Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 17 février 2022, n° 21/00370

  • Sociétés·
  • Souscription·
  • Part sociale·
  • Échange·
  • Apport·
  • Actionnaire·
  • Contrats·
  • Contrepartie·
  • Prix·
  • Valeur

Chronologie de l’affaire

Commentaires4

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

www.bignonlebray.com · 1er février 2023

La rémunération d'un apport en nature par des BSA CA Paris, 17 février 2022, n° 21/00370 Une société a acquis 100% des parts sociales d'une autre société, détenue initialement par trois associés. Deux associés ont souhaité un rachat de leurs parts en contrepartie des bons de souscription d'actions (BSA) émis par la société cessionnaire à leur profit. Les deux associés sont devenus salariés de la société cessionnaire. Chaque BSA ne pouvait être exercé que si les deux titulaires n'avaient pas perdu la qualité de salarié de la société pour faute grave. L'un des deux associés est licencié …

 

www.gramond-associes.com · 29 juin 2022

Précisions sur la validité d'une opération qualifiée d'apport en nature rémunéré par des BSA Par un arrêt rendu le 17 février 2022 (n°21/00370), la Cour d'appel de Paris a jugé que la convention par laquelle une personne transférait à une société les parts sociales qu'elle détenait dans une autre société et recevait en contrepartie des bons de souscription d'actions (BSA) devait s'analyser, non comme un échange mais comme un apport, de sorte que cette convention doive être annulée dès lors qu'une clause prévoyait la caducité des BSA en cas de licenciement pour faute grave de …

 

Lextenso · 2 mai 2022
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 9, 17 févr. 2022, n° 21/00370
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/00370
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 19 novembre 2020, N° 2019031406
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRET DU 17 FEVRIER 2022

(n° , 11 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00370 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC4DS


Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2020 – Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2019031406

APPELANT

Monsieur B X

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Johann BOUSKILA de l’AARPI COVER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0534, avocat postulant et plaidant

INTIMES

Monsieur I D E

né le […] à […]

[…]

[…]

SA F G


N° SIRET : 453 165 797

[…]

[…]

Représentés par Me Vincent RIBAUT de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, avocat postulant

Représentés par Me Serge AYACHE, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 08 décembre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Sophie MOLLAT, Présidente

Madame Isabelle ROHART, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :


- contradictoire


- rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


- signé par Madame Sophie MOLLAT, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .

**********

Exposé des faits et de la procédure

Monsieur X est un des fondateurs de la société KOMILFO spécialisée dans le conseil en stratégie, en communication et en marketing digital.


Le 17.03.2014 la société F G (A) prend le contrôle de KOMILFO alors valorisée à 540.000 euros suite à la signature d’un contrat signé le même jour entre Monsieur X et Monsieur Y, tous deux actionnaires à hauteur de 44,4% de la société KOMILFO, avec la société A.


Ce contrat faisait suite à la signature par les parties d’un 'share purchase agreement’ le 21.01.2014.


Le contrat signé le 17.03.2014 expose que:

Par décision en date du 13.02.2014 l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société F G a approuvé l’acquisition de la totalité des 50.000 parts sociales de la société KOMILFO détenues par trois associés.

Si l’un d’entre eux, la société HADS SARL, a souhaité un rachat en espèce, pour unmontant de 60.004,80 euros, de ses 5556 parts sociales, et abandonner ses fonctions au sein de la société KOMILFO, les deux autres actionnaires, Messieurs C Y et B X ont souhaité un rachat de leurs 22.222 parts respectives en titres de la société F VISIO Net participer au développement de cette dernière.

C’est dans ce cadre qu’a été voté, lors de l’Assemblée Générale Extraordinaire du 13 mars 2014, l’émission de bons de souscription autonome de type 1 et de type 2, en faveur de Messieurs Y et X, donnant droit à la souscription d’actions de la socété F G après une période de blocage de 5 ans et sous réserve de la présence en tant que salarié de la société F G ou d’une de ses filiales des bénéficiaires desdits bons.


