Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 8 juillet 2021, n° 19/03050
CPH Saintes 23 août 2019
>
CA Poitiers
Confirmation 8 juillet 2021

Arguments

Le contenu a été généré à l’aide de l’intelligence artificielle. Pensez à vérifier son exactitude.

Signaler une erreur.
  • Rejeté
    Modification unilatérale du contrat de travail

    La cour a estimé que les modifications apportées au contrat de travail avaient été acceptées par la salariée et que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de bonne foi.

  • Rejeté
    Harcèlement moral

    La cour a jugé que les éléments présentés ne constituaient pas des agissements répétés de harcèlement moral et que la dégradation de l'état de santé de la salariée n'était pas imputable à l'employeur.

  • Rejeté
    Licenciement sans cause réelle et sérieuse

    La cour a confirmé que le licenciement pour inaptitude était justifié et que, par conséquent, l'indemnité de préavis n'était pas due.

  • Rejeté
    Indemnité de licenciement non versée

    La cour a constaté que l'indemnité de licenciement avait déjà été versée et que la demande était donc irrecevable.

  • Rejeté
    Licenciement injustifié

    La cour a jugé que le licenciement pour inaptitude était justifié et reposait sur une cause réelle et sérieuse.

  • Rejeté
    Frais irrépétibles

    La cour a décidé de débouter les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700, considérant l'équité.

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, ch. soc., 8 juil. 2021, n° 19/03050
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 19/03050
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Saintes, 22 août 2019
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ASB/LR

ARRÊT N° 499

N° RG 19/03050

N° Portalis DBV5-V-B7D-F26G

X

C/

S.E.L.A.S. LABORATOIRE D’ANALYSE DE BIOLOGIE MEDICALE CERBALL IANCE CHARENTES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 08 JUILLET 2021

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 août 2019 rendu par le Conseil de Prud’hommes de SAINTES

APPELANTE :

Madame D X

née le […] à […]

[…]

[…]

[…]

Ayant pour avocat Me Claudy VALIN de la SCP VALIN COURNIL, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

INTIMÉE :

SELAS LABORATOIRE D’ANALYSE DE BIOLOGIE MÉDICALE CERBALLIANCE CHARENTES

N° SIRET : 444 491 229

[…]

[…]

ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS -

ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

et pour avocat plaidant Me Nicolas CZERNICHOW de la société BRL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS – ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 mars 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Président

Madame Anne-Sophie de BRIER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT

ARRÊT :

—  CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile que l’arrêt serait rendu le 27 mai 2021. A cette date, le délibéré a été prorogé à la date de ce jour;

— Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIERE , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE :

A compter du 14 juin 1999, la société Saintes Biologie (SARL), dont le siège social est situé à Saintes et le représentant légal Mme F Y, a embauché Mme D X pour exercer des fonctions d’aide ménagère au siège social de la société, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel (9h).

La convention collective nationale applicable est celle des laboratoires de biologie médicale extra-hospitaliers du 3 février 1978.

Par avenant du 1er mai 2005, la durée hebdomadaire de travail de Mme X a été portée à 10, 50 heures.

Par avenant du 6 juin 2006, la durée hebdomadaire de travail de Mme X a été portée à 11, 95 heures.

En parallèle, Mme X était employée par Mme Y, cogérante de Saintes Biologie, comme aide ménagère à son domicile.

Le contrat de travail de Mme X a été transféré à la société Laboratoire d’analyse de biologie

médicale Cerballiance Charentes (SELAS) (ci-après dénommée la société Cerballiance Charentes).

Par avenant du 30 octobre 2017, la société Cerballiance Charentes et Mme X ont convenu que cette dernière occuperait un poste de coursière et que sa durée hebdomadaire de travail serait de 30, 50 heures (soit 132, 17 heures par mois).

Par avenant du 29 décembre 2017, Mme X a été confirmée dans son poste de coursière et sa durée hebdomadaire de travail maintenue à 30, 50 heures.

