Infirmation partielle 22 mars 2023
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Sur la décision
| Référence : | CA Paris, pôle 5 ch. 1, 22 mars 2023, n° 22/11165 |
|---|---|
| Juridiction : | Cour d'appel de Paris |
| Numéro(s) : | 22/11165 |
| Importance : | Inédit |
| Décision précédente : | Tribunal judiciaire de Paris, 2 juin 2022, N° 22/52718 |
| Dispositif : | Autre |
| Date de dernière mise à jour : | 25 novembre 2024 |
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Sur les parties
| Avocat(s) : | |
|---|---|
| Cabinet(s) : | |
| Parties : | S.A.S. NOVARTIS PHARMA Société au capital de 43 380 000 euros Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 410 349 070 Agissant poursuites, BIOGARAN, Société NOVARTIS AG Société de droit suisse c/ S.A.S. |
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 22 MARS 2023
(n°043/2023, 27 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 22/11165 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF632
Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 03 Juin 2022 rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n°22/52718
APPELANTES
S.A.S. NOVARTIS PHARMA
Société au capital de 43 380 000 euros
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 410 349 070
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Laetitia BENARD et Me Charles TUFFREAU du LLP ALLEN & OVERY LLP, avocats au barreau de PARIS, toque : J022
Société NOVARTIS AG
Société de droit suisse,
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
SUISSE
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Laetitia BENARD et Me Charles TUFFREAU du LLP ALLEN & OVERY LLP, avocats au barreau de PARIS, toque : J022
INTIMEE
S.A.S. BIOGARAN
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 405 113 598
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliès ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l’AARPI Dominique OLIVIER – Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069
Assistée de Me Arnaud CASALONGA et Me Marianne GABRIEL du cabinet CASALONGA, avocats au barreau de PARIS, toque : K0177
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente et Mme Déborah BOHEE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,
Mme Françoise BARUTEL, conseillère,
Mme Déborah BOHEE, conseillère,
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
La société NOVARTIS AG est une société suisse du groupe éponyme spécialisée dans le domaine pharmaceutique et se présente comme un leader mondial des produits de santé innovants, notamment dans le domaine des neurosciences. Elle indique développer notamment des thérapies restaurant la tolérance immunologique aux tissus de l’organisme tout en préservant l’immunité protectrice contre les agents pathogènes nocifs, afin de traiter les patients atteints de maladies auto-immunes, telles la sclérose en plaques.
L’un des produits phares du groupe dans ce domaine est le médicament GILENYA®, dont le principe actif est le Fingolimod indiqué sous forme de gélules à 0,5 mg comme traitement de fond de la sclérose en plaques récurrente-rémittente (SEP-RR).
La société NOVARTIS PHARMA SAS est l’exploitante de l’autorisation de mise sur le marché pour la spécialité GILENYA® en France, dont la première autorisation de mise sur le marché dans l’Union Européenne a été délivrée à la société NOVARTIS EUROPHARM LIMITED le 22 mars 2011. L’exclusivité commerciale de la spécialité GILENYA® a expiré le 22 mars 2022, après avoir bénéficié d’une année de protection supplémentaire.
La société NOVARTIS AG est titulaire du brevet européen désignant la France n° 2 959 894 (ci-après EP 894) intitulé « Modulateurs du récepteur S1P
1: sphingosine 1-phosphate
pour traiter la sclérose en plaques » déposé en tant que demande divisionnaire de la demande de brevet européen n° 2 698 154 (retirée) déposée le 27 septembre 2013, qui est elle-même une demande divisionnaire de la demande de brevet européen n° 2 037 906 (retirée) déposée le 25 juin 2007, ces demandes étant toutes issues de la demande de brevet internationale n°2008/000419 déposée le 25 juin 2007, sous priorité de la demande GB 20060012721 déposée le 27 juin 2006.
L’invention concerne l’utilisation d’un modulateur des récepteurs de la S1P, en l’occurrence le Fingolimod (ou 2-amino-2-[2-(4-octylphényl)éthyl]propane-1,3-diol connu sous le code «FTY720»), initialement découvert en 1992 par une équipe de chercheurs japonais et protégé par un brevet international dont la demande a été déposée le 18 octobre 1994 (PCT n° 94/08943).
Cette demande internationale a, par la suite, conduit à la délivrance d’un brevet européen n°0 627 406 ayant pour titre 'Composé 2- Amino-1, 3-Propanediol et immunosuppressé'. Ce brevet concernait les dérivés de 2-amino-1,3-propanediol, utiles en tant qu’agents immunosuppresseurs, lesquels, en réduisant les défenses immunitaires de l’organisme par séquestration des lymphocytes, diminuent les risques de rejet de greffes.
Ce brevet, dont les effets ont été prolongés par la délivrance d’un CCP, a expiré le 18 octobre 2018.
Le groupe Novartis, qui bénéficiait d’une licence sur le Fingolimod, expose que ses chercheurs ont découvert que les modulateurs des récepteurs de la sphingosine 1-phosphate avaient un effet inhibiteur sur la néo-angiogenèse (mécanisme qui permet de créer de nouveaux vaisseaux sanguins dans le but de nourrir une tumeur et d’assurer sa croissance), une néo-angiogénèse importante dans la partie lombaire de la moelle épinière étant associée à la sclérose en plaques.
La demande de délivrance du brevet EP 894 a été publiée le 30 décembre 2015 au Bulletin européen des brevets n° 2015/53. Elle a fait l’objet de modification lors de l’instruction de la demande devant la division d’examen de l’Office européen des brevets (OEB). En conséquence, le 18 novembre 2019, la société NOVARTIS AG a déposé une nouvelle requête principale.
Le 2 novembre 2020, la demande de brevet EP 894 a été rejetée par la division d’examen de l’OEB pour défaut de nouveauté.
Le 8 février 2022, la chambre de recours de l’Office a infirmé cette décision et a renvoyé la demande à la division d’examen avec ordre de délivrer un brevet sur la base de la revendication unique de la requête principale déposée le 18 novembre 2019. Le 3 juin 2022, la chambre des recours a rendu sa décision écrite motivée.
Le 15 septembre 2022, la décision de délivrance du brevet EP 894 a été publiée sur le registre de l’OEB et le 12 octobre 2022, la mention de la délivrance a été publiée au Bulletin européen des brevets n°22/41.
La société BIOGARAN est une société développant une activité spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de médicaments génériques.
Le 27 mai 2021, la société BIOGARAN s’est vue délivrer une autorisation de mise sur le marché en France pour la spécialité « FINGOLIMOD BIOGARAN 0,5 mg, gélule » qui est un médicament générique de la spécialité GILENYA®. Cette spécialité a été inscrite au Répertoire des groupes génériques par décision du 14 septembre 2021.
Indiquant avoir découvert, le 4 octobre 2021, que la société BIOGARAN avait sollicité la délivrance d’un prix pour sa spécialité générique ainsi que son inscription sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux et sur la liste des spécialités pharmaceutiques agréées à l’usage des collectivités et divers services publics et le Comité économique des produits de santé (CEPS) l’ayant informée que la société BIOGARAN s’était engagée à commercialiser sa spécialité générique dans les six mois suivant la publication au Journal Officiel des inscriptions précitées, la société NOVARTIS AG a fait adresser à cette dernière, le 17 janvier 2022, une mise en demeure de ne pas contrefaire l’exclusivité commerciale et ses droits de brevets sur le Fingolimod et lui a fait parvenir, outre une copie de la demande de brevet EP 894 telle que publiée et de sa traduction française, ainsi qu’une copie de la requête principale déposée à l’OEB le 18 novembre 2019 accompagnée de sa traduction française. Puis, le 16 février 2022, elle l’a informée de ce que la chambre des recours de l’OEB avait infirmé la décision initiale de la division d’examen de rejet de sa demande de brevet et avait renvoyé la procédure devant celle-ci pour délivrance de la revendication 1 de la requête principale déposée le 18 novembre 2019.
Insatisfaites des réponses apportées par la société BIOGARAN à ses courriers, les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS ont sollicité et obtenu du délégué du président du tribunal judiciaire de Paris, l’autorisation de la faire assigner en référé d’heure à heure.
L’assignation a été délivrée le 1er avril 2022 pour une audience de plaidoirie le 13 avril 2022.
Dans le cadre de la présente instance devant le tribunal judiciaire de Paris, suivant ordonnance du 13 avril 2022, le juge des référés a donné acte à la société BIOGARAN de son engagement à ne pas commercialiser sur le territoire français, sa spécialité 'FINGOLIMOD BIOGARAN 0,5 mg’ avant la date à laquelle l’ordonnance de référé sera rendue, au plus tard le 15 juin 2022, et au besoin, lui a ordonné de se conformer à cet engagement et a ordonné le renvoi de l’affaire à l’audience du 9 mai 2022, date à laquelle l’affaire a été effectivement plaidée.
Par ordonnance du 3 juin 2022 dont appel, le juge des référés a statué en ces termes :
— écarte les fins de non-recevoir opposées à l’action des sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS ;
— déboute la société NOVARTIS AG de ses demandes fondées sur la demande de brevet EP 2 959 894 ;
— déboute la société NOVARTIS PHARMA SAS de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale ;
— déboute la société BIOGARAN de ses demandes reconventionnelles ;
— condamne in solidum les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS à verser à la société BIOGARAN la somme de 120 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
— condamne in solidum les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS aux dépens;
— rappelle que l’ordonnance rendue est exécutoire par provision.
Le 20 juin 2022, les sociétés NOVARTIS PHARMA SAS et NOVARTIS AG ont interjeté appel de cette ordonnance et ont obtenu de la Présidente de la chambre 5-1, spécialement déléguée par le Premier président de la cour d’appel de Paris, de faire assigner à jour fixe leur adversaire pour l’audience du 17 janvier 2023.
LES AUTRES PROCÉDURES EN COURS
Sur les nombreuses procédures engagées par les sociétés NOVARTIS, les mesures d’interdiction provisoires sollicitées ont été rejetées par les juridictions en France (par deux autres ordonnances de référé du tribunal judiciaire de Paris des 27 juillet et 4 août 2022, impliquant deux autres génériqueurs, soit respectivement la société ZENTIVA et les sociétés MYLAN et VIATRIS), aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Grèce, en Allemagne, en Hongrie, en Finlande, en Autriche, aux Pays-Bas, et au Danemark, et ont été ordonnées en Belgique et en Espagne (sans examen de la validité du brevet) et en Italie.
