Cour d'appel de Paris , Pôle 5, 1re ch.

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Chronologie de l’affaire

Commentaires sur cette affaire

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRÊT DU 23 mars 2021

Pôle 5 – Chambre 1 Numéro d’inscription au répertoire général: 19/16131 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CARAZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 juillet 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – 3e chambre – 1re section – RG n° 17/03342

APPELANTE

Madame Alexandra M Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334 Assistée de Me Cerasela VLAD, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

SAS CLIO BLUE Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 321.833.097. Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège […] Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241 Assistée de Me Sandra FORERO VILLAMIL du cabinet CHAMPAGNER KATZ SELASU avocat au barreau de PARIS, toque C1864

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 février 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Françoise BARUTEL, conseillère chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Isabelle DOUILLET, présidente Mme Françoise BARUTEL, conseillère Mme Déborah BOHÉE, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Karine A

ARRÊT : Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

' Contradictoire

' par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

' signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine A, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement rendu le 11 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu l’appel interjeté le 1er août 2019 par Mme Alexandra M (Mme M),

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 12 janvier 2021 par Mme M, appelante et intimée incidente,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 26 janvier 2021 par la société Clio Blue, intimée et appelante incidente,

Vu l’ordonnance de clôture du 2 février 2021,

SUR CE, LA COUR': Mme Alexandra M se présente comme une artiste plasticienne, dont les oeuvres sont exposées dans des salons d’art depuis 1997, qui a travaillé de 2003 à 2005 au sein de la maison de haute couture Christian Dior, et a développé à partir de 2009, avec le couturier Eric T, le concept et la technique de 'l’art-à-porter', au croisement des univers de l’art et de la mode.

La société Clio Blue, créée en 1981, exerce une activité de création, de fabrication et de commercialisation de bijoux de fantaisie haut-de- gamme, essentiellement en argent. Elle est dirigée, depuis 2011, par M. Patrick X.

En janvier 2012, Mme M a été présentée à M. X par l’intermédiaire du couturier Eric T en vue de la réalisation de dessins de foulards à partir des bijoux de la société Clio Blue.

Deux collections de foulards, comprenant au total 27 foulards portant la mention 'Alexandra M pour Clioblue Paris’ ont été lancées en janvier, puis juillet 2013.

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Mme M a créé la société Alexandra Art & Design (AA&D) le 30 août 2012 pour l’exploitation de ses droits de propriété intellectuelle.

Le 16 janvier 2013, un projet de contrat écrit entre les sociétés AA&D et Clio Blue, stipulant une durée de deux ans, a été adressé à M. Patrick X, qui a émis des observations sur l’absence de droit d’entrée, souhaitant seulement la stipulation d’une redevance de 15% du chiffre d’affaires, et sur le territoire France et export. Un contrat modifié sur ces points, et stipulant notamment une redevance de 15% du chiffre d’affaires et, comme la précédente version, une durée de cession des droits de deux ans, lui a été adressé par le conseil de Mme M le 10 avril 2013, mais il n’a jamais été signé.

Le 2 septembre 2015 la société AA&D, liquidée amiablement, était radiée du registre du commerce et des sociétés.

Ayant eu connaissance que la commercialisation des foulards continuait en 2016, et estimant n’avoir concédé ses droits d’exploitation sur les deux collections que pour une durée de deux ans à compter de leur première fabrication, Mme M, après avoir fait procéder à un constat d’huissier du site internet de la société Clio Blue les 21 octobre et 21 novembre 2016, et des opérations de saisie-contrefaçon au siège social et à la boutique showroom de la société Clio Blue le 3 février 2017, et avoir mis vainement en demeure la société Clio Blue par courrier du 28 février 2017, l’a fait assigner le 3 mars 2017 en inexécution de ses obligations contractuelles et en contrefaçon de droits d’auteur et dessins et modèles communautaires non enregistrés.

Par jugement en date du 11 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Paris a rendu la décision suivante':

Déboute Mme M de ses demandes formées au titre d’une inexécution contractuelle,

Déboute Mme M de ses demandes formées au titre de la contrefaçon de droits d’auteur,

Déboute Mme M de ses demandes formées au titre de la contrefaçon de dessins et modèles communautaires non-enregistrés,

Condamne Mme M à payer à la société Clio Blue la somme de 9.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme M aux entiers dépens recouvrés par application de l’article 699 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

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Sur l’inexécution contractuelle Mme M soutient qu’elle a consacré 1.260 heures de travail de recherche et de création dans le cadre de l’exécution d’un contrat de commande, en vertu duquel elle avait renoncé à percevoir une rémunération pour son travail de création en raison de l’engagement pris par la société Clio Blue de lui fournir des services de promotion, notamment par la mise à sa disposition de son service de communication. Elle reproche à cette dernière de ne pas avoir exécuté ses engagements contractuels en ce qu’elle n’a pas réalisé d’étude de marché, que le nom des collections n’a jamais paru dans la presse, ni le sien alors que le nom de M. X y était mentionné, et qu’elle n’a pas fait la promotion des collections réalisant en conséquence un chiffre d’affaires dérisoire. Elle revendique la qualité de 'tiers intéressé'' de ce contrat, et estime que les manquements de la société Clio Blue à ses engagements contractuels constituent une faute délictuelle à son égard, lui causant des préjudices matériel et moral.

