Cour d'appel de Reims, 24 mars 2015, n° 13/01689
TGI Troyes 31 mai 2013
>
CA Reims
Infirmation partielle 24 mars 2015

Arguments

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  • Accepté
    Insatisfaction des résultats des interventions

    La cour a confirmé que le préjudice moral et corporel de la patiente était justifié par l'insatisfaction des résultats des interventions et les complications subies.

  • Accepté
    Responsabilité du docteur E F

    La cour a retenu la responsabilité du docteur E F, justifiant ainsi le remboursement des débours par la caisse primaire.

  • Accepté
    Frais irrépétibles

    La cour a jugé que la patiente avait droit à une indemnisation pour les frais engagés, en raison de la responsabilité du docteur E F.

  • Rejeté
    Frais irrépétibles

    La cour a rejeté cette demande, considérant que la caisse primaire n'avait pas droit à une indemnisation pour les frais engagés.

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 24 mars 2015, n° 13/01689
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 13/01689
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Troyes, 30 mai 2013

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

du 24 mars 2015

R.G : 13/01689

F

c/

B

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’AUBE, RÉG IE PAR LE CODE DE SECURITE SOCIALE

NL

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 24 MARS 2015

APPELANT :

d’un jugement rendu le 31 mai 2013 par le tribunal de grande instance de TROYES,

Monsieur E F

XXX

XXX

COMPARANT, concluant par la SCP GENET, avocats au barreau de REIMS et ayant pour conseil la Maître Georges LACOEUILHE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES :

Madame A B

XXX

XXX

COMPARANT, concluant par Maître François GEORGE, avocat au barreau de l’Aube

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’AUBE,

XXX

XXX

COMPARANT, concluant par la SCP COLOMES MATHIEU, avocats au barreau de l’Aube

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame MAILLARD, président de chambre

Madame SIMON-ROSSENTHAL, conseiller

Madame LAUER, conseiller, entendue en son rapport

GREFFIER :

Monsieur SAMYCHETTY, adjoint administratif, faisant fonction de greffier, lors des débats et Monsieur LEPOUTRE, greffier, lors du prononcé,

DEBATS :

A l’audience publique du 02 février 2015, où l’affaire a été mise en délibéré au 24 mars 2015,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 24 mars 2015 et signé par Madame MAILLARD, président de chambre, et Monsieur LEPOUTRE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Mme A B a subi le 7 juillet 2006 une chirurgie de plastie abdominale avec liposuccion effectuée par le docteur E F, chirurgien plasticien. Une formation anéchogène liquidienne étalée sur l’ensemble de la paroi abdominale ayant été constatée, une seconde intervention a été réalisée par le docteur E F le 6 juillet 2007.

S’estimant insatisfaite du résultat et considérant les suites opératoires mal gérées, Mme A B a sollicité le Docteur Y qui lui a proposé une reprise chirurgicale programmée pour 2010. Cette dernière intervention l’a pleinement satisfaite.

Auparavant, Mme A B avait été examinée le 25 novembre 2008 par le Docteur Z dont l’expertise amiable avait été diligentée par sa protection juridique. Celui-ci a estimé que le résultat était insuffisant de même que le suivi post-opératoire.

Mme A B a alors sollicité une mesure d’expertise judiciaire en référé qui a été ordonnée le 9 novembre 2010, le docteur X étant commis pour y procéder. L’expert a déposé son rapport le 26 juillet 2010. Ce rapport conclut à des soins conformes aux règles de l’art et aux données acquises de la science ainsi qu’à l’absence de lésions inhabituelles imputables aux interventions litigieuses.

Par acte du 13 septembre 2011, Mme A B, sur le fondement de l’article 1147 du Code civil et contestant les conclusions du rapport d’expertise judiciaire, a fait assigner le docteur E F ainsi que la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Aube devant le tribunal de grande instance de Troyes aux fins de voir condamner le docteur E F au paiement des sommes de 23 546,03 € en réparation de son préjudice et de 3 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le docteur E F, se prévalant des conclusions du rapport d’expertise judiciaire, a conclu principalement au rejet des demandes et, subsidiairement, à la réduction de celle-ci à de plus justes proportions.