Le contrat prévoit ainsi les conditions de l’émission des BSA 1 et 2 et de leur souscription aux termes suivants:


- les BSA1 sont souscrits en échange de parts sociales de la société KOMILFO, une part sociale de la société KOMILFO donnant droit à la souscription de 17 BSA1,


- un BSA1 donne droit de souscrire 1 action nouvelle d’une valeur nominale d’un centime d’euro au prix de 2 euros


- l’augmentation de capital social de la société F G qui résultera de l’exercice de la totalité des BSA1 sera de 6706,84 euros par la création de 670.684 actions d’une valeur nominale de 1 centime à souscrire au prix de 2 euros


- les BSA2 sont souscrits à hauteur de trois part de la société KOMILFO pour 178 BSA2, un BSA2 donnant le droit de souscrire une action nouvelle d’une valeur nominale de 1 centime d’euros au prix de 2 euros


- l’augmentation de capital social qui résulte de l’exercice de la totalité des BSA2 sera de 2961,92 euros par la création de 296.192 actions.


Le contrat prévoit par ailleurs pour les deux souscriptions que:


- en cas de distribution de dividendes postérieurement à la souscription des bons, le prix d’exercice des bons sera réduit d’un montant unitaire par action des dividendes distribués


- que les BSA 1 et 2 doivent être émis dans le délai maximum d’un mois à compter de l’AGE du 13.03.2014


- que les BSA 1 et 2 ne pourront être exercés pendant une durée de 5 ans après leur souscription, sauf dans le cas d’une cession d’une majorité des actions de la société à une ou plusieurs personnes physiques ou morales non actionnaires de la société, à l’exclusion des cessions ou transmissions entre conjoints et ascendants descendants et la cession des actions détenues par un ou plusieurs actionnaires à une ou plusieurs structures qu’ils contrôlent au sens de l’article L 233-3 du code de commerce,


- que les BSA 1 et 2 seront caduc en cas de perte par leurs bénéficiaires, pendant une période de 5 ans à compter de la date de souscription, de la qualité de salarié de la société ou de ses fililales, à l’exception des cas de décès, de licenciement sans motif réel, de licenciement pour motifs réel et sérieux ou de licenciement économique,


- enfin que si pendant la période précédant l’exercice des bons donnant droit à la souscription d’actions et tant qu’il existera des bons donnant droit à la souscription d’actions en cours de validité, la société réalise l’une des opérations financières ou sur titres prévues par la loi, la société prendra, s’il y a lieu, et dans les conditions légales et réglementaires, toutes les mesures de nature à préserver les droits de souscription et d’attribution attachés aux bons donnant droit à la souscription d’actions afin de tenir compte de l’incidence de telles opérations.

Monsieur X est devenu salarié de de la société A à temps plein puis de la société A Digital, filiale de la société A, à temps partiel. Il a, dans le même temps, fondé la société MF Diffusion et a facturé des prestations de services à A.


La société KOMILFO a fait l’objet d’une liquidation amiable en décembre 2016.

Monsieur X a été licencié le 11 octobre 2017 pour faute grave. Monsieur X a saisi le conseil des prud’hommes pour voir requalifier la rupture de son contrat de travail à temps partiel en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et requalifier les prestations de service de la société MF DIFFUSION en contrat de travail.


Le conseil des prud’hommes déboutait Monsieur X de ses demandes par jugement du 18.10.2019 dont il a été fait appel. L’appel est pendant.

Monsieur X a assigné la société A et son dirigeant Monsieur D E devant le tribunal de commerce de PARIS pour:


- voir annuler l’échange en date du 17.03.2014 des titres de KOMILFO contre des BSA à émettre par A et la condamnation de A à lui payer la somme de 239.998 euros,


- à titre subsidiaire en application du principe que la fraude corrompt tout, voir prononcer la résiliation de l’échange et voir condamner A à lui payer la somme de 239.998 euros et à défaut voir condamner solidairement A et Monsieur D E à lui payer la somme de 239.998 euros à titre de dommages et intérêts.


