Cour d'appel de Paris, Pôle 4 chambre 3, 24 mars 2022, n° 21/14785

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 ch. 3, 24 mars 2022, n° 21/14785
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/14785
Importance : Inédit
Sur renvoi de : Cour de cassation, 29 juin 2021, N° P20-17.319
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 29 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 3

ARRET DU 24 MARS 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/14785 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEGTA

Décision déférée à la Cour :

Arrêt du 30 Juin 2021 – Cour de Cassation – pourvoi n° P20-17.319

Arrêt du 18 Février 2020 – Cour d’Appel de PARIS pôle 4 – chambre 4 – RG n° 17/11770

Jugement du 13 Décembre 2016 – Tribunal d’Instance de PARIS 14ème – RG n° 11-15-000513

APPELANTE

S.A. BPIFRANCE FINANCEMENT prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

RCS Créteil : 320 52 489

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

assistée par Me Thierry MEILLAT de HOGAN LOVELLS LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J33 substitué à l’audience par Me Hélène de NAZELLE

INTIMEE

Madame [G] [N]

[Adresse 2]

[Localité 5]

née le 30 Mai 1940 à [Localité 4]

représentée et assistée par Me Aude BOURUET AUBERTOT de l’AARPI BGBA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0026

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. François LEPLAT, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. François LEPLAT, Président de chambre

Mme Anne-Laure MEANO, Présidente assesseur

Mme Bérengère DOLBEAU, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par François LEPLAT, Président de chambre et par Marylène BOGAERS, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 13 novembre 1961, Mme [G] [N], a été embauchée par la Caisse centrale de Crédit hôtelier, commercial et industriel, aux droits de laquelle vient la société anonyme Bpifrance Financement.

Le 1er février 1970, un logement situé [Adresse 2] a été mis à disposition par son employeur à titre d’accessoire à son contrat de travail.

Le 31 mai 2000, Mme [G] [N] a pris sa retraite et a continué à occuper les lieux.

Le 25 juillet 2014, souhaitant vendre le logement libre d’occupation, la société Bpifrance Financement a délivré à Mme [G] [N] un congé à effet du 31 juillet 2015.

Par acte d’huissier du 21 août 2015, la société Bpifrance Financement, propriétaire du logement situé [Adresse 2], a fait assigner Mme [G] [N] devant le tribunal d’instance de Paris 14ème lui demandant :

— son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef dudit appartement, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir et si besoin est avec l’assistance de la force publique ;

— de fixer le montant de l’indemnité d’occupation à la somme de 324,95 euros ;

— de dire que l’ensemble de ces sommes produira intérêt au taux légal à compter du 31 juillet 2015 ;

— de la condamner à lui payer la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens dont le coût du commandement de payer.

Par jugement contradictoire du 13 décembre 2016, le tribunal d’instance de Paris 14ème a ainsi statué :

Dit la société Bpifrance Financement prescrite et donc irrecevable en son action ;

Condamne la société Bpifrance Financement à payer à Mme [G] [N] une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Bpifrance Financement aux dépens ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Ordonne l’exécution provisoire.

La société Bpifrance Financement a interjeté appel devant la cour d’appel de Paris.

Par arrêt du 18 février 2020, la cour d’appel de Paris a ainsi statué :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société Bpifrance Financement à payer la somme de 3.500 euros à Mme [G] [N], sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

Déboute les parties de toutes demandes, fins ou prétentions, plus amples ou contraires.

La société Bpifrance Financement a formé un pourvoi.

Par arrêt du 30 juin 2021, la Cour de cassation a ainsi statué :

Vu les articles 544 et 2227 du code civil :

7. Selon le premier de ces textes, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. Selon le second, le droit de propriété est imprescriptible.

8. La revendication est l’action par laquelle le demandeur, invoquant sa qualité de propriétaire, réclame à celui qui la détient la restitution de son bien (3e Civ., 16 avril 1973, pourvoi no 72-13.758, Bull., III, no 297).

9. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l’action de la société anonyme Bpifrance Financement, l’arrêt retient qu’elle tend à l’expulsion de l’occupante d’un logement de fonction constituant l’accessoire d’un contrat de travail qui a pris fin, le terme de la convention interdisant à l’ancienne salariée de se maintenir dans les lieux, de sorte qu’il ne s’agit pas d’une action de nature réelle immobilière, mais d’une action dérivant d’un contrat soumis à la prescription quinquennale de droit commun.

10. L’arrêt retient encore qu’en application de l’article 26 II de la loi du 17 juin 2008, un nouveau délai de cinq ans a commencé à courir le 19 juin 2008 pour expirer le 19 juin 2013, de sorte que l’action engagée le 24 septembre 2015 est atteinte par la prescription.

11. En statuant ainsi, alors que l’action en expulsion d’un occupant sans droit ni titre, fondée sur le droit de propriété, constitue une action en revendication qui n’est pas susceptible de prescription, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 18 février 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme [G] [N] aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les dispositions des articles 1032 et suivants du code de procédure civile ;

Vu la déclaration du 19 juillet 2021 de saisine de la cour, autrement composée, désignée comme cour de renvoi, par la société Bpifrance Financement ;

Vu les dernières écritures remises au greffe le 13 janvier 2022 par lesquelles la société Bpifrance Financement demande à la cour de :

Déclarer recevable et bien fondée l’action de la société Bpifrance Financement ;

Infirmer le jugement rendu le 13 décembre 2016 par le tribunal d’instance du 14ème arrondissement de Paris en ce qu’il a déclaré irrecevable car prescrite l’action de Bpifrance Financement ;

Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Bpifrance Financement de l’ensemble de ses demandes ;

Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Bpifrance Financement au paiement

de la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;

Statuant à nouveau :

Constater que l’appartement occupé par Mme [G] [N] est un accessoire de son contrat de travail ;

Constater que le contrat de travail de Mme [G] [N] a pris fin le 31 mai 2000 ;

Constater le refus de Mme [G] [N] de quitter l’appartement situé [Adresse 2] ;

En conséquence,

Déclarer Mme [G] [N] occupante sans droit ni titre de l’appartement situé [Adresse 2] ;

Ordonner l’expulsion de Mme [G] [N], occupante sans droit ni titre de l’appartement situé [Adresse 2], et tous occupants de son chef, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir et si besoin avec l’assistance de la force publique ;

Fixer le montant de l’indemnité d’occupation à la somme de 527,47 euros par mois ;

En tout état de cause :

Débouter Mme [G] [N] de toutes demandes contraires au présent dispositif ;

Condamner Mme [G] [N] à verser à la société Bpifrance Financement la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais du commandement de payer.

Vu les dernières écritures remises au greffe le 12 janvier 2022 par lesquelles Mme [G] [N] demande à la cour de :

A titre principal :

Confirmer le jugement rendu le 13 décembre 2016 par le tribunal d’instance du 14ème arrondissement de Paris en ce qu’il a dit la société Bpifrance Financement prescrite et donc irrecevable en son action et en ce qu’il l’a condamnée à payer à Mme [G] [N] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en ce qu’il a condamné la société Bpifrance Financement aux dépens ;

Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [G] [N] de sa demande de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau de ce chef :

Constater qu’en donnant congé à Mme [G] [N], 15 années après sa mise à la retraite, du logement mis à sa disposition depuis le 1er février 1970, la société Bpifrance Financement a engagé sa responsabilité au visa de l’article 1240 du code civil et causé à Mme [G] [N] un très grave préjudice ;

Condamner en conséquence la société Bpifrance Financement à payer à Mme [G] [N] la somme de 20.000 de dommages et intérêts ;

A titre subsidiaire :

Vu l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989

Vu l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989,

Vu l’article 1330 du code civil,

Vu l’article 1240 du code civil,

Constater que le bail verbal consenti le 1er février 1970 par le CCCHCI (aux droits duquel se trouve la société Bpifrance Financement ) à Mme [G] [N] porte sur un logement constituant la résidence principale de cette dernière ;

Constater que ce bail, qui n’avait pas été dénoncé lors de l’entrée en vigueur de la loi d’ordre public du 6 juillet 1989, s’est trouvé de facto soumise à cette dernière ;

