Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 4, 1er février 2023, n° 21/02674

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 01 FÉVRIER 2023

(n° 13 , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02674 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDC4I

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° J2019000261

APPELANTS

Monsieur [Z] [L]

Né le 2 décembre 1978 à TOULOUSE

De nationalité française

[Adresse 6]

[Localité 2]

Madame [C] [L]

Née le 19 mai 1986 à MONTAUBAN

De nationalité française

[Adresse 6]

[Localité 2]

S.A.S. DAVID [G] & ASSOCIÉS, en qualité de liquidateur judiciaire de la société EDANOF GOURMET ALMA GOURMET, désignée par jugement du Tribunal de commerce de Rennes en date du 6 février 2019, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de RENNES sous le numéro 834 941 197

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentés par Me Charles BENATAR, avocat au barreau de PARIS, toque B812, avocat postulant,

Assistés de Me Nathalie CASTAGNON, avocate au barreau de BORDEAUX, avocate plaidante,

INTIMÉE

S.A.S. LES ENFANTS DE LA CUISINE, agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 525 247 383

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Nicole DELAY PEUCH, avocate au barreau de PARIS, toque A0377, avocate postulante,

Assistée de Me Jérôme GUILLÉ, avocat au barreau de PARIS, toque E1852, avocat plaidant,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère chargée du rapport

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre,

Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre,

Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère.

Greffière, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

— Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Le 21 juillet 2017, la société Les enfants de la cuisine d’une part, M. [Z] [L] et Mme [C] [L] d’autre part, ont signé un contrat de franchise pour l’exploitation d’un commerce de restauration rapide sous l’enseigne Pegast à [Localité 1], dans le centre commercial [Localité 1] Alma.

M. et Mme [L] ont ensuite créé la SAS Edanof Gourmet Alma, ci-après 'Edanof', le 6 décembre 2017, aux fins d’exploiter le point de restauration rapide qui a ouvert le 21 décembre 2017.

Début juillet 2018, les franchisés ont cessé de s’acquitter de leurs redevances. Le 23 juillet 2018, le franchiseur les a mis en demeure de payer les redevances de franchise et de communication d’un montant de 1.224 € TTC dans le délai d’un mois, à peine de mise en oeuvre de la clause résolutoire.

Le 14 août 2018, les franchisés ont adressé au franchiseur une lettre dans laquelle ils formulaient de nombreux reproches à son encontre, exposaient leurs grandes difficultés et indiquaient que la seule issue envisagée était la résiliation du contrat; ils ajoutaient que leur volonté de résiliation était définitive et effective à ce jour, tout en proposant un préavis de 2 mois à l’issue duquel le contrat prendrait définitivement fin, soit au 14 octobre 2018.

Par lettre recommandée du 1er septembre 2018, avec avis de réception signé le 3 septembre 2018, la société Les enfants de la cuisine a notifié aux franchisés l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du contrat à leurs torts exclusifs, les mettant en demeure de payer la somme de 1.224 € TTC et celle de 50.000 € TTC en exécution de l’article 13-4 du contrat ainsi que de respecter les stipulations des articles 14-2,15 et 16 du contrat.

La société Edanof a été placée en redressement judiciaire le 5 septembre 2018, puis déclarée en liquidation judiciaire le 6 février 2019, la société David [G] & associés, en la personne de Me [P] [G], étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire de cette société.

Le 8 octobre 2018, la société Les enfants de la cuisine a fait assigner M. [L], Mme [L] et la société Edanof devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir juger régulière sa résiliation du contrat de franchise et obtenir paiement de diverses sommes; puis le 25 avril 2019, elle a fait assigner la société David [G] & associés, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Edanof.

Les défendeurs ont conclu à la nullité du contrat de franchise et, subsidiairement, à sa résiliation aux torts exclusifs du franchiseur, en réclamant le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 12 novembre 2020, le tribunal de commerce de Paris, après avoir joint les causes, a :

Déclaré irrecevable les demandes de la société Les enfants de la cuisine de fixation de créances au passif de la société Edanof,

Débouté la société David [G] & associés, es qualitès de liquidateur judiciaire de la société Edanof, M. [L] et Mme [L] de leur demande de nullité du contrat de franchise pour vice de leur consentement,

Dit que la résiliation du contrat de franchise conclu entre la société Les enfants de la cuisine et la société Edanof est intervenue le 14 août 2018, avec effet au 14 octobre 2018, aux torts exclusifs de la société Edanof,

Condamné solidairement M. et Mme [L] à payer à la société Les enfants de la cuisine :

— la somme de 3.954 € au titre des factures impayées et des indemnités forfaitaires de recouvrement, avec intérêts au taux de la BCE augmenté de 10 points de pourcentage, de la date d’échéance de chaque facture jusqu’au 5 septembre 2018, déboutant pour le surplus,

— la somme de 12.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la résiliation du contrat de franchise, somme non soumise à la TVA, en déboutant pour le surplus et les intérêts de retard,

— la somme de 4.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle, déboutant pour le surplus et les intérêts de retard,

Débouté la société Les enfants de la cuisine de sa demande d’indemnisation au titre de l’usage post-contractuel de la marque Pegast et du concept architectural,

Ordonné à la sas David [G] & associés, es qualités, de restituer à la société Les enfants de la cuisine les documents visés à l’article 16.1 du contrat de franchise, déboutant de la demande d’astreinte,

Dit devenue sans objet la demande de la société Les enfants de la cuisine tendant à ce que la société Edanof procède à l’abandon de toute référence aux marques, logos, slogans et éléments identifiants du réseau Pegast,

Débouté la société Les enfants de la cuisine de sa demande de publication du jugement,

Condamné solidairement la société David [G] & associés, es qualités, M. [L] et Mme [L] à payer la somme de 4.000 € à la société Les enfants de la cuisine sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus,

Débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires,

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

Condamné la société David [G] & associés, es qualités, M. [L] et Mme [L] aux dépens de l’instance.

