Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 27 février 2018, n° 16/00823

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, 1re ch., 27 févr. 2018, n° 16/00823
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 16/00823
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

PS/AM

Numéro 18/738

COUR D’APPEL DE PAU

1re Chambre

ARRÊT DU 27/02/2018

Dossier : 16/00823

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par un produit ou une prestation de services défectueux

Affaire :

SARL LABAT/LBS

C/

C Z F-G Y

CPAM du PUY DE DOME

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 27 février 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 18 décembre 2017, devant :

Monsieur X, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame FITTES-PUCHEU, greffier, et de Madame DE RUEDA, greffier stagiaire, présentes à l’appel des causes,

Monsieur X, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée

de :

Madame K, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Monsieur X, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

SARL LABAT/LBS

[…]

[…]

représentée par Maître Jean-Bernard PENEAU de la SCP SCP PENEAU-DESCOUBES – PENEAU, avocat au barreau de MONT DE MARSAN

assistée de Maître G. DAUMAS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES :

Monsieur C Z

né le […] à […]

de nationalité française

[…]

[…]

Madame F-G Y

née le […] à […]

de nationalité française

[…]

[…]

représentés et assistés de Maître Laure DARZACQ de la SCP VIDALIES – DUCAMP – DARZACQ, avocat au barreau de MONT DE MARSAN

CPAM DU PUY DE DOME

[…]

[…]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

représentée et assistée de Maître Barbara CANLORBE de la SCP HEUTY – LONNE – CANLORBE
- VIAL, avocat au barreau de MONT DE MARSAN

sur appel de la décision

en date du 20 JANVIER 2016

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONT DE MARSAN

Faits et procédure :

Le 16 août 2011, la SARL LABAT/LBS organisait aux arènes de Biscarrosse un spectacle taurin comportant un jeu dit jeu du « carillonneur « au cours duquel des spectateurs sélectionnés sont invités à affronter des vachettes. Vers 22 h 30, D B sélectionné par la société organisatrice a été percuté de face par une vachette qui l’a projeté sur un poteau métallique, le faisant tomber sur le dos ; avant de pouvoir être maîtrisé, l’animal revenait sur D B lui donnant un coup de corne avant de le piétiner.

D B décédait des suites de ses blessures à l’hôpital de La Teste de Buch (33) le 17 août 2011.

Il vivait en compagnie de F-G Y, avec laquelle il avait passé un pacte civile de solidarité, et avec le fils de celle-ci, C Z, tous trois domiciliés à Cournon d’Auvergne (63).

Par acte d’huissier en date du 21 novembre 2013, F-G Y et C Z ont fait assigner la SARL LABAT/LBS devant le tribunal de grande instance de Mont de Marsan afin d’obtenir réparation de leurs divers préjudices.

Par acte d’huissier en date du 2 décembre 2014, ils ont appelé en cause la CPAM du Puy de Dôme.

Par jugement en date du 20 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Mont de Marsan :

— a déclaré la SARL LABAT /LBS responsable de l’accident survenu le 16 août 2011 ayant été la cause. Directe du décès de D B,

— a condamné ladite société à payer à F-G Y la somme de 25.000 € au titre de son préjudice d’affection,437.587,63 € au titre de son préjudice économique et 600 € en remboursement de séances de psychothérapie,

— a condamné cette société à payer à C Z la somme de 10.000 € au titre de son préjudice d’affection,

— a débouté C Z de sa demande en réparation d’un préjudice économique,

— a condamné la SARL LABAT/LBS à payer à la CPAM du Puy de Dôme la somme de 10.308 € outre 1.028 € au titre de l’indemnité prévue par l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

— a condamné la société LABAT/LBS aux entiers dépens et à payer au titre de l’article 700 du CPC, à Mme Y ET M. Z ensemble la somme de 2.000 € et à la CPAM du Puy de Dôme la somme de 500 €.

Suivant déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 10 mars 2016, la SARL LABAT/LBS a relevé appel de cette décision.

Moyens et prétentions des parties :

Dans ses dernières conclusions en date du 4 janvier 2017, la société LABAT/LBS demande à la Cour de dire et juger qu’elle n’a commis aucun manquement à son obligation de sécurité de moyens dans le cadre de l’exécution du contrat de spectacle conclu avec D B, de réformer en conséquence le jugement déféré et subsidiairement de juger que le décès de la victime trouve son origine exclusive dans l’événement de force majeure constitué par le fait d’un participant au jeu et de débouter les consorts Y – Z ainsi que la CPAM de leurs demandes.