La société BIOGARAN a déclaré la commercialisation de sa spécialité générique à l’ANSM (agence nationale de sécurité du médicament) le 8 juin 2022. Et au 31 décembre 2022, 8.850 boîtes de 28 gélules de la spécialité FINGOLIMOD BIOGARAN ont été vendues.
Dans leurs dernières conclusions numérotées 3, notifiées au RPVA le 10 janvier 2023, les sociétés NOVARTIS PHARMA SAS et NOVARTIS AG demandent à la cour de:
Vu les articles 485, 493, 834 et 835 du code de procédure civile ;
Vu les articles L. 613-1, L. 613-3, L. 614-9, L. 615-1, L. 615-3, L. 615-4, L. 615-5-2 et L. 615-7-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Vu l’article 1240 du code civil ;
Vu le brevet européen désignant la France n°2 959 894 ;
— Infirmer l’ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de Paris le 3 juin 2022 en ce qu’elle a :
— débouté la société NOVARTIS AG de ses demandes fondées sur la demande de brevet EP 2 959 894 ;
— débouté la société NOVARTIS PHARMA SAS de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale ;
— condamné in solidum les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS à verser à la société BIOGARAN la somme de 120 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile" ;
— condamné in solidum les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS aux dépens.
Statuant à nouveau de ce chef :
— dire et juger les demandes des sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS recevables et bien fondées ;
— dire et juger que la spécialité générique «FINGOLIMOD BIOGARAN 0,5 mg, gélule » reproduit la revendication 1 du brevet européen n°2 959 894, de sorte que la contrefaçon des droits de NOVARTIS AG n’est pas sérieusement contestable ;
— dire et juger que la commercialisation illicite des spécialités génériques «FINGOLIMOD BIOGARAN 0,5 mg, gélule » constitue un acte de concurrence déloyale à l’encontre de NOVARTIS PHARMA SAS ;
— interdire à la société BIOGARAN jusqu’au 25 juin 2027 inclus de fabriquer, importer, exporter, transborder, offrir en vente, mettre sur le marché utiliser et détenir aux fins précitées, des compositions pharmaceutiques reproduisant la revendication 1 du brevet européen n°2 959 894, sous astreinte de 1.000 € (mille euros) par comprimé, fabriqué, importé, exporté, transbordé, offert en vente, commercialisé, utilisé, ou détenu, quelle que soit sa forme de conditionnement, à compter de la date de la signification de la décision à intervenir ;
— ordonner à la société BIOGARAN de rappeler et/ou de retirer des réseaux de distribution, y compris auprès des pharmacies, toute composition pharmaceutique fabriquée, importée, exportée, transbordée, offerte en vente, utilisée et détenue aux fins précitées, reproduisant la revendication 1 du brevet européen n°2 959 894, sous astreinte de 100 € (cent euros) par comprimé non rappelé ou non retiré des réseaux de distribution, à compter d’un délai de 48 heures suivant la date de la signification de la décision à intervenir ;
— autoriser les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS à demander que toute composition pharmaceutique reproduisant la revendication 1 du brevet européen n°2 959 894 soit remise à tout huissier de leur choix, aux seuls frais de BIOGARAN, afin d’empêcher leur introduction dans les circuits commerciaux et la poursuite d’actes de contrefaçon et par conséquent de :
— autoriser les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS à faire procéder par tout huissier instrumentaire de son choix, à la saisie réelle de toute composition pharmaceutique reproduisant la revendication 1 du brevet européen n°2 959 894 dans les locaux de BIOGARAN et en tous endroits dans lesquels les opérations révéleraient la présence de produits contrefaisants, afin que ces produits soient conservés sous le contrôle de l’huissier en tout lieu de stockage approprié ;
— autoriser l’huissier instrumentaire à se faire assister d’un officier de police ou de tout représentant de la force publique qui pourra procéder même en dehors de sa circonscription, et de tout expert du choix des sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS, autres que les subordonnés des demanderesses ;
— autoriser l’huissier instrumentaire à se faire assister par un serrurier, par un informaticien et par toute personne de son étude ;
— autoriser l’huissier instrumentaire à poursuivre, en cas de besoin, ses opérations au-delà de la fin du premier jour ; dans ce cas, autoriser l’huissier instrumentaire à apposer les scellés sur les produits pertinents et, d’une façon générale, à apposer tous scellés ou autres moyens dans le but de préserver, sauvegarder et conserver toute composition pharmaceutique reproduisant la revendication 1 du brevet européen n°2 959 894 à saisir dans les lieux de la saisie ;
— autoriser l’huissier instrumentaire à se faire assister par un manutentionnaire, emballeur et conducteur pour le transport des produits saisis et autoriser l’huissier instrumentaire à apporter tout moyen de transporter sur les lieux de la saisie.
— ordonner à la société BIOGARAN, sous astreinte de 10.000 € (dix mille euros) par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la date de la signification de la décision à intervenir, à communiquer tous documents ou informations détenus par la société BIOGARAN afin de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des compositions pharmaceutiques reproduisant la revendication 1 du brevet européen n°2 959 894, et notamment (i) les noms et adresses des fabricants, grossistes, importateurs et autres détenteurs antérieurs de ces produits, (ii) les quantité produites, importées, commercialisées, livrées, reçues ou commandées et (iii) le prix, la marge et autres avantages obtenus pour ces produits contrefaisants, y compris le prix de vente et le prix d’achat de ces produits ;
En tout état de cause, de :
— dire que la cour sera compétente pour statuer, s’il y a lieu, sur la liquidation des astreintes qu’elle a fixées ;
— débouter la société BIOGARAN de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
— condamner la société BIOGARAN à payer aux sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS la somme de 200.000 € (deux cent mille euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile, sauf à parfaire ;
— condamner la société BIOGARAN aux entiers dépens et dire que ceux-ci pourront être recouvrés directement par Maître Matthieu BOCCON-GIBOD, avocat, dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile.
— rappeler l’exécution provisoire de la décision à intervenir est de droit.
Dans ses conclusions, numérotées 2, signifiées le 6 janvier 2023, la société BIOGARAN, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
Vu les articles L. 613-2, L.614-9, L.614-12, L.615-1, L.615-2, L.615-3, L.615-4 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu les articles 52 à 57, 83 et suivants, 123(2), 138 et suivants de la Convention sur le Brevet européen,
Vu les articles 378, 834, 835, 836 et suivants du code de procédure civile,
Vu les articles L.153-1 et suivants du code de commerce,
Recevant la société BIOGARAN en son appel incident, le déclarer bien fondé et y faisant droit:
A titre principal, Infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
+écarté les fins de non-recevoir opposées à l’action des sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS,
+ débouté la société BIOGARAN de ses demandes reconventionnelles,
Et statuant à nouveau :
— dire et juger que les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS sont irrecevables en l’ensemble de leurs demandes,
— débouter en conséquence les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire, confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
— débouté la société NOVARTIS AG de ses demandes fondées sur la demande de brevet EP 2 959 894,
— débouté la société NOVARTIS PHARMA SAS de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale.
A titre très subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour entendait ordonner des mesures d’information,
Renvoyer l’affaire à telle audience qu’il plaira à la cour de fixer pour que les parties puissent échanger sur les mesures de protection du secret des affaires à fixer préalablement à toute communication d’information, tel que prévu par l’article L.153-1 du code de commerce,
En tout état de cause,
— confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a :
+ condamné in solidum les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS à verser à la société BIOGARAN la somme de 120.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
+condamné in solidum les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS aux dépens,
— dire et juger que la société BIOGARAN est recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes,
— dire et juger que l’atteinte aux droits invoqués par les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS n’est pas vraisemblable,
— dire et juger que la société BIOGARAN n’a commis aucun acte de concurrence déloyale,
— débouter les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
— condamner in solidum les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS à verser à la société BIOGARAN la somme provisionnelle de 3.000.000 € à valoir sur le préjudice subi du fait de leurs manoeuvres déloyales et anticoncurrentielles,
— condamner in solidum les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS à verser à la société BIOGARAN la somme provisionnelle de 200.000 € au titre de la procédure abusive,
— condamner in solidum les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS à verser à la société BIOGARAN la somme de 300.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner in solidum les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Dominique Olivier en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L’ARRÊT
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur la recevabilité des demandes des sociétés NOVARTIS
Sur l’incidence, quant à la régularisation de la fin de non-recevoir soulevée devant le juge des référés, de la délivrance du brevet postérieurement à l’ordonnance déférée
Les sociétés NOVARTIS soutiennent que les fins de non recevoir soulevées par la société BIOGARAN s’agissant de leur action fondée sur une demande de brevet sont devenues sans objet puisque, depuis l’ordonnance de référé, la délivrance du brevet EP 894 a été publiée au Bulletin européen des brevets du 12 octobre 2022, et qu’en vertu de l’article 126 du code de procédure civile, l’irrecevabilité invoquée a disparu au moment où le juge statue.
La société BIOGARAN rappelle que s’agissant d’une procédure d’appel d’une ordonnance de référé, la cour d’appel doit apprécier l’existence du trouble ou du risque allégué en se plaçant au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue, de sorte que les fins de non recevoir soulevées doivent être examinées dans les mêmes conditions.
La cour rappelle par ailleurs qu’en application de l’article 561 du code de procédure civile, l’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit. Cependant, cette règle doit être conjuguée avec celles prévues en matière de référé, dès lors que les pouvoirs et la compétence du juge des référés sont strictement limités. Ainsi, la cour d’appel, saisie de l’appel d’une telle ordonnance, si elle ne peut écarter tous les faits survenus postérieurement à l’ordonnance attaquée, doit cependant apprécier l’existence du trouble ou du risque allégué en se plaçant au jour où le premier juge a rendu sa décision, et non au jour où elle statue.
En l’espèce, le trouble allégué devant le premier juge repose sur l’imminence de la contrefaçon des droits de la société NOVARTIS AG invoquée sur la base de sa demande de brevet EP 894. En conséquence, la cour d’appel doit apprécier l’existence du trouble allégué en se plaçant au jour où le premier juge a rendu sa décision, en ce compris la recevabilité et le bien fondé de cette action spécifique à cette date, sur la base de la seule demande de brevet européen, la régularisation d’une éventuelle fin de non recevoir au fond, telle que qualifiée par les parties, au jour où la cour statue étant indifférente sur ce point, sauf pour la cour à examiner, ensuite, la recevabilité des demandes présentées à nouveau devant elle en tenant compte des événements intervenus postérieurement à l’ordonnance querellée.