Par jugement du 20.11.2020 le tribunal de commerce a dit recevable Monsieur X en sa demande indemnitaire, mis hors de cause Monsieur D E, débouté Monsieur Z de l’intégralité de ses demandes et l’a condamné à payer aux défendeurs la somme de 9500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.


Le tribunal de commerce a retenu que la totalité des BSA avait été émise, que les bulletins de souscription édités par A avaient été signés par Monsieur X, que l’émission des BSA en contrepartie de l’apport des titres de la société KOMILFO avait fait l’objet d’un rapport du commissaire aux apports rendu sur ordonnance du tribunal de commerce et déposé au greffe le 4.03.2014, que le commissaire aux comptes d’A a émis deux rapports sur cet échange le 27.02.2014, que Monsieur X a participé aux conseils d’administration des 30 juin 2014, 1er décembre 2014, 31.03, 08.06.2015, 31.05.2016 et 23.05.2017 ainsi qu’à une réunion des porteurs de BSA le 20.05.20144, qu’il disposait donc d’une information claire, sans ambiguité sur les dispositions contractuelles et la stratégie de la société dont il avait accepté librement de souscrire des BSA en échange des actions de sa société dont la situation financière excluait de fait tout autre type de transaction.


S’agissant de l’action dirigée contre Monsieur D E dirigeant de A le tribunal retient que Monsieur X échoue à démontrer l’existence d’une faute détachable de ses fonctions.

Monsieur X a formé appel de la décision.


Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 17.11.2021 Monsieur X demande à la cour:


- à titre principal de réformer le jugement entrepris


- d’ordonner avant dire droit la production par A sous astreinte de 500 euros par jour de retard:

* d’une copie intégrale certifiée conforme par son dirigeant du registre des mouvements de titre de cette société incluant la page contenant la certification du greffe

* du compte d’actionnaire de Monsieur X certifié conforme par le dirigeant d’A


- de constater que l’échange en date du 17.03.2014 des titres de la société KOMILFO contre des BSA à émettre par la société A est dépouvu de contrepartie et de cause et de l’annuler,
- de condamner A à payer à Monsieur X la contrevaleur des parts sociales de la société KOMILFO soit la somme de 239.998 euros augmentée de l’intérêt au taux légal à compter de l’échange du 17.03.2014


- à titre subsidiaire


- de déclarer Monsieur X recevable et bien fondé en ses demandes


- de constater le caractère vil et dérisoire de la contrepartie à l’échange et l’annuler,


- de condamner A à lui payer la contrevaleur des parts sociales de la société KOMILFO soit la somme de 239.998 euros augmentée de l’intérêt au taux légal à compter de l’échange du 17.03.2014


- à titre subsidiaire


- vu le principe de la fraude corrompt tout


- de constater que les manoeuvres ayant consisté à priver de substance et d’intérêt l’exercice des BSA remis à l’échange des titres KOMILFO et notamment le contournement des dispositifs légaux de protection des titulaires de BSA et , en toute hypothèse, l’exécution de mauvaise foi du contrat d’émission du 17.03.2014, caractérisent une fraude aux droits de Monsieur X et à tout le moins une faute dans l’exécution du contrat d’échange,


- de prononcer la résiliation de l’échange résultant du contrat d’émission du 17.03.2014 et de condamner subséquemment A à lui payer la contrevaleur des parts sociales de la société KOMILFO soit la somme de 239.998 euros augmentée de l’intérêt au taux légal à compter de l’échange du 17.03.2014


- à défaut de condamner solidairement A et Monsieur D E à lui payer la somme de 239.998 euros augmentée del’intérêt au taux légal à compter de l’échange du 17.03.2014 à titre de dommages et intérêts


- en toute hypothèse


- de condamner A et I D E à lui payer la somme de 50.000 euros au titre du préjudice résultant de la dépréciation de la valeur de participation transmise, de l’investissement consenti sans relâche pendant plus de trois années et qui a été extourné au profit d’autres structures du groupe et de la fraude à ses droits


- de condamner solidairement A et I D E à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.