Constater que la société Bpifrance Financement ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que le logement qu’elle a mis à disposition de Mme [G] [N] le 1er février 1970 serait un logement de fonction ;

Constater en tout état de cause que les conditions du maintien dans les lieux Mme [G] [N] sur la période du 1er juin 2000 (date à laquelle elle a pris sa retraite), jusqu’au 25 juillet 2014 (date du congé qui lui a été délivré par la société Bpifrance Financement) caractérisent l’existence d’un bail soumis à la loi du 6 juillet 1989 ;

Constater que la société Bpifrance Financement n’a pas dénoncé son assignation introductive d’instance au préfet en violation des dispositions de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 ;

En conséquence,

Déclarer irrecevable la société Bpifrance Financement en toutes ses demandes ; subsidiairement

Déclarer mal fondée la société Bpifrance Financement en toutes ses demandes et l’en débouter ;

En tout état de cause :

Annuler le congé délivré le 25 juillet 2014 par la société Bpifrance Financement à Mme [G] [N] ;

Condamner la société Bpifrance Financement à payer à Mme [G] [N] la somme de 20.000 euros de dommages et intérêts ;

Condamner la société Bpifrance Financement à payer à Mme [G] [N] la somme supplémentaire de 5.000 euros pour ses frais irrépétibles en cause d’appel ;

Condamner la société Bpifrance Financement en tous les dépens ;

Débouter la société Bpifrance Financement de toutes ses demandes ;

A titre infiniment subsidiaire :

Vu les articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution,

Accorder à Mme [G] [N] un délai de trois ans à compter de la signification de la décision à intervenir pour quitter les lieux.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu’elles ont remises au greffe et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’action de la société Bpifrance Financement :

Poursuivant l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a déclaré son action irrecevable comme étant prescrite, la société Bpifrance Financement soutient qu’elle agit en revendication d’un bien dont elle est propriétaire, attribué à Mme [G] [N] en sa qualité de salariée, à titre de logement de fonction, et dont elle est devenue occupante sans droit ni titre depuis son départ à la retraite.

Mme [G] [N] lui oppose l’absence du rapport de la preuve que les lieux qu’elle occupe sont un logement de fonction.

A cet égard elle fait valoir que presque dix ans se sont écoulés entre son embauche et « la conclusion du bail » ; Que diverses attestations qu’elle met aux débats démontrent que le logement qu’elle occupe fait partie d’un parc immobilier à vocation sociale, constitué en compensation de la cotisation obligatoire à laquelle les employeurs sont astreints, communément dénommée 1% patronal ; que ces logements sont attribués aux salariés sur des critères sociaux par des commissions paritaires dédiées, rattachées aux comités d’entreprise, produisant en exemple l’engagement de location de Mme [M] [F].

Tirant la conséquence de l’absence de démonstration par la société Bpifrance Financement du fait qu’elle occupe un logement de fonction, comme devant le premier juge, Mme [G] [N] se prévaut à son encontre de la prescription quinquennale prévue par l’article 2224 du code civil pour les actions personnelles et mobilières.

Il résulte cependant de l’article 544 du code civil : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »

L’article 2227 de ce code prévoit quant à lui que : « Le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

Ainsi l’action en exercice des attributs liés au droit de propriété, au demeurant non contesté de la société Bpifrance Financement, ne saurait connaître de prescription.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur l’expulsion et l’indemnité mensuelle d’occupation :

La propriété de la société Bpifrance Financement du logement occupé par Mme [G] [N] n’est pas remise en cause, ni le fait qu’il a été mis à sa disposition, par son employeur à raison de ses fonctions salariées, quand bien même aucun contrat n’est en l’espèce produit par les parties pour définir les conditions de cette occupation.

Les parties s’opposent sur la nature du lien contractuel qui les unit.

La société Bpifrance Financement entend se prévaloir de la mise à disposition de Mme [G] [N] d’un logement de fonction, tandis que celle-ci revendique le bénéfice d’un contrat de bail régi par les dispositions de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.

A cet égard, l’article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 prévoit que : " Les dispositions du présent titre sont d’ordre public.

