Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 15 juillet 2020, n° 19/02142

  • Licenciement·
  • Salarié·
  • Employeur·
  • Préjudice·
  • Associations·
  • Réparation·
  • Machine·
  • Jeune·
  • Dommages et intérêts·
  • Heures supplémentaires

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Reims, ch. soc., 15 juill. 2020, n° 19/02142
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 19/02142
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Reims, 29 septembre 2019, N° F18/00484
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Arrêt n°

du 15/07/2020

RG 19/02142

N° Portalis DBVQ-V-B7D-EYDL

MLS/FC

Formule exécutoire le :

à :

— SELARL CABINET ROLLAND AVOCATS

— SCP LEOSTIC MEDEAU LARDAUX

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 15 juillet 2020

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 30 septembre 2019 par le conseil de prud’hommes de REMS, section activités diverses (n° F 18/00484)

Association AVENIR JEUNE REIMS (C)

[…]

[…]

Représentée par la SELARL CABINET ROLLAND AVOCATS, avocat au barreau de REIMS

INTIMÉ :

Monsieur D X

[…]

[…]

[…]

Représenté par la SCP LEOSTIC MEDEAU LARDAUX, avocat au barreau des ARDENNES

DÉBATS :

Procédure sans audience, en application des dispositions de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, les parties étant avisées.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Christine ROBERT-WARNET, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Monsieur Olivier BECUWE, conseiller

ARRÊT :

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été avisées, par le greffe, de la date de délibéré et de l’application des dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Madame Françoise CAMUS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSÉ DES FAITS

Le 3 juillet 1995 Monsieur D X a été engagé en contrat à durée indéterminée à temps plein par l’ASSOCIATION AVENIR JEUNES REIMS, entreprise d’insertion par l’économique, en qualité de menuisier d’atelier.

Le 11 janvier 2018, il a été licencié en ces termes :

' Nous faisons suite à l’entretien du lundi 08 janvier 2018, au cours duquel nous vous avons exposé les raisons pour lesquelles nous envisageons de prononcer votre licenciement.

1/ Sur les violentes insultes et menaces proférées à l’encontre du personnel et du Directeur d’Avenir Jeunes Reims

Par courrier en date du 28 novembre 2017 je vous ai convoqué à un entretien préalable à un avertissement éventuel.

A réception de ce courrier, le vendredi 01 décembre 2017, vous avez cru bon de m’appeler pour contester cet avertissement. Je vous ai alors précisé qu’il serait préférable que vous y répondiez par courrier.

Vous vous êtes offusqué et avez tenu des propos grossiers et insultants vis-à-vis de l’ensemble du personnel d’C, mais aussi vous avez proféré des menaces à mon encontre.

Ces propos ont été entendus par notre délégué du personnel Madame E B, secrétaire, qui en témoigne :

' Monsieur X a dit au haut-parleur :

• à plusieurs reprises ' bandes de cons

• ' vous me faites chier à C

• ' en janvier quand je vais revenir, vous avez intérêt à filer droit sinon ça va péter

Cette conduite met en cause la bonne marche de l’entreprise et les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 08 janvier 2018 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. Lors de cet entretien, vous avez reconnu sans équivoque être l’auteur de ces insultes et l’exactitude des termes que nous avons entendus. Vous vous contentez d’en minimiser la portée en affirmant que vous auriez agi sous le coup de la colère suite à la première convocation que vous avez reçue.

Ce comportement agressif, insultant et menaçant met en évidence votre refus de respecter le personnel de l’association et en particulier son directeur. Nous ne pouvons tolérer que vous vous comportiez de la sorte alors que vous intervenez auprès d’un public jeune, connaissant des difficultés d’insertion particulières et nécessitant une approche sensible et nécessairement respectueuse.

Nous vous informons que nous sommes contraints, en conséquence, de prononcer votre licenciement immédiat pour faute grave.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien, même temporaire, dans l’entreprise s’avère impossible : votre licenciement prend donc effet immédiatement à la première présentation de cette lettre, sans préavis ni indemnité de licenciement.

Nous vous rappelons que vous faites l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent, depuis le 06 décembre 2017, la période non travaillée nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement ne vous sera pas rémunérée.

2/ A titre surabondant et au titre d’un motif non-disciplinaire, votre absence prolongée perturbe le fonctionnement général de l’entreprise et nécessite votre remplacement définitif

Vous occupez un poste d’agent technique menuiserie, avec un autre de vos collègues à savoir Monsieur G Y.

Vous êtes tous deux chargés de procéder aux réglages de toutes les machines de l’atelier à savoir 8 à 9 machines.

