Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 14 novembre 2017, n° 16/01625
Chronologie de l’affaire
Sur la décision
Référence : | CA Reims, 1re ch. sect.civ., 14 nov. 2017, n° 16/01625 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Reims |
Numéro(s) : | 16/01625 |
Décision précédente : | Tribunal de commerce de Troyes, 16 mai 2016 |
Dispositif : | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours |
Sur les parties
- Président : Francis MARTIN, président
- Avocat(s) :
- Parties : SARL SOCIETE DES PRES
Texte intégral
ARRET N°
du 14 novembre 2017
R.G : 16/01625
SARL SOCIETE DES PRES
c/
SCP X A B
FLM
Formule exécutoire le :
à
:
— SELARL FOSSIER-NOURDIN
— SCP BILLION-MASSARD-RICHARD-SIX-THIBAULT
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2017
APPELANTE :
d’un jugement rendu le 17 mai 2016 par le tribunal de commerce de TROYES,
SARL SOCIETE DES PRES
1, rond point […]
[…]
COMPARANT, concluant par la SELARL FOSSIER-NOURDIN, avocats au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître Gérard WURTZ, avocats au barreau de l’AUBE
INTIMEE :
SCP X A B prise en la personne de Me C-D X ès qualités de liquidateur de l’EURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER, fonction à laquelle elle a été désignée par jugement du Tribunal de Commerce de TROYES du 8 septembre 2015
[…]
B-P 4095
[…]
COMPARANT,concluant par la SCP BILLION-MASSARD-RICHARD-SIX-THIBAULT, avocats au barreau de l’AUBE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Madame Florence MATHIEU, conseiller
GREFFIER :
Madame NICLOT, greffier lors des débats et Monsieur MUFFAT-GENDET greffier lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 26 septembre 2017, où l’affaire a été mise en délibéré au 14 novembre 2017,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2017 et signé par Monsieur MARTIN, président de chambre, et Monsieur MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
EXPOSE DU LITIGE :
Le 28 mars 2014, lEURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER a cédé du matériel d’exploitation à la SARL SOCIETE DES PRES pour permettre le paiement d’une dette fiscale née d’un redressement de TVA, moyennant la somme de 178.000 euros.
Concomitamment, la SARL SOCIETE DES PRES a consenti à l’EURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER deux contrats de location des matériels acquis mais laissés en place, moyennant des loyers de 2.000 euros et 450 euros hors taxes.
Par un avenant du 16 avril 2014, le terme du contrat a été fixé au 31 décembre 2014 et a offert la faculté de renouvellement à la seule discrétion de la SARL SOCIETE DES PRES.
Par jugement du 9 septembre 2014, le tribunal de commerce de Troyes a prononcé le redressement judiciaire de l’EURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER et désigné la SCP X A B, pris en la personne de Maître C-D X en qualité de mandataire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 octobre 2014, la SARL SOCIETE DES PRES a mis en demeure l’EURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER, par la voie de son conseil, de prendre parti sur la poursuite des contrats de location conformément aux dispositions de l’article L 622-13 du code de commerce.
La SCP X A B, ès-qualités, a été informée par la SARL SOCIETE DES PRES de l’existence de cette mise en demeure, par pli recommandé du 10 octobre 2014.
Par courrier du 4 novembre 2014, l’EURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER a fait savoir à son cocontractant qu elle souhaitait poursuivre les deux conventions.
Par jugement du 4 novembre 2014, le tribunal de commerce de Troyes a nommé Maître Y Z aux fonctions d’administrateur judiciaire avec une mission d’assistance du débiteur.
Par requête en date du 12 novembre 2014, la SARL SOCIETE DES PRES a saisi le juge-commissaire au redressement de l’EURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER d’une demande de résiliation des deux contrats de location avec cette précision que l’un d’entre eux arrivait de plein droit à son terme le 31 décembre 2014, et en restitution du matériel, en raison du non-paiement des loyers.
Par ordonnance rendue le 7 mai 2015, le juge commissaire a rejeté les demandes de la SARL SOCIETE DES PRES en résiliation des contrats et restitution du matériel.
Par lettre en date du 13 mai 2015, la SARL SOCIETE DES PRES a formé opposition à l’encontre de cette ordonnance.
Par jugement rendu le 8 septembre 2015, le tribunal de commerce de Troyes a prononcé la liquidation judiciaire de l’EURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER sans poursuite d’activité et désigné Maître X en qualité de liquidateur.
Par un jugement réputé contradictoire rendu le 17 mai 2016, le tribunal de commerce de Troyes a, avec le bénéfice de l’exécution provisoire :
— dit que les contrats de location de la SARL SOCIETE DES PRES consentis à l’EURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER ne sont pas résiliés de plein droit au 10 novembre 2014, date de la requête à Monsieur le juge commissaire, ni terminés de plein droit au 31 décembre 2014,
— débouté la SARL SOCIETE DES PRES de son opposition à l’ordonnance du juge commissaire de la procédure collective de l’EURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER,
— condamné la SARL SOCIETE DES PRES à payer à l’EURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER la somme de 1.200 euros à titre d indemnité pour frais irrépétibles.
