Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 21 octobre 2021, n° 20/02638
CPH Poitiers 14 septembre 2017
>
CA Poitiers
Confirmation 21 octobre 2021

Arguments

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  • Rejeté
    Absence de faute grave

    La cour a estimé que les faits reprochés, notamment le jet de la mailloche et les menaces envers un supérieur, constituent des comportements inacceptables dans le cadre des relations de travail, justifiant ainsi le licenciement.

  • Rejeté
    Droit aux indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse

    La cour a confirmé que le licenciement était justifié par des fautes graves, rendant la demande d'indemnités de licenciement irrecevable.

  • Rejeté
    Droit à l'indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse

    La cour a jugé que le licenciement était fondé sur des fautes graves, ce qui exclut le droit à une indemnité compensatrice de préavis.

  • Rejeté
    Droit à l'indemnité pour congés payés en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse

    La cour a confirmé que le licenciement était justifié, rendant la demande d'indemnité pour congés payés irrecevable.

  • Rejeté
    Droit à indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

    La cour a jugé que le licenciement était justifié par des fautes graves, excluant ainsi le droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

  • Rejeté
    Droit à la remise des documents de fin de contrat

    La cour a rejeté cette demande, considérant que le licenciement était justifié.

  • Rejeté
    Droit à une somme en application de l'article 700 du C.P.C.

    La cour a jugé qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer l'article 700 du C.P.C. en raison du rejet des demandes de Monsieur X.

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, ch. soc., 21 oct. 2021, n° 20/02638
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 20/02638
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Poitiers, 13 septembre 2017
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

PC/LR

ARRÊT N° 759

N° RG 20/02638

N° Portalis DBV5-V-B7E-GD2Q

X

C/

SA BONILAIT PROTÉINE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2021

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 septembre 2017 rendu par le Conseil de Prud’hommes de POITIERS

APPELANT :

Monsieur J X

né le […] à […]

[…]

[…]

ayant pour avocat postulant Me Isabelle MATRAT-SALLES, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Laura POMMIER, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉE :

SA BONILAIT PROTEINES

[…]

Bonillet

[…]

ayant pour avocat postulant Me Christine SOURNIES de la SCP D’AVOCATS TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me François-Xavier CHEDANEAU, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 Avril 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Anne-Sophie de BRIER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT

ARRÊT :

—  CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile que l’arrêt serait rendu le 17 juin 2021. A cette date le délibéré a été prorogé à la date de ce jour.

— Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. J X a été engagé le 1er juillet 2009 par la S.A. Bonilait Protéines en qualité d’agent de nettoyage, affecté à l’atelier de séchage, dans le cadre d’un contrat à durée déterminée de six mois, suivi d’un contrat à durée indéterminée à effet du 1er janvier 2010, en qualité de pilote d’installation.

M. X s’est vu notifier le 15 mars 2016 son licenciement pour faute grave par une LRAR ainsi motivée:

'Le 30 janvier 2016, vous avez eu une altercation verbale avec M. P Z dont le ton a tellement monté que le chef de fabrication a demandé l’intervention d’un cadre d’astreinte. Vous avez jeté violemment en direction de M. Z une mailloche qui sert à sonder le tuyau de descente de poudre.

Puis, le soir du 16 février 2016, vous avez été surpris avec votre téléphone portable en train de regarder un match avec trois autres de vos collègues, par -dessus votre épaule. A deux reprises, le chef de fabrication vous a demandé d’arrêter. Vous ayant obligé à ranger votre téléphone, vous êtes sorti quelques instants plus tard en criant pour menacer le chef de fabrication en lui disant: quand je serai viré, je te casserai la gueule.

Ce faisant, non seulement vous avez mis en cause votre hiérarchie qui vous avez demandé de cesser de regarder votre écran mais également d’entraîner vos collègues à cesser leur travail et en outre à ne pas respecter les consignes de sécurité.

