Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 8, 18 février 2025, n° 23/08252
TCOM Paris 4 avril 2023
>
CA Paris
Infirmation partielle 18 février 2025

Arguments

Le contenu a été généré à l’aide de l’intelligence artificielle. Pensez à vérifier son exactitude.

Signaler une erreur.
  • Rejeté
    Non-responsabilité pour le passif constaté lors du premier redressement

    La cour a estimé que les fautes de gestion commises avant l'ouverture de la liquidation judiciaire sont prises en compte pour établir la responsabilité de l'appelant.

  • Accepté
    Contribution à l'insuffisance d'actif

    La cour a confirmé que les fautes de gestion de l'appelant ont contribué à l'insuffisance d'actif, justifiant ainsi la condamnation.

  • Rejeté
    Absence de poursuite d'activité déficitaire

    La cour a jugé que l'appelant a poursuivi une activité déficitaire en connaissance de cause, justifiant ainsi la mesure de faillite personnelle.

  • Accepté
    Comptabilité incomplète

    La cour a retenu que l'absence de comptabilité régulière constitue une faute grave justifiant la faillite personnelle.

Résumé par Doctrine IA

Dans cette décision de la Cour d'appel de Paris, M. [T] [O] [V] [S] conteste le jugement du Tribunal de commerce de Paris qui l'a condamné à verser 850 000 euros pour insuffisance d'actif et a prononcé une faillite personnelle de 10 ans. La juridiction de première instance a retenu des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, notamment la poursuite d'une activité déficitaire et le non-respect des obligations comptables. La Cour d'appel, après avoir confirmé l'existence de fautes de gestion, a infirmé le montant de la condamnation à 500 000 euros et réduit la durée de la faillite personnelle à 7 ans, tout en maintenant la responsabilité de M. [S] pour l'insuffisance d'actif.

Le contenu a été généré à l’aide de l’intelligence artificielle. Pensez à vérifier son exactitude.

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 8, 18 févr. 2025, n° 23/08252
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 23/08252
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 3 avril 2023, N° 2021006364
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 17 juin 2025
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 18 FÉVRIER 2025

(n° / 2025 , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/08252 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHSGE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 avril 2023 -Tribunal de commerce de Paris – RG n° 2021006364

APPELANT

Monsieur [T] [O] [V] [S]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté et assisté de Me Myriam LAHANA, avocate au barreau de PARIS, toque : D1537,

INTIMES

S.E.L.A.R.L. [J] [23], prise en la personne de Maître [L] [P] [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la SA [16], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 322 097 940, désignée à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Paris du 13 février 2018,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 530 194 968,

Dont le siège social est situé [Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocate au barreau de PARIS, toque : D2090,

Assistée de Me Augustin BILLOT, avocat au barreau de PARIS de la SELARL PBM, toque : B0899,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL – SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 3]

[Localité 6]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 novembre 2024, en audience publique, devant la cour, composée de :

Mme Constance LACHEZE, conseillère,

Monsieur François VARICHON, conseiller,

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, conseillère,

Qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Mme Constance LACHEZE dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

MINISTÈRE PUBLIC auquel l’affaire a été régulièrement communiqué, représenté lors des débats par M. François VAISSETTE, avocat général, qui a rendu son avis écrit le 19 septembre 2023 et ses observations orales lors de l’audience.

Greffier, lors des débats : Mme Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

— Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Constance LACHEZE, conseillère faisant fonction de présidente, et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

La société anonyme [16] (la société [16]) exerçait depuis 1981 une activité d’installation de réseaux téléphoniques et électriques. Elle était dirigée par M. [T] [O] [V] [S], associé majoritaire exerçant les fonctions de président directeur général. Elle avait pour actionnaire minoritaire M. [N] [S], son frère, également nommé aux fonctions de directeur général délégué et d’administrateur, et la société [19]. M. [Y] [E] était administrateur de la société [16].

Sur déclaration de cessation des paiements et par jugement du 22 mars 1999, elle a bénéficié d’une procédure de redressement judiciaire. Un jugement du 22 mai 2001 a arrêté un plan de continuation sur 20 ans. Ce plan a été modifié une première fois par jugement du 9 novembre 2007, puis un nouveau redressement judiciaire a été ouvert à son profit par jugement du 14 janvier 2014. Me [F] a été désigné en qualité d’administrateur judiciaire et la SELARL [J] [23], prise en la personne de Me [J], en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 25 septembre 2015, le tribunal a arrêté un nouveau plan de continuation sur 10 ans avec des annuités progressives pour rembourser un passif admis de près de 11,9 millions d’euros (la direction de la société estimant n’avoir à supporter que 8,5 millions d’euros) et avec un échéancier de remboursement de la créance de l’AGS sur 20 mois, maintenu Me [J] en qualité de représentant des créanciers et désigné Me [F] en tant que commissaire à l’exécution du plan.