Le présent titre s’applique aux locations de locaux à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation, et qui constituent la résidence principale du preneur, ainsi qu’aux garages, aires et places de stationnement, jardins et autres locaux, loués accessoirement au local principal par le même bailleur. La résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l’habitation.

Toutefois, ce titre ne s’applique pas : (…)

3° Aux logements attribués ou loués en raison de l’exercice d’une fonction ou de l’occupation d’un emploi et aux locations consenties aux travailleurs saisonniers, à l’exception de l’article 3-3, des deux premiers alinéas de l’article 6, de l’article 20-1 et de l’article 24-1."

Force est de constater en l’espèce que l’affirmation par la société Bpifrance Financement que cette mise à disposition d’un logement "situé au coeur de [Localité 5]" a entendu faciliter l’exercice de ses fonctions n’est pas utilement contestée par Mme [G] [N], son ancienne adresse, ni la localisation géographique de l’emploi n’étant documentées.

A tout le moins Mme [G] [N] ne conteste pas que cette mise à disposition est intervenue « en raison de l’occupation d’un emploi ».

Il doit au surplus être relevé que le « loyer » était fixé à 341,47 euros outre 186 euros de provision sur charges en juillet 2021, soit un total de 527,47 euros, selon la dernière quittance produite, pour un appartement, dont la superficie n’est pas fournie, situé au 7ème étage et bénéficiant d’une cave et d’un parking, ce qui accrédite l’affirmation de la société Bpifrance Financement d’une modicité du loyer, liée à l’occupation de son emploi, étant par ailleurs observé que Mme [G] [N] justifie dans la déclaration préremplie des revenus de 2014 de 37.807 euros de pensions de retraite, soit 3.150,58 euros de revenus par mois.

La société Bpifrance Financement produit encore le bulletin de paie de Mme [G] [N] du mois de décembre 1999, il y a plus de vingt deux ans, dernière année civile complète avant son départ en retraite, qui mentionne un « avantage (en) nature logement » de 26.714 francs, soit 4.072,52 euros. Cette dernière indique que cet avantage vient compenser un écart de loyer important entre le prix du marché et le loyer payé et qu’il s’impose ainsi à l’employeur pour des raisons tant fiscales que sociales sous peine de sanctions, mais qu’il ne permet pas de conclure qu’il s’agit d’un logement de fonction.

Mais, cette somme dont l’important montant mentionné sur le bulletin de paie du dernier mois de l’année laisse présumer qu’il est annuel, est tout de même de 339,63 euros par mois pour un loyer mensuel d’environ 340 euros, révélant ainsi une modicité de prix telle qu’elle constitue l’un des critères d’un logement attribué en raison de l’occupation d’un emploi.

Les attestations que Mme [G] [N] met aux débats sur les conditions et procédures d’attribution des logements par les différents organismes ou sociétés qui ont été ses employeurs et qui, de plus, ne la concernent pas directement, sont inopérantes pour combattre la qualification de logement attribué en raison de l’occupation d’un emploi. Elles n’ont d’ailleurs que pour effet contraire de la corroborer.

Il en est de même de l’engagement de location de Mme [M] [F] mis aux débats, stipulant que le logement lui a été attribué « en raison de sa qualité de salariée de l’entreprise ».

Il ne peut par ailleurs être tiré aucune conséquence du fait que la mise à disposition du logement est intervenue près de dix ans après l’embauche de Mme [G] [N], qui ne fournit aucun élément quant à sa situation antérieure et occupe ce logement, propriété de son employeur, depuis plus de cinquante ans.

Ainsi, la société Bpifrance Financement rapporte la preuve que le logement mis à disposition de Mme [G] [N] est un logement attribué en raison de l’occupation d’un emploi, ce qui, en vertu des dispositions de son article 2 3° précité de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, exclut son application dans cette affaire.

Il est constant que Mme [G] [N] a fait valoir ses droits à la retraite le 31 mai 2000. Il s’ensuit que depuis le 1er juin 2000 elle est donc occupante sans droit ni titre du logement de fonction mis à sa disposition par son ancien employeur, la société Bpifrance Financement.