Lors de l’entretien préalable vous n’avez pas été en mesure de nous apporter des éléments de nature à minorer votre responsabilité dans la commission de ces faits qui constituent une remise en cause grave de l’autorité de la direction et un non-respect des règles de sécurité et de vie de la communauté de travail.

Dans ces conditions, nous avons pris la décision de vous notifier votre licenciement pour faute grave…'

Par acte du 31 août 2016, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Poitiers d’une action en contestation de son licenciement et paiement de diverses indemnités.

Par jugement du 14 septembre 2017, le conseil de prud’hommes de Poitiers a débouté M. X de l’ensemble de ses demandes, dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du C.P.C. et condamné M. X aux dépens, en considérant, pour l’essentiel, que le jet de mailloche constitue une agression physique dangereuse, inadmissible dans le cadre de relations de travail et que ce seul geste justifie la sanction prise par l’employeur.

M. X a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 13 octobre 2017.

Par ordonnance du 12 juin 2018, le magistrat de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d’appel pour défaut de notification des conclusions d’appelant à l’avocat de l’intimée dans les trois mois de la déclaration d’appel.

Cette ordonnance a été confirmée par arrêt de la 4e chambre civile de la cour d’appel de Poitiers en date du 27 février 2019.

Par arrêt du 1er octobre 2020, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt du 27 février 2019, dit n’y avoir lieu à renvoi, constaté l’annulation de l’ordonnance du 12 juin 2018 du conseiller de la mise en état en conséquence de la cassation intervenue, rejeté l’incident de caducité de la déclaration d’appel soulevé par la société Bonilait et dit que l’instance se poursuivra devant la cour d’appel de Poitiers.

Par acte du 20 novembre 2020, M. X a saisi la chambre sociale de la cour d’appel de Poitiers du litige, en suite de l’arrêt du 1er octobre 2020.

L’affaire a été fixée à l’audience du 28 avril 2020 à laquelle les parties ont développé oralement leurs conclusions écrites respectivement déposées les 22 décembre 2020 (M. X) et 14 avril 2021 (société Bonilait).

M. X demande à la cour, réformant la décision entreprise:

— de juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ,

— de condamner la société Bonilait Protéines à lui payer les sommes de:

> 3 807,68 ' net à titre d’indemnité de licenciement,

> 5 678,40 ' brut à titre d’indemnité de préavis,

> 567,84 ' à titre de congés payés sur préavis,

> 28 392,01 ' net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— de dire que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du premier jour suivant

la date de saisine du conseil de prud’hommes,

— d’ordonner, sous astreinte, la remise des documents de fin de contrat rectifiés,

— de condamner la société Bonilait Protéines à lui payer la somme de 3 000 ' en application de l’article 700 du C.P.C., outre les entiers dépens.

Il expose :

— qu’à la suite de l’envoi d’une convocation à entretien préalable au titre des faits prétendument survenus le 30 janvier 2016, il a fait l’objet d’une surveillance renforcée par ses supérieurs hiérarchiques, la direction ayant conscience que l’engagement d’une procédure disciplinaire sur les seuls faits qu’elle lui imputait faussement ne saurait convaincre les juges en cas de litige sur l’existence d’une faute grave,

— que les faits qui lui sont reprochés sont pour les uns totalement imaginés et pour les autres totalement apurés des circonstances et tolérances habituelles de travail au sein de l’entreprise,

— s’agissant de la prétendue agression :

> qu’il avait vainement alerté sa hiérarchie sur ses difficultés professionnelles avec les autres membres de son équipe, qu’il n’est pas plus fautif que son collègue dans la genèse de l’altercation,

> que le jet de mailloche, à terre et non en direction de M. Z, ne constitue qu’un geste illustrant son désarroi, son impuissance et son découragement face à une situation d’agression verbale par son collègue,

> qu’il n’y pas de preuve de la réalité des accusations formées par M. Z qui ne nie pas ne pas avoir été atteint par l’outil, alors que le conseil, bien que constatant que cette preuve n’était pas rapportée, a confirmé le bien-fondé du licenciement sur un comportement que son employeur ne lui reprochait pas,