M. [L], Mme [L] et la société David [G] & associés ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 9 février 2021.

Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 20 septembre 2022, M. [L], Mme [L] et la société David [G] & associés, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Edanof, demandent à la cour, au visa des articles 122 et 131 du code de procédure civile, L 330-3 et R 330-1 du code de commerce, 1188,1189, 1190, 1103, 1104, 1112-1, 1219, 1231-1 et suivants, 1224 et suivants, 1240 et 1231-5 du code civil :

1) d’infirmer le jugement SAUF en ce qu’il a :

— dit irrecevables les demandes de la société Les enfants de la cuisine de fixation de créances au passif de la société Edanof,

— débouté la société Les enfants de la cuisine de sa demande d’indemnisation au titre de l’usage post-contractuel de la marque Pegast et du concept architectural,

— débouté la société Les enfants de la cuisine pour le surplus et les intérêts de retard,

— débouté la société Les enfants de la cuisine de sa demande d’astreinte,

— dit devenue sans objet la demande de la société Les enfants de la cuisine tendant à ce que la société Edanof procède à l’abandon de toute référence aux marques, logos, slogans et éléments identifiants du réseau Pegast,

— débouté la société Les enfants de la cuisine de sa demande de publication du jugement,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

2) statuant à nouveau et ajoutant au jugement, de :

a) à titre principal, les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes et :

— déclarer irrecevables les demandes formées par la société Les enfants de la cuisine à l’encontre de M. [L] qui n’est pas partie au contrat de franchise,

— déclarer irrecevables les demandes formées par la société Les enfants de la cuisine à l’encontre de M. et Mme [L] compte tenu de la nullité de la clause de solidarité,

— déclarer irrecevables les demandes formées par la société Les enfants de la cuisine à l’encontre de Mme [L] compte tenu de l’inopposabilité des clauses nulles du contrat de franchise à son égard, en l’absence de DIP préalablement remis à cette dernière,

— déclarer irrecevables les demandes de la société Les enfants de la cuisine en fixation de créances au passif de la société Edanof,

— dire que la société Les enfants de la cuisine s’est rendue coupable de manquements à son obligation d’information précontractuelle :

— en ayant fourni des informations volontairement erronées et trompeuses sur la réalité des chiffres du réseau et en ayant dissimulé des informations pourtant essentielles au candidat franchisé,

— en l’absence de justification de la communication d’un DIP comprenant les mentions d’ordre public 20 jours avant la signature du contrat de franchise,

— dire que la société Les enfants de la cuisine s’est rendue coupable de manquements à ses obligations contractuelles de transmission de savoir-faire, d’assistance et de communication,

— en conséquence, prononcer la nullité du contrat de franchie en raison des manquements du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle, subsidiairement en raison de sa réticence dolosive et des manoeuvres dolosives constatées et, en tous cas en raison de l’erreur substantielle du franchisé sur la rentabilité de l’opération envisagée,

— subsidiairement, constater que la résiliation du contrat de franchise est intervenue aux torts exclusifs du franchiseur à la date du 14 août 2018 en raison de ses manquements à ses obligations contractuelles,

— condamner la société Les enfants de la cuisine à payer à la sas David [G] & associés, es qualités :

*la somme de 46.340 € HT en remboursement des redevances et droits perçus sans contrepartie, majorée au taux d’intérêt légal à compter du 14 août 2018,

*la somme de 324.285,73 € au titre des pertes subies,

— condamner la société les enfants de la cuisine à payer à M. et Mme [L] :

*la somme de 86.286,35 € au titre de la perte des apports en capital et compte courant,

*la somme de 10.992 € chacun au titre de la perte des salaires,

*la somme de 20.000 € chacun au titre de leur engagement de caution du prêt souscrit par la société Edanof en liquidation,

la somme de 75.000 € chacun en réparation de leur préjudice moral,

— déclarer nulle la clause de non-concurrence figurant au contrat de franchise et, subsidiairement, débouter la société Les enfants de la cuisine de ses demandes relatives aux obligations post-contractuelles de non-concurrence en l’absence de violation de ladite clause et en l’absence de préjudice établi,

— débouter la société Les enfants de la cuisine de ses demandes relatives aux obligations post-contractuelles du franchisé,

b) à titre subisidaire :

— déclarer inapplicable la clause pénale figurant au contrat de franchise en l’absence de résiliation par le franchiseur et, en toute hypothèse, constater l’absence de préjudice subi par la société Les enfants de la cuisine,

