Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 27 janvier 2021, n° 20/04820

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRET DU 27 JANVIER 2021

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04820 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBUHT

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Décembre 2018 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 18/59161

APPELANTE

Madame C D Z divorcée X

née le […] à […]

[…]

[…]

représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998

ayant pour avocat plaidant Me Fabian HINCKER, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur B X

né le […] à […]

[…]

[…]

représenté par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

ayant pour avocat plaidant Me Christian COLOMBIER, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Décembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Madeleine HUBERTY, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Dorothée DARD, Président

Mme Madeleine HUBERTY, Conseiller

Mme Catherine GONZALEZ, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Madeleine HUBERTY, Conseiller, pour le Président empêché, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

PRETENTIONS DES PARTIES ET PROCEDURE

Le 27 juillet 1984, Monsieur B X et Madame C Z se sont mariés sans contrat de mariage.

Par acte authentique en date du 27 mai 1998, ils ont procédé à l’acquisition d’un bien immobilier sis […]. Cette acquisition a été financée pour partie grâce à un prêt immobilier garanti par un cautionnement de la SOCIETE CREDIT LOGEMENT.

Une place de parking a en outre été achetée par acte authentique en date du 15 octobre 2004.

Par ordonnance de non conciliation rendue le 14 février 2008, la jouissance du logement familial a été attribuée à Madame D Z à titre onéreux . Il a, d’autre part, été constaté que Monsieur X s’engageait à régler les crédits immobiliers afférents au logement familial.

Par jugement en date du 15 avril 2015, le divorce des époux X/Z a été prononcé aux torts partagés. Ce jugement a été confirmé, sauf en ce que Monsieur X a été condamné à payer une prestation compensatoire d’un montant de 60000€ par arrêt en date du 28 septembre 2017.

Cet arrêt n’a pas fait l’objet d’un pourvoi et le divorce est définitif depuis le 26 décembre 2017.

Par arrêt confirmatif en date du 30 octobre 2018, la cour d’appel de Y a condamné solidairement Monsieur X et Madame D Z à payer une somme de 221393€, outre intérêts au taux légal au profit de la SOCIETE CREDIT LOGEMENT.

Par acte en date du 2 octobre 2018, Monsieur X a assigné Madame Z devant le président du tribunal de grande instance de PARIS statuant en la forme des référés afin d’être autorisé à vendre le bien immobilier de PARIS 16e, malgré l’opposition de son ex-épouse.

Dans son ordonnance rendue en la forme des référés en date du 10 décembre 2018, le magistrat délégué par le président du tribunal de grande instance de PARIS a statué en ces termes :

- Autorisons Monsieur B X à mettre en vente, seul, le bien immobilier indivis sis […] au prix minimal de 2 700 000€ et à conclure seul la vente du dit bien;

- Ordonnons à Madame C D Z de remettre à Monsieur B X un double des clés du bien immobilier indivis situé […] pour permettre les visites du dit bien;

- Rejetons le surplus des demandes;

- Condamnons Madame C D Z aux dépens de l’instance;

- Disons n’y avoir lieu à condamnation par application de l’article 700 du code de procédure civile;

- Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire à titre provisoire.

Madame C D Z a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 5 mars 2020.

***********************

Dans ses conclusions régularisées le 1er décembre 2020 Madame C D Z formule les prétentions suivantes :

— La déclarer recevable en son appel;

— Infirmer l’ordonnance en la forme des référés rendue le 10 décembre 2018 en ce qu’elle a :

' autorisé Monsieur X à vendre seul pour un prix minimal de 2 700 000€ l’ancien domicile conjugal dans lequel elle vit actuellement avec leur fille commune;

' ordonné à Madame D Z de remettre à Monsieur X un double des clés pour permettre les visites du dit bien;

' rejeté le surplus des demandes, en ce compris les demandes formulées par Madame D Z lors de cette procédure;

' condamné Madame D Z aux dépens de l’instance;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

— Constater l’extinction de la dette du CREDIT LOGEMENT et par conséquent l’absence de menace de saisie immobilière;