Par avenant du 13 mars 2018, les parties ont convenu de maintenir la durée hebdomadaire de travail de 30.50 heures.

A partir du 9 avril 2018, Mme X a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie.

'

Le 15 novembre 2018, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Saintes. A l’audience des débats, elle a demandé à la juridiction de :

— prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur,

— condamner la société Cerballiance Charentes à lui payer les sommes de :

* 3.003, 44 euros au titre de l’indemnité de préavis correspondant à 2 mois de salaire, outre 300, 34 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 8.259, 46 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

* 36.041, 30 euros au titre de l’indemnité de l’article L. 1235-3 du code du travail pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonner l’exécution provisoire.

Par jugement du 23 août 2019, le conseil de prud’hommes a :

— débouté Mme X de l’intégralité de ses demandes,

— débouté la SELAS Laboratoire d’analyse de biologie médicale Cerballiance Charentes de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné Mme X aux dépens.

Par déclaration au greffe le 18 septembre 2019, Mme X a formé appel contre ce jugement, en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes.

'

Le 2 décembre 2019, à l’issue d’une visite de reprise, le médecin du travail a déclaré Mme X inapte à son poste d’ « agent d’entretien coursière » en indiquant que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Par courrier du 24 janvier 2020, la société Cerballiance Charentes a notifié à Mme X son

licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle.

'

Par ordonnance du 24 février 2021, le conseiller de la mise en état a clôturé la procédure au même jour et renvoyé l’affaire à l’audience de plaidoiries du 24 mars 2021, tenue en formation collégiale.

Par ses dernières conclusions, remises au greffe le 20 février 2020 par le RPVA, Mme X demande à la cour d’infirmer la décision du conseil de prud’hommes et, statuant à nouveau, de :

1/ constater que pour occuper le temps plein fixé pour occuper l’emploi de coursière, elle a dû démissionner du deuxième temps partiel qu’elle occupait également comme aide-ménagère, étant précisé que son emploi initial à ce titre avait été supprimé par la société Cerballiance Charentes par recours à l’externalisation, et en conséquence :

— dire et juger bien fondée sa demande de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de la société Cerballiance Charentes,

— en conséquence condamner la société Cerballiance Charentes à lui payer les sommes suivantes :

* 3.003, 44 euros au titre de l’indemnité de préavis correspondant à 2 mois de salaire, outre 300, 34 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 8.259, 46 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

* 36.041, 30 euros au titre de l’indemnité de l’article L. 1235-3 du code du travail pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2/ en tenant compte de la nouvelle situation créée par le licenciement de Mme X le 24 janvier 2020,

> à titre principal :

— dire et juger nul et de nul effet le licenciement en date du 24 janvier 2020 comme transgressant l’article 1152-1 du code du travail, et en conséquence, condamner la société Cerballiance Charentes à lui payer les sommes suivantes:

—  3.003, 44 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 300, 34 euros à titre de congés payés sur préavis,

—  8.259, 46 euros à titre d’indemnité de licenciement

—  36.041, 30 euros à titre d’indemnité de l’article L. 1235-3 du code du Travail pour licenciement opéré sans cause réelle et sérieuse,

> subsidiairement :

— constater la violation caractérisée de l’obligation de recherche de reclassement par la société Cerballiance Charentes, et en conséquence, condamner celle-ci à lui payer les sommes suivantes :

—  3.003, 44 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 300, 34 euros à titre de congés payés sur préavis,

—  8.259, 46 euros à titre d’indemnité de licenciement

—  36.041, 30 euros à titre d’indemnité de l’article L. 1235-3 du code du travail pour licenciement opéré sans cause réelle et sérieuse,

— condamner la société Cerballiance Charentes à lui payer une indemnité de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel,

— condamner la société Cerballiance Charentes aux dépens de première instance et d’appel.

