Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 30 janvier 2018, n° 16/01317

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Gouache Avocats · 12 février 2018

La stagnation voire la baisse du nombre de contrats de longue durée ne constitue pas une faute grave de l'agent en raison d'une part de l'absence d'objectifs de chiffres d'affaires sur cette catégorie de contrats et d'autre part de l'atteinte par l'agent des objectifs contractuels de chiffres d'affaires globaux. L'arrêt de la Cour d'appel de Pau est l'occasion de revenir sur le contentieux lié à la caractérisation d'une faute grave du fait de la baisse du chiffre d'affaires de l'agent commercial. Dans cet arrêt, le mandant résilie le contrat d'agence commerciale pour faute grave de …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Pau, 2e ch - sect. 1, 30 janv. 2018, n° 16/01317
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 16/01317
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

PhD/EF

Numéro 18/

COUR D’APPEL DE PAU

2e CH – Section 1

ARRET DU 30/01/2018

Dossier : 16/01317

Nature affaire :

Autres demandes relatives à un contrat de prestation de services

Affaire :

SARL MARTINS […]

C/

SARL VISION COTE BASQUE ANCIENNEMENT DENOMMEE A

[…]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 30 Janvier 2018

, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues

au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 20 Novembre 2017, devant :

Monsieur Philippe DARRACQ, conseiller, faisant fonction de Président,

chargé du rapport

Madame Cécile MORILLON, Conseiller

Madame Adeline JANSON, vice-président placé par ordonnance

du 3 juillet 2017

assistés de M. FAGE, Greffier, présent à l’appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT E :

SARL MARTINS […]

[…]

[…]

Représentée par Me Vincent LIGNEY de la SCP DUALE-LIGNEY-MADAR-DANGUY, avocat au barreau de PAU

Assisté de Me Benoît BRIFFE, avocat au Barreau de BAYONNE

INTIMEE :

SARL VISION COTE BASQUE ANCIENNEMENT DENOMMEE A […]

[…]

[…]

Représentée par Me Carole DUBOIS-MERLE de la SCP MORICEAU DUBOIS-MERLE, avocat au barreau de BAYONNE

Assistée de Me Jean-François FERRAND, avocat au Barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 18 JANVIER 2016

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BAYONNE

FAITS-PROCEDURE -PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

En 1988, Mme B Y a créé la société Y (sarl) publicité, spécialisée dans le vente de produits d’affichage extérieurs et la location d’emplacements publicitaires.

En 2001, trois nouveaux associés sont entrés au capital de cette société qui a changé de dénomination sociale pour devenir « A publicité », dirigée par M. X.

En 2004, Mme C D, mère de Mme Y, a cédé ses parts dans A publicité et s’est associée avec M. E F pour créer la société Martins publicité (sarl) dont elle pris la gérance.

Le 19/01/2004, la société A publicité a signé avec M. E F un contrat d’agence commerciale, à durée indéterminée, portant sur la distribution des réseaux d’affichage papier format 4 m² et 12 m² et des réseaux de panneaux peints, ainsi que la recherche d’emplacements, sur le secteur géographique comprenant les départements

40/64/65/31/32/47, avec clause d’exclusivité géographique, exclusion faite d’une liste de clients clients réservés à d’autres agents commerciaux.

M. E F a apporté le contrat d’agence commerciale à la société Martins publicité.

Le 30/01/2007, la société A publicité et la société Vision, holding également dirigée par M. X, se sont engagées à ne pas concurrencer la société Martins publicité pendant 10 ans.

Début 2012, M. E F s’est retiré de la société Martins publicité.

Par acte sous seing privé du 12/12/2012, qualifié d’avenant au contrat du 19/01/2004, les sociétés A et Martins publicité ont réglé un différend concernant l’exploitation directe par le mandant de certains clients, et sont convenues de poursuivre l’exécution du contrat d’agence commerciale en cours, avec maintien de la clause d’exclusivité durant une nouvelle période de 10 ans à compter de l’avenant, outre la stipulation d’une clause de « garantie » par laquelle la société A publicité s’est engagée, en cas de non respect des droits de son agent commercial, à lui régler une indemnité égale aux commissions qui auraient dû être perçues jusqu’au terme des dix ans.

Suivant exploit du 08/08/2014, la société Martins publicité a fait assigner en référé la société A publicité en paiement provisionnel de ses commissions impayées.