— Autoriser Madame D Z à vendre seule, au prix minimal de 2700000€ l’ensemble immobilier indivis sis […] constituant l’ancien domicile conjugal en ce compris l’intégralité des lots composant le bien indivis chambres de services et parking compris ensemble les lots n°75, 76 et 19;

A titre subsidiaire,

— Autoriser Madame D Z à vendre seule les deux chambres de service et la

place de parking désignés au cadastre :

. lot n°75 au 8e étage, une chambre de bonne n°16 et les 5/2000èmes des parties communes générales d’une surface de 8,79m²;

. lot n°76 au 8e étage, une chambre de bonne n°17 et les 5/2000èmes des parties communes générales d’une surface de 10,19m²;

. lot n°19 au sous-sol un garage portant le n°4 et les 16/2000èmes de la propriété du sol des parties communes générales;

Si la cour fait droit à la demande principale ou à la demande subsidiaire de Madame D Z :

— Autoriser Madame D Z à mandater toute agence ou tout notaire aux fins d’établir la promesse de vente et l’acte de vente définitif;

— Autoriser Madame D Z à signer la promesse de vente et l’acte de vente définitif et procéder ou faire procéder à toutes les formalités consécutives à la vente;

— Dire que le notaire chargé de la vente sera autorisé à régler les créanciers de l’indivision;

— Dire que le prix de vente sera employé par priorité au règlement du passif mis à la charge de l’indivision;

— Dire que les fonds issus des produits de la vente après paiement du passif de l’indivision seront séquestrés chez le notaire chargé de la vente jusqu’à la clôture des opérations de comptes liquidation partage entre les indivisaires;

A titre infiniment subsidiaire, si la cour ne fait pas droit à la demande principale et la demande subsidiaire de Madame D Z,

— Rappeler au besoin juger qu’il n’y a pas lieu d’autoriser l’un ou l’autre des indivisaires détenant, pour moitié chacun, les lots constituant l’ancien domicile conjugal à vendre seul l’ensemble immobilier indivis situé au […];

— Rappeler au besoin juger par conséquent, que la vente de l’ancien domicile conjugal et ce compris l’intégralité des lots composant l’ancien domicile conjugal devra nécessiter l’accord unanime des indivisaires conformément au droit commun régissant les règles de l’indivision;

En tout état de cause,

— Débouter Monsieur X de l’intégralité de ses demandes, fins, prétentions et conclusions;

— Ordonner en tant que de besoin une mesure d’expertise immobilière aux fins de déterminer la valeur de l’ensemble immobilier composé de l’ancien domicile conjugal, de chacune des chambres de service ainsi que du parking dans son ensemble et de manière fractionnée;

— Désigner en tant que de besoin Madame D Z comme administrateur de l’indivision aux fins de procéder aux démarches nécessaires en vue de la vente de l’ensemble immobilier indivis;

— Condamner Monsieur X à lui payer une somme de 5000€ par application de l’article

700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel;

— Constater la qualité d’indivisaire à hauteur de 50% de Madame D Z;

— Constater que Madame D Z assume seule les charges liées à l’ancien domicile conjugal;

— Dire et juger que l’occupation du bien indivis avec I-J X est compatible avec les droits concurrents de Monsieur X sur ce bien;

— Constater que Madame D Z jouit de l’ancien domicile conjugal avec I-J fille des parties depuis l’abandon du domicile conjugal par Monsieur X;

— Constater que la jouissance de l’ancien domicile conjugal a été attribuée à titre onéreux à Madame D Z depuis l’ordonnance de non conciliation;

— Dire et juger sur la base des éléments produits que Monsieur X multiplie les agissements de nature à entraver la vente, la répartition des fruits de la vente du bien immobilier indivis ainsi que la liquidation du régime matrimonial;

— Constater que Madame D Z occupe privativement le bien immobilier indivis à défaut de solution de relogement pour elle et sa fille en l’état financier.

Madame D Z fait valoir que :

' ses prétentions sont recevables car elles ne sont pas nouvelles, dès lors elles ne tendent qu’à faire obstacle à la posture de blocage de Monsieur X, comme en première instance.