Sur assignations de la Caisse de congés payés du bâtiment et de l’URSSAF invoquant des créances au titre des périodes postérieures au jugement d’ouverture du redressement judiciaire et sur requête du commissaire à l’exécution du plan faisant état de la création d’un nouveau passif estimé à 371 000 euros, le tribunal de commerce de Paris a, après avoir joint les trois instances et par jugement du 13 février 2018, prononcé la résiliation du plan de redressement et ouvert une procédure de liquidation judiciaire, fixé la date de cessation des paiements au 25 septembre 2017 et nommé en qualité de mandataire liquidateur la SELARL [J] [23] prise en la personne de Me [L]-[P] [J] et Me [G] [F] en qualité d’administrateur judiciaire.

Par ordonnance du 19 avril 2018, le juge-commissaire a commis M. [R] [K] afin d’analyser la comptabilité de la société [16].

Par jugement du 15 novembre 2019, le tribunal de commerce a reporté la date de cessation des paiements au 14 août 2016. Par ordonnance rendu par le conseiller de la mise en état le 29 octobre 2020, l’appel interjeté par M. [S] à l’encontre de ce jugement a été déclaré irrecevable car formé hors délai.

Le montant du passif déclaré dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire s’élève à la somme de 19 406 721,36 euros et le passif définitivement admis est de 12 170 601,91 euros. L’actif recouvré s’élevant à 667 238,54 euros, l’insuffisance d’actif est de 11 503 363,37 euros.

Par assignation du 11 janvier 2021, la SELARL [J] [23] prise en la personne de Me [L]-[P] [J] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société [16] a saisi le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir condamner

MM. [T] et [N] [S] et M. [Y] [E] à supporter l’insuffisance d’actif et prononcer à leur encontre une mesure de faillite personnelle, leur reprochant la poursuite abusive d’une activité structurellement déficitaire, le non-respect des obligations comptables, ainsi que, uniquement au soutien de sa demande de condamnation à l’insuffisance d’actif, le manquement aux obligations sociales et fiscales et le retard dans la déclaration de cessation des paiements.

Par jugement contradictoire du 4 avril 2023, le tribunal de commerce de Paris a :

— débouté M. [T] [S] de sa demande de sursis à statuer,

— débouté M. [N] [S] de sa demande d’inopposabilité à son encontre du jugement du 15 novembre 2019,

— condamné M. [T] [S] à payer à la SELARL [J] [23] ès qualités la somme de 850 000 euros au titre de sa responsabilité dans l’insuffisance d’actif de la société [16],

— condamné M. [N] [S] à payer à la SELARL [J] [Z] ès qualités la somme de 5 000 euros au titre de sa responsabilité dans l’insuffisance d’actif de la société [16],

— dit n’y avoir lieu à condamnation de M. [E] à ce titre,

— prononcé la faillite personnelle de M. [T] [S] pour une durée de 10 ans,

— prononcé à l’encontre de M. [N] [S] une mesure d’interdiction de gérer d’une durée de 4 ans, les sociétés [22] et [12] étant exclues de cette interdiction,

— prononcé à l’encontre de M. [Y] [E] une mesure d’interdiction de gérer d’une durée de 1 an,

— dit que ces sanctions feront l’objet d’une inscription au Fichier national des interdits de gérer,

— prononcé l’exécution provisoire du jugement,

— débouté les parties de leurs demandes, autres, plus amples ou contraires,

— condamné M. [T] [S] à payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que le passif avait augmenté de 6 245 000 euros entre le 14 janvier 2014, jour de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, et le 13 février 2018, date d’ouverture de la liquidation judiciaire, que les comptes de l’exercice 2015 ne présentaient pas une image fidèle de la société, que les comptes annuels n’avaient pas été arrêtés en 2016 et 2017, que M. [T] [S] expliquait avoir laissé l’activité perdurer pour recouvrer des fonds de la société [21] largement insuffisants pour couvrir le passif, que cette faute a contribué à l’insuffisance d’actif à hauteur de 6 245 000 euros, que le manquement aux obligations sociales et fiscales et le retard dans la déclaration de cessation des paiements étaient avérés mais leurs conséquences prises en compte dans le précédent point.

Il a limité la responsabilité de M. [N] [S] compte tenu de la démission de ce dernier de ses fonctions de directeur général délégué le 20 octobre 2014 et de son retrait de la gestion courante de la société.

Il n’a pas condamné M. [E] au titre de l’insuffisance d’actif car son nom n’apparaissait dans aucun document lié aux différentes procédures collectives.

