Confirmation 21 décembre 2023
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Sur la décision
| Référence : | CA Paris, pôle 1 ch. 2, 21 déc. 2023, n° 23/07609 |
|---|---|
| Juridiction : | Cour d'appel de Paris |
| Numéro(s) : | 23/07609 |
| Importance : | Inédit |
| Dispositif : | Autre |
| Date de dernière mise à jour : | 6 août 2024 |
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Texte intégral
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRÊT DU 21 DECEMBRE 2023
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/07609 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHQOR
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 04 Avril 2023 -Juge des contentieux de la protection de Paris – RG n° 23/00730
APPELANTS
Mme [B] [O] [N]
[Adresse 1]
[Localité 3]
M. [W] [O] [N]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentés par Me Delphine MENGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1878
INTIMEE
Mutuelle LES CUISINIERS DE FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065, représentée à l’audience par Me Aurélie HATTAB, avocat au barreau de PARIS, toque P441
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Novembre 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Laurent NAJEM, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
— CONTRADICTOIRE
— rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé date du 8 juin 2020, la mutuelle Les Cuisiniers de France a donné à bail à M. [W] [O] [N] un appartement situé [Adresse 1], moyennant un loyer mensuel de 7.500 euros outre 700 euros de provision sur charges. L’acte est intitulé « contrat de location vide résidence secondaire » et il est indiqué qu’il est régi par les dispositions des articles 1714 à 1762 du code civil relatives aux baux d’immeuble à usage d’habitation secondaire, faisant partie de l’une des exclusions du champ d’application de la loi du 6 juillet 1989.
Il est stipulé que le contrat est « consenti pour une durée de 12 mois ferme. Il prendra effet à compter du 15 JUIN 2020 pour se terminer au 14 JUIN 2021 » (caractères gras et soulignés du contrat).
Par acte d’huissier du 7 avril 2021, la mutuelle Les Cuisiniers de France a « donné congé à toutes fins » à M. [W] [O] [N].
La mutuelle Les Cuisiniers de France a assigné son locataire en expulsion, puis les parties se sont rapprochées et un protocole d’accord a été signé le 17 mars 2022, homologué par jugement du 28 juin suivant, par lequel M. [W] [O] [N] et sa s’ur [B] [O] [N] se sont engagés à libérer les lieux pour le 31 décembre 2022.
Faisant valoir que M. et Mme [O] [N] s’étaient maintenus dans les lieux, par acte de commissaire de justice en date du 11 janvier 2023, la mutuelle Les Cuisiniers de France a fait assigner, en référé, les consorts [O] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
— obtenir leur expulsion ;
— statuer sur le sort des meubles ;
— les condamner à titre provisionnel à payer :
8.383 euros au titre du loyer de décembre 2022 charges et taxes comprises ;
une indemnité d’occupation de 11.539 euros par mois telle que fixée au protocole à compter du 1er janvier 2023 avec indexation sur l’indice de référence des loyers en cas de maintien dans les lieux postérieurement au 31 décembre 2023 ;
in solidum, 5.000 euros de dommages et intérêts ;
3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance de référé contradictoire en date du 4 avril 2023, le juge des contentieux de la protection a :
— renvoyé les parties à se pouvoir ainsi qu’elles aviseront mais, dès à présent, vu l’urgence et l’absence de contestation sérieuse ;
— constaté que M. [O] [N] et Mme [O] [N] sont occupants sans droits ni titres du logement situé [Adresse 1]) depuis le 1er janvier 2023 ;
— débouté M. [O] de sa demande de délais pour quitter les lieux ;
— ordonné à M. [O] [N] et Mme [O] [N] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification de l’ordonnance ;
— dit qu’à défaut pour M. [O] [N] et Mme [O] [N] d’avoir volontairement libéré les lieux, la mutuelle les Cuisiniers de France pourra, après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à leur expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de leur chef, conformément à l’article L. 411-1 du code de procédure civile d’exécution, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique ;
— dit n’y avoir lieu à ordonner l’enlèvement, le transport et la séquestration des meubles éventuellement laissés sur place et rappelé que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L. 433-1 du code de procédure civile d’exécution ;
— constaté que M. [O] [N] et Mme [O] [N] ont justifié en cours de délibéré avoir procédé au règlement du loyer de décembre 2022 ;
— débouté en conséquence la mutuelle Les Cuisiniers de France de sa demande de provision de la somme de 8.393 euros au titre du loyer de décembre 2022 ;