' c’est à tort que Monsieur X a été autorisé à vendre seul le bien immobilier indivis. En effet, il ne s’est jamais préoccupé de l’intérêt de l’indivision. Il a cessé d’assumer la charge du prêt immobilier qui lui incombait, sans la prévenir. Pour apurer leur dette à l’égard du CREDIT LOGEMENT, elle a été seule à proposer des solutions, au travers notamment de demandes de délais de paiement, du règlement immédiat d’une somme de 30 000€ par chèque de banque et de la vente des chambres de service. Au regard de ces possibilités, l’urgence requise pour autoriser la vente par Monsieur X n’était pas caractérisée. Par ailleurs, une telle vente ne peut être autorisée que pour préserver l’intérêt commun. Or, Monsieur X n’a jamais recherché que son intérêt personnel avec la volonté de nuire à son ex-épouse, comme il résulte de la procédure d’expulsion qu’il a vainement engagée à son encontre.

' la dette à l’égard du CREDIT LOGEMENT est désormais apurée ainsi qu’il résulte d’une transaction conclue au printemps 2020 entre l’intimé et le CREDIT LOGEMENT.

' elle a toujours été favorable à la vente du bien immobilier indivis car seul le produit de la vente peut lui permettre de se reloger avec sa fille. Toutefois, les opérations de liquidation du régime matrimonial n’ont toujours pas été engagées et aucun accord n’a pu être convenu quant à la répartition du prix de vente, le seul objectif de Monsieur X étant de porter atteinte à ses droits en revendiquant des créances d’indemnités d’occupation et autres parfaitement exagérées.

' en réalité, Monsieur X a été défaillant dans ses démarches destinées à réaliser la cession du bien immobilier indivis. L’ordonnance l’autorisant à vendre n’a été signifiée que tardivement, plus d’un an après sa date. Une seule agence immobilière a été saisie et elle n’a pas été régulièrement informée des démarches et négociations pour vendre.

' si des visites ont eu lieu et n’ont pas abouti, cette situation ne lui est aucunement imputable. Elle a

elle-même fait part d’une offre d’acquisition par des voisins mais cette offre n’a pas été prise en compte. Elle ne s’est pas opposée à la prise de photographies de l’appartement, malgré la vétusté de celui-ci. Elle a normalement exigé d’être avisée à l’avance des visites au regard de ses propres contraintes professionnelles et elle a remis les clefs dès le 4 février 2019.

' c’est elle qui devrait être autorisée à procéder seule à la vente du bien immobilier car elle habite les lieux, ce qui facilite les visites et elle souhaite la vente afin de recueillir sa part pour pouvoir se reloger.

******************

Dans ses conclusions régularisées le 30 novembre 2020, Monsieur B X formule les prétentions suivantes :

A titre principal,

— Déclarer irrecevables l’ensemble des demandes présentées par Madame D Z tant sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile que de la règle de l’estoppel et du caractère abusif de l’appel;

— Confirmer l’ordonnance en la forme des référés du 10 décembre 2018 en ce qu’elle a :

' autorisé Monsieur B X à mettre en vente, seul, le bien immobilier indivis situé […] au prix minimal de 2 700 000€ et à conclure seul la vente du dit bien;

' ordonné à Madame D Z de remettre à Monsieur B X un double des clés du bien immobilier indivis sis […] pour permettre les visites du dit bien;

' rejeté le surplus des demandes;

' condamné Madame D Z aux dépens de l’instance.

A titre subsidiaire,

— Rejeter l’intégralité des demandes présentées par Madame D Z compte tenu de la nécessité de procéder à la vente immédiate du bien immobilier indivis et de sa volonté d’en différer la vente;

— Confirmer l’ordonnance en la forme des référés du 10 décembre 2018 en ce qu’elle a :

' autorisé Monsieur B X à mettre en vente, seul, le bien immobilier indivis situé […] au prix minimal de 2 700 000€ et à conclure seul la vente du dit bien;

' ordonné à Madame D Z de remettre à Monsieur B X un double des clés du bien immobilier indivis sis […] pour permettre les visites du dit bien;

' rejeté le surplus des demandes;

' condamné Madame D Z aux dépens de l’instance.