En conséquence, il convient de dire que la délivrance du brevet en cause d’appel, ne régularise pas, a posteriori, la fin de non recevoir soulevée devant le juge des référés tirée précisément de l’irrecevabilité à agir en référé sur le fondement d’une simple demande de brevet publiée et non sur un brevet délivré.
Sur la recevabilité à agir sur le fondement de l’article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle du titulaire d’une demande de brevet
La société NOVARTIS AG, en qualité de titulaire de la demande de brevet EP 894, retient qu’elle était bien une personne ayant qualité pour agir en contrefaçon au sens de l’article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle et pouvait solliciter en référé des mesures d’interdiction provisoire, soulignant que la lettre antérieure de cet article était plus restrictive sur ce point et que l’article L.615-4 dispose désormais expressément que le titulaire d’une demande de brevet est en droit d’intenter une action en contrefaçon. Elle souligne la particularité et la longueur de la procédure tenant à la délivrance du brevet qui justifie que, dès son dépôt, son titulaire puisse se prémunir d’une atteinte à ses droits, qu’en tout état de cause une demande de brevet est incontestablement « un titre» et qu’en juger autrement constituerait une violation des dispositions de la Convention sur le brevet européen et en particulier de son article 67. Elle ajoute qu’au cas d’espèce, si le brevet n’était pas encore délivré au jour où le juge des référés a statué, le libellé des revendications avait été validé par la chambre de recours de l’OEB. Elle conteste toute extension de la portée de la revendication 1 entre la publication de sa demande et la délivrance, ajoutant en outre que ce point ne relève pas d’une fin de non recevoir mais de l’appréciation du champ de protection du droit de brevet opposé.
La société BIOGARAN plaide essentiellement qu’une demande de brevet ne peut permettre à son titulaire d’invoquer les dispositions de l’article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle, dont l’application est subordonnée, selon elle, à l’existence d’un titre, soulignant que s’agissant d’un texte spécial et d’une procédure dérogatoire au droit commun, il doit être interprété strictement. Elle ajoute que l’article L.614-9 du même code qui énumère précisément les droits conférés par une demande de brevet européen ne mentionne pas ce texte et que plusieurs pays européens ont avalisé cette analyse. Enfin, elle constate que si l’article L. 615-9 précise que la date à prendre en compte pour les demandes de brevets européens est celle de la publication ou de la notification au contrefacteur, les revendications telles que déposées et publiées le 22 janvier 2022 ne visaient pas globalement le traitement de la sclérose en plaque récurrente-rémittente, de sorte que la demande de brevet EP 894 dont les revendications ont été étendues entre la publication de la demande et la publication de sa délivrance lui est inopposable.
L’article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle sur lequel les sociétés NOVARTIS fondent leurs demandes dispose que «Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente. (….)»
Par ailleurs, selon l’article L.613-1 du code de la propriété intellectuelle, «le droit exclusif d’exploitation mentionné à l’article L.611-1 prend effet à compter du dépôt de la demande».
Mais, l’article L.615-4 du même code précise que « Par exception aux dispositions de l’article L. 613-1, les faits antérieurs à la date à laquelle la demande de brevet a été rendue publique en vertu de l’article L. 612-21 ou à celle de la notification à tout tiers d’une copie certifiée de cette demande ne sont pas considérés comme ayant porté atteinte aux droits attachés au brevet.
Toutefois, entre la date visée à l’alinéa précédent et celle de la publication de la délivrance du brevet : 1° Le brevet n’est opposable que dans la mesure où les revendications n’ont pas été étendues après la première de ces dates ;(….)
Le tribunal saisi d’une action en contrefaçon sur le fondement d’une demande de brevet sursoit à statuer jusqu’à la délivrance du brevet.»
Enfin, s’agissant spécifiquement des brevets européens, l’article L.614-9 du même code dispose que «les droits définis aux articles L.613-3 à L.613-7, L615-4 et L.615-5 du présent code peuvent être exercés à compter de la date à laquelle une demande de brevet européen est publiée conformément aux dispositions de l’article 93 de la convention de Munich (….).»
Sur ce, il résulte de la lecture combinée de ces textes que si la loi française octroie au titulaire d’une demande de brevet un certain nombre de droits parmi lesquels celui d’agir au fond en contrefaçon (L.615-4), mais avec l’obligation pour le tribunal de surseoir à statuer jusqu’à la délivrance du brevet, elle ne prévoit nullement la possibilité d’agir en référé sur le fondement de l’article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle, l’article L.614-9 listant au contraire des droits clairement circonscrits.
En outre, l’article L.615-3 relatif aux instances en référé invoqué par les sociétés NOVARTIS, s’il autorise effectivement l’introduction d’une telle demande à toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon conditionne, cependant, l’exercice de cette action à l’existence d’un titre, celle-ci étant spécifiquement destinée à «prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre». Or, «les titres de propriété industrielle protégeant les inventions» sont énumérés à l’article L. 611-2 du code de la propriété intellectuelle, qui vise en 1°, «les brevets d’invention délivrés pour une durée de vingt ans à compter du jour de la demande», sans faire état de la simple demande.
Par ailleurs, la procédure alors en cours d’examen devant l’OEB et la décision de la chambre des recours d’infirmer la décision rendue par la division d’examen qui avait rejeté la demande de brevet, sont sans effet puisque le titre n’avait pas été délivré à la date où le juge des référés a statué.
De plus, si les dispositions de l’article L.614-9 précitées n’ont effectivement pas été modifiées après la transposition de la directive de 2004, comme le soulignent les sociétés NOVARTIS, il convient de constater que les textes cités dans cet article ont gardé la même codification, l’action propre en référé étant toujours reprise à l’article L.615-3. De même, si la lettre de ce dernier article a été modifiée par la loi n°2007-1544 du 29 octobre 2007, transposant cette même directive, l’ancien article L.615-3 disposant « lorsque le tribunal est saisi d’une action en contrefaçon sur le fondement d’un brevet, son président, saisi et statuant en la forme des référés peut interdire à titre provisoire (…) La poursuite des actes argués de contrefaçon ou subordonner cette poursuite à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation du breveté», il ne peut être déduit de sa rédaction actuelle, comme le soutient la société NOVARTIS AG, une volonté d’élargir la possibilité d’y recourir pour le titulaire d’une demande de brevet, le nouveau texte faisant référence, comme il a déjà été vu, «aux droits conférés par le titre».
Au demeurant, de manière cohérente, l’article L.614-9 du code de la propriété intellectuelle qui ne prévoit pas la possibilité, pour le titulaire d’une demande de brevet, d’exercer les droits définis à l’article L.615-3 ouverte à «celui ayant qualité pour agir en contrefaçon» afin de prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par son titre, ne mentionne pas davantage l’article L. 615-2 qui dispose que « l’action en contrefaçon est exercée par le propriétaire du brevet».
Enfin, les sociétés NOVARTIS ne peuvent être suivies lorsqu’elles soutiennent que cette interprétation serait contraire aux dispositions de l’article 67 de la convention de Munich.
En effet, si cet article mentionne qu'«à compter de sa publication, la demande de brevet européen assure provisoirement au demandeur (…) la protection prévue à l’article 64», il ajoute que «chaque Etat contractant peut prévoir que la demande de brevet européen n’assure pas la protection» ainsi prévue sous la condition que «la protection attachée à la demande de brevet européen ne peut être inférieure à celle que la législation de l’Etat considéré attache à la publication obligatoire des demandes de brevet nationales non examinées», et qu’en tout état de cause « chaque Etat contractant doit, pour le moins, prévoir qu’à partir de la publication de la demande de brevet européen, le demandeur peut exiger une indemnité raisonnable, fixée suivant les circonstances, de toute personne ayant exploité, dans cet Etat contractant, l’invention qui fait l’objet de la demande de brevet européen, dans des conditions qui, selon le droit national, mettraient en jeu sa responsabilité s’il s’agissait de la contrefaçon d’un brevet national.»
En effet, dans la mesure où la législation française n’octroie pas à une demande de brevet français une protection supérieure à celle d’une demande de brevet européen et octroie des droits spécifiques au titulaire d’une demande de brevet, comme il a été vu, il n’existe aucune violation des dispositions de la CBE.
En conséquence, à défaut de justifier d’une atteinte à un titre au sens de l’article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle, soit un brevet délivré, au jour où le juge des référé a statué, la société NOVARTIS AG n’était pas recevable et fondée à présenter une telle demande.
L’ordonnance dont appel doit en conséquence être infirmée de ce chef.
Cependant, la cour, en raison de l’effet dévolutif de l’appel, doit nécessairement prendre en compte les faits survenus postérieurement à l’ordonnance attaquée, de sorte que la délivrance du brevet permet à la société NOVARTIS AG de revendiquer désormais le bénéfice des dispositions de l’article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle devant la cour, sous réserve de l’examen des contestations émises par la société BIOGARAN, comme suit.
Sur la recevabilité des demandes fondées sur la concurrence déloyale
La société BIOGARAN soutient également que la société NOVARTIS PHARMA ne justifie pas plus de son intérêt à agir sur le fondement du droit commun que sur celui du droit des brevets, l’action intentée sur le fondement de la concurrence déloyale consistant, selon elle, en un détournement de la procédure spécifique applicable en matière de brevets.
La société NOVARTIS PHARMA rappelle que si l’article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle permet au licencié d’obtenir des mesures provisoires, rien ne l’empêche d’agir par la voie du référé de droit commun pour obtenir la réparation d’un préjudice qui lui est propre sur le fondement de la concurrence déloyale.
Sur ce, au jour de l’ordonnance de référé, la société NOVARTIS PHARMA invoquant spécifiquement devant les premiers juges, en sa qualité d’exploitante du GILENYA®, une atteinte à ses droits, du fait de la mise sur le marché du FINGOLIMOD BIOGARAN, produit contrefaisant le brevet EP 894 selon elle, n’était pas recevable à agir, y compris sur le fondement du droit commun des articles 834 et 835 du code de procédure civile, le brevet n’ayant pas été délivré comme il a été vu et elle-même ne justifiant pas au demeurant bénéficier d’une licence pour l’exploitation de cette demande de brevet.