Par ordonnance du 08/01/2015, le juge des référés du tribunal de commerce de Bayonne a condamné la société A publicité à payer une provision de 70.000 euros à valoir sur les commissions dues à son agent commercial.

Parallèlement, courant 2014, M. Z s’est rapproché de M. X en vue de la reprise des sociétés Vision et A publicité.

A cette occasion, M. Z a proposé à la société Martins publicité de redéfinir les conditions de leur partenariat dans le cadre d’un nouveau contrat d’agent commercial.

La cession des parts sociales a été finalisée le 29/12/2014, mais aucun accord n’a été trouvé avec la société Martins publicité.

Par courrier du 22/01/2015, A publicité a proposé une renégociation du contrat d’agence commerciale, ce que Martins publicité a refusé.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 04/03/2015, A publicité a notifié sa décision de rompre unilatéralement et sans préavis le contrat en articulant à l’encontre de son agent commercial plusieurs séries de fautes contractuelles consistant dans le non respect de la politique tarifaire, une insuffisance, voire une absence de prospection commerciale et un défaut de reporting, rendant impossible, selon le mandant, le maintien des relations contractuelles.

Contestant les motifs de la rupture, et suivant exploit du 16/04/2015, la société Martins publicité a fait assigner la société A publicité par devant le tribunal de commerce de Bayonne en indemnisation de ses préjudices sur le fondement des articles L 134-3 et suivants du code de commerce.

Par jugement du 18/01/2016, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, le tribunal a :

— débouté la société A publicité de sa demande de rappel de l’obligation de non concurrence de la société Martins publicité

— dit que la rupture du contrat d’agent commercial par la société A publicité est fondée

— condamné la société A publicité à payer à la société Martins publicité la somme de 163.000 euros à titre d’indemnité de rupture du contrat

— débouté la société Martins publicité de sa demande de paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l’article L 134-4 du code de commerce

— condamné la société A publicité à payer le solde de 2.234,65 euros restant à régler sur la demande initiale de 72.234,65 euros, déduction faite de la somme de 70.000 euros déjà versée

— débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile

— ordonné l’exécution provisoire du jugement

— condamné les parties à payer chacune par moitié les dépens

Par déclaration au greffe faite le 12/04/2016, la société Martins publicité a relevé appel de ce jugement.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 11/10/2017.

***

Par dernières conclusions notifiées le 21/03/2017, la société Martins publicité a demandé à la cour, au visa des articles L 134-1 à L 134-17 du code de commerce et notamment L 134-4,L 134-6, L 134-7, L 134-9 et L 134-12, de :

Au titre de l’arriéré de commission :

— confirmer le jugement entrepris :

'sur le principe de l’arriéré de la commission tant sur l’arriéré que sur le commissionnement dû après la rupture du contrat pour les contrats en cours

— réformer pour le surplus le jugement entrepris sur le quantum

— condamner la société A publicité, devenue Vision côte basque, à lui payer :

'la somme de 90.072,05 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 16/05/2015, outre la capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil

Au titre des indemnités liées à la rupture du contrat :

— confirmer le jugement sur le principe de l’indemnité de l’article L 134-12 du code de commerce

— réformer pour le surplus le jugement

— condamner la société A publicité, devenus Vision côte basque, à lui payer, au titre de la

clause pénale prévue au contrat, la somme de 851.491 euros

A titre subsidiaire :

— condamner la société A publicité, devenue Vision côte basque à lui payer :

'la somme de 275.806 euros au titre des deux dernières années de commissions 2013 et 2014

'la somme de 10.000 euros au titre de l’indemnité prévue à l’article L 134-4 du code de commerce

En tout état de cause :

— débouter l’intimée de ses demandes et la condamner au paiement d’une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelant fait valoir, en substance, que dans le but d’optimiser la cession des parts détenues par ses associés, la société A publicité a tenté de l’asphyxier financièrement en ne réglant pas les commissions qui lui étaient dues, la provision finalement allouée représentant la moitié de son commissionnement annuel, tout en multipliant les artifices pour pousser son agent commercial à la faute et pouvoir rompre le contrat sans bourse délier.

La société Martins publicité conteste point par point chacune des quatre séries de fautes invoquées par la société A publicité au soutien de la rupture du contrat, imputant au contraire celle-ci aux agissements fautifs de son mandant, justifiant son indemnisation conformément aux dispositions légales et à la garantie contractuelle fixant forfaitairement la réparation de son préjudice en cas de manquement du mandant à ses obligations.

