Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 11 mai 2021, n° 18/27203

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 - ch. 13, 11 mai 2021, n° 18/27203
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/27203
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 23 octobre 2018, N° 17/10424
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 13

(Anciennement pôle 2 – chambre 1)

ARRÊT DU 11 MAI 2021

(n° , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/27203 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B62PT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 octobre 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 17/10424

APPELANTE

SCP B – Z agissant poursuites et diligences de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Elisant domicile au cabinet de Me TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat

[…]

[…]

Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocat plaidant Me Yann LE GOATER de la SELARL RAMBAUD-LE-GOATER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1229

INTIMÉES

SA MMA IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 537 052 368

[…]

[…]

SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 775 652 126

[…]

[…]

SELARL X-Y prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 805 166 345

[…]

[…]

Représentées par Me Jérôme DEPONDT de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042 substitué par Me Pierre LACLAVIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042

SELARL A ET ASSOCIES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 308 972 223

[…]

[…]

Représentée et assistée par Me Antoine BEAUQUIER de l’ASSOCIATION BOKEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R191

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 9 mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Nicole COCHET, Première présidente de chambre et Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nicole COCHET, Première présidente de chambre

Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Séphora LOUIS-FERDINAND

ARRÊT :

— Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Nicole COCHET, Première présidente de chambre et par Sarah-Lisa GILBERT, Greffière présente à la mise à disposition.

* * * * *

Le 2 juillet 2004, la société B-Z, société d’architectes, a signé un contrat de maîtrise d''uvre avec la société Soferim, à laquelle s’est ensuite substituée la Snc Portefoin pour la construction d’un programme de logements situé à Paris (3e). Celui-ci a été modifié par un avenant du 27 juin 2006.

L’exécution des travaux a été confiée à la société Tbi Sham, suivant marché tous corps d’état en date du 16 octobre 2006 et avenant du 6 mars 2007, laquelle a arrêté le chantier concernant la dernière partie d’ouvrage non encore livrée, le 29 avril 2008, alors que les délais contractuels d’achèvement des travaux n’avaient pas été respectés, et la snc Portefoin a résilié son contrat le 11 juillet 2008.

Un différend est né entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur général de travaux sur l’imputabilité des causes du retard de livraison et la MAF, assureur de la société d’architectes a chargé la selarl A & associés, société d’avocats, de la défense de ses intérêts.

Par décision du 28 janvier 2009, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, saisi par la Snc Portefoin, a ordonné une mesure d’expertise, commune à la société Tbi Sham, à la société B-Z et à la société Racine, économiste de la construction, afin notamment d’examiner les retards d’exécution des travaux faisant l’objet du marché du 16 octobre 2006 et de l’avenant du 6 mars 2007 et d’en déterminer les causes ainsi que l’imputabilité. Les opérations d’expertise ont par la suite été étendues à plusieurs sous-traitants.

Parallèlement, la société Tbi Sham a, le 13 février 2009, assigné au fond la snc Portefoin, lui demandant des dommages et intérêts pour la résiliation du contrat et le 17 février 2010, la snc Portefoin a assigné en garantie la scp B-Z.

Les 12 mars et 2 novembre 2009, la société B-Z a émis trois factures à l’encontre de la société Portefoin, correspondant pour deux d’entre elles à des honoraires complémentaires au titre des opérations d’expertise et pour la plus importante à des honoraires consécutifs à l’allongement du délai des travaux, pour des montants respectifs de 36 119,20 €, 16 146 € et 476 965,78 € toutes taxes comprises, qu’elle a transmises à son avocat.

A la suite de la cession, le 3 octobre 2014, par la selarl A & associés de la branche d’activité afférente aux dossiers de la MAF à la selarl X-Y, en cours de formation et constituée par M. X ancien associé et Mme Y ancienne collaboratrice de la société A, le transfert du dossier de la scp B-Dourçot a pris effet le 15 octobre 2014.

Par acte extra-judiciaire du 4 mars 2015, la société Portefoin a formalisé son opposition à la demande de paiement d’un complément d’honoraires par la scp B-Z.

L’expert judiciaire a déposé son rapport le 22 juillet 2015.

A la suite d’une transaction entre la société Portefoin et la société Tbi Sham devenue Tbi, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a constaté le désistement d’instance de la société Tbi accepté par la snc Portefoin par ordonnance du 18 janvier 2016, relevant que la scp B-Z représentée par la selarl X-Y n’avait pas conclu.

C’est dans ce contexte que la scp B-Z a fait délivrer à la société A et associés, à la société X-Y ainsi qu’aux sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard, une assignation devant le tribunal de grande instance de Paris, afin de rechercher la responsabilité civile des sociétés d’avocats et de leurs assureurs.