L’ordonnance dont appel doit en conséquence être infirmée de ce chef.
Cependant, au regard de l’évolution du litige et de la délivrance du brevet EP 894, la cour considère que la société NOVARTIS PHARMA est désormais recevable à agir en sa qualité d’exploitante de cette spécialité, sur le fondement du droit commun des articles 834 ou 835 du code de procédure civile, invoquant à son encontre la commission d’actes de concurrence déloyale imminents, distincts de ceux argués au titre de la contrefaçon.
Présentation et objet du brevet EP 894 tel que délivré
La sclérose en plaques (ci-après SEP) est une maladie dégénérative à médiation immunitaire du système nerveux central entraînant un déclin progressif des fonctions motrices et sensorielles et une invalidité permanente.
La SEP est une maladie démyélinisante chronique du système nerveux central, détériorant la myéline (gaine qui se forme autour des nerfs, du cerveau et de la moelle épinière).
Elle se caractérise par des lésions du système nerveux central qui sont causées par une réaction inflammatoire, entraînée par les réponses des cellules immunitaires, notamment les lymphocytes T activés qui pénètrent dans le système nerveux central par les vaisseaux sanguins et libèrent des médiateurs inflammatoires, qui endommagent la myéline, les nerfs et les cellules qui produisent la myéline.
Maladie chronique, elle provoque des perturbations motrices, sensitives, cognitives ou visuelles.
Les formes de sclérose en plaque sont regroupées en quatre catégories : la SEP récurrente-rémittente (ci-après SEP-RR ), la SEP secondaire-progressive (ci-après SEP-SP ), la SEP primaire- progressive (ci-après SEP-PP) et la SEP progressive-récurrente (ci-après SEP-PR).
La sclérose en plaques récurrente-rémittente (SEP-RR), forme la plus fréquente de la maladie, est caractérisée par des épisodes d’apparition de nouveaux signes ou symptômes ou d’aggravation de signes ou symptômes existants (poussées), suivis par des périodes de rétablissement (rémission). La récurrence des poussées est très variable d’un patient à l’autre.
Le fingolimod ou FTY720 est un composé correspondant à la formule '2-amino-2-[2-(4-octylphényl)éthyl]propane-1,3-diol’ ou 'FTY720".
Il s’agit de l’un des premiers modulateurs des récepteurs de la sphingosine 1-phosphate (S1P), qui est un lipide sérique naturel intervenant dans l’angiogénèse.
Cette molécule a été synthétisée pour la première fois en 1992 et a fait l’objet d’une demande internationale de brevet PCT n° 94/08943 par la société YOSHITOMI PHARMACEUTICAL qui a conduit à la délivrance d’un brevet européen n° 0 627 406 70 le 28 octobre 1998. Ce brevet a expiré le 18 octobre 2013 et a fait l’objet d’un certificat complémentaire de protection n° 11C0021 71 ayant pris effet jusqu’au 18 octobre 2018.
Le fingolimod a été initialement développé pour la prévention des rejets après une transplantation rénale, le mécanisme de rejet résultant d’une réponse immunitaire, tandis que les études de transplantation ont suggéré que le mécanisme d’action du fingolimod était la suppression des lymphocytes qui ne peuvent plus circuler vers le système nerveux central, étant piégés dans les ganglions lymphatiques.
Le brevet EP 894 a pour titre 'Modulateurs du récepteur S1P pour traiter la sclérose en plaques».
La description commence par définir l’objet de l’invention : « [0001] La présente invention concerne un modulateur du récepteur de la S1P pour une utilisation dans le traitement de la sclérose en plaques récurrente-rémittente. Le modulateur du récepteur S1P et la solution de l’invention sont définis dans la revendication 1. »
Il est ensuite décrit les modulateurs des récepteurs de la S1P, leur mécanisme d’action dans la séquestration des lymphocytes et leurs sels pharmaceutiquement acceptables.
Le paragraphe [0008] de la description indique que l’agoniste du récepteur de la S1P de l’invention est « FTY720, c’est-à-dire le 2-amino-2-[2-(4-octylphényl)éthyl]propane-1,3-diol sous forme libre ou sous forme de sel pharmaceutiquement acceptable ».
Le fingolimod est ensuite désigné comme étant le « Composé A ».
Le brevet EP 894 explique ensuite que les traitements disponibles restent seulement partiellement efficaces malgré leurs effets anti-inflammatoires et immunosuppresseurs : « [0010] La sclérose en plaques (SEP) est une maladie à médiation immunitaire du système nerveux central avec une démyélinisation inflammatoire chronique entraînant un déclin progressif des fonctions motrices et sensorielles et une invalidité permanente. Le traitement de la sclérose en plaques n’est que partiellement efficace et n’offre dans la plupart des cas qu’un court différé de progression de la maladie malgré un traitement anti-inflammatoire et immunosuppresseur. En conséquence, il existe un besoin d’agents qui soient efficaces dans l’inhibition ou le traitement de maladies démyélinisantes, par ex. la sclérose en plaques ou le syndrome de Guillain-Barré, y compris la réduction, l’atténuation, la stabilisation ou le soulagement des symptômes qui affectent l’organisme. »
La description évoque ensuite les aspects pathologiques de la maladie:«[0011] Les aspects pathologiques caractéristiques des maladies démyélinisantes comprennent l’inflammation, la démyélinisation et la perte d’axones et d’oligodendrocytes. De plus, les lésions peuvent également avoir une composante vasculaire importante. Un lien solide a récemment été établi entre l’inflammation chronique et l’angiogenèse et la néovascularisation semble avoir un rôle important dans la progression de la maladie,» ainsi que les effets de la S1P sur la néo-angiogénèse: [0012] On a maintenant découvert que les modulateurs des récepteurs de la S1P ont un effet inhibiteur sur la néo-angiogenèse associée aux maladies démyélinisantes, par ex. la SEP. »
Le paragraphe [13] décrit les quatre schémas pathologiques de la SEP.
Puis, la description du brevet EP 894 explique que l’utilité des modulateurs des récepteurs de la S1P dans la prévention ou le traitement de la néo-angiogenèse associée à une maladie démyélinisante telle que la SEP, peut être mise en évidence par des tests sur des modèles animaux et cliniques [0014].
Les paragraphes [0015] et [0016] décrivent ensuite les tests effectués sur des rats sur lesquels la maladie a été induite (le modèle d’EAE
2: Encéphalo-myélite auto-immune expérimentale (soit la maladie induite chez les rats pour réaliser les tests)
) avec le composé A (le fingolimod) à des doses de 0,3 mg/kg administrées par voie orale tous les jours, tous les deux jours, tous les 3 jours et toutes les semaines. Il est mentionné que les résultats des tests ont démontré que le fingolimod bloque complètement l’angiogenèse associée à la maladie et inhibe complètement les poussées lorsqu’il est administré par voie orale à une dose quotidienne de 0,3 mg / kg. La description précise également que le même effet est obtenu avec le composé A (à savoir, le fingolimod) administré à une dose de 0,3 mg/kg tous les 2 ou 3 jours ou une fois par semaine.
Le brevet suggère également que cet effet thérapeutique peut être confirmé dans le cadre d’un essai clinique prophétique impliquant l’administration de formes posologiques quotidiennes orales de 0,5 mg, 1,25 mg et 2,5 mg de « composé A » à des patients atteints de SEP récurrente-rémittente [0017].
Le brevet spécifie ensuite que le modulateur des récepteurs S1P peut être administré par voie orale, notamment sous forme de comprimés, gélules ou solutions buvables [0019].
La demande de brevet EP 894 telle que déposée initialement comprenait 11 revendications.
Par la suite, la société NOVARTIS AG a modifié les revendications de sa demande pour n’en conserver qu’une.
La revendication 1 du brevet EP 894 est rédigée comme suit: « Un modulateur du récepteur S1P pour une utilisation dans le traitement de la sclérose en plaques récurrente-rémittente, par administration orale d’une dose quotidienne de 0,5 mg, le modulateur du récepteur S1P étant le 2-amino-2-[2-(4-octylphényl)éthyl]propane-1,3-diol sous forme libre ou sous une forme de sel pharmaceutiquement acceptable.»
Il s’agit donc d’un brevet de seconde application thérapeutique portant sur l’utilisation d’une dose quotidienne de 0,5 mg de fingolimod afin de ralentir l’évolution de la SEP-RR.
Sur la vraisemblance de l’atteinte au brevet EP 894 :
L’article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que ' Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente.
3: Soulignement ajouté
La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d’un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l’objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l’accès aux informations pertinentes.
Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l’existence de son préjudice n’est pas sérieusement contestable.
Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l’exécution des mesures qu’elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du défendeur si l’action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.
Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l’engagement d’une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. A défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés.'
En outre, selon le 22ème considérant de la directive n° 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, 'il est également indispensable de prévoir des mesures provisoires permettant de faire cesser immédiatement l’atteinte sans attendre une décision au fond, dans le respect des droits de la défense, en veillant à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d’espèce, et en prévoyant les garanties nécessaires pour couvrir les frais et dommages occasionnés à la partie défenderesse par une demande injustifiée. Ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à cause un préjudice irréparable au titulaire d’un droit de propriété intellectuelle.'
En application de ces textes, le juge des référés saisi de telles demandes doit statuer sur les contestations élevées en défense, y compris lorsqu’elles portent sur la validité du titre. Il lui appartient alors d’apprécier le caractère sérieux ou non de la contestation et, en tout état de cause, d’évaluer la proportion entre les mesures sollicitées et l’atteinte alléguée par le demandeur et de prendre, au vu des risques encourus pour chaque partie, la décision ou non d’interdire la commercialisation du produit prétendument contrefait.
Sur la définition de l’homme du métier :
L’homme du métier est celui qui possède les connaissances normales du domaine technique en cause et est capable, à l’aide de ses seules connaissances et aptitudes professionnelles, de concevoir la solution du problème que propose de résoudre l’invention.
Pour la société BIOGARAN, il s’agit d’un clinicien dans le domaine des neurosciences et de l’angiogénèse.
