;

— que la seule circonstance que le corps du texte, dans le guide tel que modifié par Isowatt, mentionne 'X’ ne saurait permettre d’en déduire l’absence de tout parasitisme, la société appelante pouvant, en toute hypothèse, profiter de la diffusion du guide sous son nom pour conclure de nouveaux contrats de prestations avec des particuliers, au regard du nouveau dispositif applicable au 1er janvier 2020, sans passer par l’intermédiaire de la société X ;

— que le guide en question présente bien, comme le font valoir les intimés, une valeur économique et est le fruit d’investissements humains et d’efforts intellectuels et financiers, présentant, sur douze pages, de manière synthétique, l’évolution de la réglementation applicable, à l’aide de schémas et d’images, inédits et confectionnés par X.

Dans ces conditions, il faut relever :

— que le premier juge a à juste titre fait interdiction à la société Isowatt, sous astreinte, de diffuser ou reproduire le guide litigieux détourné, mesure de remise en état qui s’impose afin de faire cesser le trouble manifestement illicite ;

— qu’il y a lieu cependant, par infirmation de la décision entreprise, d’ordonner à la société appelante de procéder à la destruction des exemplaires papier de ce guide comportant son logo, dans la mesure où le chef sur ce point de la décision entreprise, qui a ordonné la destruction de 'tous les documents de la société Isowatt faisant l’objet du litige', apparaît trop indéterminé et trop général, le juge des référés ne devant prononcer que les mesures strictement nécessaires à la remise en état ; qu’il sera ordonné à l’appelante de justifier auprès des intimées, par tout moyen, de la destruction judiciairement ordonnée ;

— que, sur le fondement de l’article 145 du code civil, s’agissant d’une mesure d’instruction in futurum, la SAS X peut valablement solliciter la communication, par la SAS Isowatt, de la ou les factures d’impression du guide litigieux, de la liste de sa diffusion par courriel et de la liste de sa diffusion par courrier, ces documents étant de nature, le cas échéant, à permettre d’établir la nature et la teneur du préjudice subi dans le cadre d’un futur procès au fond ; que le prononcé d’une astreinte n’apparaît pas nécessaire, n’étant pas établi la volonté de SAS Isowatt de résister abusivement à une telle mesure ;

— qu’en revanche, concernant la demande de provision au stade du référé par la SAS X, il ne pourrait y être fait droit qu’à la hauteur de l’obligation non sérieusement contestable de la SAS Isowatt en réparation du préjudice subi ;

— que les pièces versées aux débats n’établissent pas les conséquences de la diffusion du guide d’X sous le logo d’Isowatt, ce qui commande de dire n’y avoir lieu à référé sur cette demande, étant rappelé que c’est aux juges du fond de fixer l’indemnisation s’inférant d’un acte de concurrence déloyale générateur d’un trouble commercial, d’autant que, dans la présence procédure, a été sollicitée la communication de diverses pièces aux fins justement de tenter d’établir le préjudice subi.

La SAS Isowatt, qui succombe, verra sa demande pour procédure abusive rejetée, sera condamnée

aux dépens d’appel et devra verser à la SAS X la somme indiquée au dispositif, aux fins d’indemniser les frais non répétibles exposés par elle en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à hauteur d’appel.

PAR CES MOTIFS

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir des sociétés SAS X Connect et SAS X Y ;

Confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a ordonné à la société Isowatt de cesser toute diffusion et/ou reproduction du guide d’X, sous quelque forme que ce soit, et sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de l’ordonnance, en ce qu’elle a condamné la SAS Isowatt à payer à la SAS X la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’elle a condamné la SAS Isowatt aux dépens de première instance ;

Infirme l’ordonnance pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Ordonne à la SAS Isowatt de procéder à la destruction de tous les exemplaires papier du guide litigieux, comportant son logo, en sa possession ;

Condamne la SAS Isowatt à remettre à la SAS X, dans les quinze jours à compter de la signification du présent arrêt, la ou les factures d’impression du guide litigieux comportant le logo 'Isowatt', la liste de sa diffusion par courriel, la liste de sa diffusion par courrier ;

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision formée par la société SAS X ;

Ordonne à la SAS Isowatt de justifier de la destruction de tous les exemplaires papier du guide litigieux comportant son logo en sa possession auprès de la SAS X, par tout moyen ;

Rejette la demande de la SAS Isowatt pour procédure abusive ;

Condamne la SAS Isowatt à verser à hauteur d’appel à la SAS X la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Isowatt aux dépens d’appel ;

La Greffière, La Présidente,

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 21 janvier 2021, n° 20/10786