Cour d'appel de Pau, 10 juin 2015, n° 15/02374

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  • Nullité·
  • Mesure administrative

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

XXX

Numéro 15/2374

COUR D’APPEL DE PAU

1re Chambre

ARRÊT DU 10/06/2015

Dossier : 14/01498

Nature affaire :

Demande en nullité de la vente S d’une clause de la vente

Affaire :

H I Z

M N O épouse Z

C/

M Q ROU épouse X

D X

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 10 juin 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 15 avril 2015, devant :

Monsieur C, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame VICENTE, greffier, présente à l’appel des causes,

Monsieur C, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame PONS, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Monsieur C, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur H I Z

né le XXX à XXX

de nationalité française

XXX

XXX

Madame M N O épouse Z

née le XXX à XXX

de nationalité française

XXX

XXX

représentés par Maître Vincent LIGNEY, avocat au barreau de PAU

assistés la SCP AMEILHAUD – ARIES – BERRANGER – BURTIN PASCAL – SENMARTIN, avocats au barreau de TARBES

INTIMES :

Madame M Q ROU épouse X

XXX

XXX

Monsieur D X

XXX

XXX

représentés et assistés de la SCP MAUVEZIN – SOULIE, avocats au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 26 FEVRIER 2014

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES

Par acte en date du 27 décembre 2010, les époux Z ont vendu aux époux X une maison d’habitation sise à Bordères sur l’Echez.

Par acte en date du 2 avril 2012 les époux X ont assigné les époux Z devant le tribunal de grande instance de Tarbes, en vue de voir dire et juger, sur le fondement des articles 1109 et 1116 du code civil, que cette vente est entachée d’un vice du consentement, lequel a été surpris par dol en raison de la dissimulation de l’imminence de la construction d’une rocade de contournement de l’agglomération de Tarbes.

Par jugement en date du 26 février 2014, le tribunal de grande instance de Tarbes a prononcé la nullité de ladite vente, et condamné les époux Z à payer aux époux X les somme de 173 500 € au titre du prix de vente, 12 000 € au titre des frais d’acte notarié, avec intérêts au taux légal depuis le 2 avril 2012 et capitalisation annuelle, paiement des intérêts d’emprunt, 1 500 € au titre du préjudice moral, et de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les époux Z ont régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 14 avril 2014.

Dans le dernier état de leurs écritures d’appel remises et notifiées le 05 février 2015, ils concluent au rejet de l’ensemble des demandes des époux X et à leur condamnation au paiement de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Rappelant que le dol prévu à l’article 1116 du code civil ne peut être constitué que s’il y a un défaut d’information substantiel, intention de tromper, avec caractère déterminant de l’erreur commise, ils retiennent en l’espèce l’absence de man’uvre dolosive déterminante, estimant que les époux X ont été informés par l’agent immobilier de ce que la future rocade passerait près de la maison, ainsi que l’établit une attestation qu’ils produisent, ainsi d’ailleurs qu’une autre attestation produite par les époux X eux-mêmes ; que les époux X étaient très pressés de conclure la vente de telle sorte qu’ils ont sollicité le notaire d’établir une dispense de certificat d’urbanisme, dispense dans laquelle l’acquéreur déclare dans l’acte notarié s’être renseigné personnellement auprès des services compétents sur les dispositions d’urbanisme applicables et être parfaitement informé à ce sujet.

Ils énoncent qu’ils réfutent toute intention dolosive, précisant que la clause insérée dans l’acte selon laquelle le bien ne fait actuellement l’objet d’aucune mesure administrative particulière portant atteinte à la paisible jouissance du bien S à sa destination d’habitation doit être interprétée en ce sens que cette clause porte exclusivement sur l’absence de réserves administratives portant atteinte au bien vendu lui-même.

Ils ajoutent que la réalisation de la rocade n’a pas déprécié le bien vendu ; que la maison ne subit ni nuisances sonores ni aucun désagrément particulier et qu’au surplus les acquéreurs ont loué leur bien, de telle sorte qu’il existe en l’espèce une impossibilité de restitution.

Ils soutiennent qu’ils ignoraient le tracé de la future rocade lors de la vente, et qu’il appartenait aux époux X, informés du projet de rocade, de se renseigner plus précisément à cet égard auprès des services administratifs.

Dans leurs dernières écritures remises et notifiées le 24 février 2015, les époux X concluent au principal à la confirmation du jugement entrepris, sur le fondement de l’article 1116 du code civil et subsidiairement des articles 1183 et 1184.