Les sociétés NOVARTIS estiment qu’il s’agit d’une équipe composée d’un clinicien ayant de l’expérience dans le traitement des patients atteints de la SEP et d’un scientifique compétent dans le domaine de la pharmacocinétique (PK) et de la pharmacodynamique (PD).
La cour retient, au vu du domaine technique en cause, que l’homme du métier est ici une équipe composée d’un médecin ayant une expérience avérée dans le traitement des patients atteints de la sclérose en plaque et d’un pharmacologue.
Sur l’art antérieur invoqué :
Pour la société BIOGARAN, l’état de la technique le plus proche réside dans la présentation power point « ci après PPT» émanant d’une société du groupe NOVARTIS divulgué sur internet aux adresses www.novartis.pt et www.novartis.com datée du 21 juin 2005 intitulée « FTY 720 un nouvel agent administré par voie orale pour la sclérose en plaque (SEP) Résultat d’une étude de preuve de concept de 6 mois», décrivant les résultats d’une étude clinique de Phase II sur 6 mois portant sur le traitement de la sclérose en plaque récurrente-rémittente par l’administration de FTY 720 ou Fingolimod selon des doses quotidiennes de 1,25 mg et 5 mg, avec la planification de la Phase III incluant des essais avec une doser de 0,5 mg.
Elle envisage également:
— le communiqué de presse des sociétés NOVARTIS divulgué le 6 avril 2006, dont le contenu est proche du document PTT mais moins complet,
— le document WO 2004/089341 délivré sous le n° EP 1 613 288 publié le 21 octobre 2004 qui divulgue l’application du fingolimod au traitement de la sclérose en plaques sous forme de compositions solides de capsules ou de comprimés contenant la substance active FTY720 dans des proportions de 0,5% à 5% en poids, administrées par voie orale (en particulier sa revendication 18),
— la demande PCT WO 316 KOVARIK déposée par le groupe NOVARTIS en 2005 sous priorité de 2004, concernant un régime posologique d’un modulateur ou d’un agoniste du récepteur S1P, notamment au cours de traitement de patients souffrant de maladies auto-immunes,
— le document P578 KOVARIK- MULTIPLE SCLEROSIS daté de 2005, relatant les résultats d’une étude internationale sur des patients souffrant de SEP récurrente et décrivant que le fingolimod aux deux doses testées de 1,25 mg/jour et 5mg/jour a réduit significativement l’IRM et l’activité clinique de la sclérose en plaque comparé au placebo.
Pour les sociétés NOVARTIS, le document de l’état de la technique le plus proche est le communiqué qu’elles ont publié le 6 avril 2006 intitulé « les données de phase II pour le FTY720 montrent une efficacité soutenue et une bonne tolérance sur 18 mois chez les patients atteints de sclérose en plaques (SEP) récurrente» (D10 dans la procédure d’opposition) qui fournit davantage d’informations et qui a été publié à une date plus proche de la date de priorité de son brevet et qui est le document que la chambre des recours a examiné pour apprécier sa validité.
Sont cités également notamment par les sociétés NOVARTIS :
— le document BUDDE (D17), soit un article de synthèse intitulé «Pharmacodynamie de doses uniques du nouvel immunosuppresseur FTY720 chez les patients transplantés rénaux stables» publié en 2003, qui fait suite à un précédent article publié en 2002,
— le document PARK (D26), soit un article de synthèse intitulé « Relations pharmacocinétiques / pharmacodynamiques de FTY720 chez les patients greffés du rein» publié en 2005, publication complète de l’étude résumée dans PARK 2003, portant notamment sur l’administration de doses de 0,25 mg, 0,5 mg, 1 mg et 2,5 mg de fingolimod et l’analyse pharmacodynamique en conséquence de la suppression des lymphocytes sanguins,
— le document PARK 2003 (D25),
— le document KAHAN 2003 (D27), article publié en octobre 2003 dans la revue transplantation intitulé «Pharmacodynamique, pharmacocinétique et innocuité de doses multiples de FTY720 chez des transplantés rénaux stables : une étude de phase I multicentrique, randomisée, contrôlée par placebo»,
— le document CHIBA 2006 (D14) « Rôle du récepteur de la sphingosine 1-Phosphate de type 1 dans l’évacuation des lymphocytes des tissus lymphoïdes secondaires et du thymus » qui a été publié en février 2006 dans le journal Cellular & Molecular Immunology.
Le problème technique à résoudre :
Pour la société BIOGARAN, le problème technique à résoudre pour l’invention est la fourniture d’un traitement alternatif pour la SEP récurrente-rémittente
Les sociétés NOVARTIS soutiennent que le problème technique objectif de l’invention consiste à fournir un traitement efficace contre la SEP R-R au moins aussi efficace que les traitements préexistants, à savoir une dose journalière de 1,25 mg par jour de fingolimod.
La cour retient que le problème technique à résoudre pour l’invention consiste à fournir un dosage quotidien efficace du Fingolimod dans le traitement de la sclérose en plaques récurrente-rémittente, la description faisant état de ce que les traitements actuels de la SEP basés sur l’activité anti-inflammatoire et immunosuppressive ne sont que partiellement efficaces contre les symptômes de la maladie ainsi que des effets d’un modulateur du récepteur de la S1P pour une utilisation dans le traitement de la SEP-RR, et en particulier du FTY720 ( fingolimod) dont il est relaté l’étude des effets par des méthodes d’essais sur des animaux ainsi que par des essais cliniques et, notamment pour ces derniers, à des dosages quotidiens de 0,5mg, 1,25mg et 2,5mg.
Sur le caractère sérieux des contestations élevées concernant la validité du brevet :
La société BIOGARAN soutient essentiellement apporter la preuve de contestations sérieuses de la validité du brevet opposé s’agissant de son absence de nouveauté et d’activité inventive, de l’insuffisance de sa description et de l’extension de son objet au delà du contenu de la demande, ce que conteste la société NOVARTIS.
Au titre de la nouveauté
La société BIOGARAN oppose aux sociétés NOVARTIS un document PPT daté du 21 juin 2005 qu’elles auraient elles-même divulgué sur leurs sites internet avant la date de priorité du brevet EP 894. Elle soutient que ce document constitue une antériorité certaine, divulguée également au public lors d’un congrès qui s’est tenu le 22 juin 2005, de sorte qu’il doit être considéré comme un document de l’état de la technique opposable, divulguant l’utilisation du fingolimod, pour traiter la sclérose en plaque récurrente-rémittente, avec une dose de 0,5mg/jour administrée par voie orale, soit l’ensemble des caractéristiques du brevet. Elle souligne que cette présentation, en ce qu’elle conclut à l’effet thérapeutique du fingolimod sur la SEP RR, la phase III des essais cliniques telle que décrite n’étant plus une phase de recherche mais de confirmation, constitue effectivement une antériorité de toute pièce destructrice de nouveauté du brevet EP 894. Elle ajoute que ce document n’a pas été examiné par la chambre de recours. Enfin, elle précise que dans ce document l’inclusion de la dose de 0,5mg, en tant que bras additionnel de la phase III, n’est décrite ni comme une éventualité, ni comme ayant une visée réglementaire afin d’établir la relation dose/réponse
4: Relation permettant d’établir que l’effet thérapeutique est réduit, voir perdu lorsque la quantité de médicament est réduite.
, mais bien à des fins thérapeutiques.
Les sociétés NOVARTIS soutiennent que la revendication 1 du brevet EP 894 est nouvelle, l’ensemble de ses caractéristiques ne se trouvant pas dans la présentation PPT ou son communiqué de 2006 avec les mêmes éléments, dans la même forme et le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat. Elles rappellent qu’une revendication portant sur une indication thérapeutique ne peut voir sa nouveauté détruite par un document de l’art antérieur divulguant le lancement d’un essai clinique incluant le traitement concerné, dès lors qu’aucun résultat n’est divulgué quant à son efficacité, ni preuve à l’appui de l’effet thérapeutique revendiqué, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge. Elles ajoutent que l’efficacité de la dose de 0,5 mg de fingolimod ne peut davantage être «implicitement» déduite de ces documents, l’inclusion de cette dose dans les essais n’ayant pas pour but de vérifier ses effets cliniques mais d’établir la dose minimale pour laquelle le médicament devient inefficace et donc à des fins réglementaires afin de confirmer la relation dose/réponse du FTY720. Enfin, selon elles, la dose de 0,5mg n’ayant pas été testée lors de la phase II des essais, définie comme une phase exploratoire, l’homme du métier aurait nécessairement compris qu’une telle dose ne pouvait être incluse en phase III décrite dans la littérature comme une phase uniquement «confirmatoire». Elles critiquent la décision du juge des référés qui a, selon elles, inversé la charge de la preuve s’agissant du caractère certain de l’antériorité opposée et qui a méconnu la règle selon laquelle une antériorité n’est destructrice de nouveauté que si sont établies avec certitude sa date et son accessibilité au public.
Selon l’article 52-1 de la Convention de Munich sur la délivrance de brevets européens (CBE), les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle. En application de l’article 54 de la même convention, une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique, lequel est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. En application de l’article 138 a) de la CBE, un brevet doit être annulé 'si l’objet du brevet européen n’est pas brevetable aux termes des articles 52 à 57'.
Pour être comprise dans l’état de la technique et être privée de nouveauté, l’invention doit s’y trouver toute entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les mêmes éléments qui la constituent, dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique.
Il n’est pas contesté par les parties que la date de priorité à retenir est fixée au 27 juin 2006.
Pour contester la validité du brevet au titre du défaut de nouveauté, la société BIOGARAN se fonde, comme en première instance, sur une présentation sous la forme d’un document Power point intitulée dans sa traduction française« FTY 720 un nouvel agent administré par voie orale pour la sclérose en plaque (SEP) Résultat d’une étude de preuve de concept de 6 mois», dont il n’est pas contesté qu’il a été rédigé par une société du groupe NOVARTIS.
Il est précisé par la société BIOGARAN que ce document cité dans des observations de tiers le 9 décembre 2021, en fin de procédure de recours devant l’OEB, a été écarté comme tardif par la chambre des recours à la demande de la société NOVARTIS AG.
Ce document PPT est qualifié dans sa présentation de «communiqué de presse» et est daté du 21 juin 2005. Il a été divulgué sur internet aux adresses www.novartis.pt et www.novartis.com, la société BIOGARAN démontrant qu’il était mis en ligne sur internet à la date du 15 janvier 2006, ainsi qu’il résulte d’un constat d’huissier de justice réalisé sur le site d’archivage «wayback machine» dont aucun élément ne démontre qu’il serait dépourvu de force probante ou de fiabilité.