Mme X expose qu’elle n’a aucunement refusé une augmentation de son temps de travail, mais au contraire une diminution de celui-ci. Elle ajoute qu’en tant que salariée à temps partiel, elle avait priorité pour l’attribution de la tournée de Mme Z par rapport à une embauche extérieure, ce que l’employeur ne conteste pas. Elle fait remarquer que son emploi comme coursier l’a obligée à démissionner de son deuxième emploi et qu’au final elle se retrouve avec un contrat de 12 heures de travail par semaine seulement ; que la société l’a maintenue, sans raison et sans explication, à un horaire de 12 heures de travail hebdomadaire, la plongeant ainsi dans une situation d’indigence.

Mme X fait valoir, à l’appui de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail fondée sur l’article 1184 du code civil, que son employeur a manqué à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail en modifiant unilatéralement le contrat de travail, en particulier l’horaire de travail et la rémunération correspondante, ainsi que la tournée qu’elle accomplissait jusqu’alors.

Elle soutient également que le laboratoire Cerballiance Charentes a violé ses engagements contractuels ; qu’en reconnaissant dans ses conclusions que Mme X a accepté d’occuper définitivement les fonctions de coursière, ce qui doit s’entendre comme une acceptation définitive pour l’horaire de travail contractuellement défini de 132, 17 heures par mois, l’employeur a fait un aveu judiciaire ; qu’en outre l’employeur a voulu contourner la prohibition d’une interruption de CDI par la conclusion d’un CDD, en établissant des avenants, qui ont le même effet ; que son horaire mensuel est ainsi passé en mai 2018 de 130, 58 heures à 52 heures.

Elle estime que c’est une modification unilatérale, sans discussion possible et sans délai de prévenance qui lui a été imposée en mai 2018, alors que l’avenant avait été renouvelé quatre fois ; qu’une telle modification unilatérale d’un élément essentiel du contrat de travail constitue une faute grave.

Mme X estime que la privation d’emploi dans laquelle le laboratoire Cerballiance Charentes l’a délibérément placée constitue un agissement caractérisant le harcèlement moral, en ce qu’il a eu pour effet, et même pour objet, une dégradation de ses conditions de travail portant atteinte à ses droits et à sa dignité, altérant sa santé mentale et compromettant son avenir professionnel.

Elle s’appuie sur l’article L. 1226-2 du code du travail pour soutenir que l’employeur a violé son obligation de recherche de reclassement, en estimant qu’il n’a fait aucun effort sur ce point en dépit de sa taille très importante et en indiquant qu’elle même présentait une aptitude certaine à différents travaux.

Par ses dernières conclusions, remises au greffe le 16 mars 2020 par le RPVA, la société Cerballiance Charentes demande à la cour de :

> confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Saintes en ce qu’il a:

— dit et jugé que la demande de résiliation judiciaire présentée par Mme D X était infondée, cette dernière ne justifiant pas que la société SELAS laboratoire d’analyse de biologie medicale Cerballiance charentes aurait gravement manqué à ses obligations ce qui rendrait le maintien de son contrat de travail impossible ;

— débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes à ce titre,

> statuer de nouveau et dire et juger que Mme X n’a pas été victime de harcèlement moral, et en conséquence :

— débouter Mme X de sa demande au titre de la nullité de son licenciement et des demandes pécuniaires formulées à ce titre ;

— constater que la SELAS laboratoire d’analyse de biologie medicale Cerballiance charentes justifie avoir satisfait à son obligation de reclassement à l’égard de Mme X ;

— dire et juger que le licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle et impossibilité de reclassement de Mme X est justifié ;

— en conséquence, débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes à ce titre ;

> en tout état de cause :

— débouter Mme X de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner Mme X au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner Mme X aux entiers dépens.