A titre subsidiaire elle demande la nullité du contrat, en faisant valoir sur le fondement de l’article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle, que les éléments essentiels requis pour une cession des droits, tels que l’identification des œuvres, la durée et le champ géographique de la cession, n’y sont pas prévus, et que dans la mesure où l’intimée nie l’existence de son engagement de faire sa promotion, le contrat est nul faute de cause.

La société Clio Blue soutient que les projets de contrat avec la société AA&D créée par Mme M n’ont pas été signés, que les parties ne s’étaient pas mis d’accord sur les modalités de promotion et de diffusion, qu’elle ne s’est jamais engagée à mettre à disposition de Mme M ses moyens de communication pour faire la promotion de l’artiste au-delà de leur collaboration pour la réalisation des foulards, qu’elle a exécuté ses engagements de promotion, et demande la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a reconnu que la société Clio Blue a exécuté ses obligations. La société Clio Blue oppose en outre l’irrecevabilité de la demande en nullité du contrat, formée pour la première fois en appel, et qui ne tend pas aux mêmes fins que la demande en réparation consécutive à l’exécution du contrat.

La cour observe que :

— Mme M a adressé à la société Clio Blue les 17 premiers dessins réalisés en octobre 2012, et les 10 suivants en avril 2013 ;

— Mme M a créé le 30 août 2012 avec son conjoint une société AA&D pour gérer l’exploitation de ses droits de propriété intellectuelle ;

— une première collection de 17 foulards a été fabriquée en 591 exemplaires par une société tierce en France, et commercialisée à partir de janvier 2013 ; une seconde collection de 10 foulards a été Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

fabriquée au Portugal en 162 exemplaires puis commercialisée à partir de juillet 2013, tous ces foulards portant la mention 'Alexandra M pour Clioblue Paris’ – la fabrication, payée par la société Clio Blue, et la commercialisation des foulards sont intervenues sans qu’un contrat écrit ne soit signé;

— un premier projet de contrat entre la société AA&D et la société Clio Blue a été soumis, par le conseil de Mme M et de la société AA&D, au gérant de la société Clio Blue le 16 janvier 2013 ; ce dernier a répondu par courriel du 4 février 2013 'A la lecture du contrat, mes observations sont les suivantes : Article 5 : il n’y a jamais eu de droit d’entrée fixé mais uniquement une redevance de 15%. Clio Blue permet à l’artiste de mettre à sa disposition ses 7 commerciaux, son réseau de points de vente, ses catalogues, son show room et sa participation salons ; Article 9 : le territoire prévu est celui de la clientèle Clio Blue France et export'.

— un second projet de contrat a été soumis à M. X le 9 avril 2013, qui stipule notamment la cession des droits exclusifs de fabrication, de reproduction et de commercialisation des modèles créés et dessinés par Alexandra M (article 3), le paiement d’une redevance d’un montant de 15% du chiffre d’affaires net facturé (article 5) et une durée de deux ans (article 9) ;

— la société Clio Blue a présenté les foulards litigieux en 2013 sur le salon Bijorca, l’un des plus grands salons professionnels dans le domaine de la bijouterie, et a mis à disposition son agence de communication pour les relations avec la presse ainsi qu’en atteste la directrice de l’agence, Mme D ; les foulards litigieux sont en outre présentés dans ses catalogues (My Clio Automne-Hiver 2013-2014, Clio Blue Accessoires Automne-Hiver 2013-2014, Look Book Clio Blue Paris Automne-Hiver 2013-2014, Look book Clio Blue Paris, Printemps-Eté 2013) en mentionnant, en haut de chaque page, 'Alexandra M pour Clioblue Paris', cette mention figurant en outre en assez gros caractères dans un rectangle de 4 x5 cm positionné dans l’angle de chacun des foulards;

— la société AA&D a adressé à la société Clio Blue le 6 janvier 2014 une facture d’un montant de 1 805,22 euros HT, correspondant à 15% (royalties création) du prix de vente HT de 377 foulards, cette facture ayant été réglée le 22 janvier 2014.