— s’agissant du visionnage de vidéos pendant le temps de travail:

> que la direction a soudainement décidé de sanctionner des faits qui ne font habituellement l’objet d’aucune sanction disciplinaire puisque largement tolérés, ainsi que le confirment diverses attestations de salariés, nonobstant les termes du règlement intérieur, alors même qu’aucun élément objectif et vérifiable ne corrobore la version donnée par le supérieur hiérarchique et que les deux autres salariés concernés n’ont fait l’objet d’aucune sanction,

> qu’il a toujours contesté avoir eu la réaction violente décrite dans l’attestation de son supérieur hiérarchique laquelle n’est corroborée par aucun élément objectif et vérifiable.

Dans ses dernières conclusions du 14 avril 2021, la société Bonilait Protéines demande à la cour :

— à titre principal, de déclarer caduque la déclaration d’appel

— subsidiairement, de confirmer le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives à l’application de l’article 700 du C.P.C. ,

— de condamner M. X à lui payer la somme de 3 000 ' au titre de l’article 700 du C.P.C., outre les entiers dépens.

Elle soutient pour l’essentiel :

— que M. X avait fait l’objet, courant janvier 2012, de deux sanctions disciplinaires, non contestées, pour des comportements excessifs et déplacés envers des supérieurs hiérarchiques,

— que les faits de violence visés dans la lettre de licenciement sont établis au regard de l’attestation du salarié qui en a été victime

— qu’alors qu’il faisait l’objet d’une convocation à entretien préalable pour le 23 février 2016, à la suite de faits de violence commis à l’encontre d’un collègue, M. X a, le 16 février 2016, réagi violemment à une injonction légitime de son supérieur hiérarchique de ne pas visionner une rencontre sportive sur son téléphone portable, que M. X, placé en arrêt de travail dès le lendemain, faisait l’objet d’une seconde convocation à entretien préalable pour le 9 mars 2016, avec mise à pied conservatoire à compter de sa reprise du travail,

— que la déclaration d’appel doit être déclarée caduque faute pour M. X de lui avoir notifié ou signifié ses conclusions d’appelant dans les trois mois suivant celle-ci,

— sur la réalité même des faits reprochés au salarié:

> s’agissant des faits du 30 janvier 2016: qu’ils sont établis tant dans leur matérialité que leur intentionnalité par l’attestation de la victime versée aux débats dont le contenu est identique aux propos tenus par elle immédiatement après l’altercation, tels que relatés dans l’attestation du cadre d’astreinte qui s’était déplacé sur site pour calmer les intéressés, propos qui n’avaient pas été contestés par M. X tant le jour des faits que lors de l’entretien préalable ainsi qu’établi par les notes manuscrites prises par la responsable RH y ayant participé, de sorte que les multiples versions postérieures par lui données de l’incident sont dépourvues de toute crédibilité,

> s’agissant des faits du 16 février 2016: que l’interdiction d’utilisation de téléphones personnels est interdite par le règlement intérieur et avait donné lieu par le passé à une sanction disciplinaire de sorte qu’aucune tolérance n’est caractérisée, qu’il est reproché au salarié non seulement cette utilisation mais également son agressivité et ses menaces proférées à l’encontre de son supérieur hiérarchique, confirmées par les attestations du chef d’équipe et du cadre de permanence,

— sur leur gravité: que les faits visés dans la lettre de licenciement n’ont jamais été admis dan l’entreprise, ce que savait le salarié, précédemment destinataire de deux sanctions disciplinaires pour des faits de même nature et n’ayant jamais contesté l’existence de règles qui lui étaient rappelées, faisant ensuite le choix d’agresser et d’invectiver ses collègues et supérieurs, ce qui n’est pas admissible dans le cadre des relations de travail.