Par dernières conclusions notifiées le 04/01/2017, l’intimée, qui a modifié sa dénomination sociale anciennement « A publicité » devenue « Vision côte basque », a demandé à la cour, au visa des articles 1134 du code civil et L 134-12 et suivants du code de commerce, de :

A titre principal :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la rupture du contrat d’agent commercial était fondée et reposait sur une faute grave

— le réformer pour le surplus

— dire en conséquence que la société A publicité n’a pas droit à l’indemnité compensatrice du préjudice et qu’aucun préavis n’est dû suite à la résiliation du contrat

— débouter la société A publicité de ses demandes

Subsidiairement :

— dire que l’avenant du 21/11/2012 a été l’occasion d’arbitrer le droit à commission entre les clients prospectés et de rappeler l’obligation de non concurrence de 10 ans convenue lors de la convention du 30/01/2007 et d’en prolonger la durée

— dire, en conséquence, que les prétentions indemnitaires de la société A publicité sur la base d’une prétendue exclusivité contractuelle de 10 ans en qualité d’agent commercial sont dénuées de tout sérieux en application du dispositif contractuel qu’elle tente de dénaturer

— débouter l’appelant de ses demandes à ce titre

— débouter la société A publicité de l’intégralité de ses demandes

— dire que la somme susceptible d’être due à la société A publicité au titre d’un reliquat et des commissions pour l’année 2015 s’élève à la somme de 72.234,65 euros

En toute hypothèse :

— condamner l’appelante à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

L’intimée fait valoir, en substance, que la société A publicité, qui avait perdu les compétences exceptionnelles de M. E F, est responsable de la baisse substantielle de son chiffre d’affaires, notamment des prestations « longues conservation » (contrats couvrant des périodes de 1 à 3 ans, par opposition aux prestations « affichages », contrats ponctuels à brève durée), véritables thermomètres de l’activité de l’agent commercial, du fait de quatre séries de manquements contractuels formulés dans les termes suivants :

1)tout le chiffre d’affaires « longue conservation » est réalisé sur des contrats existants signés par M. E F, capitalisés sur une simple tacite reconduction sans rapport aucun avec une prospection commerciale, aucune force de vente n’ayant été mise à la disposition de la société A

2)le chiffre d’affaires réalisé par l’effet d’aubaine avec des propositions tarifaires « discount », non conformes à la politique commerciale de A et non autorisés

3)faillite totale sur les deux grosses campagnes régionales de l’année 2014

4)aucun suivi du renouvellement des contrats et de leur dénonciation et mauvais reporting auprès de A

S’agissant de la clause d’exclusivité reprise dans l’avenant du 21/11/2012, l’intimé soutient que clause porte seulement sur une exclusivité d’une fraction de clientèle redéfinie et réaffirmée à l’occasion des conflits nés entre A et Martins publicité dans la gestion de la clientèle qui lui était contractuellement concédée. L’avenant du 21/11/2012 a été l’occasion d’arbitrer le droit à commission entre les clients prospectés et de rappeler l’obligation de non concurrence de 10 ans convenue lors de l’avenant du 30/01/2007 et d’en prolonger les effets.

MOTIFS

1-sur la résiliation du contrat pour faute grave

Il résulte des dispositions de l’article L 134-13 du code de commerce que seule la faute grave de l’agent commercial est de nature à exclure son droit à réparation prévu à l’article L 134-3 en cas de cessation du contrat ;

La faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel ; elle se distingue du simple manquement aux obligations contractuelles pouvant justifier seulement la rupture du contrat ;

Il convient donc d’examiner à la lumière de ces principes les quatre fautes articulées à l’encontre de la société Martins publicité ;

1-1-sur l’insuffisance ou l’absence de prospection de clients « longue durée » postérieurement au départ de M. E F

Les obligations de l’agent commercial ont été fixées dans le contrat signé le 19/01/2004 et n’ont pas été modifiées par l’avenant du 12/12/2012 ;

Le mandat porte sur les produits distribués par le mandant, soit les réseaux d’affichage papier format 4 m² et 12 m², les réseaux de panneaux peints et la recherche d’emplacements, sur la région sud ouest (6 départements) ;

En contrepartie de l’exclusivité géographique et sur certains clients accordée au mandataire, ce dernier s’est engagé à réaliser un chiffre d’affaires annuel minimum sur l’année 2004 de 275.000 euros, révisable annuellement au terme de chaque exercice dans la limite de 5 % d’augmentation ; une prime d’objectif, variable en fonction de paliers du chiffre d’affaires, complète la rémunération contractuelle du mandataire ;