Cette divulgation est en outre largement corroborée par un autre «communiqué aux médias» de NOVARTIS évoquant la présentation à l’occasion du 15ème congrès de la société européenne de neurologie qui s’est tenu à [Localité 6] du 18 au 22 juin 2005 des résultats en phase II montrant «que le FTY 720, un nouveau médicament oral pour le traitement de la sclérose en plaques (SEP) a réduit le taux de poussées cliniques de plus de 50% et l’activité inflammatoire de la maladie mesurée par des injections» et «un effet significatif et cohérent sur les poussées cliniques et les mesures IRM en seulement 6 mois» évoquant la confirmation de ces résultats dans le cadre d’une phase III à plus grande échelle.
La cour considère, en conséquence, que ce document, effectivement accessible au public, constitue une antériorité au caractère certain tant par son contenu que par sa date. Par ailleurs, dans la mesure où il décrit avec précision les résultats d’une étude clinique de Phase II sur 6 mois portant sur le traitement de la sclérose en plaque récurrente-rémittente par l’administration de FTY 720 ou Fingolimod selon des doses quotidiennes de 1,25 mg et 5 mg, avec la planification de la Phase III incluant des essais avec une dose de 0,5 mg, il constitue indéniablement un état de la technique pertinent et opposable au titre de la nouveauté.
Cependant, la cour rappelle qu’en matière de revendication d’utilisation thérapeutique, la divulgation d’un effet thérapeutique comme une hypothèse suggérée non testée ou d’un essais clinique en cours, sans mention de résultats, ne peut être considérée comme destructeur de nouveauté, car ne permettant pas de tirer des conclusions concernant l’existence réelle d’un effet thérapeutique ou pharmacologique qui soit directement et sans ambiguïté à la base de l’application thérapeutique revendiquée dans l’invention.
Au cas présent, le document PPT présente les résultats d’une étude de phase II à six mois portant sur l’administration de doses quotidiennes par voie orale de 1,25mg et 5mg de fingolimod dans le traitement de la SEP-RR, concluant à l’absence de «différences évidentes entre les doses en ce qui concerne l’efficacité» mais « des effets indésirables plus fréquents à la dose la plus élevée». Il annonce enfin l’étude d’une phase III avec un « accord sur la dose inférieure de 0,5mg comme bras supplémentaire dans la phase III» et suggère «d’envisager des doses encore plus faibles», aucun effet thérapeutique de ce dosage n’étant en conséquence mentionné.
En conséquence, la simple divulgation du prochain lancement d’un essai clinique en phase III avec l’ajout d’un dosage quotidien de 0,5 mg ne peut être considérée comme destructrice de nouveauté de la revendication 1 de l’invention en l’absence de l’annonce d’un quelconque résultat démontrant l’effet thérapeutique de ce dosage dans le traitement de la SEP-RR.
Et, contrairement à ce que soutient la société BIOGARAN, en l’absence de test réalisé en phase II avec la dose de 0,5mg, la phase III ne peut être considérée comme «confirmatoire» des effets thérapeutiques de ce dosage spécifique.
Ainsi, à la date de priorité, cette présentation ne comprend pas tous les éléments qui constituent l’invention dans la même forme, selon le même fonctionnement en vue du même résultat technique et, en particulier, l’effet thérapeutique dans le traitement de la sclérose en plaque récurrente- rémittente de l’administration quotidienne d’une dose de 0,5mg de Fingolimod, de sorte que le moyen soulevé par la société BIOGARAN tiré de l’absence de nouveauté de cette revendication doit être écarté.
Au titre de l’activité inventive
La société BIOGARAN expose que l’état de la technique le plus proche est le document PTT qui divulgue les résultats d’une étude clinique de Phase II sur 6 mois portant sur le traitement de la sclérose en plaques récurrente-rémittente par l’administration de Fingolimod selon des doses quotidiennes de 1,25 et 5mg qui enseigne qu’il n’y a pas de différences claires entre les doses pour l’efficacité, que les effets indésirables sont plus fréquents à des doses plus élevées et qu’est envisagée une étude de Phase III qui visera aussi une dose de 0,5mg comme branche additionnelle, de sorte qu’il est évident pour l’homme du métier que la réduction des effets secondaires liés à la dose a été le critère de l’inclusion de la dose de 0,5mg, le fait que ce document ne divulgue pas les résultats de la Phase III n’étant pas pertinent pour l’activité inventive. Elle en conclut que le document PTT permettait, de manière évidente, à l’homme du métier de tester le dosage expressément suggéré de 0,5mg dans la même indication avec un espoir raisonnable de succès.
Elle ajoute que l’ensemble des documents de l’état de la technique au jour de la priorité de la demande du brevet EP 894 allait dans le même sens, et cite à ce titre le communiqué de presse de Novartis divulgué le 6 avril 2006, le document WO 2004/089341 délivré sous le n° EP 1 613 288 publié le 21 octobre 2004, la demande PCT WO 316 Kovarik déposée par Novartis en 2005 sous priorité de 2004 ou le document P578 Kovarik-Multiple Sclerosis de 2005.
Elle critique les manoeuvres des sociétés NOVARTIS consistant à invoquer de très nombreux documents et attestations pour tenter de démontrer que l’homme du métier aurait été détourné de l’espérance raisonnable de réussite tirée du document PTT, soulignant que le raisonnement adopté par les appelantes est erroné et repose sur des données parcellaires inopérantes au cas d’espèce.
Les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA répliquent que la revendication opposée est manifestement inventive. Elles font valoir qu’en partant du communiqué de 2006, document le plus proche de la date de priorité, ou de la présentation NOVARTIS 2005, l’homme du métier, à la lumière des documents de l’art antérieur disponibles à la date de priorité sur le fingolimod, n’aurait pas eu d’espérance raisonnable de succès à utiliser une dose orale de 0,5 mg pour le traitement de la SEP-RR. Elles soutiennent que le problème technique objectif de l’invention consiste à fournir un traitement efficace pour la SEP-RR, au moins aussi efficace qu’une dose journalière de 1,25 mg de fingolimod. Elles font valoir qu’en partant de la présentation de NOVARTIS, l’objet de la revendication 1 n’est pas évident, l’inclusion d’une dose plus faible que la dose de 1,25 mg ne répondant qu’à des besoins réglementaires.
Elles soutiennent que l’homme du métier n’aurait pas cherché une dose plus faible à 1,25 mg, les essais de phase II n’ayant pas testé un dosage de 0,5 mg, tandis que rien n’indique les raisons de l’inclusion de cette dose en phase III et qu’il s’en déduit que la dose de 0,5 mg n’a été incluse dans cet essai que pour confirmer que la dose la plus efficace possible était bien de 1,25 mg.
Elles font valoir qu’aucun document de l’état de la technique n’aurait incité l’homme du métier à considérer que la dose de 0,5 mg avait un espoir de réussite raisonnable, l’état de la technique divulguant que l’efficacité clinique du fingolimod résidait dans la suppression des lymphocytes et qu’il était connu que cet effet était dose-dépendant, l’effet immuno-suppresseur du fingolimod étant considéré comme dépendant d’un niveau élevé de lymphopénie, les documents de l’art antérieur démontrant ainsi qu’une dose quotidienne de 0,5 mg ne présentait pas une efficacité suffisante en terme de séquestration lymphocytaire pour être cliniquement efficace contre la sclérose en plaques et ne serait pas efficace sur le long terme en raison de sa forte variabilité. Elles en déduisent qu’à partir du document de l’état de la technique le plus proche et à la lumière des données techniques disponibles à la date de priorité sur le brevet, l’homme du métier ne se serait pas attendu à ce qu’une dose orale de 0,5mg/jour soit efficace pour le traitement des patients atteints de SEP récurrente -rémittente, de sorte que la revendication 1 de son brevet implique indiscutablement une activité inventive.
L’article 56 de la CBE dispose qu'« une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique ».
L’appréciation du caractère inventif implique de déterminer si, eu égard à l’état de la technique, l’homme du métier, au vu du problème que l’invention prétend résoudre, aurait obtenu la solution technique revendiquée par le brevet en utilisant ses connaissances professionnelles et en effectuant de simples opérations. L’activité inventive se définit au regard du problème spécifique auquel est confronté l’homme du métier.
La cour rappelle en outre que l’état de la technique le plus proche à sélectionner doit être pertinent, c’est-à-dire qu’il doit correspondre à une utilisation semblable et appeler le moins de modifications structurelles et fonctionnelles pour parvenir à l’invention revendiquée. Cet état de la technique le plus proche doit donc viser à atteindre le même objectif ou à obtenir le même effet que l’invention ou, au moins, appartenir au même domaine technique que l’invention revendiquée ou à un domaine qui lui est étroitement lié.
Au cas d’espèce, il convient d’apprécier si l’homme du métier, faisant face au problème technique à résoudre aurait été incité, au vu de l’art antérieur, à s’engager dans la voie de l’invention avec des chances ou un espoir raisonnables de succès.
À cet égard, la cour constate que, plusieurs mois avant la date de priorité de l’invention, l’homme du métier a connaissance d’une présentation faite par le groupe NOVARTIS, dont il a déjà été vu qu’elle constituait une antériorité certaine qui divulgue à la fois les résultats d’essais cliniques de phase II portant sur le FTY720 (fingolimod) en administration orale quotidienne à des patients atteints de sclérose en plaque récurrente aux doses de 5 mg et de 1,25 mg outre un placebo. Les résultats en cours de cette phase II attestent, après six mois d’étude, d’une réduction significative des lésions visibles à l’IRM (jusqu’à 80%) ainsi que des taux de poussées ( de plus de 50%). Si l’étude mentionne que le traitement a été généralement bien toléré, elle souligne qu’il n’y a « pas de différences évidentes entre les doses en ce qui concerne l’efficacité» mais « des effets indésirables plus fréquents à la dose la plus élevée.» Elle conclut que le «FTY720 présente un profil bénéfices/risques favorables, qui, associé à l’avantage unique de l’administration orale, pourrait représenter une avancée majeure pour les patients atteints de sclérose en plaques.» Ce document annonce enfin une étude de phase III de deux ans contrôlée par placebo avec «un accord sur la dose inférieure de 0,5 mg comme bras supplémentaire dans la phase III» et qu'«il est suggéré d’envisager des doses encore plus faibles».