MOTIFS

L’exception de caducité de la déclaration d’appel pour défaut de notification/signification des conclusions d’appelant dans les trois mois suivant la déclaration d’appel soulevée dans le dispositif des conclusions de l’intimée sera rejetée comme se heurtant à l’autorité de chose définitivement jugée par l’arrêt de la cour de cassation du 1er octobre 2020 dès lors qu’elle est fondée sur le même moyen que celui invoqué dans le cadre de la procédure d’incident clôturée par cette décision.

Selon les articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié. Cette lettre, qui fixe les limites du litige doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables, permettant au juge d’en apprécier la réalité et le sérieux. Le juge ne peut pas examiner d’autres motifs que ceux évoqués dans la lettre de licenciement mais il doit examiner tous les motifs invoqués, quand bien même ils n’auraient pas tous été évoqués dans les conclusions des parties.

La charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse sur aucune des parties en

particulier, le juge formant sa conviction au vu des éléments produits par chacun. L’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.

Lorsque le motif allégué n’est pas le motif réel du licenciement, celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Enfin, il appartient au juge d’apprécier la nature de la faute invoquée par l’employeur.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La gravité de la faute s’apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l’ancienneté du salarié, des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié, de l’existence ou de l’absence de précédents disciplinaires, étant rappelé que si des manquements antérieurs ayant fait l’objet de sanctions peuvent être retenus pour caractériser une faute grave à la suite d’un nouveau manquement, c’est à la condition que ces faits ne soient pas antérieurs de plus de 3 ans à l’engagement des nouvelles poursuites disciplinaires (article L1332-5 du code du travail).

Sur la matérialité même des faits reprochés à M. X:

Le premier grief est le suivant: 'Le 30 janvier 2016, vous avez eu une altercation verbale avec M. P Z dont le ton a tellement monté que le chef de fabrication a demandé l’intervention d’un cadre d’astreinte. Vous avez jeté violemment en direction de M. Z une mailloche qui sert à sonder le tuyau de descente de poudre.'

Pour étayer cette accusation, la société Bonilait verse aux débats:

— une attestation de M. Z du 11 octobre 2016, ainsi rédigée: 'M. X suite à des propos injurieux de sa part à lancé de toutes ses forces une mailloche en ma direction. Celle-ci est passée devant moi pour aller s’écraser quelques mètres plus loi contre un rebord métallique',

- une photographie de l’objet litigieux (pièce 6) pouvant être comparé à un marteau doté d’un manche d’une trentaine de centimètres et d’une tête cylindrique en caoutchouc, d’environ 8 cm de diamètre, pour un poids total de près d'1 kg,

— l’attestation de M. A, chef de fabrication (pièce 54) ainsi rédigée: Pendant le poste de nuit du 29 au 30 janvier 2016, en fin de nuit, M. Z, agent de conditionnement, m’a appelé au bureau pour me dire que M. X avait jeté dans sa direction une mailloche en caoutchouc. Je me suis rendu sans délai sur le poste concerné. M. X était déjà monté dans les étages effectuer sa tâche. M. Z était lui affolé. Il m’expliqua que M. X lui avait reproché de ne pas avoir surveillé le big bag de rebut qui se trouvait à proximité, occasionnant le bourrage du conduit. M. X Q a lancé dans sa direction une mailloche qu’il avait pris pour sonde la tuyauterie. A son retour en cabine de pilotage, par téléphone j’ai demandé à M. X d’avancer à mon bureau pour me donner sa version des faits. Ne le voyant pas venir je me suis déplacé en cabine et je n’a pu que constater l’impossibilité de pouvoir obtenir une conversation convenable avec M. X. Vu la gravité des faits, je pris la décision d’en avertir le cadre de permanence qui se déplaça le plus rapidement possible sur le site. M. Z et M. X, à l’heure de la débauche du poste de nuit, se retrouvèrent dans mon bureau en présence du cadre de permanence et de moi-même pour la description de cette altercation à tour de rôle.

— l’attestation de M. B, cadre de permanence (pièce 7) indiquant qu’il a été appelé à 4h32 par le chef de fabrication qui lui a demandé de venir car il y avait deux personnes qui allaient se taper dessus, qu’à son arrivée à 4h54 tout le monde était dans le bureau des chefs de fabrication, M. X et M. Z étaient en train de s’engueuler copieusement, qu’en fin de poste, vers 4h20, M.