— condamné M. [O] [N] à verser à la mutuelle Les Cuisiniers de France une indemnité mensuelle d’occupation provisionnelle d’un montant mensuel de 11.539 euros à compter du 1er janvier 2023 et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l’expulsion) ;
— débouté la mutuelle Les Cuisiniers de France de sa demande d’indexation de l’indemnité d’occupation provisionnelle ;
— débouté la mutuelle Les Cuisiniers de France de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
— condamné M. [O] [N] et Mme [O] [N] à verser à la mutuelle les Cuisiniers de France une somme de 1.800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
— rejeté les demandes plus amples ou contraires ;
— condamné M. [O] [N] et Mme [O] [N] aux dépens ;
— rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Par déclaration du 21 avril 2023, M. [W] [O] [N] et Mme [B] [O] [N] ont relevé appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 09 juin 2023, les consorts [O] [N] demandent à la cour de :
— déclarer recevable l’appel interjeté par les consorts [O] [N] ;
Y faisant droit,
— confirmer l’ordonnance du 04 avril 2023 en ce qu’elle a :
constaté que les consorts [O] [N] ont justifié en cours de délibéré avoir procédé au règlement du loyer de décembre 2022 ;
débouté en conséquence la mutuelle Les Cuisiniers de France de sa demande de provision de la somme de 8.393 euros au titre du loyer de décembre 2022 ;
débouté la mutuelle Les Cuisiniers de France de sa demande d’indexation de l’indemnité d’occupation provisionnelle ;
débouté la mutuelle Les Cuisiniers de France de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
dit n’y avoir lieu à ordonner l’enlèvement, le transport et la séquestration des meubles éventuellement laissés sur place ;
— infirmer l’ordonnance du 04 avril 2023 en ce qu’elle a décidé de :
renvoyé les parties à se pouvoir ainsi qu’elles aviseront mais, dès à présent, vu l’urgence et l’absence de contestation sérieuse ;
constaté que les consorts [O] [N] sont occupants sans droits ni titres du logement situé [Adresse 1]) depuis le 1er janvier 2023 ;
débouté M. [O] [N] de sa demande de délais pour quitter les lieux ;
ordonné aux consorts [O] [N] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification de l’ordonnance ;
dit qu’à défaut pour les consorts [O] [N] d’avoir volontairement libéré les lieux, la mutuelle les Cuisiniers de France pourra, après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à leur expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de leur chef, conformément à l’article L. 411-1 du code de procédure civile d’exécution, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique ;
condamné M. [O] [N] à verser à la mutuelle les Cuisiniers de France une indemnité mensuelle d’occupation provisionnelle d’un montant mensuel de 11.539 euros à compter du 1er janvier 2023 et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l’expulsion) ;
condamné les consorts [O] [N] à verser à la mutuelle les Cuisiniers de France une somme de 1.800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
rejeté les demandes plus amples ou contraires ;
condamné les consorts [O] [N] aux dépens ;
Et statuant à nouveau,
— débouter la mutuelle les Cuisiniers de France de sa demande tendant à l’expulsion sans délai de M. [O] ainsi que de la demande du paiement du loyer afférent au mois de décembre 2022 ;
Ce faisant, faire droit à la demande de délais formée par M. [O] [N] sur le fondement des articles L.412-3 et L.412-4 du Code des procédures civiles d’exécution et en conséquence ;
— accorder à M. [O] [N] un délai de 6 mois à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, à l’effet de se maintenir dans les lieux moyennant paiement de l’indemnité d’occupation ramenée à 7.693 euros hors charge et ce sur le fondement des articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution et des décisions visées et produites relativement à la réduction/suppression de la clauses pénale insérée au protocole d’accord ;
— rejeter la demande de dommages-intérêts d’un montant de 5.000 euros formée par la Mutuelle les Cuisiniers de France comme infondée au regard de la situation des difficultés de relogement des défendeurs ;
— rejeter toutes demandes formées à l’encontre de Mme [O], cette dernière ne demeurant pas dans l’appartement sis [Adresse 1] ;
— condamner la mutuelle les Cuisiniers de France aux entiers dépens ;
— condamner la mutuelle les Cuisiniers de France au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [O] [N] fait valoir qu’il ne conteste pas le protocole d’accord conclu avec l’intimée ; qu’il s’est maintenu dans les lieux pour suivre des traitements médicaux lourds ; que son état ne permet pas un déménagement.
Il précise qu’il résulte de nouvelles investigations concernant son état de santé qu’il ne sera plus contraint de suivre des soins à l’Hôpital [4] en mars 2024 et qu’il pourra retourner vivre dans son pays. Il considère que le contraindre à quitter l’appartement avant cette date constitue une conséquence manifestement excessive et nécessite l’arrêt de l’exécution provisoire.