A titre très subsidiaire,

— Autoriser chacun des indivisaires à mettre en vente, seul, l’ensemble du bien immobilier indivis, sis […] au prix minimal de 2 700 000€ et à conclure, seul, la vente du dit bien;

— Ordonner à Madame D Z de remettre à Monsieur B X un double des clefs du bien immobilier indivis sis […] pour permettre les visites du dit bien, à son initiative;

— Rejeter toute demande contraire.

Monsieur B X fait valoir que :

' la volonté de Madame D Z de procéder à la vente du bien commun n’est que de pure façade. Ses prétentions sont effectivement nouvelles et donc irrecevables parce qu’elle était véritablement opposée à la vente en première instance.

' il a cessé de régler les échéances de remboursement du prêt immobilier de 3500€ par mois, en raison de problèmes de santé qui ont eu des incidences négatives sur son activité professionnelle. Pour conclure une transaction avec la SOCIETE CREDIT LOGEMENT et apurer la dette qui a été consacrée par un arrêt de la cour d’appel de Y, il a dû souscrire un prêt familial qui doit être remboursé. En permettant l’apurement de la dette à l’égard de la SOCIETE CREDIT LOGEMENT il a protégé l’indivision puisqu’il a évité une saisie immobilière. La superficie de l’appartement est de 200m² et les charges sont lourdes, comme les indemnités d’occupation qui incombent à l’appelante.

' ses revenus sont en réalité inférieurs à ceux de Madame D Z qui est infirmière et profite de la location des chambres de l’appartement et des deux chambres de bonne. Il n’est pas imposable. Il ne pourra régler la prestation compensatoire de 60 000€ qui a été mise à sa charge que grâce au produit de la vente de l’appartement indivis.

' c’est Madame D Z qui bloque tous les projets de vente car elle conditionne la vente aux conditions qu’elle impose pour la liquidation du régime matrimonial : elle exige que ses droits soient consacrés pour au moins 1 100 000€ ce qui constitue un chantage. Il existe une offre ferme d’achat du bien immobilier depuis le 25 octobre 2019 et Madame D Z n’a fait appel que pour gêner la réalisation de cette vente. Il n’a engagé un référé expulsion à son encontre que parce qu’elle faisait obstruction à la réalisation de la vente. Lui-même n’a aucun intérêt à retarder la vente et aucune posture de blocage ne peut lui être imputée.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le mardi 8 décembre 2020.

Monsieur B X a été autorisé à présenter sous huitaine une note en délibéré contenant une proposition d’affecter une partie des fonds de la vente au profit de Madame D-Z en vue de faciliter son relogement, celle-ci étant donc elle-même autorisée à présenter ses observations sur cette proposition.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,

Sur la recevabilité des prétentions de Madame D Z

Monsieur X soutient que les prétentions de l’appelante tendant à être autorisée à vendre seule le bien immobilier indivis sont irrecevables comme nouvelles ou parce qu’elles contreviennent au principe de l’estoppel.

Par application de l’article 564 du code de procédure civile 'les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écartes les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait'.

Il est, en l’occurrence, constant, qu’en sa qualité de défenderesse en première instance, Madame D-Z n’a pas soutenu à titre principal qu’elle était favorable à la vente amiable du bien immobilier indivis. Elle n’a, toutefois, pas indiqué qu’un tel projet était inconcevable mais simplement qu’il y avait un désaccord des indivisaires sur la valorisation du bien indivis et que la demande de Monsieur X lui apparaissait prématurée. Elle a, par ailleurs, proposé la vente de deux lots accessoires à l’appartement principal. En indiquant désormais qu’elle est mieux placée que Monsieur X pour procéder seule à la vente du bien immobilier indivis, elle ne fait qu’invoquer un moyen tendant à voir infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a autorisé Monsieur X à procéder seul à la vente.

Si cette prétention est nouvelle puisqu’elle n’a pas été exprimée en première instance, elle est également susceptible de justifier le retrait de l’autorisation de vendre donnée à Monsieur X et elle constitue donc un moyen de s’opposer aux prétentions de celui-ci. La fin de non recevoir fondée sur l’article 564 du code de procédure civile, invoquée par Monsieur X doit donc être rejetée.