Par déclaration du 2 mai 2023, seul M. [T] [O] [V] [S] a relevé appel à l’encontre des chefs de jugement le condamnant.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 30 juillet 2023, M. [T] [O] [V] [S] demande à la cour :

— de déclarer son appel recevable et bien fondé ;

— d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a condamné à payer la somme de 850 000 euros au titre de l’insuffisance d’actif, en ce qu’il a prononcé une faillite personnelle et en ce qu’il l’a condamné à payer une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— statuant à nouveau, de prononcer une mesure d’interdiction de gérer d’une durée de 2 ans ;

— de rejeter toutes autres demandes ;

— de juger que chacun conservera la charge de ses dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 1er septembre 2023, la SELARL [J] [23] prise en la personne de

Me [L]-[P] [J] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société [16] forme appel incident et demande à la cour :

— d’infirmer le jugement sur le quantum de la condamnation de M. [T] [S] pour insuffisance d’actif et de fixer la contribution de ce dernier à une somme supérieure à 850 000 euros ;

— de confirmer le jugement pour le surplus ;

— à titre subsidiaire, uniquement si la cour devait infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé une faillite personnelle d’une durée de 10 ans, de prononcer à l’encontre de M. [S] une mesure d’interdiction de gérer d’une durée de 10 ans ;

— en tout état de cause, de débouter M. [S] de ses demandes ;

— de le condamner à lui verser la somme de 6 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le ministère public, auquel la procédure a été communiquée et qui a fait parvenir au conseiller de la mise en état un avis sur l’incident de radiation, n’a pas fait d’observations sur le fond contrairement en ce qui est indiqué dans ses écritures sur incident.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 22 octobre 2024.

SUR CE,

Sur l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif

Au soutien de sa demande d’infirmation, M. [S] fait valoir qu’il ne saurait être tenu au passif constaté lors du premier redressement et qui s’élève à plus de 11 millions d’euros (11 086 000 euros), alors qu’il a été maintenu aux fonctions de dirigeant de la société [16] dans le cadre du plan de redressement ce qui confirme qu’il n’a pas été relevé de faute à son égard à cette date et que ce passif n’est pas imputable à une faute de gestion. Il ajoute que depuis lors, le passif n’a augmenté que de 417 363,3 euros et qu’il conteste 2,6 millions d’euros du passif précité de 11 086 000 euros, somme qui découle d’une facture d’un partenaire de la société [16] et que le liquidateur n’a pas recouvrée, raison pour laquelle il a demandé le sursis à statuer.

Il en déduit que la cour ne peut qu’infirmer le jugement et que sa contribution ne saurait être supérieure à 5 000 euros comme cela a été le cas pour un autre dirigeant.

La SELARL [J] [Z] ès qualités rétorque qu’une faute de gestion peut être reprochée au dirigeant avant l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, que l’insuffisance d’actif est de -11 503 363,37 euros, ce qui représente la différence entre le montant du passif constitué par les créances définitivement admises (12 170 601,91 euros) et le montant de l’actif recouvré, soit 667 268,54 euros et qu’après retranchement du passif superprivilégié, l’insuffisance d’actif demeure égale à la somme de 10 660 811,05 euros, de sorte qu’elle est certaine, seule condition exigée par la jurisprudence.

Sur les fautes de gestion, elle se fonde sur le rapport du technicien qui a constaté une augmentation du passif déclaré de 4,2 millions d’euros, voire de 6,245 millions d’euros en ajoutant les créances provisionnelles, sur une période de 4 ans entre l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire en janvier 2014 et l’ouverture de la liquidation judiciaire, a relevé les retards de paiement de fournisseurs, le défaut de paiement des cotisations sociales à compter du 3ème trimestre 2015, des retards de paiement de TVA de 128 000 euros en 2015 et de 303 929,18 euros au 30 novembre 2017, l’absence de reversement systématique de la part salariale des cotisations prélevées sur les salariés, les 39 inscriptions de privilèges de la part des organismes sociaux, une dette fiscale conséquente et ancienne, les 13 saisies-attributions retrouvées dans les archives de la société [16].

Elle en déduit que l’activité était structurellement déficitaire et que sa poursuite a contribué à l’insuffisance d’actif à hauteur de 6 245 000 euros, qu’en dépit du bénéfice de plans de redressement et d’un nouvel échelonnement « hors plan » en 2009, la société [16] n’a pas su prendre les mesures nécessaires pour être à jour de ses arriérés fiscaux et sociaux et que cette faute a contribué à l’insuffisance d’actif à raison de 5 662 522,88 euros, que la déclaration de cessation des paiements a été déposée avec retard, car l’état de cessation des paiements existait depuis le 14 août 2016, ce qui a contribué à l’insuffisance d’actif à hauteur de 853 340,34 euros, que les comptes n’ont pas été tenus en 2016 et 2017 et que les comptes de 2015 ne donnent pas une image fidèle de la situation de l’entreprise.