S’opposant à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, le laboratoire Cerballiance Charentes soutient que Mme X n’a subi aucune modification unilatérale de son contrat de travail : ni de son poste de travail, puisqu’elle a expressément accepté d’occuper les fonctions de coursière, ni de son temps de travail, puisqu’elle a également accepté expressément la modification de son temps de travail en signant les différents avenants contractuels portant à 30, 50 heures par semaine son temps de travail, pour une durée déterminée. La société Cerballiance Charentes estime ainsi qu’au terme du dernier avenant conclu, Mme X devait comme convenu reprendre l’exécution de la relation contractuelle dans les conditions antérieures. Elle estime n’avoir fait qu’appliquer les dispositions contractuellement convenues, et qu’elle n’était pas tenue d’accepter la proposition d’aménagement de ses fonctions faite par Mme X lors de l’entretien du 23 mars 2018. Elle dénonce la mauvaise foi de Mme X qui estime que l’emploi de Mme Z aurait du lui être proposé, en faisant valoir que celle-ci occupait bien son emploi en mars, avril et mai 2018 et que Mme X a été placée en arrêt maladie à compter du 9 avril 2018, soit avant le terme de son dernier avenant ; qu’aucun poste à temps plein n’était donc disponible. L’employeur ajoute que Mme X ne lui a jamais demandé d’occuper le poste de Mme Z, mais simplement de faire certaines tournées de celle-ci. La société Cerballiance Charentes estime qu’en invoquant l’article L. 3123-1 du code du travail, Mme X reconnaît que la société n’a pas modifié unilatéralement son contrat de travail.

La société Cerballiance Charentes estime par ailleurs que Mme X n’a subi aucun agissement constitutif de harcèlement moral ; qu’elle n’apporte aucun fondement, ni juridique ni factuel, au soutien de ses prétentions ; que son contrat de travail n’a pas été unilatéralement modifié et que son licenciement s’imposait au regard de l’avis du médecin du travail ; qu’en outre elle n’établit pas de lien entre son état de santé et les prétendus faits de harcèlement moral, en précisant que seul le médecin du travail est habilité à se prononcer sur un lien entre l’état de santé et les conditions de travail, et qu’il n’y a pas eu de reconnaissance de maladie professionnelle.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

MOYENS DES PARTIES et MOTIFS DE L’ARRÊT :

1. Lorsque le salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat est justifiée.

Si la demande de résiliation est justifiée, le juge fixe la date de la rupture à la date d’envoi de la lettre de licenciement.

Si la demande de résiliation est injustifiée, le juge doit alors statuer sur le licenciement.

En l’espèce, la demande de résiliation du contrat de travail présentée par le laboratoire Cerballiance Charentes est antérieure au licenciement en sorte qu’il y a lieu de rechercher d’abord si elle est justifiée.

2. En vertu de l’article L 1231-1 du code du travail, « le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative ['] du salarié ['] dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre ».

En particulier, la résiliation judiciaire du contrat de travail peut être demandée par le salarié en cas de manquement de l’employeur suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il est rappelé à cet égard que l’employeur ne peut, sans l’accord du salarié, modifier le contrat de travail; qu’un avenant est nécessaire pour toute modification d’un élément essentiel du contrat de travail, tel que les fonctions occupées ou la durée du travail.

Il est également rappelé que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, sur le fondement de l’article L. 1222-1 du code du travail.

Il est constant qu’au 29 octobre 2017, et depuis 2006, Mme X occupait un poste d’aide ménagère dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel de 11, 95 heures par semaine.

Ainsi que l’a exactement relevé le conseil de prud’hommes, l’avenant du 30 octobre 2017 que Mme X a signé, manifestant ainsi son consentement exprès, comportait deux modifications de son contrat de travail :

— l’une portant sur le poste occupé, à savoir le poste de coursière désormais ;

— l’autre portant sur la durée du travail, de 30, 50 heures par semaine désormais (soit 132, 17 heures par mois).

Les termes de l’avenant précisaient expressément, pour l’une et l’autre modification, que celles-ci étaient temporaires, ne devant durer que « à compter du 3 novembre 2017 et ce jusqu’au 31 décembre 2017 ».