S’il résulte du principe de l’estoppel qu’une partie ne peut se prévaloir d’une position contraire à celle qu’elle a prise antérieurement lorsque ce changement se produit au détriment d’un tiers, le seul fait que la position de Madame D-Z au sujet de la vente du bien indivis puisse paraître confuse ou ambiguë (vente mais difficultés de réalisation d’une vente en raison de la nécessité d’un relogement, vente mais préservation préalable de ses droits sur la liquidation de la communauté en l’absence de procédure de liquidation) ne saurait rendre ses prétentions irrecevables. Au surplus, le principe de l’estoppel, ne s’oppose pas à ce que des défenses au fond, même très diverses, puissent être invoquées en tout état de cause.

Le caractère éventuellement abusif de l’appel ne saurait dispenser d’examiner les prétentions de Madame D Z, puisque l’examen de ces prétentions est un préalable nécessaire à l’appréciation de ce caractère abusif ou non.

Les prétentions de Madame D Z doivent donc être déclarées recevables

Sur la demande d’autorisation de vendre le bien immobilier indivis seul, ou seule ou seuls

Par application de l’article 815-6 du code civil (dans sa version en vigueur en 2018) ' le président du tribunal de grande instance peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun'.

La motivation de l’ordonnance dont appel révèle que Monsieur X a été autorisé le 10 décembre 2018 à vendre seul le bien indivis, sis […], parce qu’il existait une menace de recouvrement forcé, en raison d’un arrêt de la cour d’appel de Y rendu le 30 octobre 2018, passé en force de chose jugée, qui avait confirmé la condamnation solidaire de Monsieur X et Madame D-Z à payer à la SOCIETE CREDIT LOGEMENT une somme de 221 393€ en principal, prononcée le 31 août 2016 par le tribunal de grande instance de VIENNE (pièces 12 et 13 intimé). Il était noté que l’intérêt de l’indivision commandait d’échapper à l’aléa d’une vente forcée.

Il ne peut être raisonnablement soutenu (conclusions appelante pages 24 et 31) que Madame D-Z aurait toujours été favorable à la vente, puisqu’elle n’a pas justifié de diligences effectives pour réaliser cette vente depuis l’ordonnance de non conciliation rendue le 10 juillet 2008, aux termes de laquelle il avait été expressément souligné qu’elle ne disposait pas des moyens susceptibles de lui permettre de se maintenir dans un appartement de cette valeur (pièce 1 appelante). Dans l’ordonnance du juge de la mise en état rendue le 2 novembre 2010 (pièce 2 appelante), Monsieur X a soutenu que Madame D-Z refusait de vendre le bien (ordonnance page 5), ce que celle-ci n’a pas contesté en sollicitant la jouissance de l’appartement à titre gratuit. Cette décision a également souligné que 'la valeur et la surface (de l’appartement) sont trop importantes pour que Madame C D-Z épouse X puisse les assumer seule' (ordonnance page 8). Dans l’arrêt rendu le 28 septembre 2017 par la cour de céans, ayant confirmé le divorce aux torts partagés, il a été considéré que Madame D-Z ne pouvait pas soutenir qu’en cessant de régler les échéances du prêt immobilier, Monsieur X E à l’asphyxier financièrement 'dès lors que l’attention de cette dernière avait été appelée dès l’ordonnance de non conciliation sur l’obligation dans laquelle les époux se trouvaient de vendre cet appartement qu’aucun d’eux ne pouvait prétendre conserver….' (Pièce 5 appelante page 10).

Par ailleurs, si Madame D-Z a proposé à Monsieur X de procéder à des cessions de droits immobiliers en 2014 et 2015, ces cessions ne portaient que sur les annexes de l’appartement indivis (deux chambres de bonne et un parking – pièces 28, 28bis, 28ter et 30 appelante), cette proposition ayant, d’ailleurs, été réitérée devant le juge ayant autorisé l’intimé à vendre seul l’appartement et ses accessoires, ainsi, qu’à titre subsidiaire, dans la présente instance. Ce n’est qu’après l’ordonnance rendue le 10 décembre 2018, dont appel, que Madame D-Z a fait connaître le 21 février 2019 son accord sur le principe de la vente du tout pour un prix net de 2 700 000 € (pièces 31 et 32 appelante), ce qui peut expliquer que Monsieur X n’ait fait procéder à la signification de l’ordonnance que par acte du 21 février 2020 (pièce 8 appelante).