Par jugement du 24 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

— débouté la scp B-Z de l’ensemble de ses demandes,

— condamné la scp B-Z aux dépens,

— condamné la scp B-Z à payer à la société X-Y ainsi qu’aux sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la scp B-Z à payer à la société A et associés la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Par déclaration du 30 novembre 2018, la scp B-Z a interjeté appel de cette décision en l’encontre des sociétés d’avocats et de leurs assureurs.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 18 février 2019, la scp B-Z demande à la cour de :

— infirmer en totalité le jugement,

statuant à nouveau,

— juger qu’en commettant une erreur de qualification juridique de sa réclamation, en s’abstenant de diligenter un acte interruptif de prescription de l’action relative au paiement des factures des 12 mars et 2 novembre 2009, en ne présentant que trop tardivement devant l’expert judiciaire les réclamations correspondantes et en omettant de l’informer des suites et du sort de la procédure au fond alors que la présentation de son préjudice était encore possible, la selarl A & associés et la selarl X-Y ont commis des fautes engageant leur responsabilité civile professionnelle à l’égard de leur cliente,

— évaluer sa perte de chance de voir reconnaître son préjudice né de l’allongement des délais du chantier et de l’assistance de la snc Portefoin dans le cadre de la procédure d’expertise à la somme de 418 086,88 €,

— condamner solidairement la selarl A & associés et la selarl X-Y à lui verser une somme de 418 086,88 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice pour perte de chance,

— condamner les sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard sa, venant aux droits de la société Covéa Risks, à garantir la selarl A & associés et la selarl X-Y des condamnations prononcées à leur encontre,

— condamner les sociétés défenderesses à lui verser une somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la même (sic) aux entiers dépens, dont distraction au profit de l’AARPI Teytaud-Saleh, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 9 mai 2019, la selarl A & associés demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté l’intégralité des demandes de la scp B-Z et lui a accordé la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejeter l’intégralité des demandes de la scp B-Z,

— condamner la scp B-Z à lui payer la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 7 mai 2019, la selarl X-Y et les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles demandent à la cour de :

— déclarer la scp B-Z mal fondée en son appel,

— l’en débouter,

et, en conséquence, de :

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

— condamner la scp B-Z à lui payer la somme de 6 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la scp B-Z aux entiers dépens, dont distraction au profit de la scp IFL-Avocats conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 2 février 2021.

SUR CE

Sur la responsabilité

Le tribunal a retenu que :

— le maître d''uvre s’est acquitté de tous les honoraires dus à la scp B-Z, prévus au contrat principal modifié par l’avenant du 27 juin 2006, lequel avait pour vocation de prendre en compte l’allongement des travaux et a porté le montant de ceux-ci à 761 833 € hors taxes,

— la scp B-Z ne justifie aucunement de l’existence d’autres dispositions contractuelles de nature à fonder sa prétendue créance d’honoraires demeurée impayée, s’agissant de la mission complémentaire qu’elle prétend avoir accomplie au service du maître de l’ouvrage pour l’assister au cours des opérations d’expertise, outre que la snc Portefoin était demanderesse dans la procédure de référé qui a prescrit la mesure tandis que la scp B-Z était défenderesse et susceptible de voir sa responsabilité retenue,

— c’est encore vainement que la scp B-Z a cru pouvoir se prévaloir du caractère prétendument imprévu de l’allongement des travaux ou encore de l’origine délictuelle de son préjudice d’honoraires, dès lors que les dispositions contractuelles régissant les parties au contrat de maîtrise d''uvre prévoyaient la rémunération forfaitaire de l’architecte dont les honoraires étaient expressément stipulés non révisables et non actualisables.

Sans statuer sur la faute, il a estimé que la scp B-Z échouait à démontrer la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable à son détriment et devait être déboutée de l’ensemble de ses demandes.

— sur la faute

La scp B-Z soutient que les sociétés d’avocats A & associés puis X-Y ont

manqué à leurs obligations d’information, de conseil et de diligence aux motifs que :

— c’est sur les conseils de la société A & associés, donnant une mauvaise qualification juridique à ses demandes qu’elle a établi des factures d’honoraires à l’attention de la snc Portefoin en date des 12 mars et 2 novembre 2009, alors que, puisque le contrat de maîtrise d’oeuvre prévoyait une rémunération forfaitaire même en cas de dépassement des délais, elle aurait dû réclamer des dommages et intérêts à la société Tbi Sham dont la défaillance a eu pour conséquence un allongement anormal du délai d’exécution du chantier,

— la société A et associés a ensuite privilégié la voie confidentielle entre avocats pour réclamer le paiement des factures à la snc Portefoin au lieu de transmettre ces données à l’expert au titre du préjudice subi du fait de l’allongement des délais du chantier,

— la présentation de ses réclamations est intervenue trop tardivement pour que son préjudice ait pu être débattu dans le cadre de la procédure d’expertise judiciaire, alors même que l’expert en a admis la légitimité,

— ses réclamations n’ont pas fait l’objet d’une demande reconventionnelle dans le cadre de l’instance au fond dans laquelle la société X-Y aurait dû se constituer à la place de la société A et associés dès que celle-ci avait été avertie de conclusions de reprise d’instance,