Le contrat ne contient aucune clause particulière concernant les deux types de prestations proposées aux annonceurs entre les contrats « longue conservation », couvrant les périodes de 1 à 3 ans, et l’ « affichage », concernant des actions ponctuelles ;

Selon le mandant, le chiffre d’affaires facturé par son mandataire a été de :

-2012 : 405.794,60 euros

-2013 : 439.626,31 euros

-2014 : 376.744,30 euros

Selon les factures émises par le mandataire au titre des primes d’objectifs, le chiffre d’affaire réalisé a été de :

-2012 : 369.139,30 euros

-2013 : 336.357,06 euros

-2014 : 442.230,70 euros

Les divergences qui peuvent être relevées entre ces chiffres n’ont pas été relevées ni discutées par les parties ;

En s’en tenant à ses propres chiffres, la thèse du mandant, selon laquelle l’absence de prospection commerciale depuis 2012 sur les contrats « longue durée » serait à l’origine de la baisse du chiffre d’affaires, ne pourrait, au mieux, concerner que l’exercice 2014 ;

Mais, cette seule et unique éventuelle baisse du chiffre d’affaires ne peut être regardée comme imputable à une faute, a fortiori à une faute grave de l’agent commercial alors, d’une part, que le contrat ne comporte aucun objectif fixé en fonction de la nature des prestations proposées aux annonceurs, tandis que le mandant n’a fait aucune observation en ce sens à son agent commercial avec lequel il entretenait des relations depuis plus de 10 ans, et, d’autre part, que le chiffre d’affaires est dans la cible des objectifs contractuels, peu important les moyens d’action mis en 'uvre par l’agent commercial pour y parvenir, sauf à démontrer le recours à des procédés déloyaux, ce que dénonce également le mandant qui soutient que la réalisation du chiffre d’affaires a été obtenue artificiellement par une pratique tarifaire discount non autorisée ;

Par ailleurs, le mandant n’a produit aux débats aucun élément de comparaison tirés notamment des usages de la profession sur la part des produits longue durée dans le chiffre d’affaires et sur le taux de non renouvellement des contrats longue conservation dont aucun élément ne permet de considérer qu’il serait, s’agissant du mandataire, anormalement élevé alors même que le mandant reproche à ce dernier de « capitaliser » sur les contrats antérieurs à l’année 2012 ;

Dans ces conditions, le ralentissement, voire la stagnation des contrats de longue durée, ne peut constituer une faute grave ;

Et, le fait que le mandant, postérieurement à la résiliation du contrat d’agent commercial, ait pu vendre quelques emplacements demeurés libres durant l’exécution du contrat d’agent commercial ne permet pas plus de caractériser une faute grave de son agent commercial ;

1-2-sur les pratiques tarifaires non autorisées

Aux termes du contrat d’agent commercial, la société Martins publicité était tenue de respecter les tarifs, conditions de livraison et moyens de faits à la clientèle et fixés par le mandant ;

Les mails versés aux débats (pièces 27-29-34-52) par l’appelante établissent incontestablement que, durant l’année 2014, l’agent commercial a systématiquement été autorisé et encouragé par son mandant à pratiquer des offres de prix agressives pour lutter contre la concurrence, l’état d’esprit du mandat étant résumé dans son mail du 14/05/2014 indiquant à son agent commercial « tout ce que tu peux gratter en plus sera le bien venu » ;

En réalité, les premiers incidents sur les tarifs consentis à certains annonceurs sont apparus au cours du premier trimestre 2015 avec la nouvelle direction qui a mis en garde son agent commercial, dans un mail du 26/02/2015, sur la nécessité de respecter les tarifs ;

Le comportement de l’agent commercial ne peut être qualifié de gravement fautif alors que ce dernier n’a, dans un premier temps, fait que poursuivre les instructions de son mandant confirmées à la fin de l’année 2014, seul le changement de direction ayant été l’occasion de revenir à une politique tarifaire strictement contrôlée par le mandant, tandis qu’il n’est pas démontré que, postérieurement à la mise en garde, l’agent commercial aurait méconnu les instructions de son mandant ;

A l’évidence, aucun comportement déloyal ne peut être caractérisé à l’encontre de l’agent commercial du fait des pratiques tarifaires ;