Aux termes de leurs conclusions signifiées le 1er décembre 2021 la société F G (A) et Monsieur I D E demandent à la cour:


- de confirmer le jugement rendu le 20.11.2020 par le tribunal de commerce de PARIS en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a jugé Monsieur X recevable en sa demande de résolution du contrat d’émission des BSA du 17.03.2014


- de dire et juger Monsieur X irrecevable en sa demande de résolution du contrat d’émission des BSA du 17.03.2014 pour défaut de qualité à agir au moment de l’introduction de l’instance


- de débouter Monsieur X de l’ensemble de ses demandes
- de condamner Monsieur X à l’amende civile qu’il plaira à la cour au titre de l’appel abusif,


- de condamner Monsieur X à payer à Monsieur I D E la somme de 4500 euros en indemnisation de l’appel abusif


- de condamner Monsieur X à payer à la société F G et à Monsieur I D E et à chacun la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles


- de condamner Monsieur X aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la communication de pièces

Monsieur X soutient que l’AG du 13.03.2014 qui a autorisé l’émission des BSA et délégué au CA le pouvoir de fixer les termes et conditions des BSA n’a pas été publiée au greffe ni le PV du CA et que ces assemblées et ce conseil ne sont pas mentionnées dans les statuts d’A SA.


Il demande donc la communication

* d’une copie intégrale certifiée conforme par son dirigeant du registre des mouvements de titre de cette société incluant la page contenant la certification du greffe

* du compte d’actionnaire de Monsieur X certifié conforme par le dirigeant d’A.


A souligne que la demande de communication de pièces n’a pas été présentée devant le conseiller de la mise en état.


Elle répond que ces documents ont déjà été communiqués mais qu’elle les communique de nouveau s’agissant des mouvements de titre de la société et que le compte d’actionnaire de Monsieur X n’existe pas puisqu’il n’était pas actionnaire.

Sur ce:


Il convient de souligner que la demande de communication de pièces est de la compétence du conseiller de la mise en état qui n’a pas été saisi d’une telle demande par Monsieur X. La demande de communication est donc rejetée comme tardive.


De façon surabondante il convient de souligner que le compte d’actionnaire de Monsieur X ne peut être produit dans la mesure où cette pièce n’existe pas puisque Monsieur X n’est pas actionnaire de la société F G et qu’un document, non certifié, intitulé compte de titulaire de titres non action BSA 1 et BSA 2 est communiqué s’agissant de la pièce 30 des intimés.

Sur le contrat

sur la fictivité de l’opération

Monsieur X conclut à l’absence de contrepartie à l’échange dans la mesure où A ne rapporte pas la preuve de l’émission des BSA faute de publication de l’AG du 13.03.2014, faute de mention de l’émission des BSA dans les statuts, faute de justification de l’enregistrement des BSA dans le registre des mouvements de titres de la société.


A réplique que l’échange de titres a été agréé par les décisions du conseil d’admnistration puis de l’AGE, que la totalité des BSA ont été émis puisque les bulletins de souscription ont été signés par Monsieur X qui a participé à l’AG des porteurs de BSA le 20.05.2014, et qu’il ne saurait lui être reproché une violation de l’article R 123-107 du code de commerce imposant de publier le PV d’AG augmentant ou réduisant le capital pour fonder la demande de nullité de l’échange, sachant que les BSA n’ont pas été exercés, et que les registres des mouvements de titre de la société ont été communiqués.


Elle expose donc que la demande de nullité fondée sur une prétendue fictivité devra être rejetée.