Il soutient qu’il est dans l’incapacité de trouver un nouveau logement puisqu’il ne peut fournir les justificatifs exigés ; qu’il n’a pas de revenus en raison de son état de santé, les loyers étaient réglés par sa s’ur habitant à l’étranger, l’origine étrangère des fonds dissuadant les bailleurs.
Il relève que le premier juge n’a pas tenu compte de cette situation pour lui allouer des délais, pourtant possibles et alors qu’il avait réglé les loyers en souffrance. Il souligne que s’il se voyait expulsé, il se retrouverait sans domicile.
Il souligne que de jurisprudence constante, une indemnité d’occupation peut s’apparenter à une clause pénale et qu’en l’espèce, la majoration de 50 % a un caractère comminatoire.
Il soutient que le non-respect de l’engagement de quitter les lieux n’est pas le fait des locataires, mais lié à sa santé et à une recherche infructueuse et il conteste l’existence d’une résistance abusive qui justifierait l’octroi de dommages et intérêts.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 23 octobre 2023, la mutuelle Les Cuisiniers de France demande à la cour de :
— débouter les consorts [O] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, notamment quant à l’octroi de délais pour se maintenir dans les lieux ;
— déclarer la mutuelle les Cuisiniers de France recevable et bien fondée en son appel incident,
Y faisant droit,
— confirmer la décision entreprise sauf en ce qu’elle a débouté la mutuelle les Cuisiniers de France de sa demande d’indexation de l’indemnité mensuelle d’occupation provisionnelle et de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Statuant à nouveau,
— ordonner pour le cas où l’occupation des consorts [O] durerait plus d’une année au-delà du 31 janvier 2023 l’indexation de l’indemnité mensuelle d’occupation provisionnelle sur l’indice de référence des loyers s’il évolue à la hausse, l’indice de base étant le dernier indice publié à la date du 31 décembre 2022 ;
— condamner les consorts [O] à verser à la mutuelle les Cuisiniers de France une provision de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
— condamner les consorts [O] aux dépens de la procédure d’appel qui pourront être recouvrés directement en ce qui la concerne par maître Frédérique Etevenard, avocat soussigné et les condamner au paiement de la somme de 6.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
La mutuelle Les Cuisiniers de France rappelle qu’en vertu du protocole homologué par la justice lui conférant force exécutoire, M. [O] [N] et sa s’ur, Mme [O] [N] se sont engagés à quitter l’appartement au 31 décembre 2022 et qu’elle a renoncé aux effets du congé et la plainte pénale pour production de faux. Elle souligne qu’en se maintenant dans les lieux, les appelants sont sans droit ni titre.
Elle fait valoir qu’il ne résulte nullement des pièces versées une fin de traitement, ledit traitement préexistant à la signature du protocole d’accord ; que la preuve de l’aménagement de l’appartement n’est pas rapportée ; qu’un appartement parisien de 199 m2, sis avenue Montaigne, n’est manifestement pas adapté à une hospitalisation à domicile, d’autant plus quand le bailleur n’est pas payé des indemnités d’occupation et souhaite récupérer son bien. Elle conteste les affirmations de M. [O] [N] sur son état de santé au regard des déclarations de la gardienne de l’immeuble.
Elle souligne qu’une seule attestation est versée, s’agissant des recherches pour trouver un appartement, celle d’une agence spécialisée dans les biens de prestige. Elle relève que le protocole a mis fin à toute contestation sur le statut du bail et que les appelants ont déjà bénéficié de deux années de délais.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 octobre 2023.
SUR CE, LA COUR
Sur le périmètre de l’appel
Même si M. [O] [N] sollicite l’infirmation de la décision déférée en ce qu’elle a constaté qu’il était, ainsi que sa s’ur, occupants sans droit ni titre du logement sis [Adresse 1] depuis le 1er janvier 2023, sa critique de l’ordonnance porte sur les points suivants :
— Le premier juge ne lui a pas alloué de délais et il sollicite un délai de 6 mois à compter de « l’ordonnance à intervenir » ;
— Il demande que l’indemnité d’occupation mensuelle soit ramenée à 7.693 euros et non le montant retenu par le premier juge : 11.539 euros correspondant à deux mois le montant prévu par le bail s’il s’était poursuivi.
Sa s’ur, Mme [O] [N] expose quant à elle qu’elle ne demeure pas dans l’appartement et demande que les demandes formées contre elle soient rejetées.
