Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 15 novembre 2017, n° 16/02786

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Chronologie de l’affaire

Commentaires7

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www.sancy-avocats.com · 1er octobre 2020

La Cour de cassation (Cass. soc. 30-09-2020, n° 19-12.058) vient de juger que le droit à la preuve peut justifier la production en justice d'éléments extraits du compte privé Facebook d'un salarié portant atteinte à sa vie privée, à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi. 1/ Les faits Une salariée, engagée à compter du 1er juillet 2010 en qualité d'export Area Manager par la société Petit Bateau (ci-après « la Société »), a été licenciée pour faute grave par lettre du 15 mai 2014. La Société …

 

www.ellipse-avocats.com · 21 décembre 2018

La Cour de cassation vient de reconnaître la responsabilité civile d'un syndicat professionnel au titre de propos d'un de ses dirigeants à l'occasion d'une manifestation, à l'origine d'un dommage. Réunie en Chambre mixte regroupant l'ensemble de ses chambres civiles, sociale et criminelle, la Cour de cassation vient de reconnaître la responsabilité civile d'un syndicat professionnel au titre de propos d'un de ses dirigeants à l'occasion d'une manifestation, à l'origine d'un dommage (Cass. Ch. Mixte, 30 novembre 2018, n° 17-16047). Au-delà de la sphère juridique (arrêt de principe destiné …

 

www.avocat-dm.fr · 8 mai 2018

Les deux décisions de justice suivantes, nous donnent une parfaite illustration de l'application du principe de loyauté dans la relation de travail entre un salarié et un employeur, lorsque cela implique l'utilisation d'un réseau social, en l'occurence Facebook dans les deux cas d'espèce. En effet, dans le premier cas, le salarié a manqué à son devoir de loyauté en abusant de sa liberté d'expression et dans le second cas, il est reproché à l'employeur de ne pas avoir été loyal en n'ayant pas respecté le droit à la vie privée de sa salariée. 1- Facebook et les limites à la liberté …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Reims, ch. soc., 15 nov. 2017, n° 16/02786
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 16/02786
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Reims, 14 septembre 2016, N° F15/00837
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Arrêt n°

du 15/11/2017

RG n° : 16/02786

MLB/FC

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 15 novembre 2017

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 15 septembre 2016 par le conseil de prud’hommes de REIMS, section commerce (n° F 15/00837)

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

Représentée par la SELARL GRMA, avocat au barreau de REIMS

INTIMÉ :

Monsieur X Y

[…]

[…]

Représenté par la SCP MCM & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 septembre 2017, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 15 novembre 2017.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Christine ROBERT-WARNET, président

Monsieur Cédric LECLER, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Madame Françoise CAMUS, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Madame Françoise CAMUS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur X Y a été embauché par la […] suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel du 30 janvier 2014 en qualité d’employé commercial niveau 2A, moyennant une rémunération mensuelle brute calculée sur la base de 35 heures par semaine (pauses comprises) soit 33 heures 15 de travail effectif, à hauteur de 1.445,42 euros.

Suivant avenant au contrat de travail en date du 24 avril 2014, la relation de travail se poursuivait dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, à compter du 1er mai 2014.

Le 15 septembre 2015, Monsieur X Y se voyait remettre en main propre contre décharge une mise à pied conservatoire, et une convocation à un entretien préalable en vue d’une éventuelle mesure de licenciement pour faute grave.

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 30 septembre 2015, Monsieur X Y était licencié dans les termes suivants :

' Au cours de l’entretien qui est intervenu, conformément aux dispositions légales et réglementaires, le Jeudi 24 Septembre 2015 à 16H00, sur ma convocation du 15 Septembre 2015, je vous ai exposé, en présence de Madame Z A qui vous a assisté, les motifs de la décision de licenciement que j’envisageais de prendre à votre égard, à savoir : licenciement pour propos postés, sur le site facebook public de l’UNION, nuisant à l’image de l’entreprise et lui portant préjudice, incitant les clients à boycotter les Dimanches.

En effet, nous avons constaté les faits suivants :

Suite à l’article de l’UNION concernant l’ouverture dominicale de notre magasin, vous avez posté sur leur site facebook public, le 11 Septembre 2015 à 19h18, un commentaire anti-commercial, insultant les clients et les incitant à ne pas venir faire leurs courses les Dimanches :

' Aller y travailler le dimanche bande de charlot c pas vous qui vous lever et qui n’aver pas de vie de famille nous faite pas chier à venir le dimanche !!!!!!! .

Ces propos, lus par des centaines de personnes (L’UNION compte + 112 000 followers), portent atteinte à l’image de l’entreprise et peuvent avoir de lourdes conséquences économiques.