Vous n’êtes pas sans savoir que nous travaillons dans le domaine de l’insertion professionnelle et que les 11 salariés qui travaillent sur les machines bénéficient d’un CDD d’insertion. En tant qu’agents d’exécution, ils ne peuvent procéder eux-mêmes aux réglages de ces machines.

Vous êtes donc le seul avec votre collègue chef d’atelier, Monsieur Y à disposer des compétences techniques et du savoir-faire pour procéder à ces multiples réglages machines : à raison de deux à trois réglages minimum par jour sur l’ensemble des machines puisque nous sommes amenés à fabriquer des courtes séries.

L’association a donc impérativement besoin de la présence de deux permanents expérimentés, seuls détenteurs de ces connaissances techniques.

A l’occasion de vos différentes absences, des solutions temporaires de remplacement ont été recherchées sans succès auprès de POLE EMPLOI et des agences d’intérim.

Une personne compétente a été recrutée pour vous remplacer dans le cadre d’un CDD de remplacement depuis le 25 septembre 2017. Monsieur H Z nous a indiqué par courrier en date du 22 novembre 2017 qu’il n’accepte plus un simple contrat à durée déterminée.

Votre absence prolongée pour maladie perturbe le bon fonctionnement général de l’entreprise et nécessite votre remplacement définitif par Monsieur Z qui sera embauché en CDI pour une durée de travail équivalente et sur un poste de travail identique.

Pour ce second motif non disciplinaire cette fois-ci, nous sommes également contraints de prononcer votre licenciement.'

Le 17 octobre 2018, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Reims de demandes tendant à faire dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et à faire condamner l’employeur à lui payer les sommes suivantes :

—  60.300,00 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  3.547,44 euros d’indemnité de préavis,

—  354,74 euros de congés payés y afférents,

—  12.366,87 euros d’indemnité de licenciement,

—  10.000,00 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

—  10.000,00 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier,

—  10.000,00 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement vexatoire

—  2.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’association employeur a demandé au conseil de prud’hommes de débouter le salarié et de le condamner à lui payer la somme de 3.000,00 euros d’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 30 septembre 2019, le conseil de prud’hommes a :

— dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse,

— condamné l’association employeur à payer au salarié les sommes suivantes :

—  18 .000,00 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  3.547,44 euros d’indemnité de préavis,

—  354,74 euros de congés payés y afférents,

—  12.366,87 euros d’indemnité de licenciement,

—  5.000,00 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

—  500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté Monsieur D X de ses demandes en réparation du préjudice financier et du préjudice né du licenciement vexatoire,

— débouté l’employeur de l’ensemble de ses demandes,

— laissé les dépens à la charge de l’employeur.

Le 18 octobre 2019, l’ASSOCIATION AVENIR JEUNES REIMS a régulièrement interjeté appel du jugement sauf en ce qu’il a débouté le salarié de certaines demandes.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées par les parties :

— le 24 avril 2020 pour l’appelante,

— le 10 mars 2020 pour l’intimé.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 avril 2020.

Le 15 mai 2020, les avocats des parties ont été avisés de l’application de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété.

Les avocats des parties n’ont pas manifesté d’opposition.

L’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a débouté Monsieur X de certaines demandes. Elle demande de débouter le salarié et de le condamner à lui payer la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimé demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il réitère ses demandes sauf les

dommages et intérêts en réparation du préjudice financier et en réparation des préjudices nés du licenciement vexatoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le salarié, débouté de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier et du préjudice né du licenciement vexatoire, n’a pas formé appel incident de sorte que le jugement sera sur ces points confirmé, l’employeur demandant également confirmation.

Pour le surplus, l’association appelante soutient que l’agressivité du salarié a été attestée par la déléguée du personnel, qu’elle ressort de certains écrits et qu’elle constitue une faute grave. Elle soutient que les absences du salarié désorganise le service au point de devoir le remplacer dès lors que son remplacement temporaire était difficile compte tenu des spécificités du poste.

Le salarié au contraire soutient qu’aucun élément probant ne tend à fonder la mesure de licenciement disciplinaire. Il soutient que le licenciement non-disciplinaire est flou, et ne précise pas les dates de dysfonctionnement justifiant son licenciement. Il note que le salarié qui devait le remplacer a été embauché après son licenciement.

Concernant la faute grave, l’employeur a la charge de la preuve. Il produit l’attestation de Madame E B qui atteste en les formes requises que le 1er décembre 2017, en sa qualité de secrétaire en poste au standard, elle a réceptionné un appel de Monsieur X en direction du directeur dont le bureau est situé en face du sien. Elle prétend être venue dans le bureau du directeur entendre la conversation au cours de laquelle Monsieur X I et a dit à plusieurs reprises 'bande de cons', 'vous me faites chier à C', 'en janvier, quand je vais revenir, vous avez intérêt à filer droit sinon ça va péter'.