Il n’y a pas de débat sur les sommes dues au titre de décembre 2022 : cette demande a été rejetée par le premier juge puisque le paiement était justifié par cette période et le bailleur ne sollicite pas l’infirmation de la décision sur ce point.
La mutuelle Les Cuisiniers de France critique la décision, d’une part, en ce qu’elle a rejeté la demande d’indexation de l’indemnité d’occupation et, d’autre part, en ce qu’elle a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Sur les délais pour quitter les lieux
Aux termes de l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution :
« Le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
Le juge qui ordonne l’expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.
Cette disposition n’est pas applicable lorsque le propriétaire exerce son droit de reprise dans les conditions prévues à l’article 19 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L. 442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire ou lorsque ce dernier est de mauvaise foi.
Les deux premiers alinéas du présent article ne s’appliquent pas lorsque les occupants dont l’expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l’aide de man’uvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte. »
M. [O] [N] sollicite un délai de six mois pour quitter les lieux.
Il invoque son état de santé et le fait qu’il est dans l’impossibilité de trouver un logement, faute de revenus, les loyers étant réglés par sa s’ur.
Il convient de relever que M. [O] [N] a de fait bénéficié d’importants délais, puisque le bail devait prendre fin initialement le 14 juin 2021 et qu’il est, plus de deux ans plus tard, toujours dans les lieux.
Il y a lieu également de tenir compte de ce que les lieux étaient, de la volonté même des parties, à usage de résidence secondaire seulement. Cette affectation impliquait nécessairement que le locataire était établi à titre principal dans un autre lieu.
Le maintien dans l’appartement de M. [O] [N], comme s’il s’agissait de sa résidence principale, déjoue les stipulations contractuelles qui sont la loi des parties et ce, au détriment du bailleur.
La seule production d’une attestation de l’agence Etoile Monceau, en date du 9 février 2023, à l’évidence une agence spécialisée dans l’immobilier de prestige (« Luxury Realty ») ne fait pas la preuve de diligences sérieuses pour trouver un autre logement, éventuellement plus modeste compte tenu de l’absence alléguée de revenus : les lieux objet du présent litige comportent six pièces, avec une double réception, et sont situés avenue Montaigne dans le 8ème arrondissement, pour un loyer initial hors charge de 7.500 euros.
Le premier juge a relevé à juste titre que les problèmes de santé, substantiellement étayés par des certificats médicaux, préexistaient à la signature du protocole transactionnel (pièce 5 de M. [O] [N] : un certificat du 14 novembre 2022 évoque des pathologies subies depuis « plusieurs années »).
C’est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de délais.
Il y a lieu de confirmer l’ordonnance en ce qu’elle vise également la s’ur de M. [O] [N], Mme [B] [O] [N]. En effet, cette dernière est intervenue à la transaction aux côtés du locataire et tous deux se sont engagés « à restituer les locaux libres de toute occupation » le 31 décembre 2022.
La décision sera donc confirmée, les motifs pertinents du premier juge étant adoptés par la cour, en ce qu’elle a constaté que M et Mme [O] [N] sont occupants sans droit ni titre du logement situé [Adresse 1]) depuis le 1er janvier 2023, débouté M. [O] [N], ordonné l’expulsion des appelants et rappelé ses conséquences, et ce, sans délai.
Sur l’indemnité d’occupation
Le bailleur se prévaut d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer contractuel applicable majoré de 50 %, charges en sus.
Cette majoration résulte non du bail mais du protocole d’accord transactionnel qui a été homologué par le tribunal judiciaire de Paris par jugement du 28 juin 2022, lui conférant force exécutoire.
Conformément, aux dispositions de l’article 2052 du code civil dans sa rédaction applicable au litige et non celle antérieure au 20 novembre 2016 citée par le premier juge, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Le protocole transactionnel en l’espèce contient des concessions réciproques, le bailleur renonçant ainsi au congé délivré pour le 14 juin 2021.
La clause prévoyant l’indemnité d’occupation majorée est stipulée à l’article 5 – Sanctions.
Elle est prévue pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés par M. [O] [N] le 31 décembre 2022.
Elle revêt un caractère comminatoire évident et doit être qualifiée de clause pénale.
S’agissant de l’application d’une telle clause, le pouvoir du juge du fond de la modérer ne prive pas pour autant le juge des référés du pouvoir d’allouer une provision, au titre de celle-ci.