La caisse primaire d’assurance-maladie de l’Aube, estimant la responsabilité du docteur E F engagée, a sollicité le remboursement de ses débours provisoires ainsi que la condamnation du docteur E F au paiement de l’indemnité forfaitaire de frais de gestion s’élevant à 997 € ainsi qu’au paiement d’une somme de 1 500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 31 mai 2013, le tribunal de grande instance de Troyes a :

— condamné le docteur E F à payer à Mme A B à titre de dommages et intérêts la somme de 8 946,03 € en réparation de son préjudice corporel et la somme de 2 000 € en réparation de son préjudice moral,

— condamné le docteur E F à payer à la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Aube les somme de 3 279,16 € au titre de ses prestations provisoires et sous réserve des prestations à venir avec intérêts au taux légal à compter des premières conclusions du 2 novembre 2011 et de 997 € au titre des frais de gestion,

— condamné le docteur E F à payer à Mme A B la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement,

— condamné le docteur E F aux dépens avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le tribunal, rappelant qu’en matière de chirurgie esthétique le chirurgien est tenu à une obligation de moyen renforcée, a estimé qu’il était patent que la réduction quasi complète de la paroi abdominale de Mme A B, sans aucune séquelle ou complication n’était ni irréaliste ni irréalisable contrairement à ce qu’avait conclu l’expert judiciaire. L’intervention du Docteur Y n’ayant eu lieu qu’un peu plus de quatre mois seulement après la réunion d’expertise, le tribunal en a déduit qu’il existait donc une marge de progression très sensible sur le plan esthétique qui avait été totalement déniée par l’expert.

Le docteur E F a interjeté appel.

Selon ses dernières conclusions notifiées le 16 décembre 2013 et au visa de l’article L 1142-1 du code de la santé publique, il sollicite l’infirmation de la décision entreprise et demande à la cour de :

— principalement, débouter Mme A B et la caisse primaire d’assurance-maladie de l’intégralité de leurs demandes,

— condamner Mme A B à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Mme A B aux entiers dépens avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

— subsidiairement réduire les sommes allouées à Mme A B à de plus justes proportions et débouter la caisse primaire d’assurance-maladie de ses demandes.

Selon ses dernières conclusions notifiées le 24 octobre 2013, Mme A B conclut principalement à la confirmation intégrale du jugement déféré et, subsidiairement, demande à la cour d’ordonner une nouvelle mesure d’expertise judiciaire aux frais avancés de l’appelant. En tout état de cause, elle demande la condamnation du docteur E F à lui verser une somme de 2 500 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon ses dernières conclusions notifiées décembre 2013, la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Aube conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a statué sur la responsabilité du docteur E F et demande à la cour de :

— condamner celui-ci à lui verser la somme de 4 015,54 € correspondant à ses débours définitifs et ce à compter de ses premières conclusions du 2 novembre 2011,

— condamner le docteur E F à lui verser la somme de 1 015 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion,

— condamner le docteur E F à lui verser la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner le docteur E F aux entiers dépens avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la responsabilité

Au soutien de son appel, le docteur E F invoque les conclusions du rapport d’expertise judiciaire qui relèvent des soins conformes aux règles de l’art et aux données acquises de la science. Il ajoute que les complications d''dème constituent des aléas thérapeutiques et qu’il n’a commis aucune faute en soulignant qu’aucun dire n’a été adressé par Mme A B à l’expert judiciaire. Il soutient que le rapport d’expertise amiable ne lui est pas opposable car non contradictoire et qu’il a respecté scrupuleusement son devoir d’information du patient. Il rappelle que le médecin n’est astreint qu’à une obligation de moyen et ne peut donc voir sa responsabilité engagée du seul fait que le résultat atteint ne correspond pas au résultat escompté. Il précise qu’il a accompli un acte de chirurgie à visée reconstructive et plastique selon la nomenclature de l’assurance-maladie qui a pris l’intervention en charge et qui n’avait donc pas le même but que l’intervention pratiquée par le docteur Y, référencée par l’assurance-maladie comme un acte à visée esthétique. Il conteste en particulier l’indemnisation distincte du préjudice moral alors que celui-ci est déjà inclus dans les souffrances endurées. S’agissant des débours de la caisse primaire d’assurance-maladie, il observe que celle-ci aurait exposé les mêmes débours si Mme A B avait été satisfaite du résultat de sorte qu’elle ne peut en solliciter le remboursement par le docteur E F.