— en conséquence, débouter la société Les enfants de la cuisine de ses demandes relatives à l’application de la clause pénale figurant au contrat,

— rejeter l’ensemble des demandes indemnitaires, de restitution et de cessation formulées par la société Les enfants de la cuisine, infondées et injustifiées,

c) à titre infiniment subsidiaire :

— débouter la société Les enfants de la cuisine de ses demandes de condamnation aux intérêts légaux et conventionnels, intérêts de retard, majorations et indemnités de recouvrement, compte tenu de l’ouverture de la procédure collective qui en arrête le cours à l’égard de la société et de ses éventuels coobligés,

— débouter la société Les enfants de la cuisine de sa demande de condamnation à la clause pénale majorée de la TVA à 20 %, celle-ci n’étant pas applicable, par définition, aux indemnités destinées à réparer un préjudice,

d) en tout état de cause :

— débouter la société Les enfants de la cuisine de toutes ses demandes,

— la condamner à payer à chacun de la sas David [G] & associés, es qualités, M. [L] et Mme [L] la somme de 15.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner aux dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 24 octobre 2022, la société Les enfants de la cuisine demande à la Cour, au visa des articles 1134 du code civil (dans sa version en vigueur au moment de la signature des contrats de franchise) ensemble l’article 1103 nouveau du code civil, 1149 du code civil (dans sa version en vigueur au moment de la signature des contrats de franchise) ensemble l’article 1231-2 du code civil, 1226 et 1231-7 du code civil, de :

1) confirmer le jugement en ce qu’il a :

— dit et jugé la société Les enfants de la cuisine recevable et bien fondée en ses demandes contre M. et Mme [L],

— constaté qu’elle n’a pas manqué à son obligation précontractuelle,

— débouté la société Edanof, M. et Mme [L] de leur demande de nullité du contrat de fanchise,

— constaté que le contrat avait été résilié à leurs torts,

— débouté la société Edanof, M. et Mme [L] de toutes leurs demandes de dommages-intérêts,

— condamné solidairement M. et Mme [L] à lui payer la somme de 3.954 €

au titre des factures impayées et les indemnités de recouvrement, outre intérêt légal au taux bancaire directeur pratiqué par la BCE majoré de 10 points sur la somme due, à compter de la date d’échéance de chaque facture impayée,

— ordonné à la sas David [G] & associés, es qualités, de restituer l’ensemble des documents visés à l’article 16-1 du contrat,

2) infirmer le jugement en ce qu’il a :

— déclarer irrecevable la société Les enfants de la cuisine en ses demandes contre la société Edanof représentée par son liquidateur judiciaire,

— dit que la résiliation du contrat était intervenue le 14 août 2018 à l’initiative de la société Edanof,

— débouté la société Les enfants de la cuisine de sa demande de condamnation des époux [L] à lui payer 1.440 € de facture supplémentaire,

— condamné les époux [L] à lui payer uniquement la somme de 12.000 € au titre du préjudice subi par la résiliation à leurs torts du contrat de franchise,

— condamné les époux [L] à payer uniquement la somme de 4.000 € au titre du préjudice subi pour leurs manquements post-contractuels et celui de la société Edanof,

— refusé de prononcer une astreinte pour assurer l’exécution des engagements de la société Edanof et des époux [L],

3) statuant à nouveau et ajoutant au jugement :

— déclarer la société Les enfants de la cuisine recevable et bien fondée en ses demandes contre la société Edanof représentée par son liquidateur judiciaire,

— juger que le contrat de franchise signé le 21 juillet 2017 a été résilié en date du 3 septembre 2018 par la mise en jeu régulière de la clause résolutoire prévue au contrat,

— fixer la dette solidaire de la sas David [G] & associés, es qualités de liquidateur judiciaire de la société Edanof, de M. et de Mme [L] envers la société Les enfants de la cuisine à la somme totale de 125.394 €, soit :

*au titre des impayés : 5.274 € TTC, montant des factures impayées, et 120 € représentant 3 fois l’indemnité forfaitaire de recouvrement afférente aux 3 échéances impayées,

*au titre du préjudice lié à la rupture du contrat aux torts de la société Edanof : 50.000 € HT, soit 60.000 € TTC au titre de la clause pénale visée à l’article 13-4 du contrat de franchise,

*au titre du préjudice lié à des manquements post-contractuels de la société Edanof : 20.000 € en indemnisation de l’usage frauduleux de la marque Pegast sur le site du restaurant après la résiliation du contrat et 50.000 € en indemnisation du préjudice résultant de la violation par la société Edanof de l’obligation de non-concurrence post-contractuelle prévue à l’article 14-2 du contrat de franchise,

— ordonner l’inscription au passif de la société Edanof de la somme de

125.394 € TTC au profit de la société Les enfants de la cuisine,

— condamner M. et Mme [L] à payer la somme de 125.394 € TTC, outre intérêt légal au taux bancaire directeur pratiqué par la BCE, majoré de 10 points sur la somme due, à compter de la date d’échéance de chaque facture jusqu’au paiement effectif, l’intérêt payé ne pouvant en aucun cas être inférieur à 3 fois le taux d’intérêt légal,