Elle propose, pour éviter une double comptabilisation des mêmes sommes, de retenir que le lien de contribution est caractérisé et que les fautes de gestion ont contribué à l’insuffisance d’actif de la société [16] à hauteur de 6 515 863,22 euros et de condamner M. [T] [S] à payer cette somme à la liquidation judiciaire.

Sur ce,

L’article L. 651-2 du code de commerce dispose : « Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée (') ».

L’accueil de cette action suppose l’existence d’une insuffisance d’actif et de fautes de gestion y ayant contribué, étant précisé qu’en l’espèce, la qualité de dirigeant de droit de

M. [S], qui exerçait les fonctions de président directeur général de la société [16], n’est pas contestée.

Sur l’insuffisance d’actif

L’article L. 651-2 du code de commerce fixe le domaine de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif à la liquidation judiciaire, celle ouverte ab initio mais aussi celle prononcée par conversion pendant la période d’observation d’une sauvegarde ou d’un redressement judiciaire et celle ouverte après résolution d’un plan de sauvegarde ou de redressement en raison de la cessation des paiements survenue pendant l’exécution du plan.

Il résulte de ce texte que le passif à prendre en considération est celui de la liquidation judiciaire et non celui de la procédure de redressement judiciaire qui l’a précédée. Cependant le passif de la liquidation judiciaire se trouve également composé des créances restées impayées du fait de la résolution du plan de continuation, de sorte que M. [S] ne peut valablement prétendre qu’il y a lieu de cantonner le passif aux seules créances nées pendant la période d’exécution du plan.

Ainsi l’insuffisance d’actif s’établit à la différence entre le montant du passif admis et correspondant à des créances antérieures au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire et le montant de l’actif de la personne morale débitrice, tel qu’il résulte non seulement des réalisations d’actifs mais encore du produit de toutes les sommes détenues par le liquidateur à la suite d’encaissements, recouvrements de créances et actions de quelque nature qu’elles soient ayant abouti à augmenter le gage commun des créanciers.

A cet égard, il ressort des pièces versées aux débats par le liquidateur judiciaire que le passif définitivement admis s’élève à la somme de 12.170.601,91 euros et que le montant de l’actif s’élève à la somme de 667.238,54 euros, de sorte qu’à la date à laquelle la cour statue, le montant de l’insuffisance d’actif est de 11.503.363,37 euros.

Sur les fautes de gestion

S’agissant des fautes de gestion, il est inexact d’affirmer comme le fait M. [S], qu’en cas de redressement judiciaire, suivi d’un plan de redressement, puis d’une liquidation judiciaire, la faute doit être postérieure à l’adoption d’un plan et que l’arrêté d’un plan signifie nécessairement qu’il a été jugé qu’il n’avait commis aucune faute de gestion.

Le texte précité prévoit que la faute de gestion qu’il vise doit avoir été commise avant l’ouverture de la liquidation judiciaire qui autorise l’exercice de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif. Ni le jugement ouvrant le redressement judiciaire, ni celui arrêtant le plan de redressement n’exonèrent le dirigeant social de sa responsabilité et les fautes de gestion commises pendant la période d’observation du redressement judiciaire, comme pendant l’exécution du plan, peuvent être prises en considération pour fonder l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif dès lors qu’elles sont antérieures au jugement de liquidation judiciaire.

Devant la cour, M. [S] ne critique précisément aucune des fautes de gestion que lui reproche le liquidateur judiciaire.

— Sur le non-respect des obligations comptables

Les articles L. 232-1 et L. 123-14 du code de commerce prévoient notamment d’une part, qu’à la clôture de chaque exercice le conseil d’administration, le directoire ou les gérants dressent l’inventaire, les comptes annuels conformément aux dispositions de la section 2 du chapitre III du titre II du livre Ier et établissent un rapport de gestion écrit et, d’autre part, que les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise.

Il ressort de l’analyse de la comptabilité effectuée par M. [K] (pièce n°2 du liquidateur judiciaire) que jusqu’au 31 décembre 2015 les comptes annuels ont été déposés au greffe du tribunal de commerce, que le commissaire aux comptes a certifié sans réserve les comptes 2015, M. [S] lui ayant affirmé qu’il n’avait 'connaissance d’aucun élément nouveau susceptible de compromettre’ les plans d’actions définis pour l’avenir visant à permettre la poursuite de l’activité pendant les 12 prochains mois et que 'toutes les dépréciations nécessaires ont été constituées pour ramener les éléments d’actifs à leur valeur actuelle', que les comptes 2016 n’ont pas été arrêtés, malgré la prorogation du délai d’approbation des comptes jusqu’au 31 octobre 2017 ainsi que les relances de l’expert-comptable et du commissaire aux comptes, que le grand-livre provisoire ainsi que les fichiers des écritures comptables pour les exercices 2016, 2017 et la période du 1er janvier au 13 février 2018 ne lui ont pas été transmis, et que seuls quelques éléments pour 2017 lui ont été communiqués tardivement. Il conclut à l’absence de comptes clos au 31 décembre 2016 et au 31 décembre 2017.