Mme A B réplique que l’expertise amiable a été versée aux débats et donc a pu être discutée de manière contradictoire en soulignant de plus qu’elle a été sollicitée dans le but de voir ordonner en référé une mesure d’expertise judiciaire. Elle rappelle qu’elle a clairement sollicité le docteur E F dans un but esthétique de sorte que si l’intervention pratiquée devait être effectivement différente de celle pratiquée par le docteur Y, le docteur E F aurait gravement manqué à son devoir d’information. Elle précise que le contrat portait bien sur une intervention de nature esthétique pour supprimer son ventre « en besace ». Elle invoque l’absence totale de résultat des deux opérations en remarquant que l’expertise judiciaire a été réalisée avant l’intervention du docteur Y de sorte que l’expert judiciaire n’en a pas connu les résultats. Elle considère que l’appréciation de l’expert judiciaire est basée uniquement sur le fait que le docteur E F avait codifié son acte comme un acte thérapeutique reconstructif sans se préoccuper de rechercher la véritable nature du contrat passé, ce qui lui a évité évidemment de conclure au ratage complet des interventions sur le plan esthétique. Elle ajoute que les conclusions de l’expertise judiciaire aux termes desquelles l’état actuel de Mme A B n’était pas susceptible d’être amélioré par une reprise chirurgicale sont clairement démenties par les résultats parfaits de la dernière intervention ayant eu lieu cinq mois après. Elle insiste également sur la réalité de son préjudice moral pour avoir dû exposer son corps à tous les intervenants.

En application de l’article 1147 du Code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En application de l’article L 1142-1 I du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.

Mme A B a été adressée au docteur E F par sa diététicienne informant le chirurgien que la patiente était en demande d’une prise en charge esthétique suite notamment à un régime et trois grossesses (pièce n° 2 de Mme A B). Un devis non daté a ensuite été signé par Mme A B pour une plastie abdominale (QBFA 012), l’intervention devant être réalisée à la clinique du pays de Seine à Romilly sur Seine le 7 juillet 2006 (pièce n° 3 de Mme A B).

Selon la nomenclature des actes médicaux publiée au journal official du 30 mars 2006 suite à la décision du 11 mars 2015 de l’union nationale des caisses d’assurance-maladie, l’acte QBFA 012 concerne une « dermolipectomie abdominale avec transposition de l’ombilic, lipoaspiration de l’abdomen et fermeture de diastasis des muscles droits de l’abdomen ».

Le compte rendu opératoire (page 9 du rapport d’expertise judiciaire) est rédigé de la manière suivante : « plastie abdominale pour abdomen en besace (entente préalable). Patiente en décubitus dorsal. Port de bas anti thrombose, jambes repliées. Désinfection à la Bétadine jaune. Incision sur le dessin établi au-dessus du pubis après repère en position debout. Lipoaspiration à l’étage sus-ombilical technique d’Illouz à canule n° 5. Décollement cutanéo-graisseux selon les limites fixées. Hémostase soigneuse. L’ombilic est isolé. Exérèse de l’excès cutanéo-graisseux, aucun geste nécessaire au niveau des grands droits. Décollement cutanéo-graisseux au-dessus de l’ombilic. On vérifie que le lambeau supérieur vient bien et sans aucune tension. Plastie des grands droits au monocryl 3/0. Pose de deux redons aspiratifs au niveau du pubis. Fermeture en deux plans au monocryl 4/0 et surjet ID. Extériorisation de l’ombilic sur la ligne médiane, à hauteur des crêtes iliaques. Suture au monocryl 4/0. Stéristrips américains, Hypafix, gaine abdominale. Port d’une ceinture de contention abdominale + Lovenox 0,2 ml/jour + antibiotiques.»