Mme M, qui ne justifie ni n’allègue aucune contestation relative à l’exécution du contrat par la société Clio Blue jusqu’au constat d’huissier qu’elle a fait réaliser sur internet en octobre 2016 et à la saisie contrefaçon qu’elle a fait diligenter le 3 février 2017, soit plus de quatre ans après le début des relations contractuelles, n’est pas fondée à prétendre que la société Clio Blue n’aurait pas exécuté les obligations lui incombant alors, ainsi que l’a retenu à juste titre le tribunal, que les pièces versées au débat ne permettent pas d’établir Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

l’existence d’un engagement de la part de la société Clio Blue de faire la promotion de la notoriété de Mme M à titre personnel en tant qu’artiste, au-delà des actions de promotion des foulards litigieux, et que les éléments produits, tels que susvisés, contredisent l’allégation selon laquelle la société Clio Blue n’aurait pas respecté l’obligation lui incombant de promotion et de commercialisation desdits foulards.

Les demandes de Mme M fondées sur l’inexécution contractuelle seront en conséquence rejetées, et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

La demande subsidiaire en nullité du contrat formée par Mme M pour la première fois en appel est irrecevable en ce qu’elle ne tend pas aux mêmes fins que sa demande de dommages-intérêts pour inexécution contractuelle, étant observé au surplus qu’elle n’est pas partie audit contrat et que le moyen tiré du défaut de cause n’est pas pertinent, l’obligation de la société Clio Blue, qui s’est engagée à promouvoir, commercialiser les foulards et à rémunérer Mme M à hauteur de 15% des recettes, n’étant pas dépourvue d’objet. Les demandes de Mme M aux fins de nullité des dispositions contractuelles seront donc rejetées.

Sur la demande d’écarter des débats la pièce 67 La société Clio Blue demande dans le dispositif de ses conclusions d’écarter des débats tous les foulards produits en pièce 67 au motif qu’ils ne sont pas mentionnés sur le bordereau de dépôts de pièces du 10 juin 2020.

Il est cependant avéré que ces foulards correspondants aux dessins n°1 à 6, 8 à 11, 13 à 22, 24, 25 et 27 figurent dans la liste des pièces communiquées, et ont été versés contradictoirement à la procédure, la société Clio Blue ayant eu le loisir en défense d’en contester l’originalité, de sorte que cette demande d’écarter la pièce 67 des débats sera rejetée.

Sur la protection au titre du droit d’auteur Sur la titularité des droits d’auteur sur les dessins Mme M prétend avoir créé seule les dessins, sans dénier qu’elle s’est inspiré des motifs de bijoux de Clio Blue qu’elle a réinterprétés, nie avoir reçu des directives d’ordre créatif de la part de M. E, concepteur-styliste de bijoux de la société Clio Blue, et rappelle que la mention «'Alexandra M pour Clioblue'» figurait sur tous les foulards.

La société Clio Blue oppose à Mme M une absence de titularité en invoquant tour à tour, la titularité de la société AA&D, cessionnaire des droits allégués de Mme M, et l’existence d’une oeuvre collective.

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La cour rappelle que l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que 'l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.'

Pour justifier de sa qualité d’auteur, Mme M produit :

— les courriels qu’elle a envoyés auxquels sont joints les dessins 1 à 13 (courriel du 28 octobre 2012), les dessins 15, 16, 18, 19, 20, 21, 22, 23 et 25 (courriels du 26 avril 2013), le dessins 26 et 27 (courriel du 26 avril 2013) ;

— la présence sur chacun de ces dessins de la signature 'Alexandra M pour Clioblue';

— les propos de M. X dans un interview publié en décembre 2012 annonçant le lancement d’une ligne de foulards créés par une artiste de Dior’ désignant indirectement Mme M ;

— le projet de contrat de cession, dont le préambule, qui n’avait pas fait l’objet d’observations de la part du gérant de la société Clio Blue, rappelle la qualité d’auteur de Mme M.

La cour constate que le projet de contrat daté du 16 janvier 2013 évoquait le fait que la société AA&D, créée à cette fin en 2012 par Mme M, était alors cessionnaire des droits patrimoniaux de Mme M sur les dessins litigieux, et que la facture de 'droits de royalties création’ du 6 janvier 2014 a été émise à son nom. La société Clio Blue n’est cependant pas fondée à opposer à Mme M la titularité de la société AA&D sur les droits patrimoniaux des œuvres en cause, alors qu’elle soutient qu’elle-même dispose des droits sur ces œuvres qui seraient des œuvres collectives réalisées sous sa direction. En tout état de cause, en l’absence de contestation de la société AA&D qui a été amiablement dissoute et radiée en 2015, soit antérieurement aux reproductions incriminées qui ont eu lieu en 2016 et 2017, Mme M est recevable à agir en contrefaçon des droits d’auteur invoqués.