A l’époque de la décision rendue en première instance, il ne peut être reproché à Monsieur X d’avoir fait état d’un risque de saisie immobilière, alors que la créance de la SOCIETE CREDIT LOGEMENT avait été consacrée pour plus de 220 000€ et alors que la créancière avait pris le soin de prendre une inscription d’hypothèque judiciaire.

En décembre 2020, date des débats en appel, ce risque n’existe plus, puisqu’il est établi que Monsieur X a conclu le 20 juin 2020 une transaction avec la créancière pour un montant de 230000€, soldant la dette, grâce à un prêt familial (pièces 68 et 69 intimé).

Le contexte de la demande d’autorisation de vendre seul le bien indivis présentée par Monsieur X n’est donc pas le même en appel qu’en première instance, étant souligné que l’autorisation de vendre seul doit toujours répondre aux conditions d’urgence et d’intérêt de l’indivision posées par l’article 815-6 du code civil. Par ailleurs, il est constant que des diligences ont été entreprises par Monsieur X, en application de l’ordonnance dont appel, pour vendre le bien immobilier. Il est ainsi établi que par acte sous seing privé en date du 7 janvier 2019, Monsieur X a consenti à l’agence CONSULTANTS IMMOBILIERS un mandat de vente du bien immobilier indivis avec ses accessoires pour le prix de 2 785 000€ (pièce 22 intimé). Le mandat précise expressément que la vente portera sur un bien 'libre de toute location, occupation ou réquisition'. Plusieurs visites ont eu lieu et plusieurs offres d’achat ont été effectuées pour le prix proposé (pièces 26, 29, 31 et 36 intimé), mais la plupart des acquéreurs potentiels se sont désistés et aucune vente n’a pu être finalisée (pièces 27, 32 intimé).

Si l’attitude adoptée par Madame D-Z lors des visites est invoquée pour expliquer ces désistements (pièce 42 intimé), la difficulté objective de mise en oeuvre de la vente est mise en évidence par un projet de promesse de vente établi au profit de Monsieur et Madame A

(pièce 43 intimé). Ce projet (page 9) intègre en effet une clause afférente à la procédure engagée le 4 mars 2020 par Monsieur X contre Madame D-Z, afin d’obtenir la libération (expulsion) des lieux (pièce 60 appelante). Les acquéreurs sont, en effet, confrontés à une situation pour le moins ambiguë ou inquiétante, en ce que le bien immobilier est présenté 'libre’ de toute occupation lors de la vente, alors que les visites révèlent qu’il est occupé par la propriétaire indivise, laquelle ne confirme pas que les lieux seront libres le jour de la vente, ce qui caractérise un risque juridique lié à l’acquisition pour toute personne intéressée.

Madame D-Z ne soutient, d’ailleurs, pas qu’elle indiquerait, tant à l’agence, qu’aux acquéreurs potentiels, qu’elle préparerait son déménagement, dès qu’une promesse de vente serait signée.

Cette attitude est confortée par un message adressé le 4 décembre 2019 par Madame F G (relation de Madame D-Z) à Monsieur X, aux termes duquel il est indiqué que l’appelante a fait le choix de demeurer dans l’appartement dans l’intérêt de sa fille et 'comme le bernique sur son rocher', tant qu’elle ne sait pas ce qu’elle récoltera après la vente (pièce 38 intimé).

Cette attitude est encore confortée par la teneur des conclusions de l’appelante, qui soutient à de multiples reprises que Monsieur X est à l’origine du blocage de la situation, parce que la question de la répartition du prix de vente n’est pas réglée et parce qu’il en propose une répartition complètement déséquilibrée. Elle estime donc que le prix de vente risque d’être séquestré pendant un temps important, ce qui ne lui permettra pas de se reloger avec sa fille dans des conditions satisfaisantes (conclusions page 34).