Le juge des référés peut retenir l’existence d’une contestation sérieuse empêchant son application, lorsque la clause pénale apparaît sérieusement susceptible d’être modérée par le juge du fond, compte tenu de son montant et de l’avantage manifestement excessif pour le créancier qui résulterait de son application.
En l’espèce, elle n’apparait pas susceptible d’être modérée : elle n’a pas été édictée ab initio mais alors que le bail était déjà parvenu à l’échéance prévue et qu’un congé avait été délivré. Elle est à l’évidence la contrepartie de la concession importante liée au maintien dans les lieux au-delà de ce que le bail avait prévu et alors qu’il existait notamment, pour l’année 2021, un arriéré de loyers et de charges de 56.645,03 euros au moment de la signature du protocole,- réglé à ce moment-là.
Cette clause ne confère aucun avantage manifestement excessif au bailleur au regard d’un locataire qui a, de fait, bénéficié d’un délai pour quitter les lieux et ne s’est acquitté qu’avec retard de sa principale obligation, celle de régler les loyers et les charges.
Pour cette raison, les motifs de la cour se substituant à ceux du premier juge, il n’y a pas lieu d’écarter le bénéfice de cette clause de majoration.
Par ailleurs, la mutuelle Les Cuisiniers de France sollicite que cette indemnité d’occupation soit indexée.
Cependant, l’intimée ne peut pas, sans se contredire, solliciter le bénéfice de la transaction en ce qu’elle prévoit une majoration de 50 % et dans le même temps, voir modifier les termes de ladite transaction, en sollicitant une indexation qui n’a pas été prévue. Le principe, le point de départ et le quantum de cette indemnité n’ont pas été fixés judiciairement mais par un accord des parties, par une clause claire et précise d’une transaction que le juge des référés n’a pas le pouvoir de modifier ou d’interpréter.
C’est à bon droit que le premier juge a considéré que le protocole ne prévoyant pas de clause d’indexation en cas de maintien dans les lieux au-delà du 31 décembre 2022, la demande de la mutuelle Les Cuisiniers de France devait être rejetée.
La décision sera confirmée en ce qu’elle a condamné M. [O] [N] au paiement d’une indemnité d’occupation provisionnelle de 11.539 euros par mois conformément à l’article 5 du protocole pour la période courant du 1er janvier 2023 jusqu’à la date de libération effective et définitive des lieux.
Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive
Le premier juge a considéré, au visa de l’article 1240 du code civil, que la mutuelle Les Cuisiniers de France ne faisait pas la preuve d’un préjudice autre que celui déjà indemnisé par l’indemnité d’occupation majorée et a rejeté cette demande à hauteur de 5.000 euros.
Devant la présente cour, l’appelante incidente porte à la somme de 10.000 euros sa demande à ce titre.
M. [W] [O] [N] ne critique pas la décision, soutenant que son maintien dans les lieux n’est pas de son fait, mais est la conséquence de son état de santé, effectivement démontré mais préexistant à la transaction et de son impossibilité à trouver un autre logement, dont il a été relevé qu’elle n’était étayée que par un courrier d’agence immobilière.
La mutuelle Les Cuisiniers de France se prévaut de ses actions d’accompagnement de jeunes cuisiniers en difficulté pour se loger et du fait que les revenus de l’immeuble avaient pour but de financer ces actions.
Elle en justifie par un article de presse et la présentation du foyer dans une résidence qu’elle a acquise (sa pièce 17) à cette fin.
Elle fait état d’un dégât des eaux en provenance de l’appartement (sa pièce 18) et qui aurait mis en lumière l’absence de souscription d’un contrat d’assurance. Elle justifie de relances de son ancien locataire afin qu’il lui adresse une attestation d’assurance.
Cependant, compte tenu de l’indemnisation significative résultant déjà de la majoration de l’indemnité d’occupation, l’existence d’un préjudice distinct non indemnisé ne revêt pas le caractère d’évidence requis par les pouvoirs que la cour tient des dispositions de l’article 835 du code de procédure civile.
La décision déférée sera confirmée, les moyens de la cour se substituant à ceux du premier juge.
Sur les demandes accessoires
Le sens de la présente décision conduit à confirmer les dispositions de l’ordonnance déférée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
M. et Mme [O] [N], partie perdante, seront condamnés aux dépens, avec faculté de distraction au profit de l’avocat de la partie adverse ainsi qu’au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision déférée en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne M. [W] [O] [N] et Mme [B] [O] [N] à payer à la mutuelle Les Cuisiniers de France la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [W] [O] [N] et Mme [B] [O] [N] aux dépens d’appel, avec faculté de distraction pour l’avocat de la partie adverse dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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