Selon le rapport d’expertise médicale judiciaire, l’aspect du ventre de Mme A B correspond typiquement à celui d’une plastie abdominale, avec les cicatrices correspondantes. Il s’agit d’une cicatrice horizontale, mesurant 39 cm de long d’une épine iliaque à l’autre, relativement fine (moins de 2 mm dans sa plus grande largeur) sauf à son extrémité externe gauche, où la désunion localisée a laissé une cicatrice déprimée longue de 2,5 cm et large de 1,5 cm. L’expert constate que chaque extrémité de cette cicatrice est le siège d’une « oreille » (ou bourrelet en relief) d’environ 5 cm de long. L’expert constate également suite à l’abdominoplastie une cicatrice circulaire autour de l’ombilic, très fine, et également blanche et souple, l’ombilic se situant à 16 cm de l’appendice xiphoïde et à 8 cm de la cicatrice horizontale précédente.

Selon l’expert judiciaire, il n’existe pas de préjudice esthétique, la comparaison des photographies pré opératoires avec les photos actuelles montrant en effet que la peau du ventre a été indiscutablement retendue puisque de face comme de profil l’aspect de besace sus-pubienne a disparu. L’expert relève en outre que la cicatrice sous costale droite initiale se retrouve actuellement en position para-ombilicale, ce qui témoigne clairement de l’étendue de la pièce de résection. L’expert rappelle que la plastie abdominale n’est pas une méthode d’amaigrissement et qu’elle ne peut prétendre qu’à remettre en tension les téguments distendus, au prix d’inévitables cicatrices. Il considère que c’est bien ce qui a été fait à Mme A B et que c’est aussi pour cela qu’elle a été adressée au Docteur E F par sa diététicienne. Il concède cependant que subsiste encore de petites imperfections, qui correspondent aux « oreilles » cicatricielles et à l’élargissement très localisé de la cicatrice à sa partie gauche. Il souligne que la bénignité et la fréquence de ces imperfections, facile à corriger sous anesthésie locale, ne doit pas faire oublier l’amélioration obtenue sur l’ensemble de la paroi abdominale retendue de façon incontestable mais moins spectaculaire que Mme A B imaginait.

Cependant, en se focalisant sur l’aspect retendu de l’abdomen de Mme A B et si certes l’abdominoplastie n’est pas une méthode d’amaigrissement, l’expert omet de se prononcer sur la qualité de la liposuccion pratiquée par le docteur E F alors que cet acte est bien inclus dans l’acte QBFA 012 de la nomenclature de l’assurance-maladie pour lequel il a sollicité une prise en charge de la caisse.

En outre, si le docteur E F indique que selon la fiche de la société française de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique relative à la plastie abdominale, le but d’une telle intervention est d’enlever la peau la plus abîmée et de retendre la peau saine périphérique, cette fiche ajoute que l’on peut y associer dans le même temps un traitement de la surcharge graisseuse localisée par lipoaspiration.

De plus, il est faux d’affirmer que Mme A B a été adressée au docteur E F dans le seul objectif de retendre son abdomen puisque, ainsi que le montre le courrier de la diététicienne évoqué ci-dessus, Mme A B était en demande d’une prise en charge esthétique globale suite à un amaigrissement et trois grossesses.

Il est d’autant plus dommageable que l’expert judiciaire ne se soit pas prononcé sur la qualité de la liposuccion pratiquée par le docteur E F alors que lors de l’intervention pratiquée le 22 novembre 2010, le docteur Y a encore pu retirer 800 CC de lipides abdominaux, ce qui a contribué au résultat escompté par Mme A B.

En outre, selon la même fiche de la SOFCPRE au nombre des imperfections de résultat de cette intervention figurent les petits excès cutanés locaux accessibles à une retouche chirurgicale sous anesthésie locale ou anesthésie locale approfondie à partir du 12e mois postopératoire en ambulatoire. Or, l’expert judiciaire a bien constaté des « oreilles » cicatricielles accessibles, selon ses termes, à une retouche.

Si les photographies figurant dans l’exemplaire du rapport d’expertise judiciaire communiqué par le docteur E F sont illisibles, l’exemplaire qui en est communiqué par Mme A B en montre clairement l’aspect boursouflé et disgracieux, cf en particulier page 16 du rapport d’expertise, nettement atténué suite au geste pratiqué par le docteur Y (pièces n°19 de Mme A B).