— l’instance s’est éteinte devant le tribunal de grande instance de Paris le 18 janvier 2016 par suite d’un désistement de la société Tbi, responsable du préjudice subi par la scp B-Z, sans que la société X-Y ne l’informe du sort de cette procédure,

— si la société A & associés est à l’origine de l’erreur commise quant à la qualification qu’il convenait de donner à sa réclamation, celle-ci pouvait parfaitement être réparée par la société X-Y, à tout le moins à compter de la réception de l’opposition à paiement du 4 mars 2015,

— son préjudice n’est pas le non-paiement de factures mais un préjudice nécessairement d’ordre délictuel dont la réparation devait être réclamée à celui par la faute duquel le chantier n’avait pas été fini dans les temps,

— la question de la prescription de l’action en paiement des factures des 12 mars et 2 novembre 2009 n’est pas pertinente.

La société A & associés soutient que :

— la prescription de l’action de la scp B-Z à l’encontre de la société Tbi a été suspendue par la mesure d’expertise prononcée par ordonnance du 28 janvier 2009 laquelle donnait à l’expert la mission de faire les comptes entre les parties dont la société d’architectes, en vertu des dispositions de l’article 2239 du code de procédure civile,

— si la mesure d’expertise n’a pas suspendu la prescription, le point de départ de celle-ci doit être fixé à la date de la transmission des trois factures en cause (et non la date qui figure sur les factures) par la scp B-Z à leur destinataire soit au plus tard le 29 juin 2010,

— elle n’était plus l’avocat de la scp B-Z lorsque la prescription alléguée aurait eu lieu, ayant été remplacée par la selarl X-Y le 15 octobre 2014,

— au surplus, la scp B-Z ne saurait se plaindre d’un défaut de conseil relatif à une prescription dont elle lui avait elle-même parlé.

La société X-Y et ses assureurs soutiennent que :

— le tribunal a justement relevé que la scp B-Z ne disposait d’aucune créance à l’encontre de la snc Portefoin ou de la société Tbi,

— la sociétéTbi ayant arrêté le chantier le 29 avril 2008, ce dernier n’a pu être terminé que le 1er octobre 2009 ; le dommage de la scp B-Z était donc pleinement réalisé au plus tard le jour de la réception et l’action en responsabilité délictuelle expirait donc au plus tard le 1er octobre 2014,

— la selarl X-Y ayant été constituée postérieurement à cette date, puisqu’immatriculée au RCS de Paris le 14 octobre 2014, toute action de nature délictuelle de la scp B-Z à l’encontre de la société Tbi était prescrite au jour où elle a été mandatée,

— il ne peut être soutenu que l’action n’était pas prescrite dans la mesure où la scp B-Z n’a jamais réalisé aucun acte interruptif de prescription de son action, sauf à considérer qu’une mesure d’expertise suspend la prescription ; si c’est le cas, la scp B-Z disposait d’une action en réparation de son préjudice jusqu’au 2 juillet 2020,

— la perte de l’action de la scp B-Z ne peut donc lui être imputable.

L’engagement de la responsabilité de l’avocat, sur le fondement de l’article 1147 du code civil dans sa version applicable aux faits, nécessite la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité.

Soumis à une obligation générale de loyauté, de prudence, de compétence et de diligence, l’avocat, tenu à une obligation de moyens, doit tout mettre en oeuvre pour assurer la défense de son client et a également un devoir de conseil, comprenant l’obligation d’informer et de conseiller son client.

Lorsqu’il se voit confier un mandat de représentation en justice, l’avocat a également le devoir d’accomplir au nom du mandant les actes de la procédure utiles à la sauvegarde des intérêts de celui-ci.

> sur la prescription de l’action invoquée à titre de grief par la société d’architecte et à titre exonératoire de responsabilité par chacune des deux sociétés d’avocat intervenues successivement

Si dans le dispositif de ses conclusions, la société B-Z reproche aux avocats d’avoir laissé prescrire son action, elle soutient, dans le développement de son argumentation que cette question de prescription n’est en réalité pas pertinente : si elle est acquise et que les conseils successifs n’ont rien fait pour l’interrompre alors qu’ils en avaient été alertés, cela constitue une faute, si elle a été suspendue par la mesure d’expertise, l’action est devenue vaine avec le placement de l’auteur du dommage, la société Tbi en liquidation judiciaire.

La société A soutient que l’action n’était pas prescrite lorsque son mandat a pris fin et la société X-Y que l’action en responsabilité délictuelle contre la société Tbi en raison de l’allongement des délais d’exécution l’était au jour de son intervention, puisque le point de départ de la prescription de cinq ans était le jour de l’achèvement du chantier le 1er octobre 2009, date à laquelle son dommage était pleinement réalisé.