Certes, il s’agit de la seule pièce justificative de l’emportement du salarié. Toutefois, sa force probante n’en est pas pour autant annihilée. En effet, Madame B était déléguée du personnel, ce qui relativise les éventuelles pressions de l’employeur pour obtenir ce témoignage. De plus, sa relation des faits est corroborée par les écrits du salarié. Dans un courrier du 1er décembre 2017, celui-ci s’exprime sur un mode exclusif de toute courtoisie en utilisant les expressions 'vous m’envoyez un courrier comme quoi je ne m’occupe pas d’C, descendez d’un étage' ou 'pour la défonceuse, c’est n’importe quoi' ou 'vous n’avez rien compris' ou encore 'vous m’avez rendu malade et agressif'. Dans un courrier postérieur du 14 janvier 2018, contestant son licenciement il indique 'la lettre que vous m’avez envoyer pour un entretien comme quoi je ne m’étais pas investi et pris pour un 'voleur’ m’a mis hors de moi, je me suis emporté envers C'

Il apparaît ainsi que le langage entendu par la secrétaire était compatible avec celui de Monsieur X, qui, en outre, reconnaît s’être emporté.

Le grief disciplinaire est donc bien établi. Il s’agit d’un manquement du salarié à ses obligations contractuelles, suffisamment grave pour justifier la rupture immédiate du contrat de travail. En effet, l’employeur ne peut laisser s’installer

et se développer un comportement nuisible à son autorité, à sa santé et à celle des autres salariés y compris pendant la durée d’un préavis.

Par infirmation du jugement, le salarié sera débouté de ses demandes liées à la rupture du contrat de travail.

Le salarié réclame au surplus des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral arguant de ce que l’employeur a fixé un entretien préalable le jour de son hospitalisation alors qu’il en avait

connaissance, et de ce que l’employeur a refusé le paiement des heures supplémentaires.

Or, l’employeur, qui envisage une sanction disciplinaire autre que le licenciement, comme c’était le cas pour la première convocation de novembre 2017 ayant déclenché l’ire de Monsieur X, a un délai pour agir, et la convocation à une date à laquelle le salarié était hospitalisé n’est pas fautive dès lors qu’il n’est pas établi que l’employeur en avait connaissance. L’employeur qui le conteste, justifie avoir eu connaissance de la date d’hospitalisation le 1er décembre 2017 alors que sa lettre de convocation est antérieure. En tout état de cause, cet entretien a été annulé et remplacé par l’entretien en vue du licenciement.

Par ailleurs, alors que le salarié prétend que l’employeur a refusé le paiement de toute heure supplémentaire effectuée, figure à son dossier un décompte de ses heures supplémentaires effectuées depuis le 25 janvier jusqu’au 30 mars sans que l’on sache quelle année est prise en compte. Aucune pièce ne vient attester d’une réclamation envers l’employeur ni d’un refus de paiement des heures prétendument réclamées. De plus, alors que les heures supplémentaires sont supposées avoir été effectuées à partir du 25 janvier jusqu’au mois de mars, et à supposer qu’il s’agisse de l’année 2018, seuls les bulletins de salaires de septembre 2017 à janvier 2018 figurent au dossier du salarié, ce qui ne permet pas la vérification des salaires effectivement payés sur la période litigieuse. En outre, en l’état des dernières écritures, aucune demande d’heures supplémentaires n’est formée. Par conséquent, faute de justifier d’une faute de l’employeur et d’un préjudice en résultant, la demande doit être rejetée par infirmation du jugement.

Succombant, le salarié doit supporter, par infirmation du jugement, les frais irrépétibles et les dépens de première instance et d’appel. Il sera donc débouté de ses demandes à ce titre et sera condamné à payer à l’employeur la somme de 3.000,00 euros en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur D X de ses demandes de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers et des préjudices nés du caractère vexatoire du licenciement ;

Infirme le surplus, y compris les dépens et les frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau et dans cette limite :

Déboute Monsieur D X de toutes ses demandes ;

Y ajoutant :

Déboute Monsieur D X de ses demandes de remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Condamne Monsieur D X à payer à l’ASSOCIATION AVENIR JEUNES REIMS la somme de 3.000,00 euros (trois mille euros) en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Condamne Monsieur D X aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, Le président,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 15 juillet 2020, n° 19/02142