Or, ayant dû réintervenir le 6 juillet 2007 pour évacuation d’une collection lymphatique enkystée, il est incompréhensible que le docteur E F n’ait pas proposé à Mme A B ce geste de reprise simple de ces cicatrices.

Les moyens mis en 'uvre par le Docteur E F pour parvenir au résultat escompté par sa patiente ont donc été insuffisants.

Enfin, si l’expert judiciaire conclut à l’impossibilité d’améliorer l’état de Mme A B car il n’existe plus d’excédent cutanéo-graisseux suffisant pour proposer raisonnablement une nouvelle résection, une fois de plus cette conclusion passe sous silence la possibilité de réaliser un complément de lipoaspiration, geste couramment associé à l’abdominoplastie tant il est vrai qu’il n’y aurait pas de sens à retendre les tissus sans retirer l’excédent cutanéo-

graisseux, raison pour laquelle cet acte est bien pris en charge par l’assurance-maladie dans le cadre de l’acte QBFA 012.

Dès lors, si aux termes du rapport d’expertise judiciaire les soins prodigués par le docteur E F à Mme A B ont été prudents, diligents et conformes aux données acquises de la science, le respect de ces obligations, qui incombent à tout chirurgien, ne saurait exonérer le chirurgien esthétique de l’insuffisance des moyens mis en 'uvre qui est constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité.

Par ailleurs, si le docteur E F soutient que l’acte qu’il a accompli n’aurait eu qu’une visée reconstructrice et que celui accompli ultérieurement par le docteur Y serait lui de nature plastique et esthétique, outre qu’il ne s’explique pas sur la spécificité technique de chacun des deux gestes, cette affirmation relève d’une évidence puisque le docteur Y n’a été amené qu’à terminer le travail laissé inachevé par le docteur E F.

La cour relève au demeurant que Mme A B a sollicité le docteur E F pour un acte à visée esthétique. Si celui-ci prétend que l’intervention proposée n’avait qu’une visée reconstructrice, il lui appartient de justifier qu’il a dispensé à sa patiente une information adéquate notamment quant au résultat qu’elle était en droit d’attendre de cette intervention, dans le but d’éclairer parfaitement le consentement de sa patiente à cet acte de chirurgie importante.

En effet, en application de l’article L1111-2 du code de la santé publique, toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver.

Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser.

En outre, selon l’article L6322-2 du même code, pour toute prestation de chirurgie esthétique, la personne concernée, et, s’il y a lieu, son représentant légal, doivent être informés par le praticien responsable des conditions de l’intervention, des risques et des éventuelles conséquences et complications. Cette information est accompagnée de la remise d’un devis détaillé.

Selon la pièce n° 3 communiquée par l’appelant, Mme A B a accepté un devis concernant un acte chirurgical à visée plastique pour une plastie abdominale (QBFA 012). Outre que ce document contredit l’affirmation du docteur E F selon laquelle l’intervention n’aurait eu qu’une visée reconstructrice, ce devis, réduit à sa plus simple expression, ne peut en aucun cas constituer le devis détaillé exigé par les dispositions légales.

En outre le 9 juin 2006 (pièce n° 4 de Mme A B), la patiente a signé un formulaire de consentement éclairé mutuel rédigé de la manière suivante :