Cette présentation dont la cour retient qu’elle constitue l’état de la technique le plus proche, tel que précédemment défini, correspondant d’évidence à une utilisation semblable à celle de l’invention revendiquée, enseigne sans ambiguïté à l’homme du métier que les effets du Fingolimod ne sont pas dose-dépendants dans le traitement de la sclérose en plaques, tandis que les effets indésirables sont majorés avec la dose la plus élevée, ce dernier élément l’incitant naturellement à réduire la dose à administrer. En outre, l’annonce du lancement d’essais de phase III incluant une posologie à 0,5 mg, voire même des doses encore plus faibles, ne peut que le conforter dans ses choix.
Cet espoir raisonnable de succès est encore conforté par le communiqué aux médias de NOVARTIS d’avril 2006 qui dresse le bilan de cette étude après 18 mois qui «confirment les effets significatifs de FTY720 (fingolimod), un nouveau composé oral à prise unique quotidienne en développement pour le traitement de la sclérose en plaque récurrente-rémittente.» Le communiqué poursuit la description des résultats prometteurs de cette étude précisant « toutes les patients de l’étude d’extension continuent maintenant avec la dose de 1,25 mg puisque la dose de 5 mg qui avait un taux plus élevé d’effets indésirables et la dose de 1,25 mg étaient toutes deux aussi efficaces pour réduire l’activité de la maladie.» Ce communiqué confirme également le lancement par NOVARTIS de sa première étude pivot de phase III intitulée «FREEDOMS» (Fingolimod Research Evaluating Effects of Daily Oral therapy in Multiple Sclerosis) incluant plus de 1000 patients répartis pour recevoir une dose de 1,25 mg, de 0,5 mg de fingolimod ou un placebo.
L’homme du métier est également informé, par le document KOVARIK P578 de juin 2015 intitulé «Relation exposition au FTY720/efficacité dans une étude de phase II de 6 mois chez les patients atteints de sclérose en plaques récurrente», que les données issues de cette étude « disposent à explorer des doses de FTY720 potentiellement plus faibles dans des études futures sur la SEP.»
En outre, l’homme du métier sait (notamment par le document LEVITT de 1997, publié par la FDA) que les études de phase III dites de «confirmation thérapeutique» après la phase II dite «d’exploration thérapeutique», sont conçues pour confirmer les preuves préliminaires accumulées au cours de la phase II, établir qu’un médicament est sûr et efficace, au travers d’une évaluation du rapport bénéfice/risque et affiner le régime posologique adapté.
La société NOVARTIS AG ne peut en conséquence être suivie lorsqu’elle soutient que l’inclusion de la dose quotidienne de 0,5 mg dans la phase III des essais ne suggérait aucune efficacité thérapeutique pour l’homme du métier, qui aurait été incité à analyser sa présence pour démontrer une dose-réponse à visée réglementaire, c’est à dire pour montrer que l’effet thérapeutique est réduit, voire perdu ou inefficace lorsque la quantité de médicament est également réduite.
En effet, l’homme du métier sait que la conduite de ces essais doit obéir à des considérations éthiques relatives aux informations données aux patients acceptant de participer à des essais cliniques.
Or, le document KAPPOS (article du supplément du 2 mai 2006 du journal de neurologie consacré aux Seizièmes rencontres de la société européenne de neurologie, intitulé ' conception d’une étude randomisée, contrôlée par placebo, du fingolimod oral (FTY720) dans la sclérose en plaque récurrente-rémittente») lui enseigne que les essais de phase III annoncés le 21 juin 2005 ont été conduits avec un unique groupe de contrôle par placebo, sans bras supplémentaire de futilité: 'Les considérations éthiques relatives à l’utilisation du placebo ont été prises en compte en informant pleinement les participants des traitements en cours, y compris les patients qui refusent formellement les thérapies disponibles, et en obtenant un nouveau consentement formel et bien informé en cas de rechute ou de progression du handicap', aucun problème éthique n’étant mentionné concernant l’administration de la dose 0,5 mg, ce dont il se déduit que cette dose est considérée, à ce stade, comme porteuse d’un espoir sur le plan thérapeutique.
Cette analyse est confortée par le rapport d’expertise du professeur [Z] [Y] produit par les sociétés NOVARTIS qui mentionne (page 11 du rapport) « Il devrait également y avoir des raisons impérieuses d’inclure des doses qui n’ont pas été testées dans les études de Phase II dans les études de Phase III
5: Mises en gras ajoutée par la cour
. Les études de Phase III sont menées sur un nombre beaucoup plus important de patients que dans la Phase II et sont conçues pour « confirmer » les résultats observés en Phase II sur une population de patients suffisamment importante pour convaincre le sponsor de l’essai clinique et les autorités réglementaires que le médicament expérimental produit des effets thérapeutiques qui l’emportent sur les effets secondaires dans la population de patients en question. Bien que le spécialiste en PKPD s’en remette à un clinicien spécialiste dans le domaine de la maladie en question lors de la conception des essais cliniques de Phase II et de Phase III, je note d’après [S] 2010 que les essais cliniques pour le fingolimod chez les patients atteints de SEP prennent au moins 12 mois et que les critères d’évaluation cliniques sont la réduction des taux de poussées, c’est-à-dire une mesure qui ne peut être déterminée qu’en fin d’étude en raison de la nécessité de comparer les taux de poussées en début de traitement avec ceux après une période de traitement. Il est également généralement connu, et spécifiquement décrit dans Thomson, que la SEP est une maladie évolutive et peut entraîner une invalidité grave. Il y a donc ici un risque particulier si les patients du bras du traitement sont «sous-dosés» plutôt que de recevoir un traitement alternatif efficace compte tenu des conséquences à long terme. L’inclusion d’une dose d’un médicament expérimental dont on ne s’attendrait pas à ce qu’elle soit cliniquement efficace dans la SEP ni dans les études de Phase II ni dans les études de Phase III serait donc particulièrement difficile à justifier compte tenu de la nécessité de mener des essais cliniques selon des principes éthiques».
En conséquence, la cour retient que l’homme du métier aurait compris, au regard des considérations éthiques inhérentes aux essais de phase III pour une pathologie aussi invalidante que la SEP-RR, que la société NOVARTIS s’attendait manifestement à ce que la dose quotidienne de 0,5 mg ait un effet bénéfique sur l’évolution de la maladie, à la différence du placebo.
Nonobstant cet art antérieur particulièrement explicite et prometteur pour un homme du métier au regard du problème technique à résoudre, la société NOVARTIS AG soutient qu’il aurait été dissuadé de considérer l’administration d’une dose de 0,5 mg de fingolimod comme traitement efficace. Ainsi, selon elle, l’état de la technique divulguait que l’efficacité clinique du fingolimod réside dans la suppression des lymphocytes et qu’il était connu que cet effet était dose-dépendant, l’effet immuno-suppresseur du fingolimod étant considéré comme dépendant d’un niveau élevé de lymphopénie, les documents de l’art antérieur démontrant ainsi qu’une dose quotidienne de 0,5 mg ne présentait pas une efficacité suffisante en terme de séquestration lymphocytaire
6: En séquestrant les lymphocytes dans les ganglions lymphatiques et en les empêchant de circuler vers le système nerveux central, il est considéré que cela empêche l’inflammation de la myéline et l’apparition de lésions dans le système nerveux central.
pour être cliniquement efficace contre la sclérose en plaques et ne serait pas efficace sur le long terme en raison de sa forte variabilité.
Or, la cour constate que si, dans le document Park (article publié en 2005 intitulé «Relations pharmacocinétiques /pharmacodynamiques de FTY720 chez des patients greffés du rein»), qui ne porte donc pas directement sur le traitement de la SEP-RR, l’effet du fingolimod est décrit comme étant dose-dépendant, il atteint cependant 50% de son effet maximal sur la réduction lymphocytaire qui joue un rôle admis dans le traitement de la SEP-RR, dès la dose de 0,5mg, le fait que les doses plus importantes améliorent encore ce taux, la dose de 1,25 mg apportant une réduction lymphocytaire à hauteur de 62%, n’aurait pas pour autant dissuadé l’homme du métier d’envisager ce dosage, au regard notamment de la prise en compte des effets secondaires plus importants établis pour un traitement à plus haut dosage. Ainsi, dans ce même document, il est mentionné « Bien sûr, l’absence de courbes dose-réponse similaire pour la toxicité nuit à l’établissement d’une fenêtre thérapeutique».
Par ailleurs, dans le document WEBB du 3 mars 2004 produit par les appelantes, intitulé «les agonistes des récepteurs de la sphingosine 1-phosphate atténuent l’encéphalite auto-immune expérimentale récurrente-rémittente chez les souris JSL», les chercheurs mentionnent qu’ils ont observé une «déconnexion entre la lymphopénie et les scores cliniques. (…) La corrélation entre la lymphopénie et l’efficacité clinique est donc imparfaite et bien que la lymphopénie soit un biomarqueur corrélé à l’efficacité clinique et puisse être un mécanisme contribuant à cette efficacité, d’autres mécanismes peuvent également être impliqués dans la production du bénéfice thérapeutique global
7:Mise en gras ajoutée par la cour
observé dans les modèles de transplantation et de maladie auto-immune.»
Cet article, en ce qu’il mentionne l’imparfaite corrélation entre la lymphopénie et l’efficacité clinique du FTY720, permet en conséquence de considérer que le seul critère de la réduction lymphocytaire n’était pas de nature à dissuader l’homme du métier d’envisager la dose de 0,5 mg au regard de l’art antérieur et de ses enseignements précédemment décrits.
En conséquence, les documents BUDDE (2003) ou KAHAN (2003), qui évoquent les résultats d’essais du FTY720 chez des patients transplantés rénaux et l’effet lymphopénique du traitement, ne sont pas davantage de nature à dissuader l’homme du métier, outre que ces documents enseignent que les doses plus élevées administrées ont, certes, provoqué une lymphopénie plus rapide et soutenue mais que le degré de lymphopénie n’a montré que des différences mineures, nonobstant une variabilité plus importante des doses inférieures.