1-3-sur le défaut de prospection de deux annonceurs majeurs en 2014

La société Vision côte basque expose que la société Martins publicité n’a présenté aucun plan de communication auprès de deux nouveaux annonceurs très importants liés à l’ouverture du magasin IKEA de Bayonne et du centre commercial « Le grand moun » à Mont-de-Marsan en 2014 , traduisant un désinvestissement total de l’agent commercial ;

Mais, ces critiques ne sont pas sérieuses, puisqu’il est établi que, par mail du 08/10/2014, l’agent commercial est entré en relation avec les personnes chargées de la communication d’Ikea pour proposer des tarifs ;

Quant au centre commercial de Mont-de-Marsan, si les pièces versées aux débats ne démontrent pas que l’agent commercial aurait entrepris une démarche spécifique liée à l’ouverture du centre commercial, il ne peut être soutenu qu’il se serait désintéressé de toute

exploitation commerciale puisqu’il a placé des produits en 2013 et 2014 auprès de centre Leclerc, devenue la locomotive du nouveau centre commercial ;

Les fautes reprochées ne sont donc pas caractérisées ou ne présentent aucun caractère de gravité intrinsèque ;

1-4-sur l’absence de suivi des renouvellements ou des dénonciations des contrats et le mauvais reporting auprès du mandant

Aux termes du contrat d’agent commercial, la société Martins publicité s’est engagée à exécuter le mandat en bon professionnel et à tenir informé régulièrement le mandant de l’état du marché dans son secteur, des souhaits de la clientèle et des actions de la concurrence ;

Selon l’intimée, l’absence de suivi a provoqué le mécontentement des clients et le non renouvellement des contrats ; faute de présence sur le terrain, les relations avec les clients se passaient par mail sans aucun suivi postérieur, ni auprès du mandant ni même auprès du client sur les motifs du non renouvellement ou de la dénonciation du contrat ;

Mais, les éléments visés par l’intimée au soutien de ses affirmations se limitent à un mail en date du 12/01/2015 échangé avec le mandant et à deux mails échangés avec le client Jardilo ;

Sur le premier mail, le fait que l’agent commercial interroge son mandant sur le point de savoir si la résiliation faite par mail par un important client est suffisante ne saurait traduire une quelconque désinvolture ou négligence de sa part dans le suivi de la clientèle mais participe, au contraire, de ce suivi et ne méconnaît pas l’obligation d’information mise à sa charge telle que définie par le contrat ;

Sur les mails concernant le client Jardilo, les mails produits aux débats par l’appelante démontrent au contraire que le mécontentement de ce client est imputable au mandant en raison de la mauvaise qualité de l’affichage, malgré les démarches de l’agent commercial pour essayer de faire patienter le client ;

En définitive, il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la société Vision côte basque ne démontre pas l’existence de faits imputables à son agent commercial pouvant être qualifiés, en eux mêmes ou associés entre eux, de faute grave rendant impossible le maintien des relations contractuelles ;

A l’évidence, la lettre de résiliation est fondée sur des motifs fallacieux imaginés pour mettre brutalement un terme au contrat d’agent commercial dont les conditions juridiques et financières avaient été jugées trop favorables à l’agent commercial, ce que M. Z avait relevé dans les mails échangés avec son agent commercial au cours du mois de décembre 2014 en lui proposant de poursuivre les relations d’affaires sur la base d’un nouveau contrat, le futur repreneur prenant le soin d’indiquer dans un mail du 11/12/2014 : « en ce qui concerne le contrat de Martins publicité, nous pourrions envisager de reporter les négociations à plus tard, nous reconnaissons les efforts de Mme Y et sommes intéressés à continuer la collaboration avec Martins » ;

En outre, la société A publicité, qui avait failli à son devoir de loyauté en exploitant certains clients de son agent commercial, ce qui avait donné lieu à l’avenant du 12/12/2012, était également en défaut au titre du paiement des commissions obligeant son agent commercial à agir en référé pour obtenir une provision représentant près de 50 % de son chiffre d’affaires annuel à valoir sur le montant total des commissions restant dues ;

Il s’ensuit que le jugement entrepris, qui ne pouvait sans se contredire retenir la faute grave

de l’agent commercial tout en lui allouant une indemnité de rupture, sera entièrement infirmé sur la résiliation du contrat d’agent commercial ;

2-sur la réparation de la rupture du contrat

L’article L 134-12 du code de commerce dispose que, en cas de cessation des relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ;