Concernant le moyen opposé par la société Clio Blue relatif à sa propre titularité sur les droits d’auteur des dessins litigieux constituant selon elle une oeuvre collective, la cour rappelle que le simple fait de passer commande ne peut suffire à revendiquer une oeuvre collective, alors au contraire que l’alinéa 2 de l’article L. 111-1 susvisé dispose que la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service, par l’auteur d’une oeuvre de l’esprit, n’emporte pas dérogation à la jouissance reconnu par le premier alinéa, rappelé ci-dessus.

En outre, en application de l’article L.113-2 du code de la propriété intellectuelle, est dite collective l’oeuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom, et dans laquelle la contribution personnelle Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé.

En l’espèce, le fait que M. E, directeur artistique des bijoux de la société Clio Blue atteste 'avoir présenté à Mme M les collections de bijoux en l’orientant sur les modèles emblématiques', et 'avoir suivi le projet du début à la fin’ en demandant, sur les versions finalisées présentées par Mme M, quelques modifications de nature technique ou commerciale, ne suffit pas, en l’absence de toute directive sur la création des dessins litigieux, qui intègrent dans leur composition, leur agencement et leurs couleurs de nombreux autres éléments que lesdits bijoux, fondus dans l’ensemble de chacun des dessins au point d’être à peine reconnaissables, à justifier d’une oeuvre collective, cette appréciation étant en outre corroboré par le fait que la société Clio Blue a payé des droits intitulés 'royalties de création', au titre de la commercialisation des dessins litigieux, sous forme d’un pourcentage sur les recettes de vente, ce dont il résulte qu’elle ne se considérait pas titulaire de l’oeuvre collective des dessins revendiqués, mais reconnaissait que Mme M en était l’auteur, ainsi que cela figure en outre dans les préambules des projets de contrats. L’action de Mme M sur le fondement du droit d’auteur est dès lors recevable.

Sur l’originalité Mme M fait valoir qu’elle est une dessinatrice, qu’elle a créé à main libre au crayon, les dessins de foulards en s’inspirant des motifs de bijoux dans les archives de la société Clio Blue pour les transformer et les réagencer librement avec de nombreux éléments imaginés, et des couleurs spécifiquement choisies.

La société Clio Blue oppose que la description des dessins est faite de façon objective et technique sans démonstration d’une démarche intellectuelle, que les dessins en cause sont déterminés par ses propres bijoux, ainsi que par les règles et contraintes nécessaires à «'l’ADN'» de la société Clio Blue, et qu’ils ne reflètent pas un quelconque effort créatif de la part de Mme M.

En application de l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, et selon l’article L.112-1 du même code, ce droit est conféré à l’auteur de toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

Sont notamment considérées comme oeuvres de l’esprit aux termes de l’article L 112-2 du code de la propriété intellectuelle :

'9° Les oeuvres des arts appliqués ;

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(…)

14° Les créations des industries saisonnières de l’habillement et de la parure. Sont réputées industries saisonnières de l’habillement et de la parure les industries qui, en raison des exigences de la mode, renouvellent fréquemment la forme de leurs produits, et notamment la couture, la fourrure, la lingerie, la broderie, la mode, la chaussure, la ganterie, la maroquinerie, la fabrique de tissus de haute nouveauté ou spéciaux à la haute couture, les productions des paruriers et des bottiers et les fabriques de tissus d’ameublement'.

Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité du seul fait qu’elle constitue une création originale.

Néanmoins lorsque cette protection est contestée en défense, l’originalité de l’oeuvre doit être explicitée par celui qui se prévaut d’un droit d’auteur.

La cour rappelle en outre que l’existence d’une commande est indifférente pour la démonstration de l’originalité, et qu’en application de l’article L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle l’œuvre dérivée d’une autre oeuvre est éligible à la protection au titre du droit d’auteur pourvu qu’elle soit constituée de formes originales dues au second créateur.

Mme M justifie pour chacun des dessins imprimés sur les 27 foulards litigieux des choix suivants :

— Dessins n°1 et n°2 (« Trompe l''il ») : ils sont réalisés à partir d’un motif récurrent d’anneau stylisé, lui-même dessiné au crayon à partir d’un bijou Clio Blue ; Mme M explique que partant d’un motif classique d’anneaux entrelacés, elle l’a redessiné, en transformant ses traits et son épaisseur, l’a épuré de ses pendentifs et de son accroche, l’a agencé avec d’autres, pour ensuite placer l’ensemble sur un fond contrasté, qu’elle a retravaillé encore pour explorer la profondeur et le vide au sein de la toile ; elle a choisi une accumulation des formes répétées centrée vers le milieu du foulard conférant l’impression d’une oeuvre cinétique, marquée par une diagonale contrastée avec 2 croix, renforcée par le choix de dégradés de couleurs ; les réitérations et superpositions de ce motif sont orientées vers le centre du dessin et sont disposées pour créer un effet miroir ; l’emplacement en diagonale et de manière symétrique des lignes de couleur, l’orientation des anneaux et la brillance de la matière d’impression créent un effet trompe l''il.

