Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 11 mai 2012, n° 10/07785

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www.invictae-avocat.com · 18 janvier 2022

Les faits Une salariée est engagée en tant que vendeuse en 2014. Au mois d'octobre 2015, elle fait part à son employeur, par téléphone, des agissements d'un de ses collègues. Deux semaines plus tard, la salariée fait part de son « désespoir » par mail, et demande à son employeur de faire cesser les faits de harcèlement sexuel qu'elle subit. Le 19 décembre 2015 est régularisée une rupture conventionnelle homologuée, prenant effet le 31 décembre. Elle a contesté la rupture conventionnelle intervenue dans ces conditions. Elle n'a pas été accueillie en première instance et interjette appel. …

 

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Rupture conventionnelle La rupture conventionnelle d'un contrat à durée indéterminée (CDI) permet à l'employeur et au salarié de mettre fin, d'un commun accord, au contrat de travail en dehors de la période d'essai, dans les conditions établies ensemble dans une convention homologuée. La rupture conventionnelle mise en place par la loi n°2008-596 du 25 juin 2008 (article L1237-11 et suivants du Code du travail), est le seul mode de rupture amiable du contrat de travail, sauf dispositions légales contraires (Cass. soc. 15-10-2014 n° 11-22.251). Intérêts d'une rupture conventionnelle La …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 8e ch prud'homale, 11 mai 2012, n° 10/07785
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 10/07785

Sur les parties

Texte intégral

8e Ch Prud’homale

ARRÊT N°328

R.G : 10/07785

XXX

C/

Mme C Z

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 MAI 2012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Jean-François SABARD, Président,

Madame Marie-Hélène L’HÉNORET, Conseiller,

Madame Catherine LEGEARD, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur E F, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 08 Mars 2012

devant Monsieur Jean-François SABARD et Mme Marie-Hélène L’HENORET, magistrats tenant l’audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Mai 2012 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

l’XXX prise en la personne de son Président en exercice

XXX

XXX

représentée par Me Marielle DURIN, Avocat au Barreau de NANTES

INTIMEE et appelante à titre incident :

Madame C Z

XXX

XXX

comparante en personne, assistée de Me Perrine DEFEBVRE, Avocat au Barreau de NANTES

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE:

L’association SOS FEMMES a engagé Madame Z en qualité de directrice suivant contrat à durée indéterminée prenant effet le 21 janvier 2008.

Le 09 janvier 2009, Madame Z a signé la rupture conventionnelle de son contrat de travail.

Contestant les conditions de la rupture de son contrat de travail, Madame Z a saisi le Conseil de Prud’hommes de Nantes. Celui-ci, par jugement du 13 octobre 2010 a dit que l’association SOS FEMMES s’est rendue coupable d’actes de harcèlement moral à l’encontre de Madame Z, compromettant irrémédiablement la poursuite de la relation de travail, et l’a condamnée à verser à Madame Z, 10.000€ net à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, 10.000€ net à titre de dommages-intérêts pour rupture conventionnelle nulle, 271,61€ net à titre de complément d’indemnité de licenciement, 10.660,68 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 1.066,67 € brut au titre des congés payés afférents, ainsi que 1.500€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

L’association SOS FEMMES aux droits de laquelle vient l’association solidarité femmes de Loire Atlantique a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 03 novembre 2010 en concluant à l’infirmation du jugement. Elle sollicite en outre la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir au soutien de son appel que les faits reprochés à la salariée et à l’association ne sont pas illégitimes, mais s’inscrivent dans un contexte précis de l’insuffisance professionnelle de Madame Z.

L’appelante conteste également la nullité de la rupture conventionnelle considérant que c’est Madame Z qui l’a sollicitée et que les exigences de l’article 1109 du code civil ont été respectées.

Madame Z conclut à la confirmation du jugement. Elle demande en outre à la cour d’appel de condamner l’appelante à lui verser à la somme de 20.000€ à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant du harcèlement moral ou des agissements de nature à compromettre irrémédiablement la poursuite de la relation de travail, la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture conventionnelle nulle, de constater que son salaire brut moyen est de 3.553,56 €, et de condamner l’appelante à payer la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir qu’elle a dû subir des remises en cause répétées et infondées de ses compétences par l’ensemble des salariées de l’association, que l’association a commis des manquements graves à son égard en restant inactive, et que son état de santé s’est altéré à la suite de ces agissements.

Il convient pour un plus ample exposé des moyens des parties de se référer à leurs conclusions déposées et oralement soutenues à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1°)Sur les actes de harcèlement moral et d’agissements de nature à compromettre irrémédiablement la poursuite de la relation de travail

L’article L1152-1 du Code du Travail dispose qu’aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon les dispositions de l’article L 1154-1 du même code, en cas de litige relatif à l’application de ce texte dès lors que le salarié concerné établit les faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et qu’ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ce dernier texte que le salarié qui prétend avoir été victime de harcèlement moral a l’obligation d’alléguer et de prouver les faits précis qui lui paraissent caractériser ce harcèlement, cette obligation ayant pour portée de permettre à l’adversaire de se défendre utilement en établissant que ces faits procédaient de motifs objectifs étrangers au harcèlement invoqué.

Madame Z prouve, par la production de plusieurs documents et attestations, que l’équipe salariée de l’association a envoyé au conseil d’administration ainsi qu’à des personnes extérieures à l’association un mail remettant en cause ses compétences professionnelles, que lors de la convocation de la comptable de l’association à un entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire par Madame Z les salariées se sont mises en grève, que le comportement reproché à l’équipe salariée n’est pas nouveau, que son employeur, le conseil d’administration était informée du comportement de l’équipe salariée et qu’il n’a pas réagi, et enfin qu’elle était en état de stress justifiant médicalement un arrêt de travail.