Le délai de prescription applicable était de cinq ans qu’il s’agisse d’une action en paiement de nature contractuelle à l’encontre de la snc Portefoin ou d’une action en responsabilité délictuelle à l’encontre de la société Tbi, conformément aux dispositions de l’article 2224 du code civil selon lesquelles les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

La prescription de l’action de la scp B-Z a été suspendue par la mesure d’expertise

prononcée par ordonnance du 28 janvier 2009, en vertu des dispositions de l’article 2239 du code de procédure civile, puisque l’expertise ordonnée en référé à la demande de la snc Portefoin avant tout procès visait tant la société Tbi que la scp B-Z et que la mission donnée à l’expert était de donner son avis sur les causes des retards d’exécution et leur imputabilité, de fournir tous les éléments techniques et de fait de manière à permettre de déterminer les responsabilités éventuellement encourues, de donner son avis sur les préjudices allégués et chiffrés par les parties et de faire les comptes entre les parties.

Il s’en déduit, la mesure ordonnée suspendant la prescription à l’égard de toutes les parties à la cause, qu’aucune prescription n’était acquise tant sur le fondement contractuel que délictuel au 15 octobre 2014, date de fin du mandat de la société A & associés et de début de celui de la société X-Y, de sorte que ce grief ne peut être reproché à la société A & associés et que la société X-Y ne peut l’invoquer comme cause d’exonération de sa responsabilité.

Par ailleurs, la société B-Z ne formule aucun grief quant à une prescription postérieure de son action après dépôt du rapport d’expertise, dans le cas où la cour retiendrait une suspension du délai du fait de l’expertise ordonnée.

Ces moyens sont donc rejetés.

> sur les griefs tirés de l’erreur de qualification des prétentions du maître d’oeuvre et de l’absence de présentation d’un préjudice à l’expert reprochés à la société A & associés

Par courriel du 24 octobre 2008 soit avant même qu’une expertise soit ordonnée, M. Z écrivait à M. A, membre de la société A & associés :

'Je dois vous indiquer que le principe d’une rémunération correspondant au travail supplémentaire occasionné par l’arrêt de chantier est acté verbalement avec notre client, sans que pour l’instant, ni le montant ni le caractère ( Forfait ' Temps passé ' Taux horaire ') en soit arrêté (faute de temps, mais cela urge !). Je songe en même temps qu’il y aurait lieu de préciser les termes de cette mission et de bien cerner ce qui diffère du contrat.

Si vous pouvez nous aider concernant cette dernière demande, vos conseils sont les bienvenus.'

Le 14 novembre 2008, M. Z adressait le courriel suivant au maître de l’ouvrage :

' Je vous adresse ainsi que nous étions convenus, un tableau récapitulant le temps passé par l’agence en conséquence du contentieux engagé avec Tbi. A la date d’aujourd’hui, nous y avons consacré 302 heures. Le taux horaire que nous vous demandons de prendre en compte est de 100 € HT.

Dans l’attente de votre réponse afin de pouvoir établir notre note d’honoraires...'

Le 12 février 2009, M. A écrivait au cabinet d’architectes :

' Je vous confirme qu’il sera extrêment difficile que vous obteniez des honoraires complémentaires pour le suivi des expertises, dès lors que votre responsabilité est recherchée. Par contre, il est judicieux … d’attendre la fin de l’opération pour que vous soyez à même de pouvoir revendiquer un honoraire complémentaire au titre de l’allongement du délai.'

Le 9 mars 2009, M. B adressait à son avocat la note d’honoraire datée du 12 mars 2009 d’un montant de 30 200 € HT pour la période du 17 avril au 7 novembre 2008 qu’il entendait soumettre au maître de l’ouvrage lors de la réunion du même jour, ce qu’il ne fit pas.

La réception définitive des travaux exécutés par une autre entreprise intervenait le 1er octobre 2009.

Le 3 novembre 2009, M. Z adressait à la société d’avocats une note d’honoraires datée du 2 novembre d’un montant de 13 500 € HT pour la période du 8 décembre 2008 au 20 octobre 2009 et relative au contentieux engagé avec la société Tbi et aux expertises, ainsi qu’une note d’honoraires datée du même jour d’un montant de 398 800 € HT correspondant à des honoraires complémentaires au titre de l’allongement du délai d’exécution.

Il terminait son courriel par cette phrase : 'Dans l’attente de vos conseils afin de présenter et argumenter au mieux ces demandes auprès de notre client…'

Le 17 février 2010, la snc Portefoin a assigné en garantie la scp B-Z.

Le maître d’ouvrage poursuivant ses demandes d’analyse explicative de documents en vue d’une réunion avec l’expert judiciaire auprès de la société d’architectes, M. B, rappelant cette assignation nouvelle, demandait à son avocat, le 12 mars 2010, son avis sur la réponse à apporter à cette nouvelle demande.

Par retour de courriel, la société A & associés, sous la signature de Mme E F, lui répondait :

'Il semble que ce qui vous est demandé excède très largement la mission qui vous a été confiée.

Soferim vous demande d’être son conseil technique ou financier alors que vous êtes partie et en défense aux opérations d’expertise de M. C. Vous avez, dès lors, des intérêts différents de Tbi mais aussi de Soferim.'