En ce qui concerne les derniers comptes arrêtés et certifiés à fin 2015, qui font apparaître un bénéfice de 112 000 euros portant les capitaux propres à 2 050 000 euros, il relève qu’aucune provision n’a été comptabilisée :

(i) sur la créance [21], d’un total de 4,2 millions d’euros, alors que dans le cadre des négociations entreprises, la [21] proposait de régler seulement une somme de 1,6 millions d’euros dont 1,2 millions d’euros de restitution de la caution bancaire de bonne fin et 0,4 millions d’euros de prestations (sur les 3,2 millions d’euros de créances comptabilisées à l’actif), étant précisé que figurait en annexe des comptes annuels cette information supplémentaire qui s’avère inexacte :'la société [16] détient une créance à l’export de 4.419.272,81€ représentant plus de 68% de l’encours clients au 31/12/2015. La société rencontre des difficultés pour recouvrir cette créance suite à des problèmes géopolitiques dans le pays concerné. Le client est solvable et la prestation n’étant pas remise en cause, il n’a pas été comptabilisé de provision sur ce dû client’ ;

(ii) sur les créances clients d’un total de 1 292 000 euros antérieures à 2015 et n’ayant fait l’objet d’aucun règlement dont [9] pour 264 000 euros, IH pour 246 000 euros, Serie pour 141 000 euros et Sade pour 120 000 euros ;

(iii) sur les avances faites à la filiale [17], inscrite en débiteurs divers pour 838 000 euros ;

(iv) sur les titres et créances rattachées à [20] (103 000 euros à l’actif) et [14] (88 000 euros à l’actif) étant précisé que la première était en liquidation judiciaire depuis 2014 et que la seconde a été radiée en 2017.

Il résulte de ces constatations, qui ne sont pas contredites, d’une part, que la comptabilité de 2015 ne présente pas une image fidèle de la société, d’autre part, que la comptabilité n’a pas été tenue pour les exercices 2016 et 2017.

Cette faute a nécessairement contribué à aggraver l’insuffisance d’actif dans la mesure où l’absence de comptabilité régulière et sincère a empêché le dirigeant d’avoir une gestion efficace et sincère, le passif révélé étant sans commune mesure avec celui annoncé lors de l’ouverture de la procédure, et fait obstacle aux recouvrements de créances détenues par la société. D’autre part, elle a privé les tiers d’un outil qui aurait pu permettre de limiter les conséquences financières des autres fautes de gestion.

— Sur la poursuite abusive d’une activité structurellement déficitaire

Selon les énonciations du jugement du 25 septembre 2015 ayant arrêté le plan de redressement (pièce n°2 de l’appelant), le « plan de développement préparé par le management de [16] » prévoyait pour 2015 un chiffre d’affaires de 10,8 millions d’euros, en hausse de 54% par rapport à 2014 « basé sur le carnet de commande et les travaux en cours en tenant compte d’un chiffre d’affaires sur le client [8] de 15% supérieur au montant signé par [8] », « une croissance annuelle moyenne du chiffre d’affaires de 3,7% entre 2016 et 2025 », « un taux de marge nette en augmentation de 27% sur l’horizon du plan (augmentation de 28,2% à 35,8%) », « une progression des charges fixes de 5,6% par an », « un encaissement de 1,6 millions d’euros en 2016 lié au litige avec la [21] », ce qui devait aboutir à un montant cumulé de 12 millions d’euros sur 10 ans.

Le tribunal dans son jugement du 25 septembre 2015 relevait à cet égard que ces hypothèses étaient très ambitieuses et que les prévisions d’activités et le montant du passif étaient d’une grande incertitude, se référant à la revue réalisée par le cabinet [11] à la demande de l’administrateur judiciaire, selon laquelle la croissance annuelle moyenne du chiffres d’affaires pouvait être estimée à 2% au lieu de 3,7% , le taux de marge nette devait demeurer stable à 28,2% au lieu d’une croissance à 35% sur la durée du plan, la progression des charges fixes était évaluée à 2% par an au lieu de 5,6% et le montant du résultat cumulé en résultant se chiffrerait à 8,7 millions d’euros sur 10 ans au lieu de 12 millions d’euros, soit un écart de -3,3 millions d’euros sur les résultats cumulés par rapport au plan de développement proposé par la direction de [16]. Estimant que les commandes déjà signées permettait de sécuriser une partie de l’activité sur les 3 années suivantes et que les discussions semblaient évoluer favorablement, le tribunal a toutefois arrêté le plan proposé.