X s’est rendu compte que la descente de poudre vers le rebut Big Bag était bouchée, qu’il a reproché à M. Z de ne pas l’avoir vu et que cela risquait de faire bourrer le tour, qu’elle avait déjà été arrêtée 4h30 la veille pour le même chose, que M. X a entendu la réponse de M. Z comme 'qu’est ce que j’en ai à foutre', que le ton est monté et M. X a jeté violemment en direction de M. C une mailloche qui sert à sonder le tuyau de descente de poudre, que la mailloche n’a pas touché M. Z, que dans le bureau MM. X et Z n’arrivaient pas à se parler ccalmement et M. Z a fini par partir… M. X explique qu’il ne se sent pas bien dans cette équipe, qu’il l’a déjà dit plusieurs fois, qu’il est dans une période où c’est dur pour lui, et que comme il est dans une équipe où les autres n’en ont rien à foutre il ne le supporte plus,

— les notes manuscrites (pièce 49) rédigées par Mme D, responsable ressources humaines, ayant assisté à l’entretien préalable, ainsi rédigées concernant l’altercation avec M. Z: 'en aucun cas la mailloche n’a été dirigée contre lui, la mailloche est partie tout droit, mais reconnaît avoir eu un geste dangereux vis-à-vis de notre collègue, je reconnais que je suis impulsif, je n’arrive pas à me maîtriser'.

M. X expose qu’il n’est pas à l’origine de l’altercation verbale l’ayant opposé à M. Z lequel a répondu agressivement à une remarque légitime sur la qualité de son travail, en faisant observer que l’altercation s’est poursuivie en présence de la hiérarchie, il conteste toute intention violente à l’égard de M. Z, exposant n’avoir pas lancé la mailloche 'en direction’ de celui-ci mais l’avoir simplement jetée à terre, dans un sentiment d’impuissance face au comportement de son collègue, la mailloche ayant simplement été jetée à terre, en direction du sol. Il soutient par ailleurs que les premiers juges se sont contredits en retenant que le fait de jeter la mailloche à terre en signe de protestation et non en direction de M. Z constitue une agression physique inadmissible.

Il produit une attestation de M. E, salarié, présent à l’entretien préalable (pièce 9), ainsi rédigée: Les représentants de Bonilait coupaient régulièrement la parole à M. X lors de ses explications. Ils orientaient la discussion dans leur sens, ne laissant pas M. X se justifier des faits. M. X a expliqué à plusieurs reprises durant la réunion qu’il avait demandé plusieurs fois à son supérieur hiérarchique, M. F, un changement d’équipe dû au

comportement de ses collègues. M. F n’a pas nié les faits mais n’a pas

voulu répondre à ce sujet. Mme D (RH) lors de cet entretien n’a pas demandé d’explication à M. F à ce sujet. M. F a confirmé qu’il n’y avait jamais eu de problème concernant le travail effectué par M. X.

La lecture du jugement déféré ne révèle l’existence d’aucune contradiction de motifs ou incohérence dans le raisonnement des premiers juges, étant considéré:

> que le jugement est ainsi rédigé:

* attendu que M. X ne nie pas les faits mais qu’il explique qu’il a jeté la mailloche à terre en signe de protestation sans intention de le viser,

* attendu cependant qu’une telle réaction constituait en réalité une agression physique dangereuse, inadmissible dans le cadre de relations de travail,

> que, même s’il peut être retenu une maladresse de rédaction, ces attendus n’impliquent manifestement pas que les premiers juges, tout en faisant leur la version des faits présentée par M. X, ont considéré que le fait de jeter la mailloche à terre et non en direction de M. Z constituerait une agression physique dangereuse et inadmissible ,

> que les premiers juges ont simplement, dans le premier attendu, rappelé l’argumentation soutenue

par M. X pour, dans le second attendu, ne pas la retenir, considérant que le jet en direction de M. Z était établi et qu’il était constitutif d’une faute grave,

Si l’altercation verbale ayant opposé les deux salariés s’est déroulée sans témoin identifié et si son origine ne peut, au regard des éléments du dossier, être imputée à l’un ou l’autre des protagonistes de manière exclusive, il n’en demeure pas moins que la faute reprochée à M. X est d’avoir jeté violemment une mailloche en direction de M. Z.

