Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 8 octobre 2019, n° 18/01517

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Village Justice · 14 avril 2020

La prolifération du nombre de vendeurs de masques alternatifs en tissu sur internet conduit à s'interroger sur le cadre juridique de ces ventes, les informations devant être fournies aux consommateurs avant l'achat et l'existence d'un droit de rétractation de 14 jours après la réception du produit, compte tenu de sa nature et des exigences d'hygiènes et de protection de la santé. Alors que plane une incertitude sur l'approvisionnement de la population en masques au moment de la levée du confinement, que les autorités recommandent finalement d'en porter, de nombreuses sociétés se …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Pau, 1re ch., 8 oct. 2019, n° 18/01517
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 18/01517
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

PC/SH

Numéro 19/03912

COUR D’APPEL DE PAU

1re Chambre

ARRÊT DU 08/10/2019

Dossier : N° RG 18/01517 – N° Portalis DBVV-V-B7C-G4YI

Nature affaire :

Demande en nullité d’un contrat de prestation de services

Affaire :

Y Z

C/

SARL LION & BUSINESS

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 08 Octobre 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 17 Juin 2019, devant :

Monsieur X, magistrat chargé du rapport,

assisté de Julie FITTES – PUCHEU, greffière présente à l’appel des causes,

et de Leïla AZEHAF, greffière stagiaire

Monsieur X, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur D, faisant fonction de Président

Monsieur X, Conseiller

Madame ROSA-SCHALL, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

Madame Y Z

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentée et assistée de Maître Laure DARZACQ de la SELARL LAURE DARZACQ, avocat au barreau de DAX

INTIMEE :

SARL LION & BUSINESS

[…]

[…]

Assignée

sur appel de la décision

en date du 03 AVRIL 2018

rendue par le TRIBUNAL D’INSTANCE DE MONT DE MARSAN

Vu l=acte d’appel initial du 09 mai 2018 ayant donné lieu à l’attribution du présent numéro de rôle,

Vu le jugement dont appel rendu par le 03 avril 2018 par le tribunal d’instance de MONT DE MARSAN ayant débouté Y Z de ses prétentions à obtenir la nullité de la convention passée avec la Société LION BUSINESS,

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 juillet 2018 par Y Z, appelante,

Vu leur signification à la société LION & BUSINESS effectuée le 13 juillet 2019 au siège social où la remise de l’acte a été refusée.

Vu l=ordonnance de clôture délivrée le 15 mai 2019.

Le rapport ayant été fait oralement à l=audience.

MOTIFS

Selon acte du 13 juin 2017, Y Z a passé avec la Société LION & BUSINESS à l’enseigne PLUBLICIMM un contrat référencé P 40 2017 122, un 'contrat de diffusion d’annonces de bien immobilier' dont l’objet est d’établir un dossier de présentation d’un bien immobilier que Y Z envisageait de vendre.

Il s’agit donc d’un contrat de services destiné à faire connaître l’offre et à la présenter ; l’objet du contrat ne prévoit aucune prestation d’entremise et ne porte pas de référence d’immatriculation d’agent immobilier ; il fait référence au droit de la consommation puisque les conditions générales de vente visent ce droit, et notamment mentionnent le droit de rétractation de 14 jours prévu par l’article L 121-21 du code de la consommation.

Toutefois, par mention manuscrite, Y Z a expressément renoncé à ce droit de rétractation en reproduisant par écrit de sa main dans un cadre prévu à cet effet, la teneur de la clause prérédigée qui y figurait déjà : 'Je reconnais que le service auquel je souscris correspond à un bien nettement personnalisé et demande à PUBLICIMM de procéder à l’exécution immédiate de la prestation à compter de la validation de ma commande. A ce titre je renonce expressément à exercer mon droit de rétractation tel que défini à l’article 16.4 des présentes conditions générales de vente et conformément à l’article L 121-21-8 du code de la consommation'.

Le visa de texte est erroné ; le texte a en réalité été recodifié à droit constant sous le numéro L 221-28 du code ; il liste une série d’hypothèses dans lesquelles le contrat n’est pas soumis à l’obligation de contenir un droit de rétractation. Ce texte est ainsi rédigé :

Le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats :

'1° De fourniture de services pleinement exécutés avant la fin du délai de rétractation et dont l’exécution a commencé après accord préalable exprès du consommateur et renoncement exprès à son droit de rétractation ;

2° De fourniture de biens ou de services dont le prix dépend de fluctuations sur le marché financier échappant au contrôle du professionnel et susceptibles de se produire pendant le délai de rétractation ;

3° De fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ;

4° De fourniture de biens susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement ;

5° De fourniture de biens qui ont été descellés par le consommateur après la livraison et qui ne peuvent être renvoyés pour des raisons d’hygiène ou de protection de la santé ;

6° De fourniture de biens qui, après avoir été livrés et par leur nature, sont mélangés de manière indissociable avec d’autres articles ;