Dans leurs dernières conclusions en date du 27 juillet 2016, F-G Y et C Z demandent à la Cour de confirmer le jugement déféré qui a déclaré la SARL LABAT responsable du décès de D B et l’a condamnée à indemniser les victimes par ricochet, de confirmer cette décision quant à l’indemnisation du préjudice de Mme Y et au préjudice d’affection de M. Z, de réformer ce jugement quant au préjudice économique de M. Z et de condamner la SARL LABAT à lui payer la somme de 88.786,11 €.

Ils réclament 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions en date du 19 juillet 2016, la CPAM du Puy de Dôme demande à la Cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et de condamner la SARL LABAT à lui payer la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est en date du 17 novembre 2017.

SUR QUOI

Il est établi par l’ensemble des documents communs aux deux parties, notamment par les procès-verbaux d’enquête effectuée par la brigade de gendarmerie de Biscarrosse que le 16 août 2011 D B, spectateur volontaire dont la candidature a été retenue par l’organisateur, a participé dans les arènes de Biscarosse, au jeu dit des carillonneurs au cours duquel il a trouvé la mort après avoir été projeté par une vachette sur un axe en ferraille installé pour servir de promontoire – refuge aux joueurs.

Il est également établi par les vidéos exploitées dans le cadre de cette enquête et par plusieurs témoignages non contraires que les spectateurs – joueurs ont bien été avertis des risques encourus au moyen d’une affiche et par rappel du speaker au début du jeu, qu’en cours de partie, D B a fait face à la vache pour l’attirer vers ses coéquipiers, qu’il n’a pas eu le temps de s’échapper lorsque l’animal est arrivé sur lui, qu’il a été percuté de face, la vachette lui donnant un coup de tête, que sous le choc, il a fait demi-tour, a chuté contre l’axe central du jeu, un poteau en ferraille qu’il a percuté, tombant sur le dos et étant immédiatement pris de convulsions.

Il en résulte également qu’alors que D B était au sol, et malgré les avertissements du speaker, un joueur a couru vers la victime ce qui a eu pour effet d’attirer à nouveau la vachette qui a donné un nouveau coup de tête à la victime et lui a marché sur le corps.

Le rapport d’autopsie dressé les 18 août et 30 novembre 2011 par le docteur A conclut que les radiographies ont mis en évidence des fractures du crâne, prédominant du côté droit et des fractures de côtes, que l’examen a montré un hématome au niveau de l''il droit, un fracas de l’hémicrâne droit, une hémorragie sous-durale très importante avec contusion cérébrale frontale bilatérale, des érosions thoraciques antérieures, des fractures des 4e et 5e côtes droites et 8e côte gauche, une plaie du bas de la fesse pouvant avoir été provoqué par une corne de vache ;la mort est en relation avec les lésions hémorragiques cérébrales qui correspondent à un ou plusieurs traumatismes très violents au niveau de l’extrémité céphalique prédominant à droit, compatibles avec des chocs provoqués par une vache.

Il n’est pas contesté que la responsabilité de la société LABAT/LBS organisatrice du jeu est recherchée par

F-G Y et C Z sur le fondement contractuel, par référence aux dispositions des articles 1134, 1135 et 1147 du code civil(ancien), D B spectateur étant devenu acteur dans le cadre d’une convention de jeu qui lui a permis d’être opposé à un vachette lâchée dans l’arène de Biscarosse.

Pour la mise en oeuvre de ces dispositions légales, en droit et en ce qui concerne les organisateurs de spectacle, on considère que l’action en responsabilité dont dispose le spectateur repose sur l’existence d’une obligation contractuelle de sécurité mise à la charge de l’organisateur et qu’il s’agit bien d’une obligation de moyens.

Il appartient au spectateur victime d’apporter la preuve que l’organisateur n’a pas mis en 'uvre les moyens requis pour assurer sa sécurité.

En l’espèce, on doit prendre en considération le fait qu’il ne s’agit pas de l’organisation d’un simple spectacle mais de l’organisation d’un véritable challenge sportif opposant des spectateurs sélectionnés par la société LABAT/LBS à des vachettes agressives.

En matière de jeux sportifs, il est constant que le participant victime peut se voir opposer l’acceptation du risque, comme c’est le cas en l’espèce ; toutefois, il ne peut s’agir que de l’acceptation du risque normal inhérent au jeu ou à l’activité à laquelle la victime a participé.Cette dernière n’est pas censée avoir accepté les risques anormaux résultant de l’inobservation des règles de sécurité ; elle a accepté les risques inhérents au comportement de l’animal, mais pas les risques inhérents à une mauvaise protection de l’aire de jeu, quand bien même elle entrerait en contact avec les accessoires fixes par suite d’un comportement imprévisible et accepté de l’animal.