Sur ce


Le PV de l’AG extraordinaire du 13.03.2014 est produit aux débats par la société A (pièce 10) et rapporte la preuve du vote de l’acquisition de la totalité des parts sociales de la société KOMILFO, de l’émission des BSA au profit de messieurs Y et X et de l’augmentation de capital afférente à cette émission de BSA en cas d’exercice du droit de souscription.


Le fait que la preuve que le PV d’AGE ait été l’objet d’une publication au greffe du tribunal de commerce ne soit pas produit aux débats, n’entraine pas la fictivité de l’opération, ni sa nullité mais uniquement son absence d’opposition aux tiers si réellement aucune publication n’a été opérée.


Par ailleurs le fait que les statuts mis à jour au 1er juin 2016 et qui constituent la pièce 8 du demandeur ne fassent pas état des BSA votés par l’AGE du 13.03.2014 est absolument normal dans la mesure où la lecture desdits statuts démontre que sont mentionnés au titre des apports les augmentations de capital uniquement lorsque les titulaires des BSA exercent ceux ci et acquièrent en conséquence des actions de la société, et non au moment de leur émission ou de leur souscription.


En l’espèce au 1er juin 2016 les BSA avaient certes été souscrits par Monsieur X mais n’avaient pas encore été exercés puisque leur exercice ne pouvait se réaliser avant un délai de 5 ans courant à compter du 13.03.2014. Ainsi à cette date le capital social n’avait pas encore fait l’objet d’une augmentation pouvant être indiqué dans les statuts.


Enfin la preuve de l’absence de fictivité de l’opération réside dans le fait que les bulletins de souscription des BSA 1 et 2 ont été signés tant par Monsieur Y que par Monsieur X le 13.03.2014: pièces 12, 13, 14 et 15 des intimés.


En conséquence il convient de rejeter la demande de nullité fondée sur la fictivité de l’opération.

Sur la nullité du contrat pour défaut de contrepartie

Monsieur X soutient que les titres KOMILFO n’ont pas été apportés mais échangés, que le contrat d’apport n’indique pas quelle est la rémunération de l’apport, puisque le prix de la souscription des actions auxquelles le BSA donnerait droit n’est pas renseigné si bien que la contrepartie elle-même de l’apport n’est pas fixée au contrat.


Il indique que la période d’exercice de 5 ans initialement prévue au contrat est devenue une période de blocage de 5 ans, ce qui donne une portée très différente à la clause de caducité en cas de perte de la qualité de salarié.


Il indique qu’on ne comprend pas pourquoi il y a deux types de BSA soulignant que le CAC n’a pas été en mesure de donner un avis sur le choix des éléments de calcul du prix d’émission des BSA et sur leur montant.

Monsieur X soutient que l’opération d’échange est nulle en raison d’une contrepartie dérisoire ou illusoire au visa des articles 1169 et 1170 du code civil et 1331-2 du code du travail et sur le terrain de l’absence de cause au visa de l’ancien article 1131 du code civil.
Il indique en effet:


- que la société KOMILFO, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal de commerce, avait une valeur puisque les parts de l’associé minoritaire ont été rachetées comptant, et présentait une valeur réelle au regard du PV du CA de A du 18.12.2013 et il fait valoir que la société A a capté tous les actifs de la société KOMILFO sans s’acquitter des dettes de celle ci puisqu’il était caution d’un prêt dont le paiement lui a été demandé après que les échéances soient revenues impayées de la part de la société, que la déconfiture de la société deux ans après du fait de son pillage par A ne peut le priver de toute contrepartie.