Le 29 juin 2010, M. B adressait son projet de lettre accompagnant les notes d’honoraires non encore envoyées à la société A et associés qui, selon la société d’architectes, devait les transmettre à l’avocat du maître de l’ouvrage lors d’une réunion prévue entre eux.

Le 21 décembre 2013, la scp B-Z adressait par lettre recommandée avec accusé de réception ses trois notes d’honoraires à la société Soferim aux droits de laquelle venait la snc Portefoin, laquelle lui répondait par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 juillet 2014 que les prestations dans le cadre de l’expertise avaient été mises en oeuvre par la société d’architecte avant tout pour assurer la défense de ses propres intérêts et que l’allongement des délais était imputable à l’entreprise générale, qu’elle même n’avait pas à supporter de règlement supplémentaire et qu’il lui appartenait de diriger sa demande à l’encontre la société Tbi.

En sa qualité de professionnel du droit, il ne pouvait échapper à la société A & associés que le contrat de maîtrise d’oeuvre prévoyait en son article 7 une rémunération forfaitaire du maître d’oeuvre même en cas de dépassement du délai d’exécution du chantier.

Bien que sa cliente n’ait cessé de lui demander des conseils pour présenter et argumenter ses demandes, la société d’avocats n’a jamais fait état de la difficulté relative à la présentation d’une note d’honoraires liés au retard d’exécution du chantier qu’elle ne pouvait ignorer, au vu du contrat de maîtrise d’oeuvre.

Surtout, même après que la snc Portefoin a, le 25 juillet 2014, incité sa cliente à diriger sa demande à l’encontre la société Tbi au motif que l’allongement des délais était imputable à sa défaillance, elle ne lui a pas proposé de modifier sa demande et de la présenter à l’expert sous la forme d’un préjudice dont elle pouvait demander réparation alors qu’elle était partie à l’expertise et que la mission de l’expert était de donner son avis sur les causes des retards d’exécution et leur imputabilité, de fournir tous les éléments techniques et de fait de manière à permettre de déterminer les responsabilité éventuellement encourues, de donner son avis sur les préjudices allégués et chiffrés par les parties et de faire les comptes entre les parties.

La société A & associés, tenue de conseiller et d’orienter la décision de son client sur ses demandes et sur les voies et moyens de droit applicables, a manqué à son obligation de conseil et de diligence en n’examinant pas les chances de succès de la réclamation d’honoraires au maître de l’ouvrage au vu des dispositions contractuelles, en ne proposant pas une qualification utile de ses prétentions, à savoir la demande de réparation d’un préjudice à l’encontre de la société Tbi et en ne la présentant pas à l’expert.

> sur les griefs tirés de l’absence de requalification des demandes du maître d’oeuvre et de présentation d’une réclamation au titre d’un préjudice à l’encontre de la société Tbi dans le cadre des opérations d’expertise puis dans le cadre de l’action au fond avant son extinction reprochés à la société X-Y

Le 15 décembre 2014, la selarl X-Y saisissait le conseil régional de l’ordre des architectes de la réclamation de la scp B-Z au titre de ses honoraires complémentaires, préalable nécessaire au vu des dispositions de l’article 16 du contrat de maîtrise d’oeuvre.

Le 10 février 2015, Mme Y en sa qualité de membre de la selarl X-Y écrivait à la scp B-Z pour lui rappeler que ses notes d’honoraires avaient été établies en 2009 et lui indiquait que toute réclamation était à priori prescrite.

Le 4 mars 2015, la snc Portefoin faisait signifier par huissier de justice à la scp B-Z une opposition à paiement aux motifs :

'- que les honoraires de maîtrise d’oeuvre lui ont été entièrement réglés conformément au contrat du 2 juillet 2004 et à l’avenant du 27 juin 2006,

- qu’aucun complément d’honoraires, de quelque nature que se soit et à quel titre que se soit, n’a été convenu,

- qu’elle n’est pas responsable des éventuelles conséquences dommageables pouvant résulter pour la société d’architectes de l’allongement des délais d’exécution du chantier consécutif à la résiliation du marché de l’entreprise générale Tbi Sham, laquelle résulte de sa faute,

- que, par suite, la snc Portefoin n’a pas à supporter la charge financière improprement qualifiée de ' complément d’honoraires’ alors qu’il s’agit de dommages et intérêts dont seule l’entreprise générale Tbi Sham est responsable envers la scp B-Z et partant, doit exclusivement en répondre.'

M. Z G alors par courriel Mme Y le 31 mars 2015 en rappelant son message du 5 mars resté sans réponse et lui demandait ' Faut-il assigner directement Tbi, si oui, ne tardons pas', ce à quoi, le 3 avril 2015, la société X-Y répondait : ' je me constitue sur cette opposition à paiement… nous contesterons dans le cadre de cette procédure', réponse manifestement totalement inadaptée en l’absence de procédure en cours à ce titre.