Il résulte des débats qu’aucune des parties ne conteste la nécessité de vendre. Même si aucune d’elles n’a engagé de procédure de liquidation de leurs intérêts patrimoniaux, il y a urgence à concrétiser la cession du bien composant l’essentiel de l’actif de communauté, la liquidation/partage des intérêts patrimoniaux des ex-époux étant impossible sans cette vente. Or, la vente du bien immobilier a été évoquée dès l’ordonnance de non conciliation rendue le 10 juillet 2008, soit depuis douze ans et il a désormais été statué de façon définitive sur le divorce des parties depuis le 26 décembre 2017, c’est-à-dire depuis trois ans.

La vente ne peut pas être subordonnée à un accord préalable sur la répartition du prix de vente, alors que, ni les comptes de la communauté, ni les comptes de l’indivision post-communautaire n’ont été établis par un notaire, ce qui relève de la responsabilité des deux parties, peu important leurs situations patrimoniales respectives, étant souligné que les indemnités d’occupation s’accumulent et que la complexité ou la lourdeur des comptes (charges et fruits de l’indivision post-communautaire) s’accroît au fil du temps.

Si le projet de liquidation transmis le 27 octobre 2020 par le conseil de Monsieur X au conseil de Madame D-Z (pièce 70 intimé) n’a pas recueilli l’agrément de l’appelante, celle-ci n’a pas établi un contre-projet, qui aurait permis d’effectuer d’éventuels rapprochements raisonnables ou de régler certains points litigieux en vue de faciliter le travail du notaire qui sera chargé de faire les opérations de comptes liquidation et partage (fixation des indemnités d’occupation, comptes des récompenses, compte d’administration de l’indivision, créance entre époux résultant de la prestation compensatoire…).

La proposition énoncée, en cours de délibéré, par Monsieur X, visant à assurer le déblocage d’une somme de 800 000€ au profit de Madame D-Z en cas de réalisation de la vente, afin de faciliter son relogement, n’est pas une proposition simple, puisqu’elle implique la libération du solde restant sur le prix au profit de Monsieur X, sous réserve d’un montant de 300 000€, ce qui suppose nécessairement un accord sur l’essentiel du compte de liquidation, accord qui n’existe pas.

Chacune des parties impute le blocage de la situation et donc l’impossibilité de finaliser une vente à l’autre partie.

La réalisation d’une vente étant conforme à l’intérêt de l’indivision (cessation du cours des indemnités d’occupation pour Madame et fin des charges diverses et importantes liées à l’appartement pour les deux indivisaires) et urgente au regard des délais écoulés et des tensions sévères opposant les parties, il convient de faire droit à la demande d’autorisation de vendre seul le bien immobilier indivis.

L’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle a autorisé Monsieur X à procéder seul à la réalisation de la vente, malgré les difficultés d’ores et déjà constatées ayant abouti, de fait, à rendre l’autorisation judiciaire inefficace.

Au regard de ces difficultés, et afin d’optimiser les possibilités de vente, ainsi qu’il est suggéré par Monsieur X à titre très subsidiaire, et pour prendre également en compte les prétentions de l’appelante qui indique souhaiter vendre, celle-ci sera également autorisée à vendre seule l’ensemble du bien immobilier indivis dans l’intérêt des deux indivisaires.

Il sera noté qu’elle ne démontre pas être dans l’impossibilité de se reloger, puisqu’elle n’établit pas avoir effectué la moindre démarche de relogement depuis l’année 2008, que ce soit auprès du marché immobilier privé ou du secteur social ou mixte (associations, organismes du secteur hospitalier…), étant souligné que le règlement de cette question, après la séparation et le divorce, lui incombe.

Elle sera également invitée à remettre un double de l’ensemble des clefs à Monsieur X en vue de faciliter les visites, étant relevé que la fixation d’un créneau horaire identique de l’ordre de deux à trois heures chaque jour pour les visites serait de nature à faciliter ces visites et les perspectives de vente.

En l’absence d’engagement d’une procédure de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, qui est seule à même de régler la question de l’appréciation des droits de chacune des parties, l’autorisation de vendre seul(s) conférée à Monsieur X et Madame D-Z sera limitée à deux années depuis la date de la présente décision.