Il s’avère ensuite que les objectifs du plan de continuation homologué par le tribunal n’ont pas été atteints, ainsi que cela ressort du rapport du technicien, compte tenu du « décalage important entre le chiffre d’affaires prévisionnel et le chiffre d’affaires réalisé » et ce dès l’exercice 2015 (8 944 000 euros réalisés contre 10 800 000 euros prévus en 2015 et 6 793 000 euros réalisés contre 11 100 000 euros prévus en 2016), de « l’absence de maitrise des charges d’exploitation face à la baisse importante de chiffre d’affaires » et de « l’absence d’encaissement de la somme de 1,6 millions d’euros (proposée pour mettre fin au) litige [21] » qui avait été intégrée aux prévisionnels en 2016. Après avoir relevé l’impact négatif du chiffre d’affaires non réalisé sur la trésorerie de -1,7 millions d’euros au terme des exercices 2015 et 2016, l’expert indique qu’il est la raison principale des difficultés rencontrées par le débiteur dans la réalisation du plan de continuation.

A cela s’ajoute dans le même temps une forte hausse du passif, le passif déclaré ayant augmenté de 4,2 millions d’euros entre le 14 janvier 2014 et le 13 février 2018 et le passif non contesté par la société [16] atteignant 14,8 millions d’euros en février 2018 ayant augmenté pour sa part de 6,2 millions d’euros sur cette période de 4 ans.

Le technicien explique que la poursuite de l’activité avec de tels déficits n’a été rendue possible qu’au moyen des retards de paiement des fournisseurs et des défauts de paiement de l’Urssaf, de [13] et de la Caisse de congés intempéries BTP. Il précise à cet égard qu’à compter du 3ème trimestre 2015, la société [16] a cessé de régler l’ensemble des cotisations échues, que cette politique de défaut de paiement intégral des obligations fiscales et sociales s’est amplifiée une fois le plan de continuation adopté, qu’à compter de 2016, les retards n’ont pu être régularisés, que l’Urssaf, [13] et la Caisse des congés payés ont adressé de nombreux avis d’inscriptions de privilège (39) et mises en demeure relatifs au défaut de paiement de cotisation, que par ailleurs la part salariale des cotisations n’a pas été reversée de manière systématique aux organismes sociaux, ce qui interdisait tout accord ou tout échéancier.

M. [K] relève ensuite que les prévisions de croissance proposées par la société [16], admises par le cabinet [11] et sur lesquelles s’est fondé le tribunal qui a arrêté le plan de continuation, étaient basées sur la facturation à fin avril 2015 et qu’en septembre 2015, date du jugement, les dirigeants de la société [16] n’ignoraient pas qu’elles devaient déjà être revues à la baisse, avec une contraction du volume d’activité, des marchés publics difficilement reconduits en raison des dettes sociales et une facturation du client [7] inférieure de -1 216 000 euros par rapport au prévisionnel.

Dans ces conditions, force est de constater que l’activité déficitaire s’est poursuivie de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire (14 janvier 2014) à la liquidation judiciaire (13 février 2018) et que la poursuite de l’activité est fautive depuis 2016, date à partir de laquelle les retards n’ont pu être régularisés, la poursuite de l’activité ayant avant cette date été autorisée par le tribunal dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire excluant pas là-même la faute du dirigeant.

Le liquidateur judiciaire relève à juste titre que, non seulement l’entreprise a été incapable de rembourser son plan de redressement mais que le passif non contesté s’est trouvé aggravé de 6 245 000 euros entre janvier 2014 et février 2018. Il y a donc tout lieu de considérer qu’est imputable à la poursuite abusive de l’activité déficitaire à partir de 2016 une insuffisance d’actif qui ne peut être inférieure à une somme évaluée à 3,1 millions d’euros (soit a minima deux ans sur la période de 4 ans considérée par le liquidateur et le technicien dans leur chiffrage).

M. [S] en tant que président du conseil d’administration et directeur général ne pouvait qu’être informé de la réalité de la situation et du fait que le passif s’aggravait dans des proportions très significatives, l’entreprise n’étant pas en mesure de faire face aux échéances du plan et à ses échéances fiscales et sociales courantes concomitamment.