A cet égard, il y a lieu de considérer:

— que 'jeter un objet en direction de quelqu’un’ ne suppose pas nécessairement le viser ni a fortiori l’atteindre,

— qu’il résulte de l’attestation précitée de M. B, cadre de permanence intervenu sur site une demi-heure après les faits et ayant entendu chacun des protagonistes dans des conditions d’objectivité et d’impartialité ne pouvant être sérieusement contestées au regard de son contenu ci-dessus retranscrit (rappelant notamment les difficultés relationnelles rencontrées par M. X au sein de l’équipe à laquelle il était affecté) que M. X n’a alors pas contesté la version des faits donnée par M. Z,

— qu’il résulte également des notes prises par la responsable ressources humaines lors de l’entretien préalable (dont la lecture exhaustive permet également de considérer que le salarié a été entendu dans des conditions objectives et impartiales) que si M. X a indiqué qu’en aucun cas la mailloche n’a été dirigée contre son collègue, qu’elle est partie tout droit et qu’il l’a récupérée derrière un appareil, il a reconnu avoir eu un geste dangereux vis-à-vis de son collègue, qu’il est impulsif et n’arrive pas à se maîtriser,

— que le jet de la mailloche constituait objectivement un acte de violence de nature à impressionner et traumatiser le salarié victime.

Le premier grief reproché à M. X est ainsi caractérisé dans sa matérialité.

Le second grief visé dans la lettre de licenciement est le suivant:

'le soir du 16 février 2016, vous avez été surpris avec votre téléphone portable en train de regarder un match avec trois autres de vos collègues, par-dessus votre épaule. A deux reprises, le chef de fabrication vous a demandé d’arrêter. Vous ayant obligé à ranger votre téléphone, vous êtes sorti quelques instants plus tard en criant pour menacer le chef de fabrication en lui disant: quand je serai viré, je te casserai la gueule.

Ce faisant, non seulement vous avez mis en cause votre hiérarchie qui vous avez demandé de cesser de regarder votre écran mais également d’entraîner vos collègues à cesser leur travail et en outre à ne pas respecter les consignes de sécurité.'

Pour étayer cette accusation, la société Bonilait verse aux débats:

— une attestation (pièce 11) de M. G, chef de fabrication, indiquant que M. X R un match de foot sur son téléphone portable, je lui demande de cesser, il proteste et coupe le son de son téléphone et le pose sur le bureau vers 21h20. Je repasse en cabine de pilotage, M. X était toujours devant le match de foot Je lui demande de mettre son téléphone dans son sac, il proteste de nouveau en signalant que c’était injuste. Il range le téléphone dans le tiroir. Je ressort de la cabine pour me diriger vers le laboratoire. M. X est sorti en criant et m’a rejoint devant le rack électrique de la tour n°3 et m’a dit 'quand je serai viré, je te casserai la gueule, il est retourné en cabine, j’ai appelé le cadre de permanence pour lui signaler les faits, il était 21h35,

- l’attestation de M. H (pièce 122), cadre de permanence, ainsi rédigée: I G m’a relaté les faits suivants: je t’appelle pour te prévenir que j’ai un problème avec J X, je l’ai vu avec son téléphone portable regardé le match de football sur son poste de travail , je lui ai demandé d’arrêter mais ce fut très compliqué, limite agressif, je suis revenu une deuxième fois à son poste de travail et il avait et regardé son téléphone toujours pour suivre le match de football et j’ai eu beaucoup de mal pour arrêter cela, J était de plus en plus agressif, I était très Q et il m’a dit que si cela continuait je prends mes affaires et je rentre chez moi pour ne pas me faire agresser j’ai senti I très inquiet je lui ai dit de garder son calme et que si de nouveau il y a un autre problème avec J, il garde son calme, il m’appelle et je viendrai sur le site,