En effet, l’ouverture dominicale de notre magasin à compter du 13 septembre 2015 a été décidée, après consultation des instances représentatives du personnel, pour redresser les comptes du magasin. De tels propos annihilent les efforts de redressement.

Les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien du 24 septembre 2015 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. Vous n’avez même pas pris la peine d’effacer votre commentaire. Il était toujours visible le jour de l’entretien.

En conséquence, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave. Compte tenu de la gravité de celle-ci votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible : votre licenciement prend donc effet à la date d’envoi de la présente lettre.

Votre mise à pied conservatoire, du 16/09/2015 au 30/09/2015 ne sera donc pas rémunérée.

Votre solde de tout compte sera arrêté à cette date et vous ne pouvez prétendre à aucun préavis, ni indemnité de licenciement.'

Le 18 novembre 2015, Monsieur X Y a saisi le conseil de prud’hommes de Reims, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, des demandes suivantes :

— dire et juger que son licenciement est nul et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

— condamner la […] à lui payer les sommes suivantes :

— dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 8.872,76 euros

— rappel de salaire pendant la période de mise à pied : 726,28 euros

— congés payés afférents : 72,62 euros

— indemnité de préavis : 1.478,76 euros

— congés payés afférents : 147,87 euros

— indemnité de licenciement : 524,20 euros

— article 700 du code de procédure civile : 2.000 euros

— remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, passé le 15e jour de la notification du jugement à intervenir,

— condamner la […] à garantir le remboursement des allocations retour à l’emploi qui seraient formulées à son encontre.

Par jugement en date du 15 septembre 2016, le conseil de prud’hommes a :

— dit et jugé que le licenciement prononcé à l’encontre de Monsieur X Y est nul et à tout le moins dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

— condamné la […] à payer à Monsieur X Y les sommes de :

—  4.400 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, à tout le moins dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

—  726,28 euros à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied,

—  72,62 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire pendant la période de mise à pied,

-1.478,76 euros à titre d’indemnité de préavis,

—  147,87 euros à titre de congés payés sur préavis,

—  524,20 euros à titre d’indemnité de licenciement,

—  500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la […] à garantir Monsieur X Y de toute demande de remboursement des allocations retour à l’emploi, qui serait formulée à son encontre par Pôle Emploi,

— ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 10 euros par jour de retard et par document, passé le 30e jour suivant la notification du jugement,

— ordonné l’exécution provisoire,

— débouté la […] de sa demande reconventionnelle,

— condamné la […] aux entiers dépens.

Le 14 octobre 2016, la […] a interjeté appel du jugement

Dans ses écritures en date du 14 novembre 2016, la […] a demandé à la cour d’infirmer le jugement, de débouter Monsieur X Y de ses

demandes et de le condamner à lui rembourser la somme de 7.315,27 euros payée au titre de l’exécution provisoire et à lui payer celle de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses écritures en date du 3 janvier 2017, Monsieur X Y a demandé à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement prononcé à son encontre est nul et à titre subsidiaire le dire dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— confirmer le jugement en ce qu’il a :

— condamné la […] à payer les sommes de :

—  726,28 euros à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied,

—  72,62 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire pendant la période de mise a pied,

-1.478,76 euros à titre d’indemnité de préavis,

—  147,87 euros à titre de congés payés sur préavis,

—  524,20 euros à titre d’indemnité de licenciement,

—  500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société à le garantir de toute demande de remboursement des allocations de retour à l’emploi,

— ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 10 euros par jour de retard par document, passé le 30e jour suivant la notification du jugement,

— l’infirmer pour le surplus,

à titre principal,

— condamner la […] à lui payer la somme de 8.872,76 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, à titre subsidiaire,

— condamner la […] à lui payer la somme de 8.872,76 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamner la […] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux écritures pour un plus ample exposé.

MOTIFS

Il appartient à la […] qui reproche une faute grave à Monsieur X Y de la prouver, et ce dans les termes de la lettre de licenciement qui fixent les limites du litige.

Aux termes de celle-ci, il est reproché à Monsieur X Y un abus dans sa liberté d’expression préjudiciable aux intérêts de l’entreprise, et ce à l’exclusion de tout acte d’insubordination, comme le souligne à juste titre l’intimé, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner celui-ci.

Le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci d’une liberté d’expression.

L’existence d’un abus dans l’exercice de la liberté d’expression est caractérisée par l’emploi de termes injurieux, excessifs ou diffamatoires.