Dans une note aux parties n°7 de février 2015, M. D, économiste de la construction agissant en qualité de sapiteur, analysait les préjudices de la société Portefoin au titre de l’arrêt du chantier par la société Tbi et mentionnait que le maître de l’ouvrage faisait état de préjudices de surcoût des intervenants techniques sauf en ce qui concernait la scp B-Z dont le surcoût d’intervention était mentionné pour zéro euro, à l’inverse de la société Racine, économiste mis en cause au même titre qu’elle dans l’assignation originelle en référé.

Mme Y, avocat de la scp B-Z, ne transmettait que le 8 juillet 2015 un dire à l’expert, en visant cette note, en lui demandant d’analyser les prétentions de sa cliente et dans sa réponse du 17 juillet 2015, l’expert lui répondait que cette demande n’était plus recevable puisque le délai pour adresser un dire avait expiré depuis le 24 avril et que son rapport clos le 2 juillet précédent était en

cours d’impression.

Toutefois, l’expert adressait aux parties le 22 juillet suivant son rapport accompagné d’un addendum, sur autorisation du juge du contrôle des expertises, dans lequel il donnait son avis sur la demande de la société B-Z qui lui semblait en partie justifiée.

Il retenait ainsi au titre des honoraires complémentaires liés au dépassement du délai contractuel une somme de 123 887,18 € TTC et au titre de la note d’honoraires du 2 novembre 2009 relative aux frais occasionnés en raison de l’assistance de la snc Portefoin dans le cadre de l’expertise une somme de 10 453,04 € HT.

A la suite du dépôt du rapport, l’affaire pendante entre la société Tbi Sham, d’une part, et la société Portefoin et la scp B-Z, d’autre part, était rétablie au rôle des affaires du tribunal en novembre 2015, la société X-Y se constituait en lieu et place de la société A & associés le 15 janvier 2016 après avoir eu connaissance des conclusions de désistement de la société Tbi et d’acceptation de la société Portefoin et le juge de la mise en état prononçait ce desistement le 18 janvier suivant après avoir relevé que la selarl X-Y s’était contituée mais n’avait pas conclu.

La scp B-Duçot reproche à juste titre à la société X-Y un manquement à son obligation de conseil, l’avocat se devant d’orienter son client sur les voies et moyens de droit utiles et d’évaluer les options envisageables, comme à son obligation de diligence, l’avocat étant tenu d’assurer la défense de son client en préservant au mieux ses intérêts.

En effet, elle aurait dû, alors qu’elle pensait, même à tort, que l’action en paiement des factures d’honoraires était prescrite et que le maître de l’ouvrage lui avait de manière très officielle suggéré la voie d’une indemnisation d’un préjudice à l’encontre de la société Tbi, non seulement réagir à la note du sapiteur évoquant une notion de préjudice lié aux surcoûts des intervenants techniques dûs aux retards de construction dont seul le maître d’oeuvre était exclu et présenter une demande en réparation de préjudice à l’encontre de la société Tbi dans le cadre des opérations d’expertise mais encore, après que la discussion devant l’expert a été fermée, réagir à l’avis chiffré de ce préjudice donné par l’expert dans son addendum après clôture de son rapport et présenter une demande à ce titre devant le tribunal de grande instance de Paris saisi au fond.

A l’inverse, la société X-Y s’est abstenue de former une demande de dommages et intérêts à l’encontre de la société Tbi devant le tribunal alors que, saisie depuis octobre 2014 du dossier transféré que les deux associés connaissaient déjà en leur ancienne qualité de membre de la société A & associés, il lui appartenait de se constituer, dès cette date, en lieu et place de la société A & associés, et qu’avertie des conclusions de désistement notifiées le 5 janvier 2016, elle aurait dû non seulement se constituer mais surtout conclure en urgence ou à tout le moins demander un délai pour ce faire, avant que le juge de la mise en état ne constate un désistement d’action. Cette inaction constitue également un manquement à son obligation de diligence.

- sur le lien de causalité et le préjudice

La scp B-Z soutient que :

— les fautes commises par ses conseils successifs l’ont empêchée de voir son préjudice reconnu par l’expert judiciaire, de participer à la transaction intervenue entre la Snc Portefoin et la société Tbi et de revendiquer l’indemnisation de son préjudice au titre de l’allongement des délais et de l’assistance de la Snc Portefoin dans le cadre de la procédure d’expertise à l’encontre de la société Tbi avant que celle-ci ne soit placée en liquidation judiciaire,

— son préjudice direct et certain se caractérise par une perte raisonnable de succès de sa réclamation si

les diligences élémentaires en matière contentieuse avaient été effectuées,

— concernant son préjudice relatif à l’allongement imprévu des délais de travaux, le retard doit être fixé à 17 mois et non 10 comme retenu par l’expert et le préjudice calculé sur une valeur d’exécution de 295 243 € correspondant au montant définitif des travaux soit un préjudice de 376 434,88 € TTC,

— le préjudice subi du fait de son impossibilité à faire valoir ses droits à recouvrer ses frais irrépétibles s’établit à la somme de 41 652 €.