— les notes manuscrites établies par Mme D (pièce 49): me demande de laisser mon téléphone je sors de la cabine et après je m’Q je sors et je lui demande pourquoi il est comme ça, j’en peux plus, j’ai dépassé les limites, je ne veux plus travailler ici, je suis en arrêt maladie, je ne peux plus travailler chez Bonilait,

— le règlement intérieur de l’entreprise (pièce 53) dont l’article 5 dispose que l’usage du téléphone portable personnel est interdit sur le poste de travail,

— une lettre de notification de mise en garde remise le 7 janvier 2015 à un salarié surpris installé confortablement en cabine de pilotage avec son téléphone et les oreillettes.

M. X conteste l’existence même d’une faute en exposant:

— que l’employeur a soudainement décidé de sanctionner des faits qui ne font habituellement l’objet d’aucune sanction disciplinaire au sein de la société puisqu’ils sont largement tolérés ainsi que l’établissent plusieurs attestations de salariés dont :

> une attestation de Mme K, secrétaire (pièce 15): les chefs de fabrication m’ont confirmé qu’ils avaient déjà regardé des événements sportifs sur les portables des pilotes de cabine, il m’arrive de voir des salariés sur leur portable sans que les chefs interviennent, ils dorment aussi pendant leurs heures de travail devant les chefs,

> attestation de M. L, agent de nettoyage (pièce 16): le 19 juin, je suis rentré en cabine de pilotage, j’ai vu trois pilotes qui regardaient le match sur un portable; quand j’ai dit bonjour au chef, il m’a demandé d’aller chercher mon portable car il était plus gros pour regarder le match, ce que j’ai refusé. A multiples reprises pendant des années, j’ai été aperçu sur mon portable sans que l’on ne me sanctionne,

> une photographie (pièce 18) prise le 19 juin 2016 représentant trois salariés, dans la cabine de pilotage, se préparant pendant leur temps de travail à regarder un match de football de l’équipe de France,

> attestation de M. M, ancien intérimaire (pièce 17) durant mes quatre périodes de saisonnier effectuées chez Bonilait, j’ai constaté à de nombreuses reprises l’utilisation du téléphone portable par des pilotes en cabine de pilotage, les responsables présents à ce moment-là ne sont pas intervenus,

— qu’il n’a jamais contraint ou incité ses collègues à visionner le match,

— qu’il n’a jamais menacé M. G ainsi que l’établit une attestation de M. N, l’un des collègues ayant visionné le match sur son portable, pièce 21) indiquant je certifie ne pas avoir entendu crier M. X à sa sortie de la cabine de pilotage suite au problème avec M. G,

— que ne comprenant pas pourquoi, si soudainement, son supérieur hiérarchique s’acharnait à vouloir

qu’il range son téléphone portable alors que la direction avait toujours toléré cette pratique et qu’il était le seul à se faire invectiver, il l’a suivi pour lui faire part de cette incompréhension et lui en demander les raisons,

— que la seule attestation d’un salarié, sans témoin de la scène et contestée par le prétendu auteur de l’agression ne saurait suffire à motiver, même partiellement, un licenciement.