Or il résulte des circonstances de l’accident ci-dessus rappelées que D B a été projeté par une vachette sur un poteau en ferraille, qu’il est immédiatement tombé au sol sans connaissance ce qui l’a totalement empêché de se protéger. D B n’a eu aucun comportement imprudent particulier distinct d’une acceptation des risques sans lien en l’espèce avec le dommage subi qui ne se serait pas produit si une protection avait été mise en place sur le poteau ; le fait de la victime ne présente nullement les caractères de la force majeure n’étant ni imprévisible ni insurmontable pour la société LABAT/LBS spécialisée dans l’organisation de tels jeux, à qui il appartenait de doter le poteau d’une protection efficace.

Par conséquent, la cause exclusive du dommage est le manquement de la société organisatrice à son obligation contractuelle de sécurité à l’égard des participants au jeu du carillonneur, en l’espèce, en ayant placé un poteau en ferraille dans l’aire de jeu sans protection suffisante pour empêcher un choc d’une telle violence.

Il y a donc lieu de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a reconnu la SARL LABAT/LBS responsable du décès de M. B et a condamné cette société à payer à Mme Y 25.000,00 € au titre de son préjudice d’affection et 437.587,63 € au titre de son préjudice économique et 600 € en remboursement de séances de psychothérapie. Il convient également de confirmer cette décision qui est acceptée par les intimés en ce qui concerne la réparation du préjudice d’affection de M. Z fixé à 10.000 € par le premier juge.

Sur le préjudice économique de M. C Z :

C Z est né le […],il était âgé de 16 ans au moment du décès de M. B ; la communauté de vie entre D B, F-G Y et son fils C Z n’est pas contestée. C Z demande l’indemnisation d’un préjudice économique qu’il chiffre à la somme de 88.786,11 € en considération du fait qu’il poursuivra des études de médecine jusqu’à l’âge de 29 ans et qu’étant orphelin de son père biologique, D B participait de fait aux frais de sa scolarité.

Le premier juge qui a rejeté cette demande d’indemnisation pour insuffisance de preuve, au motif que F-G Y réglait les frais de scolarité de son fils C ; il n’est pas contesté que M. B participait aux charges du ménage contrairement à ce que soutiennent Mme Y et M. Z à l’appui de leur appel incident ; il s’ensuit que de la mise en commun des ressources résultant de la

communauté de vie entre ces trois personnes, le préjudice économique subi par la mère n’inclut pas le préjudice économique de son fils qui subit un préjudice économique propre car la communauté de vie conduisait à ce qu’une partie des ressources du défunt lui profite, la prise en charge par lui de certaines dépenses, permettant à sa mère d’accroitre sa contribution en sa faveur, possibilité qui lui est aujourd’hui fermée.

Le jugement sera donc réformé sur ce point.

E Z a passé avec succès les épreuves de première année de médecine à l’âge de 20 ans ; lors du décès de D B, il était âgé de 16 ans ; il avait perdu son père alors qu’il n’était âgé que de 4 ans compte tenu de l’ancienneté des liens avec le défunt, on évaluera à 4.000 €, le montant moyen de la part des revenus dont ce dernier a fait profiter jusqu’à ce jour le fils de sa compagne pour compléter le soutient que celle-ci apportait ; cela représente une somme de 30.000 € annuellement arrondie à la date du présent arrêt rendu exactement 7 ans et demi après l’accident mortel.

Pour les neuf ans, et compte tenu de la durée des études de médecine, on ne peut capitaliser sur la même base jusqu’à l’âge de 29 ans soit pour les 6 années parce qu’un étudiant en médecine parvient à obtenir des revenus partiels pendant la deuxième moitié de ces études, de sorte que pour les 6 années restant à courir jusqu’en 2024, on peut arrêter à 15.000 € arrondie le montant capitalisé aujourd’hui des sommes que dont le défunt l’aurait fait profiter.

La SARL LABAT/LBS qui succombe doit les entiers dépens et la somme de 1.500 € aux intimés en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

Déboute la SARL LABAT/LBS de l’ensemble de ses demandes.

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 janvier 2016 par le tribunal de grande instance de Mont de Marsan.

Y ajoutant

Condamne la SARL LABAT/LBS à payer à C Z une indemnité de 45.000 € en réparation de son préjudice économique.

Condamne la SARL LABAT/LBS aux entiers dépens et à payer à F-G Y et à M. Z, ensemble, la somme de 1.500 € et la même somme à la CPAM du Puy de Dôme en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Mme F-J K, Président, et par Mme H I, adjoint administratif, faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

H I F-J K



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