— Dessins n°3 et n°4 (« 4 écharpes ») : ils sont constitués chacun de quatre formes rhomboïdales, représentant quatre écharpes stylisées dans l’esprit des bijoux « Toledo », orientées vers les quatre coins de chaque dessin ; elle a imaginé et intégré des couleurs acidulées qui donnent à chaque écharpe un style 'pop art', l’idée étant de créer une Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

écharpe qui en fonction du pliage peut s’utiliser en 4 harmonies chromatiques différentes; elle a choisi de dessiner un tout premier poisson, le petit, à l’intérieur, puis a créé une forme nouvelle en étirant et transformant la base où les petits poissons s’animent ; les itérations de ce motif sont agencées en position perpendiculaire, afin de créer d’importants espaces vides où Mme M place les poissons, solitaires ou par deux, le choix de ces agencements et de leur répétition conférant au motif une impression de dentelle à effet métallique.

— Dessins n°5 et n°14 à n°17 (« Poisson-Pied de poule ») : le motif principal de ces dessins est une réinterprétation par Mme M d’un ancien bijou Clio Blue, le « poisson pied de poule » pour le transformer en jeu optique et en tableaux cinétiques ; le motif se présente comme un cercle dont une première section, de forme convexe, est opaque, et la forme concave remplie d’un motif « pied de poule » ; Mme M a fait le choix d’épurer le bijou en enlevant les yeux, la bouche et la queue, pour obtenir le cercle 'pied de poule’ conférant l’impression visuelle de mouvement continu et harmonieux, le motif poisson devenant abstrait ; cette succession de poissons donne visuellement l’effet d’une vague renforçant le parti pris créatif basé sur la rythmique ; chacun de ces cinq dessins présente cette succession à effet trompe l''il dans des dimensions et des jeux chromatiques différents (multicolore, prune, noir) ;

— Dessins n°6 à n°13 (« Grain de café ») : de formes et de couleurs différentes, ces dessins sont basés sur un motif récurrent représentant un grain de café stylisé, dessiné au crayon, dupliqué, puis disposé de façon linéaire et répétitive et associé à un motif complexe de la même couleur, comprenant des fleurs, des coeurs et des petits poissons ; ces motifs disposés sur un fond contrastant créent un effet dentelle, renforcé par le trait de crayon et les dégradés complexes de couleurs ;

— Dessins n°18 à 19 (« Léopard ») : Réalisés en deux formats à partir d’un motif imitant la peau de léopard, dessiné à la main, le motif est représenté non pas en couleurs naturelles, mais en couleur vert foncé, sur un fond doré, pour un effet « mode » ; vers le centre de la forme les zones claires sont plus accentuées et disposées en étoile conférant un effet de lumière qui transperce la toile depuis l’arrière ; Mme M a peint des touches de couleurs de vert, de noir et d’ocre, pour détourner, réinterpréter à sa manière le motif universel du léopard ; elle l’a composé d’une multitude de touches comme des notes de musique sur une partition et y a rajouté son idée des chaines pour donner ce côté « bijou à nouer autour du cou » ;

— Dessin n°20 (« Marylin ») : il est composé d’une grande variété de formes et de motifs parmi lesquels des bijoux et des blasons, tous dessinés à l’encre de Chine, et peints en noir et rouge pour créer un contraste élégant avec le blanc du fond ; le dessin est doublement encadré par une bande orange granité et par une chaîne dessinée, surlignant le côté féminin et glamour ; elle a utilisé, de façon Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

accessoire, les petits papillons de la société Clio Blue qu’elle a dessinés de façon plus organique avec plus de diversité, le tout donnant un effet 'd’art-à-porter en trompe l’oeil’ ;

— Dessins n°21 à n°24 (« Vanité ») : en partant de l’idée d’un bijou en forme de papillon des collections Clio Blue, Mme M a disposé et superposé dans chaque dessin une multitude de papillons monochromes (rouge ou gris) de dimensions différentes, de manière en apparence aléatoire, pour donner l’impression d’une explosion ; la place centrale des dessins est occupée par un contour de crâne stylisé, vu de face, dessiné comme une succession de ronds de couleur blanche, donnant l’apparence d’un collier de perles ou de strass; l’intérieur de ce contour comprend des formes, fleurs et papillons dessinés au crayon sur fond blanc, et, à l’endroit de l''il gauche, un papillon similaire à ceux présents à l’extérieur du contour; le fil conducteur de ces dessins, différents par leurs formes, leurs couleurs et la disposition des motifs évoquant la vanité souvent associée à la mode, et représentée par une tête de mort; son parti-pris créatif est de s’intéresser au vide comme une toile blanche sur laquelle elle a dessiné des drôles de poissons qui s’éparpillent autour des papillons dans un chaos organisé, et de remplir les espaces dans la tête de mort de sorte que «l’invisible devient visible».