La […] produit différents comptes rendus du comité d’établissement qui se sont tenus entre mai et septembre 2015 desquels il ressort qu’il était décidé à compter du 13 septembre 2015, de mettre en 'uvre le travail le dimanche matin.

La […] produit également un constat d’huissier en date du 28 septembre 2015 aux termes duquel il est constaté que le 11 septembre 2015, le journal l’Union faisait la publication suivante sur son site Facebook : «'Pour cette ouverture dominicale, d’autres salariés devront changer de casquette'» suivie d’une photographie sous laquelle était écrit «'Le dimanche chez Cora à la Neuvillette, le directeur sera caissier'».

A la suite de cette page apparaissaient en outre différents commentaires dont un du 11 septembre 2015 au nom de X Y ainsi rédigé : 'Aller y travailler le dimanche bande de charlot c pas vous qui vous lever et qui n’aver pas de vie de famille nous faite pas chier à venir le dimanche !!!!!!!'.

Au vu de la formulation de son commentaire – qui suit immédiatement la publication de l’Union -, Monsieur X Y s’adressait donc directement à des clients de la […] ou à des clients potentiels en les traitant de «'bande de charlot'». Cette expression, si elle ne constitue ni un terme injurieux comme le prétend la […], ni un terme simplement discourtois comme le soutient Monsieur X Y, est un terme excessif.

Monsieur X Y intime ensuite l’ordre aux clients, et ce dans les mêmes termes, par l’emploi d’un vocabulaire grossier accentué par la ponctuation utilisée, de ne pas se rendre au magasin Cora le dimanche.

Un tel commentaire a une portée qui dépasse les douze personnes qui ont écrit après celui-ci « J’aime », étant précisé que le site Facebook de l’Union compte potentiellement 112 000 followers, lesquels peuvent lire les publications ou les commentaires sans émettre de «'like'». La publication de l’Union avait en toute hypothèse fait l’objet de 453 «'J’aime'».

De par l’emploi du «'nous'» utilisé dans le commentaire qui suivait directement l’article sur l’ouverture du magasin Cora à la Neuvillette le dimanche, le message émanait d’un salarié dudit magasin.

Dans ces conditions, en employant sur le site Facebook de l’Union, deux jours avant l’ouverture du magasin le dimanche matin, des propos excessifs, Monsieur X Y a non seulement nui à l’image de la société mais l’a exposée à des conséquences économiques puisque la […] établit au vu des divers comptes rendus d’établissement précités que l’ouverture du magasin s’inscrivait notamment dans une démarche d’alignement sur la concurrence et dans une politique de développement des parts de marché.

Un tel abus par Monsieur X Y de sa liberté d’expression constitue une violation de son obligation de loyauté rendant impossible son maintien dans l’entreprise.

Monsieur X Y n’est pas fondé à vouloir faire écarter la faute grave au motif qu’une autre salariée aurait fait l’objet, pour avoir posté un commentaire sous le même article, d’une mise à pied de deux jours, alors que l’employeur a le pouvoir d’individualiser la sanction.

Le jugement, en ce qu’il avait écarté la faute grave de Monsieur X Y, doit donc être infirmé.

Monsieur X Y doit par voie de conséquence être débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul ou pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel de salaire pendant la période de mise à pied et de congés payés y afférents, d’indemnité de licenciement, d’indemnité de préavis et de congés payés y afférents.

Il doit en outre être débouté de sa demande de condamnation de la […] à le garantir de toute demande de remboursement des allocations retour à l’emploi, formulée à son encontre par Pôle Emploi et de remise de documents sous astreinte.

La […] demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu’elle a versées en vertu du jugement assorti de l’exécution provisoire, avec les intérêts au taux légal.

Or, le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement et les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur la demande de la […].

Partie succombante, Monsieur X Y doit être condamné aux dépens de première instance et d’appel et débouté de sa demande d’indemnité de procédure au titre des deux instances.

Il y a lieu en équité de condamner Monsieur X Y à payer à la […] la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Reims en date du 15 septembre 2016 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que le licenciement de Monsieur X Y repose sur une faute grave ;

Déboute Monsieur X Y de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul ou pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel de salaire pendant la période de mise à pied et de congés payés y afférents, d’indemnité de licenciement, d’indemnité de préavis et de congés payés y afférents, de sa demande de condamnation de la […] à le garantir de toute demande de remboursement des allocations retour à l’emploi formulée à son encontre par Pôle Emploi, de remise de documents sous astreinte et d’indemnité de procédure au titre des deux instances ;

Dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l’exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;

Condamne Monsieur X Y à payer à la […] la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Condamne Monsieur X Y aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, Le président,

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Textes cités dans la décision

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