Ainsi M. [S], qui a continué à percevoir sa rémunération fixée par le juge-commissaire à 8 500 euros brut mensuels, à utiliser le fonds de caisse pour plus de 60 000 euros en 2016 et 2017 et la carte bancaire de l’entreprise pour environ 4 000 euros par mois sur la période, a poursuivi en toute connaissance de cause et dans son propre intérêt, une exploitation déficitaire en dépit de la diminution importante du chiffre d’affaires et d’une incapacité à régler les fournisseurs et les cotisations sociales et fiscales pendant plusieurs années. Cette faute de gestion a contribué à l’insuffisance d’actif à hauteur d’une somme qui ne peut être inférieure à 3 100 000 millions d’euros.

— Sur le manquement aux obligations fiscales et sociales

Cette faute de gestion s’induit de l’examen de la précédente et du constat selon lequel entre 2016 et 2018, l’insuffisance d’actif n’a fait que s’accroitre en raison des arriérés fiscaux et sociaux très significatifs qui se sont accumulés.

Il ressort du rapport du technicien que postérieurement à l’arrêté du plan, le passif social et fiscal s’est accru d’au moins 3 344 000 euros, montant qui comprend de très nombreuses pénalités et majorations. En outre, le non-paiement des dettes sociales et fiscales relève d’un choix de gestion délibéré et répété du dirigeant alors que la société a bénéficié de trois plans de redressement depuis 2001, que les créances fiscales et sociales qui existaient en 2014 totalisant 2 190 574,09 euros (certaines créances étant très anciennes) sont toutes inscrites au passif de la liquidation judiciaire et que les quelques échéances qui ont été réglées dans le plan n’ont pu être honorées qu’en créant le nouveau passif fiscal qui a été déclaré dans le cadre de la liquidation judiciaire.

La faute de gestion est ainsi caractérisée sur une longue période et pour des montants très importants, étant rappelé que 39 inscriptions de privilèges ont été prises entre février 2016 et février 2018. Cette faute de gestion a contribué à l’insuffisance d’actif pour un montant qui n’est pas inférieur à 3 344 000 euros à ce titre.

— Sur l’absence de déclaration de cessation des paiements

La date de cessation des paiements a été irrévocablement fixée au 14 août 2016 par le jugement du 15 novembre 2019 et s’impose à la cour.

M. [S], qui avait déjà antérieurement déclaré la cessation des paiements de la société [16] et qui connaissait les règles des procédures collectives pour avoir été le dirigeant de plusieurs sociétés qui en ont fait l’objet, n’a pas régularisé de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours à compter du 14 août 2016, alors qu’il connaissait l’état de cessation des paiements de la société, compte tenu de la situation décrite plus haut et de l’accumulation des défauts de paiement des organismes sociaux et fiscaux depuis janvier 2016 qu’il ne pouvait ignorer en tant que président directeur général de la société.

Il résulte des pièces produites par le liquidateur judiciaire que cette faute de gestion a contribué à l’insuffisance d’actif a minima à hauteur de 853 340,34 euros, somme qui représente le montant des deux déclarations de créance de la SCI [10] (416 314,26 euros) et de la SARL [15] (437 026,08 euros) sans compter les créances fiscales et sociales.

Sur le montant de la contribution à l’insuffisance d’actif

Les fautes de gestion alléguées sont toutes établies. Elles sont graves et multiples et le montant de l’insuffisance d’actif est considérable.

Il résulte des pièces versées aux débats par M. [S] qui n’invoque dans ses écritures aucun élément de personnalité, qu’il est âgé de 72 ans, retraité, qu’il souffre de différentes maladies et qu’il doit acquitter plusieurs dettes personnelles.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, M. [T] [S] doit donc être tenu de contribuer à l’insuffisance d’actif à concurrence de la somme de 500 000 euros.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné M. [T] [S] à supporter personnellement une partie de l’insuffisance d’actif de la société [16] mais infirmé sur le quantum de la condamnation qui sera fixé à 500 000 euros.

Sur la sanction personnelle

Au soutien de son appel, M. [S] fait valoir qu’il n’a pas poursuivi d’activité déficitaire, la créance de l’URSSAF ayant été rejetée dans le cadre de la liquidation judiciaire par jugement du 25 novembre 2017, que la prétendue poursuite d’activité déficitaire n’est fondée que sur le prétendu retard dans la déclaration de cessation des paiements, qu’il a en réalité fait en sorte de sauver l’entreprise qu’il avait créée 25 ans plus tôt.

Le liquidateur judiciaire réplique que M. [S] a commis deux fautes d’une particulière gravité qui justifient le prononcé d’une mesure de faillite personnelle, à savoir la poursuite d’une activité structurellement déficitaire et la tenue d’une comptabilité incomplète ou irrégulière, que les irrégularités comptables qui ont perduré pendant trois ans ont eu pour effet de dissimuler la gravité de la situation et ont permis l’octroi de reports de la part du tribunal, que M. [S] a été sanctionné par jugement du 22 octobre 2019 au titre de griefs commis dans le cadre de la gestion d’une société [18] à une faillite personnelle de 6 ans.