— Dessin n°25 (« Shanghai ») : conçu en longueur, à l’image d’un parchemin oriental, il représente des deux côtés des dessins originaux de dragons, et au centre des dessins de fleurs et motifs en style oriental, réalisés à l’encre de Chine, le fond étant en dégradés de gris conférant un effet métalisé, avec un maillage apparent représentant des fleurs ; un aplat de bijoux a été introduit à six endroits symétriques autour de l’élément central, Mme M ayant cherché un effet de 'gravure à porter’ ; la couleur rouge au centre fait écho à la symbolique de la vie, qui bat comme un coeur.

— Dessins n°26 et n°27 (« Buddha ») : de formes carrées, ils présentent en place centrale une représentation du personnage de Buddha entouré de motifs stylisés, sur un fond blanc, le cadre étant formé par deux tours de chaînes dessinées à l’encre de Chine ; un aplat de bijou a été introduit à quatre emplacements symétriques autour de l’élément central ; Mme M explique qu’elle a cherché un contraste entre le poids et la puissance des éléments rencontrant la légèreté du vide, donnant à ce motif la forme d’une interrogation poétique.

Ainsi pour chacun des dessins, que la cour a examinés et comparés avec les bijoux de la société Clio Blue dont ils sont inspirés, en ce compris les dessins produits non pas sous la forme du foulard imprimé mais seulement en photographie, ce qui n’empêche nullement de procéder à cet examen contrairement aux allégations la société Clio Blue, Mme M justifie avoir procédé à des choix délibérés et créatifs qui lui sont propres, tenant à la transformation indéniable de ces bijoux stylisés et réinventés dans les dessins revendiqués, dans lesquels ils Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

figurent sous forme de répétitions ou au contraire isolés au sein de trames globales, dans un agencement libre, avec de nombreux autres éléments issus de son imagination ainsi que des déclinaisons chromatiques, révélant des parti-pris singuliers traduisant un sens de l’équilibre et de l’harmonie présent dans son univers plastique, et reflétant l’empreinte de sa personnalité artistique, la société Clio Blue échouant à démontrer que ces choix ne résulteraient que de la reproduction des bijoux qu’elle commercialise.

Mme M justifie en conséquence de l’originalité des dessins invoqués, lesquels bénéficient dès lors de la protection prévue par le droit d’auteur. Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé de ce chef.

Sur la protection au titre des dessins et modèles non enregistrés L’appelante demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu la protection de ses dessins de foulards en tant que dessins ou modèles communautaires non-enregistrés. La société Clio Blue relève qu’il n’est pas établi par l’appelante en quoi lesdits dessins produiraient une impression globale différente sur un utilisateur averti, et prétend avoir transmis, par le biais de son styliste M. E, de nombreuses directives lors du processus de création, de sorte que le caractère individuel des dessins n’est pas démontré.

La cour d’appel observe que la société Clio Blue n’oppose aucune antériorité identique, de sorte que le critère de nouveauté prescrit par l’article 5 du règlement n°6/2002 est rempli.

Pour contester le caractère individuel, la société Clio Blue soutient, comme elle l’a fait pour combattre la protection au titre du droit d’auteur, que ces dessins sont inspirés par l’univers de la marque, et par les éléments iconiques qui figurent dans ses créations, ainsi que par les bijoux qu’elles commercialisent. Il a été démontré que ces dessins produisent une impression globale très différente de celle des bijoux de la société Clio Blue, de sorte que le caractère individuel est démontré, et que les 27 dessins, ainsi que l’a retenu à juste titre le tribunal, sont protégeables au titre des dessins et modèles non enregistrés.

Les dessins litigieux ayant été divulgués à compter de janvier et juillet 2013, les droits relatifs aux dessins et modèles non enregistrés ont dès lors expiré en janvier et juillet 2016.

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Sur la contrefaçon Sur la validité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon et de constat sur internet La société Clio Blue demande de déclarer nuls la requête du 18 janvier 2017 aux fins de saisie-contrefaçon, l’ordonnance rendue le même jour, Mme M n’ayant pas justifié de sa qualité d’auteur, ainsi que le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 3 février 2017, compte tenu du délai insuffisant entre la signification de l’ordonnance et le début des opérations, et du fait que l’huissier de justice n’était pas autorisé à se rendre […].

Elle sollicite aussi la nullité du procès-verbal de constat dressé sur internet les 21 octobre et 21 novembre 2016 au motif qu’il n’est pas justifié de la date à laquelle l’huissier de justice a procédé aux vérifications techniques prescrites par la norme Afnor.

La cour constate que Mme M a produit devant le président délégataire les éléments justifiant de sa qualité d’auteur des dessins revendiqués de sorte que ce moyen de nullité sera rejeté.