En cas de compromis ou promesses de vente établis à la même date, la priorité sera accordée à l’acte établi sur l’initiative de Monsieur X puisqu’il a été le premier à solliciter une telle autorisation.

Il sera précisé, d’autre part, que le produit de la vente restera séquestré entre les mains du notaire chargé de la vente, l’affectation de ces fonds ne relevant pas de la présente instance, mais du seul règlement des opérations de comptes, liquidation-partage de l’indivision.

Ainsi qu’il a déjà été souligné, la question de la répartition du prix de vente fait partie du règlement global des intérêts patrimoniaux des intérêts des ex-époux et il doit donc être rappelé qu’à défaut de vente ou d’accord de règlement, la vente du bien immobilier aux enchères (même occupé) est susceptible d’être judiciairement ordonnée sur l’initiative de la partie la plus diligente.

L’ensemble immobilier indivis composant l’essentiel de l’actif de communauté et devant être vendu pour permettre un règlement global des intérêts patrimoniaux des parties, il n’y a pas lieu d’autoriser la vente partielle des lots annexes de cet ensemble immobilier, proposée à titre subsidiaire par Madame D-Z, car une telle vente n’est pas susceptible de permettre le règlement global des intérêts patrimoniaux des ex-époux.

Dès lors que le bien immobilier peut être aisément estimé en présence de biens comparables dans le secteur géographique concerné, l’ordonnance doit être confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande d’expertise immobilière. De même, il n’existe pas de circonstances particulières de nature à justifier

la désignation de l’appelante en qualité d’administratrice de l’indivision.

L’ordonnance étant confirmée (même si elle est complétée et donc réformée) en ce qu’elle a autorisé Monsieur X à vendre seul l’ensemble du bien immobilier, il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de l’appelante les frais exposés par celle-ci à l’occasion de cette instance et non compris dans les dépens.

Il sera ajouté qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes diverses de constats, qui sont énoncées dans le dispositif de ses conclusions par Madame D-Z, ces prétentions constituant des moyens et non des demandes au sens de l’article 4 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DECLARE Madame C D-Z recevable en l’ensemble de ses prétentions;

CONFIRME l’ordonnance :

' en ce qu’elle a autorisé Monsieur B X à mettre en vente seul le bien immobilier indivis (et ses annexes) situé […] au prix minimal de 2700000€ et à conclure seul la vente du dit bien, les clefs du bien devant lui être remises par Madame D-Z pour permettre les visites,

' en ce qu’elle a débouté Madame C D-Z de ses prétentions en vente partielle (annexes de l’appartement) et expertise immobilière,

' et en ses dispositions afférentes à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens;

Y ajoutant,

AUTORISE également Madame C D-Z à mettre en vente seule le bien immobilier indivis (et ses annexes) situé […] au prix minimal de 2700 000€ et à conclure seule la vente du bien;

RAPPELLE que cette autorisation est accordée pour un bien libre de toute occupation et que les parties peuvent toujours décider de procéder ensemble à la vente amiable du bien ou d’inviter l’autre indivisaire à la régularisation tant de la promesse de vente (s’il y a lieu) que de l’acte authentique de vente;

DIT que les autorisations ci-dessus sont accordées dans la limite d’une durée de deux années depuis la date du présent arrêt;

DIT qu’au cas où deux compromis ou promesses de vente seraient établis le même jour par chacune des parties, la priorité sera accordée à l’acte établi sur l’initiative de Monsieur X, sauf meilleur accord des parties;

DEBOUTE Madame C D-Z de sa demande d’être désignée administratrice de l’indivision;

DIT que les fonds issus du produit de la vente seront séquestrés chez le notaire chargé de la vente jusqu’à la clôture des opérations de comptes liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des parties, sauf meilleur accord de celles-ci ou autorisation judiciaire;

DEBOUTE Madame C D-Z de ses prétentions fondées sur l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne Madame D-Z aux dépens d’appel.

Le Greffier, Le Président,



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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 27 janvier 2021, n° 20/04820