La société A & associés fait valoir que :

— le contentieux relatif à l’allongement des travaux relève nécessairement du régime de la responsabilité contractuelle,

— le préjudice invoqué par la scp B-Z est inexistant, dans la mesure où le contrat de maître d''uvre prévoyait dès l’origine que les honoraires de la Scp étaient intangibles, la Scp B-Z ayant volontairement accepté de se soumettre à des conditions qui lui étaient défavorables sur ce point,

— l’avenant du 27 juin 2006 avait pris en compte l’allongement des travaux en réévaluant les honoraires de la Scp B-Z, qui ne pouvait donc réclamer des honoraires supplémentaires relatifs au même objet,

— en tout état de cause, le montant du préjudice est surévalué alors que la scp B-Z ne peut prétendre qu’à la réparation d’une perte de chance pondérée d’un pourcentage proportionnel à la chance perdue puisque sa réparation ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée,

— la scp B-Z n’ayant aucune chance d’obtenir réparation, le pourcentage à appliquer est nul.

La selarl X-Y et les sociétés MMA répondent que :

— même si dans le cadre de l’instance au fond pendante devant le tribunal de grande instance de Paris, la société B-Z aurait pu former une demande reconventionnelle à l’encontre de la société Tbi,ce qu’elle n’a pas fait, rien ne l’empêchait de former cette demande dans le cadre d’une nouvelle instance jusqu’au 2 juillet 2020 de sorte qu’il n’est pas justifié de la perte d’une éventualité favorable,

— la scp B-Z ne justifie pas du bien-fondé de sa demande indemnitaire, alors qu’il lui appartient de démontrer que l’allongement du chantier a occasionné des prestations supplémentaires et engendré des coûts additionnels,

— le préjudice n’est que la perte d’honoraires hors taxe, la TVA ne constituant pas un préjudice puisqu’elle est reversée à l’administration fiscale,

— ni le chiffrage de la phase d’exécution ni le délai contractuel d’exécution ne sont démontrés,

— l’allongement du chantier ne constitue pas en soi un préjudice indemnisable,

— l’appréciation du préjudice aurait été vivement contestée par la société Tbi,

— quand bien même une action contre la société Tbi aurait été considérée comme recevable et bien-fondée, les poursuites à son encontre auraient été vaines dans la mesure où elle a été placée en redressement judiciaire le 11 août 2017, l’action n’aurait pu tendre qu’à la fixation d’une créance sans

espoir de recouvrement,

— la scp B-Z ne justifie donc d’aucune perte de chance d’obtenir le paiement des sommes alléguées.

Pour justifier du lien de causalité entre les fautes de ses avocats et les préjudices allégués, il appartient à la scp B-Z d’établir que du fait de ces fautes, elle a perdu une chance de voir ses réclamations accueillies avec succès.

Seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable.

En toute hypothèse, la réparation de la perte de chance doit être mesurée en considération de l’aléa jaugé et ne saurait être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

La société B-Z soutient à juste titre que, par la faute des deux sociétés d’avocats, elle a perdu une chance réelle et certaine de voir ses demandes, si elles avaient été correctement qualifiées et dirigées contre la société Tbi, d’abord discutées au cours des opérations d’expertise et retenues par l’expert, puis indemnisées au titre de la transaction intervenue ou encore dans le cadre de l’instance qui était pendante au fond.

En effet, d’une part, l’expert judiciaire a retenu au bénéfice de la snc Portefoin et du fait de l’arrêt du chantier par la société Tbi des préjudices liés aux surcoûts des intervenants techniques à savoir l’économiste, le pilote, le bureau de contrôle et le coordinateur SPS correspondant, pour certains, à des honoraires complémentaires réglés en raison de la prolongation de leurs missions et a expressément relevé que le maître de l’ouvrage ne mentionnait aucune dépense supplémentaire vis à vis de la scp B-Z, ce qui s’explique aisément puisque celle-ci n’a pas présenté de notes d’honoraires avant fin décembre 2013 et que la snc Portefoin a refusé de les régler en engageant son maître d’oeuvre à présenter ses réclamations à la société défaillante. Surtout, l’expert saisi tardivement d’une réclamation de la scp d’architectes l’a estimée partiellement justifiée et a sollicité du juge du contrôle des expertises l’autorisation d’effectuer un addendum à son rapport d’expertise concernant son avis sur l’évaluation des préjudices sollicités.

D’autre part, il apparaît que la société Tbi et la société Portefoin ont transigé assez rapidement après le dépôt du rapport d’expertise judiciaire et la société B-Z étant également partie à cette expertise, elle aurait de manière certaine pu participer aux négociations et être indemnisée dans le cadre de la transaction, comme l’a été la société Portefoin.

Enfin et si la transaction avait échoué à son égard, la scp B-Z aurait pu formuler ses demandes indemnitaires dans le cadre de l’instance au fond reprise dès 2015 après dépôt du rapport d’expertise et bénéficier d’une condamnation alors que la société Tbi était encore in bonis, le jugement du 4 août 2017 ayant prononcé sa liquidation judiciaire n’ayant fait remonter l’état de cessation des paiements qu’au 1er juillet précédent.