Très subsidiairement ils sollicitent la condamnation des époux Z au paiement de 69 400 € au titre de l’excès de prix payé pour l’habitation sur le fondement de l’article 1116 du code civil.

Ils sollicitent 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Rappelant qu’antérieurement à l’acquisition litigieuse ils demeuraient en Guyane, ils expliquent que ce n’est que postérieurement à leur installation dans les lieux acquis qu’ils ont appris qu’une rocade allait être construite à proximité de leur immeuble ; qu’ils ont alors été informés de ce que les premières décisions relatives à l’opération d’aménagement de la rocade en cause avaient été prises bien avant la vente.

Ils s’estiment ainsi victimes d’un dol par réticence.

Ils exposent que l’acte de vente comporte une clause selon laquelle le bien vendu ne fait pas actuellement l’objet d’une mesure administrative particulière pouvant porter atteinte à une paisible jouissance S à la destination envisagée par l’acquéreur, et que pourtant les époux Z avaient à ce moment une parfaite connaissance de ce que la construction d’une rocade à proximité était imminente, M. Z étant membre du conseil d’administration d’une association de défense dont l’objet était de s’opposer au tracé actuel de la rocade ; que ce tracé a été définitivement arrêté depuis de nombreuses années que le début des travaux avait été annoncé dès janvier 2009.

Ils estiment en conséquence qu’il existait bien une mesure administrative particulière au jour de la vente au sens de la clause susmentionnée.

Ils rappellent que le tribunal de grande instance a jugé que les vendeurs connaissaient le projet de rocade alors qu’eux-mêmes l’ignoraient ; que les vendeurs ne peuvent soutenir à la fois que la question de la prochaine construction d’une rocade a été clairement abordée lors des pourparlers et que le notaire n’aurait pourtant pas pris alors le soin de l’indiquer dans l’acte ; que l’assiette de la rocade n’a pas varié depuis le premier projet ; que la clause de dispense du certificat d’urbanisme ne concerne que les dispositions d’urbanisme applicable à la parcelle vendue ; que d’ailleurs le certificat d’urbanisme est délivré par la mairie alors que l’autorité administrative en charge de la rocade et le département.

Ils ajoutent que les deux attestations de l’agent immobilier versées aux débats par les époux Z doivent être considérées avec la plus extrême circonspection ; qu’une plainte pour fausse déclaration a d’ailleurs été déposée.

Ils font valoir que l’implantation nouvelle d’une rocade est manifestement une source de nuisances.

Enfin ils détaillent les différents chefs de préjudice qu’ils prétendent avoir subi.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 mars 2015.

MOTIFS DE LA DECISION

1°) Sur la nullité de la vente immobilière

Le jugement entrepris sera confirmé en application de l’article 1116 du code civil, relatif au dol.

Le dol peut être constitué par le silence d’une partie qui dissimule à son cocontractant un fait qui si il avait été connu de lui, l’aurait dissuadé de contracter.

En l’espèce il résulte des éléments versés au dossier que M. et Mme Z ont vendu le 27 décembre 2010 aux époux X une maison d’habitation en ayant omis de leur indiquer l’imminence de la construction d’une rocade de contournement de l’agglomération de Tarbes qui devait passer à proximité immédiate de l’immeuble, provoquer diverses nuisances, et modifier les conditions topométriques d’accès à leur habitation.

On relève tout d’abord que, comme établi par le procès-verbal de constat d’huissier du 4 janvier 2013 versé aux débats, la rocade de contournement de Tarbes passe à une cinquantaine de mètres de la maison des époux X, provoquant sans contestation possible de très importantes nuisances, notamment sonores.

Il est également établi que les travaux de construction de la rocade ont provoqué de très importants désagrément pour les riverains (bruit, poussières) ; que la voie d’accès à la rocade passant devant la maison des époux X a été surélevée d’environ 80 cm.

Il est également établi sans contestation possible d’une part que les travaux n’étaient pas commencés à l’époque de la négociation préalable à la vente et de la visite des lieux par les acquéreurs, et que les vendeurs étaient informés non seulement du projet de déviation de la rocade, mais encore de son tracé précis, M. Z étant depuis longtemps membre actif du comité de défense constitué en association ayant pour objet de s’opposer à la construction du contournement.

Le tracé était prévu depuis longtemps avant la vente, le demandeur produisant l’arrêté de cessibilité en date du 30 août 2007.