7° De fourniture de boissons alcoolisées dont la livraison est différée au-delà de trente jours et dont la valeur convenue à la conclusion du contrat dépend de fluctuations sur le marché échappant au contrôle du professionnel ;

8° De travaux d’entretien ou de réparation à réaliser en urgence au domicile du consommateur et expressément sollicités par lui, dans la limite des pièces de rechange et travaux strictement nécessaires pour répondre à l’urgence ;

9° De fourniture d’enregistrements audio ou vidéo ou de logiciels informatiques lorsqu’ils ont été descellés par le consommateur après la livraison ;

10° De fourniture d’un journal, d’un périodique ou d’un magazine, sauf pour les contrats d’abonnement à ces publications ;

11° Conclus lors d’une enchère publique ;

12° De prestations de services d’hébergement, autres que d’hébergement résidentiel, de services de transport de biens, de locations de voitures, de restauration ou d’activités de loisirs qui doivent être fournis à une date ou à une période déterminée ;

13° De fourniture d’un contenu numérique non fourni sur un support matériel dont l’exécution a commencé après accord préalable exprès du consommateur et renoncement exprès à son droit de rétractation.'

Selon ce texte :

— il n’y a pas de droit de rétractation quand il y a personnalisation du bien acquis par le consommateur ; il s’agit d’une dérogation légale ; le droit de rétractation n’a pas à être prévu et peut ne pas figurer dans le contrat ;

— la personnalisation n’est pas une condition de dispense du droit de rétractation quand il y a fourniture de services ; la loi ne prévoit donc pas de dérogation légale ; en cas de fourniture d’un service, par définition toujours adapté à la personne qui en bénéficie et échappant à toute possibilité de standardisation à la différence des biens commercialisés, il n’y a pas de possibilité de déroger à l’obligation légale de respecter l’exigence d’un droit de rétractation ; celui-ci doit être prévu dans le contrat de démarchage.

En l’espèce, la rédaction du contrat litigieux n’est pas conforme à la loi pour les raisons suivantes :

1 – Le texte de l’article L 221-28 anciennement L 121-21-8 édicte une série de contrats pour lesquels le droit de rétractation n’est pas une obligation légale ; il s’agit d’une série d’hypothèses dans lesquelles ce droit de rétractation n’est pas imposé ; comme on ne peut renoncer à un droit qui n’existe pas, le recours à la technique juridique de la renonciation à ce droit n’est donc pas la bonne ; le cocontractant du consommateur doit alors clairement indiquer que par sa nature le contrat déroge à l’exigence légale du droit de rétractation en visant le texte de loi mis sans demander au consommateur de renoncer à ce droit qu’il n’a pas.

Mais rien ne lui interdit de soumettre son contrat au droit de rétractation légal et, dans ce cas, il doit éviter de dénaturer le contrat par rapport aux textes visés dans le contrat.

2- En demandant au consommateur de renoncer à son droit de rétractation, la société LION & BUSINESS se place elle-même sous le régime du droit de rétractation légal ; elle doit en respecter les exigences et elle ne peut faire renoncer à ce droit de rétractation dans des hypothèses que ne prévoit pas la loi ; or, la loi ne prévoit pas de renonciation au droit de rétractation pour cause de personnalisation de services, mais seulement pour cause de personnalisation d’un bien.

Dans le contrat litigieux, la clause dérogatoire dactylographiée, reprise par écrit par Y Z, rattache la personnalisation au bien que celle-ci veut vendre ; il s’agit d’une dénaturation du contrat qu’invoque l’appelante si l’on se réfère à l’objet et au sens de ses écritures ; l’objet du contrat n’est pas la vente de ce bien ; la société LION & BUSINESS ne vend pas de bien immobilier mais seulement des services pour promouvoir le bien de sa cliente afin qu’elle puisse le vendre au mieux à une tierce personne ; si l’on examine les prestations de la société LION & BUSINESS, la lecture du contrat démontre que cette société ne fournit que des services, ce qui la place d’emblée hors du régime légal.

Les services fournis n’ont en outre rien de personnel même si l’objet sur lequel ils portent sont personnels au consommateur cocontractant. Aucun élément n’a été avancé par la société LION & BUSINESS démontrant en

quoi, pour le bien de Y Z, elle aurait été obligée d’avoir recours à des techniques particulières de communication, imposées par nature de ce bien et de faire des investissements particuliers ; les techniques de diffusion énumérées dans l’acte restent banales et ne font référence à aucune méthode particulière de diffusion.

La loi ne permettait donc pas à la société LION & BUSINESS de proposer à Y Z une renonciation à son droit de rétractation en se fondant sur la personnalisation de ses prestations limitées à des services.

Le jugement sera infirmé.

Il sera fait appliation de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

* infirme le jugement dans toutes ses dispositions ;

* annule la clause de renonciation au délai de rétractation contenue dans le contrat dont s’agit ;

* condamne la société LION & BUSINESS à payer une somme de 1500 euros en compensation de frais irrépétibles ;

* la condamne aux dépens de première instance et d’appel

.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur D faisant fonction de Président, et par Mme A B, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

A B C D

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