La société B-Z justifie, au vu de ces éléments, d’une perte de chance d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices que la cour fixe à 80 % du montant des préjudices qui auraient dû être réparés.

La scp B-Z, bien qu’elle se fonde pour le calcul de ses préjudices sur les notes d’honoraires qu’elle avait établies à l’encontre de la snc Portefoin, se prévaut de l’exercice empêché d’une action indemnitaire à l’encontre de la société Tbi défaillante dans l’exécution du marché de travaux, de sorte que les moyens tirés du caractère forfaitaire de ses honoraires de maîtrise d’oeuvre à l’égard du maître de l’ouvrage sont inopérants puisque son action n’aurait pas été formée contre son co-contractant et aurait relevé de la responsabilité délictuelle.

S’agissant du préjudice lié à l’allongement des délais d’exécution des travaux, dans son addendum, l’expert judiciaire n’a retenu un retard anormal qu’en ce qui concerne le bâtiment 8-10, considérant pour les deux autres bâtiments qu’ils avaient été livrés avec retard mais dans des conditions normales de chantier alors que s’agissant du bâtiment 8-10, l’arrêt des travaux par l’entreprise a créé une situation et des retards non prévus au contrat et estimé que ce retard, imputable à la société Tbi, était de 10 mois.

Cette durée indemnisable a été appliquée à l’ensemble des préjudices retenus par l’expert et la société B-Z n’apporte pas d’éléments établissant que cette durée discutée à l’occasion des opérations d’expertise aurait été modifiée dans le cadre de la transaction ou de l’action contentieuse.

L’expert ayant admis le principe d’un calcul du préjudice sur la base du suivi de l’exécution, dont le montant est justifié à hauteur de 290 037 € HT au 2 novembre 2009 (pièce 56 de l’appelante) et aucun élément ne permettant son actualisation comme le suggérait l’expert, ce montant sera retenu. Cette base de calcul correspondant aux honoraires qui auraient dû être versés pour une mission qui devait durer 16 mois, l’expert n’aurait pas pu être suivi dans son calcul confus divisant ce montant par les 22 mois de retard dont la scp B-Z réclamait l’indemnisation mais qu’il n’a pas retenu et cette somme sera divisée, comme le demandait avec plus de cohérence le maître d’oeuvre par la durée initialement prévue de sa mission soit 16 mois.

En conséquence, le préjudice subi auquel aurait pu prétendre la scp B-Z en raison des dix mois de retard occasionnés par la faute de la société Tbi sera évalué à la somme de 181 273,10 € (290 037/16 x 10), la société X-Y et ses assureurs soutenant à bon droit que le préjudice n’est que la perte d’honoraires hors taxe puisque la TVA aurait dû être reversée à l’administration fiscale.

S’agissant du préjudice lié à l’assistance de la société Portefoin dans le cadre du contentieux engagé avec la société Tbi et des expertises, l’expert l’a qualifié de frais irrépétibles suscités à 80 % pour la défense des intérêts de la snc Portefoin et à 20 % pour la défense de ses propres intérêts.

La société B-Z soutient à bon droit qu’elle aurait pu réclamer au titre de son préjudice 80 % des frais engagés au profit de la snc Portefoin soit la somme de 34 960 € ( 80 % x 43 700) mais seulement hors taxes, ce préjudice n’étant là encore qu’une perte d’honoraires.

En conséquence, le préjudice réparable s’établit, compte tenu de la perte de chance d’obtenir une indemnisation de la société Tbi évaluée à 80 % du préjudice subi de son fait, à la somme de 181 348,91 € (80 % x [191 726,14 + 34 960]).

La société A & associés sera condamnée in solidum avec la société X-Y à payer la somme de 181 348,91 € à la scp B-Z.

De même, la scp B-Z sollicitant la garantie des sociétés d’assurances à l’égard des deux sociétés d’avocats comme en première instance, les sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard sa, venant aux droits de la société Covéa Risks, seront condamnée à garantir la selarl A & associés et la selarl X-Y des condamnations prononcées à leur encontre.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens de première instance et d’appel doivent incomber in solidum à la société A & associés et la société X-Y, parties perdantes.

Elles seront également condamnées in solidum à payer à la scp B-Z la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne in solidum la selarl A & associés et la société X-Y à payer à la scp B-Z la somme de 181 348,91 € à titre de dommages et intérêts,

Condamne in solidum la SA MMA Iard et la société MMA assurances mutuelles à garantir la selarl A & associés et la société X-Y de l’ensemble des condamnations prononcées à leur encontre,

Condamne in solidum la selarl A & associés, la société X-Y aux dépens de première instance et d’appel,

Dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la selarl A & associés et la société X-Y à payer à la scp B-Z la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 11 mai 2021, n° 18/27203