Par un acte en date du 6 juin 2016, la SARL SOCIETE DES PRES a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 5 septembre 2017, la SARL SOCIETE DES PRES conclut à l’infirmation du jugement déféré et demande à la cour de :
— constater que les contrats de location de matériel conclus entre les deux sociétés l’ont été pour une durée déterminée arrêtée au 31 décembre 2014,
— constater qu’au jour de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de l’EURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER, ces contrats de location de matériel étaient en cours,
— constater qu’en réponse à la mise en demeure notifiée par la SARL SOCIETE DES PRES, l’EURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER a opté pour la poursuite de ces contrats de location de matériel,
— constater que néanmoins l’EURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER n’a pu s’acquitter des loyers échus postérieurement.
A titre principal, elle demande que la cour juge que les contrats ont été résiliés de plein droit au 1er octobre 2014 par effet de l’article L 622-13 III 2 du code de commerce, et à titre subsidiaire au 31 décembre 2014 par effet du terme extinctif convenu par les parties.
En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de Maître X, ès-qualités, à lui payer la somme de 3.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
Elle expose que les contrats de location de matériels conclus avec l’EURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER étaient des contrats en cours au jour de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire et que c’est pour cette raison, que par courrier du 7 octobre 2014, elle a mis en demeure son cocontractant d’opter sur la poursuite ou non des contrats de location.
Elle soutient que postérieurement à la période de redressement judiciaire, l’EURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER ne payant pas les loyers sur la période d’octobre à décembre 2014, elle est bien fondée à voir constater la résiliation de plein droit desdits contrats pour défaut de paiement.
Elle fait valoir que les conditions de la résiliation de plein droit de l’article L 622-13 III-2 du code de commerce sont réunies, de sorte que la résiliation de plein droit doit être fixée au 1er octobre 2014.
A titre subsidiaire, elle invoque l’application de l’avenant du 16 avril 2014 ayant prévu le terme extinctif des contrats au 31 décembre 2014.
Elle ajoute que le tribunal de commerce dans le corps de son jugement a déclaré la demande en restitution irrecevable alors que cette demande n’avait pas été formulée.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 14 octobre 2016, Maître X, ès-qualités, s’ en rapporte à prudence de justice sur la demande de résiliation des contrats, sachant que la résiliation ne pourrait pas intervenir à la date du 1er octobre 2014.
Elle ajoute que les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile doivent s’appliquer et sollicite la confirmation du jugement critiqué pour le surplus.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2017.
MOTIFS DE LA DECISION :
Aux termes de l article L 622-13 du code de commerce,
I- Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.
Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par le débiteur d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture. Le défaut d’exécution de ces engagements n’ouvre droit au profit des créanciers qu’à déclaration au passif.
II-L administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l’administrateur s’assure, au moment où il demande l’exécution du contrat, qu il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. S’il s’agit d’un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l’administrateur y met fin s’il apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.
III-Le contrat en cours est résilié de plein droit :
1 – Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l’administrateur et restée plus d’un mois sans réponse. Avant l’expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l’administrateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois pour se prononcer ;
2 – A défaut de paiement dans les conditions définies au II et d’accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles. En ce cas le ministère public, l’administrateur, le mandataire judiciaire ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d’observation.
L’ouverture du redressement judiciaire n’implique pas la fin des contrats en cours. En l’espèce, par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 octobre 2014, la SARL SOCIETE DES PRES a mis en demeure l’EURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER, par la voie de son conseil, de prendre parti sur la poursuite des contrats de location conformément aux dispositions de l’article L 622-13 du code de commerce.
La SCP X-A-B ès-qualités de mandataire judiciaire au redressement de l’EURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER a été avisée par la SARL SOCIETE DES PRES de l’existence de cette mise en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 octobre 2014, en conformité avec l’article R 627-1 du même code.
Le 4 novembre 2014, soit dans le mois imparti par l’article L 622-13, l’EURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER a fait savoir à son cocontractant qu’elle souhaitait poursuivre les deux conventions.
Aussi, il convient de constater que la poursuite des contrats a été réalisée conformément aux dispositions du code de commerce et que la résiliation des contrats invoquée ne peut intervenir au 1er octobre 2014.
En revanche, en application de l’avenant du 16 novembre 2014 signé entre les parties portant modification du contrat du 28 mars 2014, les contrats de location de matériel ont expiré par effet du terme extinctif convenu entre les parties à la date du 31 décembre 2014.
En effet, dans cet avenant, il est stipulé :
« (…)I Le contrat de location objet de cet avenant se terminera de plein droit le 31 décembre 2014. il pourra le cas échéant et de la seule volonté du bailleur être renouvelé à compter du 1er janvier 2015. Dans cette éventualité, le montant du loyer sera renégocié ».
Dans ces conditions, il convient de constater que les contrats de location de matériel ont expiré par effet du terme extinctif convenu entre les parties à la date du 31 décembre 2014 et ont donc été résiliés de plein droit à cette dernière date.
Par conséquent, il convient d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, Maître X, ès-qualités, succombant, il sera tenu aux dépens de première instance et d appel.
Les circonstances de l’espèce commandent de condamner Maître X, ès-qualités, à payer à la SARL SOCIETE DES PRES la somme de 1.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles et de la débouter de sa demande sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement rendu le 17 mai 2016 par le tribunal de commerce de Troyes, en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
CONSTATE que les contrats de location de matériel conclus entre la SARL SOCIETE DES PRES et l’EURL CHAMPAGNE CLAUDE MARILLIER ont été résiliés de plein droit au 31 décembre 2014.
CONDAMNE Maître X, ès-qualités, à payer à la SARL SOCIETE DES PRES la somme de 1.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
CONDAMNE Maître X, ès-qualités, aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier Le président
Textes cités dans la décision