Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 10 février 2021, n° 19/08516

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 2

ARRET DU 10 FEVRIER 2021

(n° ,6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/08516 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7ZFU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 17/06961

APPELANTS

Monsieur G K X

né le […] à […]

[…]

[…]

Madame F L A épouse X

née le […] à […]

[…]

[…]

Représentés par Me Nicolas BOULAY substitué par Me Agathe QUIMO, de l’ASSOCIATION FARTHOUAT ASSELINEAU ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R130

INTIME

Monsieur Y H

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Etienne LESAGE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1330

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Décembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre

Mme Muriel PAGE, Conseillère

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre, et par Mme Dominique CARMENT, Greffière présente lors du prononcé.


FAITS & PROCÉDURE

Le 3 juillet 1995, Mme F L A et son époux M. G K X ont acquis le lot n° 12 correspondant à un appartement de deux pièces au 5e étage droite et une cave numéro n° 11 dans l’immeuble, soumis au statut de la copropriété, situé […].

Selon contrat de location du 31 janvier 2008, ils ont donné ce bien en location à Mme C D et M. E B. Ces deniers ont donné congé pour le 5 novembre 2010.

Le 11 mai 2009, M. Y H a acquis les lots n° 18 à 20, originairement des chambres de service réunies en un appartement situé à l’aplomb de l’appartement des époux X.

Par acte du 19 avril 2017, les époux X ont fait assigner M. Y H aux fins d’indemnisation de leur préjudice du fait d’infiltrations en provenance de l’appartement de ce dernier, sollicitant à ce titre la somme de 15.182,28 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur perte locative, outre une indemnité de procédure à concurrence de 2.900 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 29 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

— débouté Mme F A et son époux M. G X de l’intégralité de leurs demandes,

— condamné solidairement Mme A et son époux M. X à payer à M. H la somme de 2.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté les parties du surplus de leurs demandes,

— condamné solidairement Mme A et son époux M. X aux dépens.

Les époux X ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe du 17 avril 2019.

La procédure devant la cour a été clôturée le 18 novembre 2020.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions du 17 octobre 2019 par lesquelles Mme F L A et son époux M. G K X, appelants, invitent la cour à :

— infirmer le jugement,

— dire le rapport établi par le cabinet Elex le 24 janvier 2012 opposable à M. Y H et contradictoire,

— constater que le sinistre pour lequel ils poursuivent la réparation est exclusivement imputable aux équipements de plomberie de l’appartement, propriété de M. Y H,

— dire M. Y H tenu, par application de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965, de procéder à l’entière réparation du préjudice immatériel qu’ils déplorent,

— condamner par conséquent M. Y H à leur verser la somme de 15.182,28 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur perte locative, avec intérêts de droit, à compter du 24 janvier 2012, lesquels seront capitalisés à compter du 25 janvier 2013, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

— débouter M. Y H de sa prétention formée en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant de ce chef,

— condamner M. Y H à leur verser la somme de 5.900 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Vu les conclusions du 4 octobre 2019 par lesquelles M. Y H, intimé, demande à la cour de confirmer le jugement et, en toute hypothèse, de dire que les consorts X font preuve d’une mauvaise foi évidente qui rend toutes leurs demandes irrecevables ainsi que de les condamner solidairement à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

SUR CE,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;

En application de l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;

Sur les désordres et les responsabilités encourues

Il résulte de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 que chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; qu’il en use et jouit librement sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble ;

Par ailleurs, aux termes du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage, il est institué une responsabilité objective – sans faute – fondée sur la preuve du trouble anormal qui s’apprécie en fonction des circonstances de temps et de lieu ; il s’ensuit que l’auteur du trouble ne peut s’exonérer en prouvant son absence de faute ;

Tout occupant des lieux titulaire d’un droit de jouissance, locataire ou simple occupant, auteur des nuisances, est donc responsable de plein droit vis-à-vis des voisins victimes, sur le fondement de la prohibition du trouble anormal de voisinage, quand bien même le trouble serait inhérent à une activité licite et qu’aucun manquement à une disposition législative, réglementaire ou contractuelle n’aurait été observé ;

En outre, la victime d’un trouble de voisinage trouvant son origine dans l’immeuble (ou partie d’immeuble) donné en location peut en demander réparation au propriétaire, nonobstant les recours en garantie subséquent dont il dispose ;

En l’espèce, il résulte des pièces versées au dossier qu’un dégât des eaux est survenu dans l’appartement des époux X en provenance de l’appartement situé à l’aplomb, propriété de M. H, et a donné lieu à une déclaration de sinistre du 18 novembre 2010 que l’auteur du sinistre (M. H) a dûment rempli mais a refusé de signer ;

Les époux X ont déclaré leur sinistre à la Maif, leur assureur multirisques, qui a

missionné, en qualité d’expert, le cabinet Elex, lequel a convié M. H à un rendez-vous contradictoire devant se tenir à l’origine le 5 mai 2011 par lettre recommandée avec accusé de réception reçu le 15 avril 2011 et signé ; M. H ne peut valablement soutenir que la signature aposée sur l’accusé réception ne serait pas la sienne sans en rapporter la preuve ; la circonstance selon laquelle il n’a pas assisté à la réunion d’expertise n’est pas de nature à prouver qu’il n’aurait pas reçu la convocation ;

Par conséquent, alors même que l’expert aurait été choisi par la Maif et la société Axa France, assureur de la copropriété ayant lui-même désigné le cabinet Cogexpert, les opérations de constat et d’expertise ont été menées contradictoirement, toutes les parties ayant été convoquées et, partant, en mesure de faire valoir leurs observations et déposer leurs pièces ;