Il en est de même du document CHIBA (février 2006) qui évoque le rôle du récepteur de la S1P dans l’évacuation des lymphocytes des tissus secondaires et qui aborde, essentiellement, le mécanisme d’action du fingolimod au travers de la séquestration lymphocytaire, dont on a vu qu’il n’est pas le seul mécanisme permettant d’envisager un bénéfice thérapeutique global dans le traitement de cette maladie spécifique et décrite comme «complexe puisque plusieurs processus patophysiologiques (dont les mécanismes d’inflammation, de démyélinisation, de détérioration axonale et de réparation) participent au processus pathogénique. De plus, comme le révèlent de nouvelles données pathologiques, ces processus ne sont pas uniformément représentés dans les populations de patients, mais peuvent prédominer sélectivement chez certains patients individuels, contribuant ainsi à l’hétérogénéité de l’expression phénotypique de la maladie, de son pronostic et de sa réponse aux thérapies. Bien que l’arsenal de thérapies disponibles pour traiter la sclérose en plaques s’élargisse, on en sait peu sur les facteurs qui prédisent la réponse au traitement pour un médicament particulier chez les patients individuels. Nous commençons surtout à comprendre que, comme pour la thérapie anticancéreuse, la stratégie thérapeutique efficace contre la sclérose en plaques, pourrait finalement impliquer la combinaison de différentes thérapies ciblant plusieurs processus pathophysiologiques dominants (…)» (document BIELOKOVA, article de synthèse intitulé «développement de bio-marqueurs dans la sclérose en plaques» publié le 4 juin 2004).
Ainsi, pour l’homme du métier, dont il a été vu qu’il s’agit d’une équipe notamment composée d’un médecin ayant une expérience avérée dans le traitement des patients atteints de la SEP, il est connu qu’un traitement pour soigner cette pathologie complexe ne peut être envisagé sous le seul prisme du bio-marqueur lié à la lymphopénie.
La cour retient, en conséquence, qu’au regard des résultats positifs des essais de phase II, des modalités dévoilées de l’organisation de phase III et des enseignements de l’art antérieur rendant probable une efficacité du fingolimod dans une posologie de 0,5 mg, il apparaît que l’homme du métier avait, à la date de priorité de la demande de brevet EP 894, un espoir raisonnable que la dose quotidienne de 0,5 mg de fingolimod soit efficace pour le traitement de la sclérose en plaques récurrente-rémittente et n’aurait pas été dissuadé par l’état de la technique opposé par les appelantes.
Par conséquent, le moyen tiré du défaut d’activité inventive opposé par la société BIOGARAN apparaît comme un moyen sérieux de nature à remettre en cause l’apparente validité de ce titre qui justifie, au vu des risques encourus de part et d’autre, de rejeter l’ensemble des demandes présentées par la société NOVARTIS AG qui apparaissent disproportionnées en référé.
Sur les demandes fondées sur la concurrence déloyale
La société BIOGARAN conclut au rejet des demandes formulées à ce titre par la société NOVARTIS PHARMA SAS soulignant l’absence de tout acte de contrefaçon susceptible de constituer un acte de concurrence déloyale, et ce d’autant que le brevet est manifestement nul, en l’absence de toute urgence ou de tout dommage imminent à prévenir ou encore de trouble manifestement illicite à faire cesser, aucun acte de commercialisation n’étant caractérisé, en présence de contestations sérieuses au sens de l’article 834 du code de procédure civile, la seule constatation d’un différend ne pouvant fonder les demandes de la société NOVARTIS PHARMA SAS.
La société NOVARTIS PHARMA SAS en tant qu’exploitant de l’autorisation de mise sur le marché pour la spécialité GILENYA en France rappelle être bien fondée à engager une action en référé contre la société BIOGARAN afin de faire cesser tout dommage résultant des actes de concurrence déloyale, l’exploitation de produits contrefaisants étant constitutive de tels actes sur le fondement des articles 834 et 835 du code de procédure civile.
Sur ce, dans la mesure où les actes de concurrence déloyale invoqués par la société NOVARTIS PHARMA au titre des demandes de mesures provisoires sont fondés sur des atteintes allégués au brevet EP 894 dont l’apparente validité est sérieusement contestée, il convient de rejeter les demandes formulées en conséquence.
Sur les demandes reconventionnelles de la société BIOGARAN
Au titre de la procédure abusive
La société BIOGARAN dénonce le comportement des sociétés NOVARTIS dans leur stratégie de dépôts de brevets et le caractère abusif de l’instance engagée ainsi que des demandes présentées. Elle stigmatise d’abord les conditions dans lesquelles l’action en référé d’heure à heure a été engagée à 10 jours sur une demande de brevet non délivré et sans acte de commercialisation, les requérantes s’opposant à tout renvoi, l’obligeant à renoncer au lancement de sa spécialité pour préserver son droit à pouvoir se défendre utilement, comportement qui a porté atteinte à ses droits, à la loyauté des débats, au principe du contradictoire et au procès équitable. Elle regrette l’instrumentalisation de la justice par les sociétés NOVARTIS à la seule fin de se réserver indûment un monopole sur l’ensemble du marché du Fingolimod, au détriment des autres opérateurs, des systèmes de santé et des patients.
Les sociétés NOVARTIS contestent avoir commis la moindre faute dans l’engagement de la présente action, n’ayant aucune obligation d’agir dans le même temps à l’encontre de l’ensemble des laboratoires génériques et l’imminence de la contrefaçon par la société BIOGARAN étant, selon elles, indiscutable. Elles ajoutent que les dates retenues dans le cadre de l’assignation d’heure à heure ont été fixées par le tribunal et sont usuelles en la matière. Elles précisent qu’en tout état de cause, dans la mesure où la société BIOGARAN avait été mise en demeure à plusieurs reprises, elle ne peut leur reprocher aucune déloyauté dans la présente affaire, ni davantage dans leur stratégie de dépôts de brevet, accusations inopérantes dans le cadre de la présente procédure.
La cour rappelle que l’accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n’est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d’agir en justice ou d’exercer une voie de recours légalement ouverte est susceptible de constituer un abus.
Or, la société BIOGARAN ne démontre pas la faute commise par les sociétés NOVARTIS qui aurait fait dégénérer en abus leur droit d’agir en justice, même en référé d’heure à heure, les intéressées, ayant pu légitimement se méprendre sur l’étendue de leurs droits, étant relevé que le brevet en cause a, depuis, été délivré. En outre, l’urgence invoquée par celles-ci et le calendrier procédural ont été retenus par le magistrat délégué à cet effet. Elle ne justifie pas en outre, avec l’évidence requise au stade du référé, de l’existence d’un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice qui sera réparé par l’allocation d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En conséquence, l’ordonnance querellée doit être confirmée de ce chef.
Au titre des manoeuvres déloyales et anti-concurrentielles
La société BIOGARAN constate que, par ces manoeuvres procédurales déloyales et agressives, les sociétés NOVARTIS ont obtenu qu’elle soit enjointe à ne pas lancer sa spécialité générique, alors que d’autres concurrents avaient déjà lancé leur propre médicament générique, générant ainsi une distorsion de concurrence injustifiée à son détriment et un préjudice non sérieusement contestable dont elle demande réparation, les agissements des sociétés NOVARTIS ayant permis selon elle, d’une part, de freiner la pénétration globale des spécialités génériques et, d’autre part, de réduire encore plus sa pénétration dans ce marché.
Les sociétés NOVARTIS stigmatisent la position de la société BIOGARAN qui, tout à la fois, soutient de pas avoir eu l’intention de lancer ses spécialités génériques de GILENYA et avoir subi un préjudice en ayant été contrainte de renoncer à sa commercialisation pour obtenir un délai supplémentaire afin que l’affaire soit renvoyée. Elles rappellent que rien ne les obligeait à agir en même temps contre l’ensemble des contrefacteurs, de sorte que l’intimée n’est pas fondée à lui reprocher une pratique anti-concurrentielle à son égard, ajoutant avoir ensuite agi contre d’autres laboratoires. Enfin, elles estiment que la société BIOGARAN ne justifie pas remplir les conditions posées aux articles 834 et 835 du code de procédure civile, ne caractérisant aucune urgence, ni dommage imminent ou trouble manifestement illicite, les mesures envisagées dans le cadre du renvoi de l’audience ayant pris fin depuis.
Sur le fondement de l’article 834 du code de procédure civile, la cour considère, au regard notamment des moyens invoqués par les sociétés appelantes relatifs à la position contradictoire de la société BIOGARAN quant à l’imminence de la commercialisation de son médicament générique, et au fait que l’engagement de suspendre la commercialisation de celui-ci dans l’attente de la décision à venir ne leur est pas directement imputable, que la demande de condamnation provisionnelle se heurte à des contestations sérieuses au stade du référé.
En outre, sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile, la cour constate que, dans la mesure où l’interdiction de commercialisation du médicament générique a cessé une fois l’ordonnance de référé rendue, la société BIOGARAN ne démontre pas un dommage imminent ou la nécessité de faire cesser un trouble manifestement illicite justifiant l’octroi d’une provision de 3 000 000 d’euros à valoir sur le préjudice subi pour manoeuvres déloyales et anti-concurrentielles.
C’est en conséquence à juste titre que le premier juge a rejeté les demandes formulées à ce titre, l’ordonnance déférée étant confirmée de ce chef.
Sur les autres demandes :
Les sociétés NOVARTIS, succombants, seront condamnées in solidum aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par Maître Dominique OLIVIER, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu’elles ont exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner les sociétés NOVARTIS à verser à la société BIOGARAN une somme de 150.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
— écarté les fins de non-recevoir opposées à l’action des sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS ;
— débouté la société NOVARTIS AG de ses demandes fondées sur la demande de brevet EP 2 959 894 ;
— débouté la société NOVARTIS PHARMA SAS de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale ;
La confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déclare irrecevable, au jour de la décision du juge des référés, les demandes présentées par les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS,
Vu l’évolution du litige,
Déclare recevables les demandes présentées par les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS,
Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes présentées par les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS,
Y ajoutant,
Condamne in solidum la société NOVARTIS AG et la société NOVARTIS PHARMA, aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés par Maître Dominique OLIVIER conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Condamne in solidum société NOVARTIS AG et la société NOVARTIS PHARMA à verser à la société BIOGARAN, une somme de 150.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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