Sur ce,

Sur la poursuite abusive, dans un intérêt personnel, d’une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements

Selon l’article L. 653-4 du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale ayant poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale.

En l’espèce, il a été jugé précédemment que M. [S] a poursuivi volontairement et en toute connaissance de cause une exploitation déficitaire en dépit de la diminution importante du chiffre d’affaires et d’une incapacité à régler les fournisseurs et les cotisations sociales et fiscales pendant plusieurs années. Cette situation n’a pu que conduire inexorablement à la cessation des paiements de la société [16].

En ce qui concerne l’intérêt personnel de M. [S], la cour ne peut que retenir, comme l’ont constaté le technicien et le liquidateur judiciaire, que M. [S] a perçu une rémunération de 8 500 euros brut par mois pendant les années 2015 et 2016 et qu’il a engagé d’importants frais de mission, de parking et de restauration, par l’utilisation du fonds de caisse et les retraits d’espèce et qu’il a utilisé la carte bancaire de la société pour environ 4 000 euros par mois, alors que dans le même temps il n’a ouvert aucun compte courant d’associé dans les livres de la société, qu’il n’est justifié ni d’avances ou d’apports en faveur de la société et qu’aucun engagement personnel à son profit n’a été souscrit.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que ce grief est caractérisé.

Sur la comptabilité

L’article L. 653-5 du code de commerce prévoit que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l’article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l’un des faits suivants : avoir fait disparaître les documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font l’obligation ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

M. [S] ne conteste pas le second grief reproché par le liquidateur judiciaire et retenu par le tribunal. Il est constant que M. [S] avait l’obligation de tenir la comptabilité pour la société [16].

Il a été précédemment jugé qu’il ne l’a pas fait pour 2016 et 2017 et il ne peut être sérieusement contesté que la comptabilité de 2015 revêt un caractère fictif en ce qu’elle ne reflète pas fidèlement la situation de la société.

Dès lors, ce grief sera retenu.

Sur la sanction

Ces deux griefs retenus revêtent un caractère particulièrement grave en ce qu’ils manifestent une dénégation des impératifs de gestion d’une société et pour l’un a été commis dans l’intérêt personnel du gérant.

Pour sanctionner les deux griefs retenus à l’encontre de M. [S] par le prononcé d’une faillite personnelle pendant une durée de 7 ans , la cour retiendra tout d’abord la gravité des faits et le fait que M. [S] a été et demeure dirigeant de plusieurs sociétés qui ont été liquidées et radiées, qu’il a été condamné par jugement du 22 octobre 2019 par le tribunal de commerce de Paris à la faillite personnelle pendant une durée de 6 ans, pour des faits commis alors qu’il avait dirigé de juillet 2012 à mars 2015, la société [18], et qu’il lui était reproché notamment le défaut de tenue de comptabilité, l’ensemble de ces faits établissant que M. [S] doit être écarté de façon significative de la vie des affaires, compte tenu de son inaptitude flagrante à gérer correctement une entreprise et des préjudices qu’il cause aux créanciers des sociétés qu’il dirige.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a prononcé une mesure de faillite personnelle et infirmé en ce qui concerne la durée de la sanction prononcée.

— Sur les demandes accessoires

M. [S], qui demeure condamné en cause d’appel, sera condamné aux dépens d’appel, le jugement étant confirmé s’agissant des dépens de première instance.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile compte tenu de la somme allouée en première instance par le jugement qui sera confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en ses dispositions attaquées sauf en ce qu’il a condamné M. [T] [V] [S] à payer au liquidateur judiciaire la somme de 850 000 euros au titre de sa responsabilité dans l’insuffisance d’actif de la société de la société [16] et en ce qu’il a fixé la durée de la faillite personnelle à 10 ans ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne M. [T] [V] [S] à payer à la SELARL [J] [23], prise en la personne de Maître [L]-[P] [J], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [16], la somme de 500 000 euros, au titre de l’insuffisance d’actif de ladite société ;

Fixe la durée de la faillite personnelle de M. [T] [V] [S] à 7 (sept) années et ordonne la modification de l’inscription de la durée de la sanction au Fichier national des interdits de gérer ;

Condamne M. [T] [V] [S] aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Déboute la SELARL [J] [23], prise en la personne de Maître [L]-[P] [J], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [16] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La conseillère faisant fonction de présidente,

Constance LACHEZE

Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
Extraits similaires à la sélection

Aucune décision de référence ou d'espèce avec un extrait similaire.

Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 8, 18 février 2025, n° 23/08252