— dire que l’injonction faite au liquidateur judiciaire de la société Edanof ainsi qu’à M. et Mme [L] de restituer l’ensemble des documents visés à l’article 16-1 du contrat sera assorti d’une astreinte de 500 € par jour de retard à compter du huitième jour après la signification du jugement à intervenir,

— constater que la société Les enfants de la cuisine n’a pas manqué à son obligation de fournir un savoir-faire substantiel, ni à ses obligations d’assistance et de communication d’enseigne,

— en conséquence, débouter le liquidateur de la société Edanof, M. et Mme [L] de leurs demandes de dommages-intérêts et de toute autre demande,

4) subsidiairement :

— constater que la cause de l’échec de la société Edanof, représentée par son liquidateur, de M et de Mme [L] est due à des facteurs extérieurs et à leurs fautes,

— en conséquence, les débouter en tout état de cause de leurs demandes de dommages-intérêts,

5) plus subsidiairement encore :

— ordonner la compensation entre les dettes connexes de la société Edanof envers la société Les enfants de la cuisine et celles de la société Les enfants de la cuisine envers la société Edanof,

— ordonner la compensation entre les dettes de M. et Mme [L] envers la société Les enfants de la cuisine et celles de la société Les enfants de la cuisine envers M. et Mme [L],

6) en tout état de cause :

— condamner solidairement la société Edanof, représentée par son liquidateur judiciaire, M. et Mme [L] à payer à la société Les enfants de la cuisine la somme de 25.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, cette somme étant payée par la société Edanof comme en cas de procédure collective,

— les condamner solidairement en tous les dépens dont le coût des procès-verbaux des constats d’huissiers versés aux débats.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la recevabilité des demandes de la société Les enfants de la cuisine :

Les appelants soulèvent en premier lieu l’irrecevabilité des demandes de la société Les enfants de la cuisine formées à l’encontre de M. [L], en faisant valoir :

— que l’article 22 du contrat de franchise stipule que le franchisé est M. [L], agissant au nom et pour le compte de la société Edanof en cours d’immatriculation, qu’à compter de la date d’immatriculation régulière de cette société au registre du commerce et des sociétés de Rennes, le contrat sera réputé avoir été conclu par le franchisé dès l’origine, qu’à défaut d’immatriculation de la société du franchisé, la personne ayant agi en son nom et pour son compte, soit M. [Z] [L], sera tenue personnellement et indéfiniment des actes ainsi accomplis,

— que la société Edanof ayant été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Rennes le 6 décembre 2017, c’est elle qui est seule réputée contractante et franchisée,

— que le contrat de franchise est un contrat d’adhésion et, dans le doute, doit s’interpréter contre le créancier et en faveur du débiteur,

— qu’il est indifférent que la société Edanof n’ait pas repris les actes accomplis par M. [L], alors qu’il résulte de la clause du contrat que l’intention des parties était que M. [L] ne demeure pas le franchisé une fois l’immatriculation de la société réalisée,

— que la société Edanof, comme le montre son objet social, n’a été constituée que dans le but d’exploiter la franchise.

Mais la société Les Enfants de la cuisine objecte à juste raison :

— que l’article L 210-6 du code de commerce dispose : 'Les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société.',

— que l’article 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 prévoit que la reprise par une société des engagements souscrits par une personne qui a agi au nom et pour le compte de cette société lorsqu’elle était en formation et avant la signature de ses statuts ne peut résulter que de la signature des statuts auxquels doit être annexée l’état des actes accomplis pour le compte de la société avec l’indication pour, chacun d’eux, de l’engagement qui en résulterait ou, à défaut, d’une décision prise à la majorité des associés après l’immatriculation de la société,

— que l’article 35 des statuts de la société Edanof, relatif aux actes souscrits pour le compte de la société en formation renvoie à une annexe qui ne fait mention que de l’ouverture d’un compte bancaire,

— qu’aucun procès-verbal des associés décidant de la reprise des engagements par la société n’est produit,

— que la reprise des engagements ne peut être implicite,

— qu’il n’y a pas lieu à interprétation du contrat, mais à l’application des règles spéciales édictées sur la reprise des engagements souscrits au nom de la société.

En conséquence, par application des articles susvisés, M. [L] a gardé la qualité de franchisé même si en fait c’est la société Edanof qui s’est trouvée chargée de l’exploitation de la franchise.

En deuxième lieu, les appelants soulèvent l’irrecevabilité des demandes de solidarité formées par la société Les enfants de la cuisine à l’encontre de M. et Mme [L] aux motifs :

— qu’aucune obligation ne pèse sur eux compte tenu de l’immatriculation de la société Edanof,

— que conformément aux articles 1189 et 1190 du code civil, toutes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier et que, dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé,

— qu’il existe une contradiction entre l’article 22 du contrat qui limite l’obligation solidaire aux engagements souscrits en l’absence d’immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés et l’article 23 qui créé une co-obligation solidaire des associés, les époux [L], en vidant de sa substance l’article 22,

— que la clause insérée à l’article 23 est nulle et doit être réputée non écrite,

— qu’en toute hypothèse, la solidarité instituée dans le contrat de franchise n’a pour objectif que d’apporter au franchiseur une garantie de paiement, ce qui conduit à considérer que le franchiseur a cherché à contourner frauduleusement les dispositions relatives aux actes de caution et à leur formalisme,

— qu’aucun DIP n’a été fourni à Mme [L] dans le délai de 20 jours avant la signature du contrat de franchise comme exigé par l’article L 330-3 du code de commerce et que les dispositions du contrat de franchise sont nulles et sans effet à l’égard de Mme [L].