Les opérations de saisie-contrefaçon ont eu lieu au siège social de la société Clio Blue situé […], et dans une boutique située […], en conformité avec l’ordonnance susvisée sur le fondement de laquelle elles étaient diligentées, qui autorisait l’huissier de justice à faire ses constats : 'au siège social et à la boutique Showroom de la société Clio Blue SAS situés : […], ainsi qu’en tous autres lieux et dépendances sis dans le ressort du Tribunal où des constatations pourraient se révéler utiles', de sorte qu’aucune irrégularité n’est encourue de ce chef.

La société Clio Blue échoue enfin à démontrer que le délai de 7 minutes qui s’est écoulé entre la signification de l’ordonnance et le début des opérations aurait été insuffisant alors que le responsable des achats, présent sur les lieux, n’a fait aucune demande de délai supplémentaire, qu’elle ne justifie d’aucun grief, et que les opérations de saisie-contrefaçon, qui se sont déroulées sans difficulté particulière, se sont terminées moins de 40 minutes après leur début. Les demandes de nullité de la requête, de l’ordonnance et du procès- verbal de saisie-contrefaçon seront donc rejetées.

S’agissant de la demande de nullité du procès-verbal de constat sur internet réalisé les 21 octobre et 21 novembre 2016, il résulte dudit procès-verbal que l’huissier de justice a détaillé, le 21 octobre 2016, en pages 2 et 3 du procès-verbal, les opérations de préalable technique, puis a précisé, lors des constatations effectuées le 21 novembre 2016, 'Ayant respecté le même préalable technique, je me suis de nouveau connecté (…)' de sorte qu’aucune nullité n’est Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

encourue pour défaut de respect des démarches techniques nécessaires préalables. Ce moyen de nullité sera également rejeté.

Sur la matérialité des actes de contrefaçon Mme M soutient qu’en exploitant les dessins au-delà de la durée de deux ans prévue par le contrat oral liant la société Clio Blue, cette dernière a porté atteinte à ses droits patrimoniaux d’auteur et aux droits des dessins et modèles européens non enregistrés.

La société Clio Blue conteste toute contrefaçon en faisant valoir que Mme M a consenti à la fabrication et à la commercialisation des foulards litigieux, qu’elle s’était expressément opposée à une limitation de la durée d’autorisation de l’exploitation, de sorte que Mme M n’est pas fondée à se prévaloir d’une quelconque atteinte à ses droits.

La cour rappelle qu’aux termes de l’article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en va de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.

Il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 3 février 2017 que l’huissier de justice a constaté la présence de 15 foulards portant la mention 'Alexandra M pour Clioblue Paris’ dans la boutique show- room et au siège social, et de l’état de ventes qui y est annexé, que la société Clio Blue a commercialisé les foulards litigieux, tout au long des années 2015 et 2016.

Il ressort en outre du procès-verbal de constat des 21 octobre et 21 novembre 2016 que l’huissier de justice a constaté, sur le site internet clioblue.com de la société Clio Blue, la présence sur deux pages d’accueil d’images montrant des utilisations des foulards enroulés autour du poignet et de la tête d’un mannequin, et positionnés façon paréo sur un mannequin dans un décor de boutique, ainsi que dans un catalogue de vente intitulé « My Clio » 2015 disponible en téléchargement dans la rubrique «Lookbooks », de 25 dessins litigieux portant la mention 'Alexandra M pour Clioblue Paris'.

La société Clio Blue prétend que ces reproductions et commercialisations étaient autorisées sans cependant justifier d’un contrat de cession signé.

En l’espèce, la cour observe que les deux projets de contrat intitulés 'contrat de concession de modèles’ envoyés à la société Clio Blue les 4 février et 10 avril 2013 prévoyaient la concession à la société Clio Blue d’un droit d’utilisation des dessins litigieux en contrepartie d’une redevance de 15% du chiffre d’affaires facturé, et ce pour une durée de deux ans (article 9), que le courrier accompagnant le second projet Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

de contrat, précisait qu’il prennait effet rétroactivement à compter du commencement des fabrications, que M. X, gérant de la société Clio Blue, avait fait des observations, à la suite de la réception du premier projet de contrat, sur les clauses relatives à l’absence de droit d’entrée et au territoire, mais n’avait formé aucune observation sur la durée de deux ans. Enfin si la société Clio Blue n’a pas signé le second projet, elle n’a pas formé d’autres observations, a renouvelé les fabrications postérieurement au second projet de contrat, et a réglé la facture qui lui a été adressée le 6 janvier 2014 correspondant, conformément à l’article 5 du second projet de contrat, à 15 % du chiffre d’affaires net facturé. Il suit de ces éléments qu’il y a lieu de dire que la commune intention des parties était de concéder à la société Clio Blue un droit d’utilisation des dessins litigieux pour une durée de deux ans, ayant commencé à courir en janvier 2013, date de la première fabrication, soit jusqu’en janvier 2015.