En conséquence d’une occupation sans droit ni titre du logement, la société Bpifrance Financement demande à la cour d’ordonner l’expulsion de Mme [G] [N] sous astreinte de 500 euros par jour, à compter de la signification de l’arrêt et de fixer l’indemnité mensuelle d’occupation à la somme de 527,47 euros.

Mme [G] [N], à titre subsidiaire, plaide que la durée de maintien dans les lieux de près de quinze années à la date du congé qui lui a été signifié caractérise l’existence d’un bail soumis à la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.

Mais outre que la cour a écarté l’application de cette loi, il sera relevé que selon l’article 1330 du code civil : "La novation ne se présume pas ; la volonté de l’opérer doit résulter clairement de l’acte." Or aucun acte utile n’est versé aux débats pour combattre cette présomption, que la société Bpifrance Financement conteste.

Ainsi Mme [G] [N] ne saurait reprocher à son ancien employeur de l’avoir laissé jouir pendant près de quinze années de son ancien logement de fonction alors qu’elle en était devenue occupante sans droit ni titre depuis la rupture de son contrat de travail le 1er juin 2000 et lui demander au surplus 20.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral faute pour la société Bpifrance Financement d’avoir tardé à lui donner congé, alors qu’elle est désormais âgée de plus de 81 ans et que ses ressources ne lui permettent plus, à ce jour, de se reloger dans des conditions à peu près équivalentes.

Il résulte des articles 1736 et suivants du code civil que le congé pour vendre le logement libre de toute occupation, que la société Bpifrance Financement a délivré à Mme [G] [N] par lettre recommandée avec avis de réception du 25 juillet 2014, à effet du 31 juillet 2015 a respecté ces dispositions, notamment celles de l’article 1739 qui édicte que : « Lorsqu’il y a un congé signifié, le preneur quoiqu’il ait continué sa jouissance, ne peut invoquer la tacite reconduction. »

L’expulsion de Mme [G] [N] sera ordonnée ainsi que sa condamnation à payer à la société Bpifrance Financement une indemnité mensuelle d’occupation en cas de maintien dans les lieux, sans que le prononcé d’une astreinte apparaisse nécessaire en l’espèce.

La loi n°89-462 du 6 juillet 1989 n’étant pas applicable à l’espèce, la demande d’annulation du congé formée par Mme [G] [N] sera rejetée.

Sur la demande de délais :

Au visa des articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution, Mme [G] [N] sollicite, à titre subsidiaire, l’octroi d’un délai de trois ans pour quitter les lieux, demande à laquelle la société Bpifrance Financement s’oppose en raison de son maintien dans les lieux plus de 21 ans après son départ à la retraite et plus de 6 ans après la mise en demeure de les quitter.

La cour fera toutefois partiellement droit à cette demande à hauteur d’une année, compte tenu de l’âge de Mme [G] [N], de son occupation ininterrompue du logement pendant plus de 51 ans et du fait que, occupante sans droit ni titre depuis 2000, la société Bpifrance Financement ne lui a délivré congé que 14 ans plus tard.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement entrepris du tribunal d’instance de Paris 14ème du 13 décembre 2016,

Et statuant à nouveau,

Déclare recevable l’action de la société anonyme Bpifrance Financement,

Dit que Mme [G] [N] est occupante sans droit ni titre du logement situé [Adresse 2] depuis le 1er juin 2000,

Ordonne, à défaut de libération volontaire des lieux, l’expulsion de Mme [G] [N] et de tous occupants de son chef hors des lieux situés [Adresse 2], avec le concours éventuel de la force publique et d’un serrurier, passé le délai d’un an suivant la signification du présent arrêt,

Dit que le sort des meubles sera réglé conformément aux articles L.433-1 et suivants et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

Fixe l’indemnité mensuelle d’occupation à la somme forfaitaire de 527,47 euros dont Mme [G] [N] est redevable,

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires,

Et y ajoutant,

Condamne Mme [G] [N] aux dépens de première instance et d’appel,

Rejette toutes autres demandes.

La Greffière Le Président

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