Mais la société Les enfants de la cuisine réplique avec à juste titre :

— que l’article 23 du contrat mentionne que les associés de la société Edanof en formation sont M. [Z] [L] et Mme [C] [L] et que 'l’associé et le franchisé s’engagent solidairement dans l’exécution des obligations pesant sur eux au titre du contrat',

— que la stipulation de solidarité des associés est indépendante de la question relative à la reprise des engagements par la société Edanof et que l’immatriculation de la société n’a pas eu pour effet de faire cesser l’engagement solidaire des associés,

— que les engagements de co-débiteurs solidaires sont prévus par la loi et ont été maintenus lors de la réforme des contrats, sans nécessité de la mention manuscrite

exigée pour la validité des cautionnements,

— que les époux [L] sont des co-débiteurs solidaires qui ont intérêt dans la dette, étant associés au sein de la société Edanof et tirant des revenus de l’activité de cette société.

— que Mme [L], qui ne démontre aucun vice de son consentement, ne peut obtenir la nullité du contrat à son égard.

Mme [L] a signé le contrat de franchise en qualité d’associée de la société Edanof en cours d’immatriculation; elle n’a pas la qualité de franchisée et ne peut utilement invoquer en ce qui la concerne le non-respect des dispositions de l’article 330-3 du code de commerce.

Les demandes tendant à la condamnation solidaire des époux [L] sont donc recevables.

En troisième lieu, les appelants font valoir que les demandes formées contre la société Edanof sont irrecevables faute pour la société Les enfants de la cuisine d’avoir déclaré sa créance au passif de cette société.

Mais la société Les enfants de la cuisine produit en pièce n°61 sa déclaration de créance au passif de la société Edanof, à titre chirographaire, pour les sommes de 4.454 € et 381.500 €; par conséquent, les demandes formées contre la société Edanof sont recevables.

Sur la demande des appelants tendant à voir déclarer nul le contrat de franchise :

Les appelants invoquent successivement le manquement du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle, sa réticence dolosive et l’erreur sur la rentabilité; ils rappellent :

— que les dispositions des articles L 330-3 et R 330-1 du code de commerce mettent à la charge du franchiseur une obligation d’information précontractuelle sincère destinée à permettre aux franchisés de donner un engagement éclairé à la signature du contrat,

— que cette obligation légale vient renforcer le principe général de loyauté et de bonne foi qui doit présider à toute signature et exécution des contrats par application des articles 1103 et 1104 du code civil, que l’article 1112-1 du code civil, issu de la réforme du droit des contrats de 2016, ajoute que ' celle des parties qui connaît une information importante et déterminante pour le consentement de l’autre partie doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant (…) Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.'

Les appelants font valoir en fait :

— que le DIP fourni par le franchiseur le 8 juin 2017 comprend son compte annuel 2015 et non son compte annuel 2016 ainsi qu’un état du marché de la restauration rapide arrêté au mois d’octobre 2015 qui ne permet pas de se rendre compte de l’état du marché en 2017 et de ses perspectives de développement,

— que le franchiseur a fourni des chiffres inexacts et trompeurs et qu’il a dissimulé les chiffres réels du réseau à la date de signature du contrat,

— qu’il n’a jamais émis d’objection sur les comptes prévisionnels établis sur la base d’un chiffre d’affaires de 430.000 € en hypothèse basse, 450.000 € en hypothèse normale et 470.000 € en hypothèse haute,

— qu’il les a validés et confortés auprès du franchisé, du courtier, du bailleur et des banques,

— que le chiffre d’affaires réalisé n’a été que de 107.262,93 € HT pour les 6,5 mois d’exercice, ce qui revient à 198.023 € HT sur 12 mois, la perte s’élevant à 89.278,30 €,

— que les chiffres d’affaires avancés par le franchiseur n’étaient pas réalisables, ce qu’il savait parfaitement, compte tenu de l’expérience de l’ensemble du réseau et de la première année d’exploitation en centre commercial,

— que les époux [L] sont novices en matière de restauration collective et ne se seraient pas engagés s’ils avaient été informés de l’état réel du réseau et des chiffres réels des points de vente, notamment ceux de [Localité 7] et de [Localité 8], ainsi que de l’absence totale de rentabilité de l’opération,

— que contrairement à ce que prétend le franchisé, ils n’ont pas commis de faute de gestion.

S’agissant des éléments d’information donnés dans le DIP, les manquements allégués ne peuvent entraîner la nullité du contrat de franchise que s’il est prouvé un vice du consentement, tel n’est pas le cas en l’espèce alors que :

— les appelants ne justifient, ni même n’allèguent que les comptes 2016 du franchiseur auraient été inférieurs à ceux de 2015,

— l’état général du marché figurant au DIP ne s’arrête pas à 2015, mais fait état d’une augmentation du chiffre d’affaires de la restauration qui est passé de – 0,5 % en 2015 à + 2,5 % en 2016.