Il résulte des développements qui précèdent qu’en commercialisant les foulards litigieux, dont Mme M est l’auteur, postérieurement à janvier 2015, sans son autorisation, la société a commis des actes de contrefaçon de ses droits d’auteur. Elle a également commis des actes de contrefaçon de dessins et modèles non enregistrés jusqu’en janvier et juillet 2016, date à laquelle ces protections ont expiré.

Sur les mesures réparatrices Mme M demande la réparation de ses préjudices patrimoniaux au titre de la contrefaçon de droit d’auteur et de dessins et modèles non enregistrés à compter de janvier 2013. Elle fait valoir qu’en dehors des bénéfices que la société Clio Blue a enregistrés suite aux ventes de foulards, elle a profité d’une économie d’investissements intellectuels en exploitant sans rien débourser des accessoires pour promouvoir sa marque, et étendre son offre de produits. Mme M ajoute qu’elle a nécessairement subi un manque à gagner du fait des redevances non perçues, et demande une somme de 200 000 euros au titre du préjudice patrimonial. Elle demande en outre 1 euro au titre du préjudice moral.

Elle ajoute que les reproductions de ses foulards sur le site internet de la société Clio Blue ne comportent pas la mention de son nom, et que cette atteinte à son droit moral est d’autant plus grave qu’elle se situe sur la page d’accueil du site officiel de la société Clio Blue qui connaît une grande fréquentation. Elle demande en réparation à ce titre la somme de 30 000 euros.

La cour rappelle que l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, comme l’article L.521-7 al.1 du même code, prévoient que 'Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

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1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits'.

Ainsi qu’il a été jugé les actes de contrefaçon de droit d’auteur et de dessins et modèles non enregistrés n’étant constitués qu’à partir de janvier 2015, il n’y a pas lieu d’indemniser Mme M au titre de la période antérieure.

Il est cependant avéré qu’en continuant à reproduire et à commercialiser après janvier 2015 les foulards litigieux, et à les utiliser comme accessoires pour l’ambiance de ses boutiques et de son site internet, sans autorisation ni paiement de droits, la société Clio Blue a réalisé des économies d’investissements, eu égard à l’importance des efforts créatifs qui ont été nécessaires à la création et la finalisation de 9 motifs déclinés en 27 dessins différents à imprimer sur les foulards et au montant peu élevé de la redevance versée en contrepartie d’un montant de 1 805 euros.

Les faits délictueux ont en outre causé un préjudice moral à Mme M, qui s’est sentie trahie par ces reproductions non autorisées.

Au vu de ces éléments que la cour d’appel a examiné distinctement, il y a lieu d’accorder à Mme M une somme de 10 000 euros au titre de son préjudice patrimonial, et de 1 euro au titre de son préjudice moral.

Il est en outre avéré que la société Clio Blue a reproduit en page d’accueil de son site internet les foulards litigieux qu’elle utilise comme accessoires portés sur des mannequins, sans mentionner le nom de Mme M, et ce alors qu’il est particulièrement important pour cette dernière, artiste plasticienne oeuvrant dans le domaine et la technique de l’art-à porter, de faire connaître les œuvres qu’elle a réalisées dans l’univers de la mode pour la société Clio Blue. Ces éléments justifient qu’une somme de 10 000 euros lui soit allouée au titre de la réparation de l’atteinte à son droit moral.

Il sera fait droit enfin aux demandes d’interdiction, dans les conditions du dispositif ci-après.

Les atteintes étant ainsi suffisamment réparées, il ne sera pas fait droit à la demande complémentaire de publication judiciaire.

PAR CES MOTIFS, Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

LA COUR, Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a débouté Mme M de ses demandes au titre de l’inexécution contractuelle,

Statuant à nouveau dans cette limite, et y ajoutant,

Dit que les dessins 1 à 27 de Mme M, portant la mention 'Alexandra M pour Clioblue Paris’ bénéficient de la protection au titre du droit d’auteur et des dessins et modèles non enregistrés ;

Dit qu’en continuant à les reproduire et à les exploiter après le mois de janvier 2015, sans autorisation de l’auteur, la société Clio Blue a commis des actes de contrefaçon de droit d’auteur et de dessins et modèles non enregistrés, au préjudice de Mme M ;

Condamne la société Clio Blue à payer à Mme Alexandra M une somme totale de 20 001 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon ;

Fait interdiction à la société Clio Blue de reproduire et commercialiser ces dessins, sous astreinte de 50 euros par infraction constatée, à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt ;

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,

Condamne la société Clio Blue aux dépens de première instance et d’appel et, vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à ce titre, à Mme Alexandra M, pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel, une somme de 25 000 euros, en ce inclus les frais de saisie-contrefaçon. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI



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Cour d'appel de Paris , Pôle 5, 1re ch.