- que la levée des BSA lui imposait le versement d’une somme de 966.876 euros,


- qu’au regard de la valeur d’achat de l’action (2 euros) augmentée de la valeur de sa participation dans KOMILFO, du nombre d’actions pouvant être souscrites et du nombre d’actions totales la société A était valorisée avant exercice des BSA , à14,9 millions d’euros, soit 71 fois son résultat d’exploitation, ce qui est disproportionné,


- que la trésorerie qui est volatile ne pouvait être un indicateur de valeur que si les actions avaient été échangées immédiatement et non 5 ans après,


- qu’en outre les BSA ne peuvent être exercés que 5 ans après leur souscription et si il n’avait pas été licencié pour faute grave, décision entre les seuls mains de l’employeur


- que l’ensemble de ce dispositif démontre la vileté du prix.


Il indique en outre que les BSA ne peuvent être exercés que 5 ans après leur souscription et que pendant ce délai le groupe A est maitre de la valeur de la société, qu’au demeurant en l’espèce postérieurement à la signature du contrat les actifs de A ont été transférés vers ADVERTISOFT, que le versement de près de 1 million d’euros pour rentrer au capital de la société lui impose un droit d’entrée équivalent à 10 ans de rémunération au sein de la société.


La société A expose que le contrat est clair: il fixe l’apport, en échange de BSA bloqués pendant 5 ans et qui pourront être convertis en actions passé ce délai, que les BSA seront caducs si Monsieur X perd la qualité de salarié, que le prix de conversion des BSA en action est chiffré à 2 euros, que l’exercice des BSA a conduit à une augmentation de capital, qu’en conséquence la contrepartie existe: en échange des titres de la société KOMILFO monsieur X a eu des BSA.


Elle soutient que la société KOMILFO était dans une situation catastrophique, qu’elle a injecté plus de 393.000 euros en vain sans succès et que la société KOMILFO a été radiée du RCS au mois de décembre 2016.


Elle fait valoir qu’elle présentait une importante trésorerie qui permettait de valoriser l’action à 2,3 euros et que Monsieur X ne peut invoquer des événements ultérieurs à l’échange au soutien de sa demande de nullité de l’opération, ni invoquer le tarif d’exercice des BSA alors que celui correspond à la valeur de la trésorerie dans les comptes de la société A, que l’aléa chasse la lésion et qu’en l’espèce il existait un double aléa puisqu’il s’agissait d’un échange de titres.

Sur ce


L’article 1131 ancien du code civil dispose que l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.


L’article 1591 du code civil dispose que le prix de vente doit être déterminé et désigné par les parties.
La jurisprudence a consacré le fait:


- d’une part que l’absence de prix ou le vil prix constitue une absence de cause et entraine la nullité du contrat


- d’autre part que le prix n’est pas déterminable lorsque sa fixation est lié à la survenance d’un évenement futur dépendant de la volonté d’une ou des parties.


En l’espèce le contrat signé entre les parties prévoit:


- en contrepartie de l’apport d’actions de la société KOMILFO à la société A, et du versement d’une prime d’émission de 2 euros par action acquise


- un droit pour les actionnaires de la société KOMILFO d’acquérir, 5 ans après la souscription des BSA, des actions de la société A par l’exercice desdits BSA


- sous la condition que le titulaire des BSA n’a pas été licencié de la société A ou de l’une de ses filiales pour faute grave.


Contrairement à ce que soutient à plusieurs reprises la société A dans ses conclusions il ne s’agit pas d’un échange d’actions, mais d’un apport d’actions en contrepartie d’un droit de souscription d’actions à un prix fixé 5 ans auparavant et sous la réserve de deux conditions tenant au versement d’une prime d’émission et de ne pas avoir perdu la qualité de salarié pour faute grave.


En l’espèce le contrat se fonde en partie sur la notion d’aléa s’agissant pour le cédant, plutôt que de percevoir immédiatement le prix de sa société, d’acquérir un droit de souscrire des actions de la société absorbante à un prix fixé 5 ans auparavant, en faisant le pari que le développement de la société, au cours de cette période, sera tel que la valeur des actions acquises sera supérieure au prix de cession de la société cédée + la prime d’émission par action, étant en outre précisé que ladite prime d’émission pouvait se voir réduite par le versement de dividences au cours des 5 années séparant la souscription de l’exercice des BSA.