Le rapport d’expertise amiable du 24 janvier 2012 établi par le cabinet Elex fait état d’un piquage défectueux au droit du raccord avec la descente d’eaux vannes comme étant la cause du sinistre et dont l’origine est donc privative ;

Il est par ailleurs constant que M. H a confié des travaux de plomberie à M. I J, entrepreneur en nom propre, qui a réalisé lesdits travaux qui sont à l’origine des infiltrations constatées ; il s’ensuit que la cause du dommage est le fruit d’une contravention aux règles de l’art des travaux réalisés pour le compte de M. H ;

En outre, par lettre du 9 février 2012, M. H a écrit à la Maif – assureur des appelants – que le sinistre était 'sous la responsabilité de mon plombier qui a oublié de mettre la colle en emboitant les tuyaux. J’ai exigé qu’il ouvre le trou des toilettes en ma présence pour lui prouver l’intégralité de sa responsabilité' ; il s’ensuit que M. H était nécessairement informé de l’existence du sinistre ayant affecté l’appartement des époux X et de ses causes tenant aux malfaçons commises par son entrepreneur, contrairement à ce qu’il prétend ;

Ces éléments confortent les conclusions de l’expert Elex ;

Si la faute du plombier, M. I J, est établie, M. H, en sa qualité de maître d’ouvrage, est responsable des travaux de son entrepreneur, sans qu’il puisse se soustraire à cette

responsabilité en soutenant qu’il appartenait à l’assureur des époux X ou aux époux X d’exercer un recours direct contre son plombier ;

Par ailleurs, l’examen des pièces produites montre que la société Axa France, assureur de la copropriété, a procédé au versement d’une indemnité de 4.342,46 € aux époux X au titre de leur préjudice matériel concernant le dégât des eaux survenu le 15 juin 2009 et que cet assureur en a réclamé le remboursement auprès de la société Sagena, assureur de M. I J dont les coordonnées avaient été transmises par M. H, et que les réparations ont été effectuées ;

Enfin, M. H, connaissance prise du sinistre a écrit à la Maif, par courrier du 4 mars 2012, que 'les documents attestant que le nécessaire concernant le sinistre de la rue Condorcet avait été bien fait' ;

Il résulte de tout ce qui précède que les dénégations de M. H ne peuvent prospérer ;

Par conséquent, le lien causal entre les malfaçons commises par M. I J et les dommages subis par les appelants étant établi et démontré, il convient de déclarer l’intimé responsable à l’encontre des époux X des dommages liés au dégât des eaux ci-dessus examiné ; le jugement doit être réformé de ce chef ;

Sur la demande de réparation du préjudice de perte locative des époux X

Les époux X sollicitent le versement d’une somme de 15.182,28 € au titre d’une perte locative, évaluée contradictoirement par les cabinet Elex et Cogexpert ;

Les premiers juges ont écarté tout préjudice notamment au motif que les appelants n’ont versé aucun élément aux débats justifiant de l’absence de location de leur appartement à partir de novembre 2010 ;

Or, les appelants produisent une attestation établie le 14 septembre 2012 par la société Actia Immobilier, leur mandataire, qui souligne que l’appartement est vacant depuis le 5 novembre 2010 et que M. et Mme B ont résilié leur bail avec libération effective à cette date ; elle ajoute qu’il n’a pas été possible de relouer le bien puisque les travaux de réparation du dommage (dégât des eaux antérieur au départ des locataires) 'n’ont pu être réalisés que très récemment' ;

Il ressort des pièces versées aux débats, notamment de la quittance de loyer et du contrat de bail, que les loyers perçus s’élevaient à la somme de 1.379,19 € par mois ; l’expert a ainsi évalué la perte locative sur une période de 11 mois, de novembre 2010 à octobre 2011 ;

Toutefois, les travaux réalisés, dont le devis est produit aux débats, ne justifient nullement une inhabitabilité des lieux pendant 11 mois ; de même, les époux X ne rapportent pas la preuve que le congé signifié par lesdits locataires dès le 5 août 2010 pour le 5 novembre 2010 aurait été lié au dégât des eaux, ni aux travaux de réfection devant être réalisés ; enfin, ils ne justifient pas d’un obstacle les ayant empêchés de faire exécuter les travaux rapidement après le départ des locataires ou même en cours de location ;

Par conséquent, en l’absence de toute explication tant des appelants que de l’expert amiable sur la durée particulièrement longue pendant laquelle ils prétendent que leur appartement ne pouvait être loué, la cour ne retiendra qu’une perte de loyer durant un mois suivant le départ des locataires, soit un préjudice de 1.379,19 € ;

Il convient dès lors de réformer le jugement en ce qu’il a écarté tout préjudice locatif et de condamner M. H à payer à M et Mme X en réparation de leur perte de loyers la somme de 1.379,19 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2017, date de l’acte

introductif d’intance ; les intérêts dus pour au moins une année entière sur la condamnation pécuniaire prononcée produiront eux-mêmes intérêts au taux légal par application de l’article 1343-2 nouveau du code civil à compter du 19 avril 2017, date à laquelle les appelants en ont formé la demande ;

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement déféré sur le sort des dépens et l’application qui y a été faite des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

M. Y H, partie perdante, doit être condamné aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer M. et Mme X la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter les demandes formées par la partie intimée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. Y H à payer à Mme F A épouse X et M. G X la somme de 1.379,19 € à titre d’indemnisation de leur préjudice immatériel assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2017 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière sur la somme de 1.379,19 € par application de l’article 1343-2 nouveau du code civil à compter du 19 avril 2017 ;

Condamne M. Y H aux dépens de première instance et d’appel ;

Condamne M. Y H à payer à Mme F A épouse X et M. G X la somme de 3.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d’appel ;

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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