2-1-sur la clause pénale contractuelle

Pour solliciter une indemnité de 851.491 euros, l’appelante se prévaut de l’article 4 de l’avenant du 12/12/2012 qui stipule que « dans l’hypothèse où les droits de la société Martins publicité ne seraient pas respectés, la société A publicité s’engage à verser une indemnité égale aux commissions qu’aurait dû percevoir la société Martins publicité jusqu’au terme des dix ans. Le montant des commissions à verser pour chaque année correspondra à la moyenne des commissions perçues par la société Martins publicité sur les trois dernières années » ;

Mais, il résulte de l’ensemble des clauses de l’avenant du 12/12/2012 que cette clause pénale a pour seul objet de contraindre la société A publicité, qui avait failli à son obligation de non concurrence, à respecter la clause d’exclusivité géographique et sur certains clients stipulée dans le contrat d’agent commercial du 19/01/2014 et maintenue pour une durée de 10 années à compter de la signature de l’avenant ;

Cette clause n’a pas vocation à s’appliquer en cas de rupture, fût-elle abusive, du contrat d’agent commercial ;

La société Martins publicité sera déboutée de ce chef de demande ;

2-2-sur l’indemnité de rupture au titre de la perte des commissions

Conformément aux usages de la profession d’agent commercial, dont l’appelante demande l’application, il convient de fixer cette indemnité sur la base des deux dernières années de commissions précédant l’année 2015, attestées par l’expert-comptable, et non contestées par l’intimée, soit la somme de 275.806 euros ainsi détaillée :

-2013 : 127.272 euros HT

-2014 : 148.534 euros HT

Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef et la société Vision côte basque sera condamnée à payer la somme de 275.806 euros ;

2-2-sur l’indemnité pour rupture abusive

La société Martins publicité sollicite la somme de 10.000 euros pour rupture abusive ;

Les circonstances de la rupture du contrat, sans respect du préavis légal, sont constitutives d’une faute contractuelle à l’origine d’un préjudice distinct qui sera réparé par l’allocation d’une indemnité de 3.000 euros ;

3-sur les commissions restant dues

Il ressort du décompte précis du solde des factures restant dues au 31/12/2014, à l’encontre

duquel l’intimée n’a apporté aucune critique sérieuse, que le montant des commissions restant dû s’élève à la somme de 104.128,98 euros dont à déduire la provision de 70.000 euros déjà réglée, soit un reliquat de 34.128,98 euros ;

Au titre du premier trimestre 2015, il ressort de l’attestation de l’expert-comptable de la société Martins publicité que le montant des commissions restant dû est de 55.943,07 euros ;

Selon l’intimée, ce montant serait de 46.638,93 euros mais aucun élément probant ne vient corroborer son affirmation ;

Il convient donc d’infirmer le jugement entrepris de ce chef et de condamner la société Vision côte basque à payer la somme de 90.072,05 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 16/05/2015 ;

Dès lors qu’elle est demandée, la capitalisation des intérêts échus annuellement est de droit à compter de la demande, soit à compter des conclusions notifiées le 04/11/2016 ;

La société Vision côte basque sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la société Martins publicité une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

DIT que la société A publicité, devenue Vision côte basque ne rapporte pas le preuve d’une faute grave imputable à la société Martins publicité pouvant justifier la résiliation du contrat avec exclusion du droit à réparation,

DIT que la société Vision côte basque doit indemniser la société Martins publicité des conséquences de la rupture du contrat d’agent commercial,

DEBOUTE la société Martins publicité de sa demande d’indemnité de rupture fondée sur la clause pénale contractuelle insérée dans l’avenant du 12/12/2012,

CONDAMNE la société Vision côte basque à payer à la société Martins publicité :

— la somme de 275.806 euros au titre de la perte de ses commissions

— la somme de 3.000 euros au titre de la rupture abusive

— la somme de 90.072,05 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 16/05/2015, au titre des arriérés de commissions

DIT que les intérêts échus annuellement sur la somme de 90.072,05 euros pourront être capitalisés à compter du 04/11/2016,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Vision côte basque aux entiers dépens de première instance et d’appel,

CONDAMNE la société Vision côte basque à payer à la société Martins publicité une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

AUTORISE la SCP Duale-Ligney-Madar-Danguy, avocats au barreau de Pau, à procéder au recouvrement direct des dépens d’appel, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Monsieur DARRACQ, faisant fonction de Président, et par Monsieur FAGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 30 janvier 2018, n° 16/01317