Les éléments versés aux débats ne permettent pas de retenir l’existence d’une tolérance d’entreprise permettant au personnel de production d’utiliser, en infraction avec le règlement intérieur, les téléphones portables personnels pendant les heures de travail à des fins de loisirs, notamment pour visionner des retransmissions de rencontres sportives, étant considéré:

— que les attestations produites par M. X sont à cet égard dépourvues de force probante soit par leur caractère manifestement exagéré (attestation de Mme K décrivant une situation de désorganisation totale de l’atelier de production objectivement invraisemblable) ou imprécis (attestation de M. O quant à la date des faits y étant mentionnés), soit par le démenti apporté par les pièces produites par la société Bonilait (attestation de M. L et photographie annexée, afférentes à des faits postérieurs au licenciement et contredites par l’attestation du chef de fabrication présent ce jour-là (pièce 50 de l’intimée) indiquant que les pilotes présents en cabine de pilotage étaient en tenue réglementaire dans les dix minutes qui ont suivi leur prise de poste, moment où il s’est rendu en cabine et attestant n’avoir jamais demandé le portable de M. L pour aucune raison que ce soit),

— que la S.A. Bonilait verse aux débats (pièce 51) une lettre de mise en garde remise à un salarié le 24 décembre 2014 à un salarié surpris par son responsable hiérarchique installé en cabine de pilotage avec son téléphone et les oreillette, avisant celui-ci qu’un renouvellement d’incident de ce genre amènerait l’employeur à prendre une sanction disciplinaire.

Examinant chacun des griefs articulés dans la lettre de licenciement relativement aux faits du 16 février 2026, il y a lieu de considérer:

— qu’aucun élément objectif et vérifiable n’établit que M. X a 'entraîné ses collègues à cesser leur travail et à ne pas respecter les consignes de sécurité', ceux-ci étant présumés libres et responsables de leurs actes,

— s’agissant de la 'mise en cause de la hiérarchie':

> qu’il est acquis et non contesté que le responsable de fabrication a dû intervenir à deux reprises pour obtenir de M. X la cessation de l’utilisation de son téléphone portable,

> qu’il est également acquis et non contesté qu’après avoir rangé son téléphone, M. X a suivi le chef de fabrication hors de la cabine de pilotage, sollicitant des explications de manière suffisamment agressive et intimidante pour que celui-ci contacte téléphoniquement le cadre de permanence pour lui faire part de sa crainte d’une agression physique de la part de M. X (cf. attestations de MM. G et H),

> que dès lors, même si les termes que M. G a attribué à M. X ne peuvent être vérifié, le comportement agressif de M. X est suffisamment caractérisé et constitutif d’une mise en cause explicite de sa hiérarchie, en réponse à une demande légitime d’exécution de ses obligations contractuelles.

Le second grief mentionné dans la lettre de licenciement est également caractérisé.

Sur la gravité des faits reprochés à M. X:

Il y a lieu de considérer, s’agissant de l’incident du 30 janvier 2016, qu’en maintenant M. X dans ses fonctions, en toute connaissance de la nature et de l’étendue des faits dès leur commission (l’employeur n’invoquant ni ne justifiant avoir dû procéder à une quelconque enquête) et en lui notifiant, seulement dix jours après les faits, une convocation à entretien préalable, sans avoir prononcé une mise à pied conservatoire jusqu’à la survenance du second incident, la S.A.S. Bonilait s’est privée de la possibilité de se prévaloir de ce chef d’une faute grave, laquelle se définit par l’impossibilité de maintenir le salarié dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis.

Cela étant considéré, le second incident du 16 février 2016 en ce qu’il caractérise une remise en cause de la hiérarchie fonctionnelle par un comportement suffisamment violent et intimidant pour contraindre son supérieur hiérarchique à faire appel au cadre de permanence, incident étant intervenu alors même que le salarié était sous le coup d’une convocation à entretien préalable pour une altercation avec un collègue, doit être considéré comme constitutif d’une faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis.

Pour ces motifs, le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté M. X de toutes ses demandes contre la société Bonilait.

Sur les demande accessoires:

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du C.P.C. en faveur de l’une quelconque des parties, s’agissant tant des frais irrépétibles exposés en première instance que de ceux exposés en cause d’appel.

M. X sera condamné aux entiers dépens d’appel et de première instance.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Poitiers en date du 14 septembre 2017,

Déclare irrecevable la demande tendant à voir déclarer caduque la déclaration d’appel,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant:

— Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du C.P.C. en cause d’appel,

— Condamne M. X aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 21 octobre 2021, n° 20/02638