S’agissant des chiffres fournis par le franchiseur, il est constant que le site internet de la société Les enfants de la cuisine indique que le chiffre d’affaires des franchisés 'peut atteindre 560.000 €', que la brochure d’information Pegast à destination des candidats à la franchise indique que les restaurants Pegast enregistrent 'jusqu’à 530.000 €' et que les sites internet de sociétés tierces indiquent que 'le chiffre d’affaires moyen’ réalisé par les franchisés Pegast s’élèvent à 300.000 € en première année et à 375.000 € après 2 ans.

Mais il apparaît des pièces produites que deux franchisés ont obtenu un chiffre d’affaires en 2014, pour l’un de 507.400 € HT et pour l’autre de 521.084 € HT; le franchisé [N] atteste que son chiffre d’affaires varie selon les années entre 445.000 € et 570.000 €; les indications sur le chiffre d’affaires élevé susceptible d’être atteint par un franchisé ne sont donc pas inexacts et de nature à induire en erreur le candidat à la franchise.

Les appelants soutiennent qu’à la date de signature du contrat de franchise, le 21 juillet 2017, seuls 4 points de vente sur 33 avaient dépassé le chiffre d’affaires annuel de 300.000 €, mais ils ne se référent qu’aux chiffres d’affaires réalisés par 13 points de vente sans indication sur les 20 autres.

Ils allèguent par ailleurs que le chiffre d’affaires annuel moyen réalisé par les franchisés en 2014 n’aurait été que de 143.631 €; mais pour calculer cette moyenne, ils ne se réfèrent qu’aux chiffres d’affaires de 6 franchisés; la société Les enfants de la cuisine objecte à juste titre que les appelants intègrent dans ces franchisés la société Plaisir Nomade, laquelle n’a créé son établissement que le 17 décembre 2014 et la société Chez Biscotte, laquelle n’a créé son établissement que le 15 juillet 2014; il en résulte que la moyenne alléguée est dépourvue de tout caractère probant.

En conséquence, les appelants ne démontrent pas que le franchiseur leur aurait fourni des éléments chiffrés inexacts et de nature à les tromper ou les induire en erreur.

Par ailleurs, le tribunal a justement retenu qu’il incombait au franchisé d’établir un compte prévisionnel prudent sur la base non seulement des informations fournies par le franchiseur mais également des informations collectées auprès des franchisés du réseau, notamment ceux exploitant leur activité dans des centres commerciaux.

C’est en vain que les appelants font valoir que leur compte prévisionnel aurait été validé par le franchiseur et que celui-ci n’aurait formulé aucune observation à son propos; en effet, c’est sous leur responsabilité que ce compte prévisionnel a été établi et à aucun moment le franchiseur ne l’a validé. Ainsi dans les courriels visés par les appelants, il n’est question que de demandes d’information et de mise en relation, par le courtier, avec des établissements bancaires et de transmission du compte prévisionnel au bailleur, la société Unibail.

Il résulte de tout ce qui précède que les appelants sont mal fondés en leur demande de nullité du contrat de franchise.

Sur les demandes des parties au titre de la résiliation du contrat :

Les appelants soutiennent que leur résiliation du contrat par lettre du 14 août 2018 après mises en demeure est justifiée par les fautes commises par le franchiseur.

La société les enfants de la cuisine fait valoir quant à elle qu’elle a justement résilié le contrat par lettre du 1er septembre 2018 reçue le 3 septembre 2018, en constatant l’acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des redevances. Elle conteste avoir commis la moindre faute.

Il incombe à la Cour de rechercher aux torts de quelle partie la résiliation doit être prononcée et à quelle date.

Sur les fautes reprochées à la société Les enfants de la cuisine

Les appelants exposent que le 21 juin 2018, puis le 17 juin 2018, ils ont mis en demeure le franchisé de leur apporter l’assistance promise; mais il ressort seulement de la lecture des courriels échangés à ces dates que M. [L] s’est plaint de l’absence de rentabilité du restaurant et demande au franchiseur de reprendre le restaurant en succursale, ce à quoi le franchiseur lui a répondu par la négative.

Dans leurs conclusions, les appelants reprochent d’abord à la société Les enfants de la cuisine d’avoir manqué à son obligation de transmettre un savoir-faire éprouvé, spécifique, actualisé et identifié; ils prétendent n’avoir pu que déplorer le défaut de 'concept architectural’ mis au point et testé, le défaut de 'concept de restauration’ spécifique, précis et substantiel, l’inadaptation de l’offre à une implantation en centre commercial.

Ils ajoutent que le franchiseur ne peut se réfugier derrière la rédaction du préambule du contrat de franchise qui précise que le franchisé reconnaît la mise à disposition d’un savoir-faire pour se dégager de toute responsabilité, les clauses de non responsabilité étant réputées non écrites lorsqu’elles portent atteinte à l’obligation essentielle du contrat.

Mais le tribunal a exactement retenu que le franchiseur avait remis au franchisé :

— un manuel opératoire de 201 pages avec un chapitre sur chacun des sujets suivants : la gamme de produits à proposer aux clients, les emballages, le planning journalier du point de vente, l’utilisation du logiciel de caisse, la gestion des stocks, l’hygiène alimentaire, l’hygiène des mains, le nettoyage des locaux, équipements et ustensiles, la communication, le recrutement des salariés,

— un livret d’information sur la présence d’allergènes,

— des fiches de recettes périodiquement remises à jour et qui, sans être originales, permettaient au franchisé de ne pas avoir à chercher d’idées de recettes pour exploiter leurs points de vente.