L’avenant du 29 décembre 2017, également signé par Mme X qui a ainsi manifesté son accord, a pérennisé son poste de coursière. Il a par ailleurs prolongé la fixation du temps de travail à 30, 50 heures par semaine, temporairement puisqu’il est expressément indiqué au début du paragraphe relatif à la « Durée du travail (prolongation) » : « à compter du 1er janvier 2018 et ce jusqu’au 14 mars 2018 ».

Enfin, l’avenant du 13 mars 2018, également signé de Mme X qui y a donc consenti, a une nouvelle fois prolongé temporairement cette fixation de la durée du travail à 30, 50 heures par

semaine, en indiquant expressément au début du paragraphe relatif à la « Durée du travail (Prolongation) » : « A compter du 15 mars 2018 et ce jusqu’au 18 avril 2018 ».

Les termes de ces trois avenants sont parfaitement clairs lorsqu’ils évoquent la durée du travail et le caractère temporaire de sa fixation à 30, 50 heures par semaine. C’est à tort que la salariée se prévaut d’un aveu judiciaire de l’employeur quant au caractère définitif de la durée de travail fixée à 30, 50 heures par semaine, dès lors que l’employeur dans ses conclusions défend le caractère temporaire des avenants litigieux concernant la durée du travail, et dès lors que ces avenants, dont celui du 29 décembre 2017 plus précisément visé par la salariée, sont tout à fait clairs sur ce point, ne permettant aucune autre interprétation.

Il ne peut non plus être considéré que cette succession d’avenants temporaires visait à contourner la prohibition d’une interruption de CDI par la conclusion d’un CDD, dès lors que la durée indéterminée du contrat de travail n’a jamais été remise en cause.

Par ailleurs, la modification de la tournée effectuée jusqu’alors par Mme X n’est pas constitutive d’une modification du contrat de travail, mais simplement des conditions de travail.

C’est donc à bon droit, sans que cela ne constitue une modification unilatérale du contrat de travail, que l’employeur, après le 18 avril 2018, a payé Mme X (qui était alors en arrêt maladie) à hauteur de 12 heures de travail par semaine, soit à hauteur de la durée de travail en vigueur avant la conclusion des trois avenants modifiant temporairement la durée du travail.

S’il n’est pas contesté que le passage de son temps partiel de 11, 95 heures par semaine à 30, 50 heures par semaine l’a conduite à démissionner de son emploi d’aide ménagère auprès de Mme Y, et que le retour à cette précédente durée du travail n’a pu qu’être préjudiciable à la salariée, il n’est pour autant établi aucun manquement de l’employeur, notamment à son obligation de bonne foi, dès lors que le caractère temporaire du changement horaire était parfaitement clair depuis le début.

Par ailleurs, Mme X n’établit aucunement que l’employeur aurait du lui proposer le poste de Mme Z, coursière également, en priorité plutôt que de revenir à une durée hebdomadaire de travail de 11, 95 heures ; qu’à tout le moins il aurait du accepter sa proposition, formulée dans son courrier daté du 22 mai 2018, de compléter ses propres tournées en y ajoutant « la tournée Fontcouverte, St A, B et Burie de G Z » ; qu’en refusant, il a fait preuve de mauvaise volonté et d’une obstination injustifiée. En effet, elle n’établit pas que le poste occupé par Mme Z était disponible et l’employeur apporte la preuve contraire, par la production de deux fiches de tournée de celle-ci (1er mars et 12 avril 2018) et ses bulletins de paie de mars avril et mai 2018. L’absence de réponse à son courrier du 22 mai 2018 ne peut suffire à démontrer une mauvaise foi de l’employeur à cet égard. Si l’employeur ne conteste pas que le poste de Mme Z a été ultérieurement attribué à un coursier extérieur, comme l’affirme Mme X dans son courrier,

il est noté qu’aucun élément des débats ne permet de dater cette embauche, dont il n’est pas établi, par conséquent, qu’elle est intervenue alors que Mme X était disponible (il est rappelé à cet égard que Mme X était en arrêt maladie à compter du 9 avril 2018).