Les faits ainsi établis font présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L 1152-1 du code du travail, texte dont il résulte qu’il y a harcèlement moral lorsqu’un salarié subit des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’appelante répond que les faits reprochés à l’équipe salariée par Madame Z sont légitimes et sont la conséquence de son insuffisance professionnelle en qualité de directrice de l’association.

Les éléments communiqués par l’appelante ne permettent pas de se convaincre que les agissements de l’équipe salariée ci-dessus énumérés étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Elle fait valoir que la grève de soutien à la comptable menacée de sanction a été décidée dans la mesure où un manager compétent n’a pas besoin de faire preuve d’autoritarisme à l’égard d’une équipe compétente. Elle répond également que les salariées demandaient seulement un cadre, des instructions précises et que leurs actes, effectués dans ce but, ne constituaient pas un harcèlement moral.

A l’évidence, l’éventuelle insuffisance professionnelle de Madame Z ne constitue pas un motif objectif de nature à légitimer des actes de harcèlement.

Au contraire, les attestations produites par Madame Z notamment celles de Mesdames A, B (ancienne et actuelle membres du conseil d’administration de l’association SOS FEMMES), X et le courrier de Madame Y révèlent que les salariées avaient des attitudes incorrectes et provocatrices vis à vis de Madame Z. Plus précisément, Madame X a déclaré avoir vu le groupe de salariées 'faire mur et front à tout ce qui représente l’autorité, la critique, le changement […], au conseil d’administration, aux directions, à ce qui ne leur 'plaît’ pas, éditer ses horaires, ses conditions de travail, ses congés […], 'menacer’ de faire grève pour une raison ou une autre …'. Il résulte du courrier de Madame Y (précédente directrice de l’association) que le comportement inapproprié des salariées n’était pas nouveau au sein de l’association.

Ainsi, l’ensemble de ces éléments démontre que la harcèlement moral est caractérisé, et met en évidence une importante dégradation des relations de travail entre Mme Z et l’équipe salariée, qui a eu des conséquences sur son état de santé.

Les courriers adressés par Madame Y avant sa démission ainsi que par Madame Z démontrent que les membres du conseil d’administration avaient connaissance des faits qui sont reprochés à l’équipe salariée. Pour autant, alors que l’employeur a l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés, et alors que le conseil d’administration considérait que le comportement de son équipe de salariées n’était pas approprié, il n’a pas agi.

Il y a lieu de confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes en ce qu’il a reconnu des actes de harcèlement moral à l’encontre de Madame Z.

2°)Sur la nullité de la rupture conventionnelle

Il résulte des dispositions de l’article 1237-11 du Code du Travail que l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle exclusive du licenciement ou de la démission ne peut être imposée par l’une ou l’autre partie.

Le salarié doit avoir le choix de quitter librement l’entreprise ou de rester et non celui de décider de la forme de son départ.

Le consentement du salarié doit être libre, éclairé et exempt de vice du consentement conformément à l’article 1109 du Code Civil qui dispose qu’il n’y a point de consentement valable s’il a été extorqué par violence.

Le salarié peut contester la rupture conventionnelle par voie judiciaire.

L’appelante conteste la nullité de la rupture conventionnelle soulevée par Madame Z dans la mesure où elle a été demandée par cette dernière , et de manière libre conformément aux dispositions de l’article 1109 du code civil.

Au contraire, Madame Z répond que son consentement n’est pas valable considérant que l’idée d’une rupture conventionnelle est la conséquence directe et exclusive du harcèlement moral qu’elle a subi et des agissements fautifs de son employeurs concomitants.

Force est de constater que les faits de harcèlement moral dont elle a fait l’objet et le comportement de l’employeur ont directement entraîné une dégradation de son état de santé quand bien même elle n’aurait pas sollicité d’arrêt de travail pour continuer à assumer ses tâches quotidiennes jusqu’au bout ce qui caractérise une situation de contrainte morale au sens de l’article 1112 du Code Civil viciant son consentement à la convention de rupture du contrat de travail du 9 janvier 2009 dès lors qu’elle ne pouvait plus en poursuivre l’exécution sans que sa santé physique ou mentale n’en soit gravement altérée.

Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions ayant justement apprécié l’évaluation des préjudices subis par Madame Z et les indemnités de licenciement et indemnité compensatrice de préavis et de congés payés allouées par le Conseil de Prud’hommes de Nantes dès lors que la rupture du contrat de travail est imputable à l’employeur.

3°)Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile:

L’association SOS FEMMES aux droits de laquelle vient l’association solidarité femmes de Loire Atlantique succombant en ses prétentions supportera la charge des dépens d’appel.

L’équité commande de faire application en cause d’appel de l’article 700 du Code de Procédure Civile et de condamner l’association SOS FEMMES aux droits de laquelle vient l’association solidarité femmes de Loire Atlantique à verser à Madame Z la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

L’appelante sera déboutée de ce chef de demande.

PAR CES MOTIFS:

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement.

Déclare l’appel régulier, recevable, mais mal fondé.

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant :

CONDAMNE l’association SOS FEMMES aux droits de laquelle vient l’association solidarité femmes de Loire Atlantique à verser à Madame Z la somme de 2.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

CONDAMNE l’association SOS FEMMES aux droits de laquelle vient l’association solidarité femmes de Loire Atlantique aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,



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