Le tribunal a justement déduit que l’ensemble de ces éléments étaient constitutifs d’un savoir utile au franchisé dans la mesure où leur application directe et immédiate lui évitait de tâtonner et de commettre des erreurs, en précisant que ce savoir-faire, transmis au franchisé, était éprouvé et appliqué dans tous les points de vente du réseau Pegast.

La Cour ajoute que le franchiseur a donné son accord au franchisé pour qu’il réalise un ré-aménagement de son restaurant.

En deuxième lieu, les appelants reprochent à la société Les enfants de la cuisine d’avoir manqué à son obligation d’assistance à l’ouverture du point de vente et en cours d’exécution du contrat face aux difficultés rencontrées ainsi que d’avoir manqué à son obligation de communication autour de la marque. Ils exposent en ce sens:

— d’une part, que l’offre Pegast est inadaptée à l’univers des centres commerciaux, les recettes proposées étant destinées au déjeuner du midi et ne constituant pas une gamme plus large nécessaire pour animer et assurer la viabilité d’un point de vente ouvert en continu de 9 h à 20h, que le franchiseur aurait dû les avertir des limites du concept et surtout corriger les perspectives et prévisions de résultat,

— d’autre part, que le franchiseur n’a jamais conçu et développé un véritable plan de communication et de marketing, ni de plan de fidélisation de la clientèle, se bornant à deux campagnes de spots TV, dérisoires et coûteuses, sans que leur prix ne vienne comme promis en déduction de leur budget d’espace publicitaire.

Mais, sous la rubrique 'assistance initiale', l’article 4-3 du contrat de franchise ne prévoit que l’assistance à l’agencement et à la décoration du restaurant ainsi que l’assistance à l’ouverture du restaurant par la mise à disposition d’un animateur du réseau pendant 10 jours; les appelants n’invoquent pas de manquement du franchiseur à ce titre.

L’article 4-4 du contrat met à la charge du franchiseur une obligation d’assistance commerciale et d’appui permanent, et il ne prévoit pas que le franchiseur doive assister le franchisé quand il a des difficultés financières. Cependant, le franchisé lui ayant fait part de ses difficultés de trésorerie, le franchiseur lui a proposé, par courriel du 12 juillet 2018, un règlement de sa facture en trois fois : 450 € le 16 juillet, 450 € le 26 juillet et 324 € le 6 août, sauf à lui laisser proposer un autre plan de règlement.

Les courriels échangés entre les époux [L] et Mme [J], agissant pour le compte du franchiseur, établissent que ce dernier les a assistés tout au long de l’année, notamment pour le réaménagement du restaurant.

Par ailleurs, la société Les enfants de la cuisine rapporte la preuve par ses différentes pièces que l’enseigne Pegast a fait l’objet de nombreux articles dans la presse spécialisée, sur des sites internet et sur les réseaux sociaux ; en 2017, il a informé ses franchisés de la publicité télévisuelle qu’il avait mise en place, ce qui représentait un coût important.

Aucune faute du franchiseur n’étant démontrée, la résiliation du contrat de franchise doit être prononcée aux torts exclusifs du franchisé à la date du 3 septembre 2018 en application de la clause résolutoire, pour non paiement des redevances. En conséquence, toutes les demandes d’indemnité des appelants seront rejetées.

Sur les demandes de la société Les enfants de la cuisine

C’est par des motifs pertinents que la Cour fait siens que le tribunal a :

— limité à 3.954 € la somme due au titre des factures impayées en ce compris les frais de recouvrement, en excluant les frais de communication de 1.440 € TTC, le contrat ne stipulant pas que le franchisé doive participer aux frais de communication au-delà de la redevance de communication prévue au contrat,

— dit que par application de l’article L 622-28 du code de commerce, les co-obligés peuvent se prévaloir de l’arrêt du cours des intérêts par l’ouverture de la procédure collective,

Le contrat étant résilié par le franchiseur aux torts du franchisé, à la date du 1er septembre 2018, la clause pénale prévue à l’article 13-4 du contrat est susceptible d’application. Néanmoins, elle doit être réduite comme manifestement excessive par rapport au préjudice effectivement subi. En effet, si le franchiseur s’est trouvé privé de la marge qu’il pouvait obtenir à raison du non paiement des redevances jusqu’au terme du contrat d’une durée de 7 ans, il demeure qu’il avait toute possibilité de trouver un nouveau franchisé pendant ce laps de temps; en conséquence, la clause pénale sera réduire à 12.000 €, indemnité non soumise à la TVA.

Sur le non respect des obligations post-contracuelles par le franchisé, il ressort des constats d’huissier de justice dressés les 5 et 6 octobre 2018 que le franchisé a continué à utiliser la marque Pegast sur internet après la notification de la résiliation par le franchiseur le 1er septembre 2018; il a continué à le faire jusqu’au 14 octobre 2018; ce

faisant, il a causé un préjudice au franchiseur, limité dans le temps, en créant une confusion dans l’esprit des clients amenés à croire que le restaurant appartenait toujours au réseau Pegast; la somme de 2.000 € lui sera allouée en réparation de ce préjudice.