Cependant la notion d’aléa disparait par l’introduction de la clause prévoyant la caducité du droit d’exercer les BSA en cas de licenciement pour faute grave, alors même, au surplus, que cette clause est illicite en application de l’article L1131-2 du code du travail qui prohibe les sanctions financières dans le cas d’une action disciplinaire mise en oeuvre dans le cadre d’une relation salariale étant précisé que cet argument ne constitue pas une demande nouvelle mais un moyen nouveau qu’il n’y a donc pas lieu de déclarer irrecevable comme le demande la société A.


En effet cette clause de caducité est de nature à priver de toute effectivité la contrepartie à la cession des actions de KOMILFO:


- du fait de la survenance d’un évenement postérieur au contrat


- dépendant de l’une des parties


- relatif à un contrat différent bien que concomittant du contrat de cession de parts sociales, s’agissant du contrat de travail.


En l’espèce le licenciement pour faute grave de Monsieur X, prive celui ci de toute contrepartie à la cession de ses parts sociales alors que cet évenement ne constituait pas un évenement indépendant de la volonté des parties puisque la qualification de faute grave quand bien même celle ci peut être contestée devant le conseil des prud’hommes, reste de la seule compétence de l’employeur.
Le prix des parts sociales de la société KOMILFO étant constitué d’une contrepartie dont la mise en oeuvre dépendait en partie de la cessionnaire doit être qualifié d’indéterminable, au sens de la jurisprudence au visa de l’article 1591 du code civil et donc d’inexistant.


En conséquence, en l’état d’un prix inexistant, il convient de prononcer la nullité du contrat d’apport de parts sociales de la société KOMILFO par Monsieur X à la société A en date du 17.03.2014.

Sur la demande de dommages et intérêts


Le contrat annulé n’ayant jamais existé les parties doivent être remises dans l’état dans lesquelles elles se trouvaient avant que le contrat n’ait commencé à s’exécuter.


Cependant compte tenu de la liquidation amiable de la société KOMILFO en décembre 2016, la restitution en nature à Monsieur X de ses parts dans la société cédée est impossible et cette restitution doit donc s’effectuer, selon la jurisprudence, par équivalence, par l’octroi de dommages et intérêts correspondant àla valeur des parts de la société KOMILFO cédées par Monsieur X.


La société A soutient que la société KOMILFO n’avait aucune valeur mais pour autant elle a racheté les parts sociales du 3ème associé de la société KOMILFO puisqu’il est indiqué dans le contrat du 17.03.2014:

Si l’un d’entre eux, la société HADS SARL, a souhaité un rachat en espèce, pour unmontant de 60.004,80 euros, de ses 5556 parts sociales, et abandonner ses fonctions au sein de la société KOMILFO, les deux autres actionnaires, Messieurs C Y et B X ont souhaité un rachat de leurs 22.222 parts respectives en titres de la société F VISIO Net participer au développement de cette dernière.


La société A a donc accepté de racheter les parts du 3ème associé de la société KOMILFO pour une somme de 10,80 euros par parts sociales.


Elle est donc mal fondée à soutenir aujourd’hui que la société n’avait aucune valeur au regard des sommes qu’elle a accepté de débourser.


Par ailleurs il ressort du rapport du commissaire aux comptes désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce de PARIS le 29.01.2014 concernant l’apport des parts sociales de la société KOMILFO à la société F G que la conclusion de ce professionnel du chiffre indépendant est que la valeur des apports retenue, qui s’élève à 479.975,20 euros, n’est pas surévaluée et en conséquence que l’apport est au moins égal au montant de la prime d’émission.