L’existence d’un projet de construction à proximité immédiate d’une rocade de contournement constitue manifestement un élément déterminant dans le cadre des négociations de vente, en raison non seulement des nuisances sonores à venir, ainsi que des importants désagréments causés par la construction, mais encore en raison de l’évidente moins-value que peut provoquer pour l’immeuble l’existence d’une telle voie de circulation à une cinquantaine de mètres de l’habitation.

On relève pourtant que la mention du projet de rocade ne figure pas dans l’acte notarié ; qu’aucune des pièces produites par les parties n’établit que ce projet a fait l’objet d’une information précise des acquéreurs, qui jusque-là résidaient outre-mer, et que notamment le projet d’implantation précis de la rocade n’a jamais été communiqué de façon suffisamment exhaustive pour mettre les acquéreurs en mesure d’apprécier les inconvénients en résultant ainsi que la dépréciation inéluctable de la valeur de leur immeuble.

A cet égard les appelants se bornent à produire une attestation de M. F A, qui doit être examinée avec circonspection dans la mesure où M. A est un agent mandataire de l’agent immobilier en charge de la vente, et donc intéressé à obtenir le débouté des intimés et qui se borne à indiquer que durant les deux visites des lieux qu’il a faites avec les acquéreurs, il leur a signalé « qu’une rocade était prévue dans le champ voisin et que les travaux et le tracé étaient à la mairie », cette attestation indiquant que l’agent immobilier n’a ni montré précisément aux acquéreurs l’emplacement de la rocade, ni informé ceux-ci de l’importante dépréciation qui allait en résulter.

Les époux X produisent de leur côté une attestation de M. K-L selon laquelle, durant les formalités notariales, le sujet de la rocade a été brièvement évoqué, et présenté comme projet très ancien de nature éventuelle et le cas échéant lointain, sans que le sujet des nuisances ait été abordé.

Compte tenu du caractère déterminant pour les acquéreurs de la présence de la rocade, dont la mention leur aurait procuré la possibilité de négocier une importante moins-value, il y a lieu de considérer que le dol est établi à la charge des vendeurs, qui étaient dans l’obligation, au titre de l’article 1116 du code civil ainsi que de l’obligation de bonne foi dans la négociation des conventions, de mentionner précisément l’existence du projet de rocade, l’imminence du début des travaux, l’implantation du tracé, ainsi que les nuisances susceptibles d’être apportées, de sorte que les acquéreurs puissent prendre leur décision en connaissance de cause, et éventuellement négocier une moins-value.

Il doit être rappelé que M. et Mme X résidaient en Guyane depuis une dizaine d’années ; qu’ils n’étaient donc pas sensés être informés du projet d’aménagement en cours dans la ville de Tarbes.

Dans ces conditions le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité de la vente pour dol.

Il importe peu que les acquéreurs aient consenti un bail d’habitation à des locataires postérieurement à leur acquisition : ce bail sera certes opposable aux véritables propriétaires, qui récupèreront donc une habitation grevée d’un bail d’habitation : mais ce simple fait n’emporte aucune conséquence sur la question de la nullité de la vente.

Il importe peu également que les acquéreurs aient dispensé le notaire de la production du certificat d’urbanisme avant la vente, dans la mesure où le certificat d’urbanisme, (celui relatif à la vente a finalement été versé aux débats), n’a vocation à mentionner que les restrictions d’urbanisme relatives aux parcelles vendues elles-mêmes, à l’exclusion de toute autre, de telle sorte que l’existence d’un projet tel que celui d’une rocade de contournement n’y figure pas.

2°) Sur les conséquences de la nullité

Le prononcé de la nullité entraîne la condamnation des vendeurs à restituer le prix de vente, soit 173 500 €, ainsi que le montant des frais d’actes notariés, soit 12 000 €, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 2 avril 2012 date de l’assignation en nullité.

La capitalisation annuelle des intérêts échus sera prononcée en application des dispositions légales.

Les défendeurs seront également condamnés à rembourser les intérêts de l’emprunt immobilier fait par les acquéreurs acquittés au jour du prononcé de la nullité.

La somme de 1 500 € sollicitée par les demandeurs au titre du préjudice moral résultant du dol par réticence apparaît modérée et sera accordée.

Dans ces conditions le jugement de première instance sera intégralement confirmé.

Il sera accordé 2 500 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes en date du 26 février 2014.

Y ajoutant,

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne les époux Z à payer aux époux X la somme de 2 500 € (deux mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles d’appel.

Condamne les époux Z aux dépens dont distraction au profit de la SCP Mauvezin – Soulié.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Sandra VICENTE Françoise PONS



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Textes cités dans la décision

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