La société Edanof a continué à exercer une activité de restauration rapide sous l’enseigne 'La restauration d'[C]' après la résiliation du contrat et jusqu’à sa cessation d’activité le 6 février 2019. La société Les enfants de la cuisine lui fait grief d’avoir agi au mépris de la clause de non-concurrence insérée au contrat de franchise qui interdisait au franchisé, à l’associé et/ ou leur conjoint et ou/leurs ascendants et/ou leurs descendants, pendant une année après la cessation du contrat, d’exercer une activité concurrente du réseau.

Pour soulever la nullité de la clause de non- concurrence les appelants, se fondant sur les dispositions de l’article L 341-2 du code de commerce, font valoir que de telles clauses dans les contrats de franchise ne sont valables que si elles remplissent les conditions cumulatives suivantes, à savoir concerner les biens et services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat, être limitées aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat, être indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat, avoir une durée limitée dans le temps à une année après l’échéance ou la résiliation du contrat. Ils allèguent qu’il n’existe aucun savoir-faire ou concept dont la protection serait rendue indispensable et que la clause est disproportionnée dans la mesure où elle empêche l’activité de l’exploitant, son conjoint, l’associé, ses enfants et ses parents. Ils prétendent encore que cette clause qui interdit de poursuivre une activité de restauration entraîne nécessairement la fermeture de l’exploitation, que par ailleurs le contrat exige pendant la durée du contrat l’accord du franchiseur pour l’agrément d’un successeur dans le fonds de commerce et que la combinaison de ces deux clauses créée de facto une interdiction de poursuite d’activité et une impossibilité pour le franchisé de valoriser son fonds de commerce et de lui conférer une valeur patrimoniale.

Mais il est manifeste qu’après la résiliation du contrat, le franchisé restait libre de céder son fonds de commerce. Il a déjà été dit plus haut que le savoir-faire transmis dans le cadre du contrat de franchise était substantiel et spécifique. La clause n’est pas nulle comme visant d’autres personnes que le franchisé dont les liens avec celui-ci sont tels qu’ils peuvent légitimement faire craindre une utilisation du savoir-faire du franchiseur. En l’espèce, la clause peut s’appliquer dans la mesure où elle concerne l’activité exercée dans le local où le franchisé exploitait la franchise Pegast.

Le non respect de la clause de non concurrence a causé un préjudice à la société Les enfants de la cuisine; le tribunal a justement réparé ce préjudice en allouant la somme de 4.000 €, à titre de dommages-intérêts.

La créance de la société Les enfants de la cuisine s’élève en définitive à la somme de 3.954 € outre intérêts jusqu’au 5 septembre 2018 au titre des factures et à celle de 18.000 € à titre de dommages-intérêts; elle sera fixée au passif de la société Edanof pour ces montants à titre chirographaire; les époux [L] seront condamnés solidairement à payer ces sommes à la société Les enfants de la cuisine.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a :

— ordonné au liquidateur de la société Edanof de restituer à la société Les enfants de la cuisine les documents visés à l’article 16-3 du contrat, sans qu’il soit nécessaire de prononcer une astreinte,

— dit devenue sans objet la demande du franchiseur tendant à ce que la société Edanof, en liquidation judiciaire depuis le 6 février 2019, procède à l’abandon de toute référence aux marques, logos, slogans et éléments identifiant,

— débouté la société Les enfants de la cuisine de sa demande de publication du jugement.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

Les appelants qui succombent doivent supporter les dépens qui n’incluant pas le coût des constats d’huissier de justice pris en compte au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il y a lieu de rejeter la demande des appelants de ce chef et d’allouer à la société Les enfants de la cuisine la somme supplémentaire de 5.000 € pour la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a :

— déclaré irrecevables les demandes de la société Les enfants de la cuisine de fixation de créances au passif de la société Edanof,

— dit que la résiliation du contrat de franchise est intervenue à la date du 14 août 2018 avec effet au 14 octobre 2018,

— débouté la société Les enfants de la cuisine de sa demande d’indemnisation au titre de l’usage post-contractuel de la marque Pegast,

Statuant à nouveau sur ces points et y ajoutant :

Dit que la résiliation du contrat de franchise est intervenue le 3 septembre 2018, aux torts du franchisé,

Condamne solidairement M. et Mme [L] à payer à la société Les enfants de la cuisine la somme de 2.000 €, à titre de dommages-intérêts, pour usage de la marque Pegast sur internet après résiliation du contrat de franchise,

Fixe les créances de la société Les enfants de la cuisine au passif de la société Edanof, à titre chirographaire, aux sommes de :

—  3.954 € avec intérêts au taux de la BCE augmentés de 10 points de pourcentage à compter de la date d’échéance de chaque facture jusqu’au 5 septembre 2018,

—  18.000 € à titre de dommages-intérêts,

Condamne solidairement la société David [G] & associés, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Edanof, M. [L] et Mme [L] aux dépens d’appel,

Condamne solidairement la société David [G] & associés, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Edanof, M. [L] et Mme [L] à payer la somme de 5.000 € à la société Les enfants de la cuisine par application de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE



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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 4, 1er février 2023, n° 21/02674