Pour ce faire le commissaire aux comptes désigné s’est basé non seulement sur les comptes de la société KOMILFO et sur le prix de cession acté dans le contrat de cession en date du 27.01.2014 mais également sur le rapport sur les comptes annuels de l’exercice clos le 31.12.2012 du commissaire aux comptes de la société F G, et le rapport d’audit du commissaire aux comptes sur les comptes intermédiaires au 30.09.2013. Enfin le commissaire aux comptes spécialement désigné a eu connaissance des conditions financières de l’apport, puisqu’il le verse en annexe, et en particulier le fait que les actions souscrites en exercice des BSA devaient donner lieu au versement d’une somme de 2 euros par actions, somme qui constitue la prime d’émission.


Le fait que la société KOMILFO ait fait l’objet d’une liquidation amiable deux ans après son acquisition par A n’est pas de nature à combattre utilement non seulement le prix de rachat des parts de la société HADS mais également du rapport du commissaire aux comptes spécialement désigné et à rapporter la preuve de son absence de valeur aumoment de la cession.
En effet pendant ces deux années la société F G a géré la société KOMILFO et est donc comptable de l’évolution de celle ci.


Par ailleurs la société A ne rapporte pas la preuve que la situation de la société KOMILFO au moment de la cession ne correspondait pas à sa valeur réelle.


Enfin la dissolution amiable de la société en décembre 2016 démontre que la liquidation de la société procède d’une volonté de son actionnaire unique dans le cadre dela restructuration du groupe F G et non d’une mauvaise santé financière de la société KOMILFO. En effet en décembre 2014 les associés de la société F G ont créé une holding au Luxembourg, ADVERTISOFT, à laquelle ont été transférées les parts sociales de la société F G mais qui a également acquis, au cours des années 2015 et 2016, par cession des parts sociales détenues par F G, la propriété des filiales étrangères et de la société F G Digital.


En conséquence la valeur des parts sociales de Monsieur X dans la société KOMILFO peut être établie à la somme de 239.987,60 euros et il convient de lui allouer des dommages et intérêts de ce montant.

Sur l’action à l’égard de Monsieur D E


L’article L225-251 du code de commerce dispose que les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.


En l’espèce il n’est pas établi par Monsieur X de fautes commises répondant aux critères de l’article susvisé puisque le prononcé de la nullité de l’acte de cession de parts sociales réside dans sa rédaction qui prive de contrepartie l’apport effectué.


En conséquence il convient de débouter Monsieur X de ses demandes à l’encontre de Monsieur D E, sans qu’il soit justifié par ailleurs d’accorder à celui ci des sommes au titre de l’appel abusif, qui n’est pas caractérisé puisque les demandes de Monsieur X sont accueillies par la Cour, ni de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’amende civile


L’usage de son droit d’appel par Monsieur X n’est susceptible de constituer une faute qu’en cas d’abus non caractérisé en l’espèce par les intimés, et d’autant moins caractérisé que le jugement est infirmé et que les demandes de Monsieur X sont accueillies, de telle sorte qu’il n’y a pas lieu de prononcer une quelconque amende civile.

Sur les autres demandes


Il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné Monsieur X au paiement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile aux intimés.


Il est inéquitable de laisser Monsieur X supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense et il convient de lui allouer la somme de 10.000 euros ce titre.


La société A est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de PARIS le 20.11.2020


Et statuant à nouveau


REJETTE la demande de communication de pièces


PRONONCE la nullité du contrat de cession par apport des parts sociales de la société KOMILFO conclu entre la société F G et Monsieur B X le 17.03.2014


CONDAMNE la société F G à payer à Monsieur H X la somme de 239.998 euros de dommages et intérêts,


DEBOUTE Monsieur X de ses demandes à l’encontre de Monsieur D E


DEBOUTE la société F G et Monsieur D E de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de Monsieur X


Et y ajoutant


DIT n’y avoir lieu de prononcer une amende civile


CONDAMNE la société F G à payer à Monsieur X la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile


CONDAMNE la société F G aux dépens de première instance et d’appel.


La greffière La présidente
Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 17 février 2022, n° 21/00370