« je soussignée, Mme A B certifie donner mon accord au docteur E F pour l’intervention chirurgicale suivante : plastie abdominale sous anesthésie générale prévue le 7 juillet 2006 à la clinique du pays de Seine (10100 Romilly sur Seine). Arrêt de travail prévisible de 15 jours pouvant faire l’objet d’un remboursement de prestations journalières par l’assurance-maladie. J’affirme avoir bien compris la taille et la position des cicatrices : oui. Je confirme que les complications inhérentes à tout acte chirurgical ont été expliquées (parmi les plus courantes et sans exhaustivité) : complications spécifiques à l’anesthésie générale (allergie possible, coma, décès… Tout cela sera discuté lors de la consultation d’anesthésie obligatoire quelques jours avant l’intervention, hématome, nécrose tissulaire localisée, infection (locale de la plaie opératoire, générale : exceptionnelle (septicémie), phénomènes thrombo-emboliques (phlébite ou embolie pulmonaire) ; les cicatrices évoluent sur une période de 18 à 24 mois. Elles sont souvent rouges et épaisses dans les trois à neuf mois qui suivent l’opération ; des massages sont parfois nécessaires. Elles ne doivent pas être exposées au soleil pendant une période de 12 à 18 mois. J’atteste que le Docteur E F a répondu à toutes mes questions, m’a remis une fiche détaillée concernant l’intervention et j’estime avoir compris le déroulement et les risques de cet acte chirurgical. Fait à Romilly le 9 juin 2006. »

Il ne résulte nullement de ce document que Mme A B ait été informée du résultat qu’elle était en droit d’attendre de l’intervention, limité aux dires du docteur E F.

En conséquence, par application des dispositions légales ci-dessus rappelées, en méconnaissant son devoir d’information de sa patiente, le docteur E F a également commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité du docteur E F.

Sur le préjudice

Sur le préjudice de Mme A B

Le docteur E F prétend qu’il n’a pas à indemniser Mme A B au titre du déficit fonctionnel temporaire, les deux interventions subséquentes étant liées à des accidents thérapeutiques. Pour autant, comme l’a exactement relevé le premier juge, Mme A B a dû subir trois interventions supplémentaires sur une période de quatre ans pour obtenir un résultat qui, en dépit des aléas thérapeutiques, pouvait logiquement être atteint après une seule intervention en l’absence de preuve contraire.

Pour la même raison, il est justifié d’indemniser Mme A B de sa perte de revenus occasionnés par la troisième intervention pratiquée par le Docteur Y, dont les honoraires sont justifiés par la pièce n° 12 de Mme A B, qui n’aurait pas dû avoir lieu si le docteur E F avait respecté ses obligations.

Quant au préjudice esthétique, au vu des pièces communiquées montrant des cicatrices disgracieuses en « oreilles », et quand bien même il est à ce jour effacé par l’intervention du Docteur Y, il ne saurait être nié.

Aucun élément du dossier ne justifie de remettre en cause l’évaluation du premier juge sur les différents postes de préjudice.

Le préjudice moral subi par la patiente dans la sphère de l’intime exposé à tous les intervenants d’une procédure judiciaire justifie une indemnisation distincte de celle des souffrances endurées.

Le jugement déféré sera confirmé.

Sur les demandes de la caisse primaire d’assurance-maladie

Comme l’a exactement relevé le premier juge, il doit être fait droit à la demande de la caisse primaire d’assurance-maladie qui a accepté de prendre en charge l’intervention dès lors que la responsabilité du docteur E F, dont les interventions ont été inefficaces, est retenue.

La caisse primaire d’assurance-maladie communiquant à hauteur de cour le relevé définitif de ses débours arrêtés à la date du 26 novembre 2013 (sa pièce n° 2), le jugement sera cependant infirmé sur le montant des prestations que le docteur E F sera condamné à rembourser à l’organisme social.

Le docteur E F sera donc condamné à payer à la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Aube la somme de 4 015,54 € outre une somme de 1 015 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion de l’article L376-1 du code de la santé publique de sorte qu’elle doit être déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a statué sur l’article 700 du code de procédure civile ainsi que sur les dépens.

Le docteur E F sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel puisque tenu des dépens de l’instance d’appel qui donneront lieu à application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il sera également condamné à verser à Mme A B la somme de 1 500 € au titre de ses frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme partiellement le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Troyes le 31 mai 2013,

Et, statuant à nouveau,

Condamne le Docteur E F à verser à la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Aube la somme de 4 015,54 € en remboursement de ses débours définitifs,

Condamne le Docteur E F à verser à la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Aube la somme de 115 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Troyes le 31 mai 2013 pour le surplus,

Et, y ajoutant,

Déboute le Docteur E F de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Aube de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne le Docteur E F à verser à Mme A B la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne le Docteur E F aux dépens de l’instance d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

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