Il ne peut donc pas être reproché à la société Cerballiance Charentes de manquement à l’obligation de bonne foi, de défaut de loyauté, d’information ou de respect d’un délai de prévenance, ni aucun autre manquement allégué par Mme X.

La décision de première instance est donc confirmée en ce qu’elle a débouté Mme X de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

3. Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de

travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

L’article L. 1152-3 ajoute que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions est nulle.

En application de l’article L. 1154-1 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 10 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, Mme X établit la réalité d’une dégradation de son état de santé, en produisant des ordonnances médicales à compter du 9 avril 2018 et un certificat de son médecin traitant le docteur C évoquant le 9 août 2018 un arrêt de travail depuis le 9 avril 2018 pour un syndrome anxio-dépressif, avec suivi par le CMP et un psychiatre.

Mais par ailleurs, le seul agissement mis en avant est la privation de son emploi (à l’origine d’une dégradation de ses conditions de travail, conduisant notamment à une altération de sa santé mentale au point d’être déclarée inapte). Or, d’une part, il ne s’agit pas d’un agissement répété. D’autre part, les développements qui précèdent n’établissent pas de privation d’emploi, mais un retour à la durée de travail antérieurement fixé, en application des avenants acceptés par Mme X, et sans que soit caractérisée de mauvaise foi de l’employeur.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, ne permettent pas d’établir de présomption de harcèlement moral, de sorte que Mme X est déboutée de sa demande tendant à voir déclarer son licenciement nul.

4. L’article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2018 dispose que « Lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu’il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ».

L’article L. 1226-2-1 ajoute, en son alinéa 2, que « l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article

L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

En l’espèce, le médecin du travail a indiqué dans l’avis d’inaptitude du 2 décembre 2019 que l’état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, en cochant la case concernée, clairement située dans une partie de l’avis évoquant les « cas de dispense de l’obligation de reclassement ».

Mme X ne peut donc valablement reprocher à la société Cerballiance Charentes une absence de recherche de reclassement.

Par suite, le licenciement de Mme X pour inaptitude repose sur une cause réelle et sérieuse.

5. En conséquence de ces développements, Mme X est déboutée de ses demandes principales et subsidiaires d’indemnité pour licenciement nul ou, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse.

Ayant été licenciée pour inaptitude d’origine non professionnelle, le préavis n’avait pas à être exécuté en application de l’article L. 1226-4 du code du travail, de sorte qu’est confirmée la décision de première instance ayant débouté Mme X de sa demande d’indemnité de préavis et congés payés sur préavis.

S’agissant de l’indemnité de licenciement réclamée à hauteur de 8.259, 46 euros, il est noté qu’elle a déjà été versée ainsi que cela ressort du solde de tout compte, signé de Mme X. Il est surabondamment précisé que celle-ci ne soutient pas ne pas avoir perçu cette somme et ne développe aucun moyen à l’appui de cette demande dans ses conclusions. La demande est dès lors déclarée irrecevable.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En qualité de partie perdante, Mme X est condamnée aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel.

En revanche, il n’apparaît pas contraire à l’équité de débouter chacune des parties de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tant pour la procédure de première instance que d’appel.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions frappées d’appel,

Y ajoutant,

Déboute Mme D X de sa demande tendant à voir déclarer nul son licenciement pour inaptitude,

Déboute Mme X de sa demande tendant à voir déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Déboute Mme X de sa demande d’indemnité pour licenciement nul, et de sa demande subsidiaire d’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Déboute Mme X de sa demande d’indemnité de préavis et de congés payés sur préavis,

Déclare irrecevable la demande de Mme X en paiement d’une indemnité de licenciement,

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme X aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Extraits similaires à la sélection

Aucune décision de référence ou d'espèce avec un extrait similaire.

Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 8 juillet 2021, n° 19/03050