Cour d'appel de Rennes, 7 octobre 2016, n° 13/05907

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Sur la décision

Texte intégral

2e Chambre

ARRÊT N° 496

R.G : 13/05907

M. X Y

Mme Z A épouse Y

C/

M. B C

M. D E

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU
DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Joël CHRISTIEN, Président rédacteur,

Mme Isabelle LE POTIER, Conseiller,

Madame Pascale DOTTE-CHARVY, Conseiller,

GREFFIER :

Madame F G, lors des débats, et Madame H I, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 28 Juin 2016

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 07 Octobre 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur X Y

né le XXX à XXX)

XXX

XXX

Madame Z A épouse Y

née le XXX

XXX

XXX

Représentés par Me J
K de la SCP GAUTIER/K, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Assisté de Me Denis LAUNAY-MASSE de la SELARL
LAUNAY-MASSE GOAOC, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉS :

Monsieur B C

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Non représenté

Monsieur D E exerçant sous l’enseigne
Concar’nautic

XXX

XXX

Représenté par Me Thibault DOUBLET de la SELARL
BAILLEUX – BALK-NICOLAS – DOUBLET, avocat au barreau de QUIMPER

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon compromis du 24 juin 2010, M. C a, par l’entremise de M. E exerçant sous la dénomination commerciale 'Concar’Nautic', vendu à M. Y un bateau Quicksilver 530
Flamingo moyennant le prix de 13 200 euros sous la condition suspensive du bon fonctionnement du moteur.

Le même jour, les parties ont réitéré la vente par un acte sous seing privé aux termes duquel

l’acquéreur déclarait 'bien connaître le navire, l’avoir visité pour l’accepter dans l’état où il se trouve tant pour les vices apparents que pour les vices cachés'.

Prétendant avoir observé un dysfonctionnement du moteur dès les premières sorties en mer, les époux Y ont, selon ordonnance de référé du 6 avril 2011, obtenu l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire confiée à M. L, lequel a déposé son rapport le 15 novembre 2011.

Puis, par acte du 19 décembre 2011, ils ont fait assigner MM. C et E en paiement de dommages-intérêts devant le tribunal de grande instance de Quimper, lequel a, par jugement du 2 juillet 2013 :

débouté les époux Y de leurs demandes,

·

condamné in solidum les époux Y à payer à M. C une indemnité de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

·

rejeté la demande formée à ce titre par M. E,

·

dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

·

condamné in solidum les époux Y aux entiers dépens, en ce compris les fris de l’expertise judiciaire.

·

Les époux Y ont relevé appel de cette décision le 2 août 2013, en demandant à la cour de :

condamner solidairement, ou l’un à défaut de l’autre, MM. C et E au paiement des sommes de :

·

4 100 euros au titre du coût de remise en état du navire,

·

180,91 euros au titre des frais de dépannage,

·

400,70 euros au titre des frais de sortie d’eau et de démontage,

·

391,50 euros au titre des frais de gardiennage,

·

5 735,86 euros au titre de leur préjudice de jouissance,

·

condamner en outre MM. C et
E, solidairement ou l’un à défaut de l’autre, à rembourser à titre de dommages et intérêts l’intégralité des frais d’expertise taxés à la somme de 1 246,52 euros, sauf à inclure ceux-ci dans les dépens,

·

condamner solidairement ou l’un à défaut de l’autre
MM. C et E au paiement d’une indemnité de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel, y compris le cas échéant les frais d’expertise judiciaire.

·

M. E conclut quant à lui à la confirmation du jugement attaqué.

Il demande subsidiairement à la cour de réduire les dommages-intérêts réclamés au titre du préjudice de jouissance à de plus justes proportions et, en tout état de cause, de condamner solidairement M. C et les époux Y au paiement d’une indemnité de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par ordonnance du 14 mars 2014, le conseiller de la mise en état a déclaré M. C irrecevable à conclure en application de l’article 909 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il sera fait référence aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour les époux Y le 25 septembre 2013, et pour M. E le 4 novembre 2013.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La clause par laquelle l’acquéreur a déclaré accepter le bateau vendu 'dans l’état où il se trouve tant pour les vices apparents que pour les vices cachés’ ne peut s’analyser qu’en une clause de non

garantie des vices cachés.

Stipulée à l’occasion d’une vente entre particuliers et rédigée en caractères apparents dans l’acte de cession signé de l’acquéreur, elle est opposable à celui-ci.

D’autre part, par d’exacts motifs que la cour adopte, les premiers juges ont pertinemment relevé qu’il n’était pas établi que M. C avait connaissance du vice affectant le moteur du bateau, l’expert judiciaire ayant constaté que celui-ci procédait de la corrosion de la culasse imputable à un manque d’entretien du circuit de refroidissement mais que, si le vendeur n’avait pas procédé aux opérations d’entretien aussi souvent que le manuel du constructeur le préconisait, il ignorait l’état interne du moteur et ne l’a découvert qu’au démontage de celui-ci pour les besoins des expertises, le changement de bougies au moment de la vente après un essai en mer réalisé aux frais du vendeur sur la préconisation de son mandataire, M. E, n’étant nullement de nature à caractériser l’existence d’une manoeuvre de dissimulation imputable à M. C.

En revanche, les premiers juges ont à tort décidé que la responsabilité de M. E, dont les obligations se limitaient à rechercher et à présenter à son mandant un acquéreur potentiel pour le bateau, ne pouvait être engagée par M. C.

En effet, il est de principe que le mandataire est personnellement responsable envers un tiers lésé des fautes délictuelles qu’il peut commettre dans l’accomplissement de son mandat.

Or, il convient d’abord de relever que M. E est un professionnel de la vente et de la négociation de navires, qu’il avait reçu mandat de vente à titre onéreux, et qu’il a recherché un acquéreur en faisant paraître une annonce mentionnant que le vendeur devait être contacté chez un professionnel.

De fait, la vedette a bien été présentée à M. Y par M. E, exerçant sous la dénomination commerciale 'Concar’Nautic', qui l’a accompagné lors d’un essai en mer à l’occasion duquel une insuffisance de performance du moteur a été observée.

Or, sans faire procéder à des investigations plus approfondies, M. E a proposé le changement de bougies aux frais de M. C et a soumis à la signature de M. Y un compromis sous condition suspensive de bon fonctionnement du moteur et un acte de vente comportant une clause de non-garantie des vices apparents et cachés, ces deux actes étant en date du 24 juin 2010 et les bougies ayant été changées le 30 juin 2010.

À cet égard, l’expert judiciaire a à juste titre souligné que l’intermédiaire professionnel, réputé avoir de solides connaissances en nautisme et ayant lui-même constaté un dysfonctionnement du moteur lors des essais en mer, aurait dû vérifier que le vendeur, avec lequel il était en contact, avait entretenu le moteur conformément aux préconisations du constructeur.

À l’inverse, M. E a proposé que les bougies soient changées aux frais du vendeur, ce qui n’a eu pour effet que de masquer temporairement le vice affectant le moteur au moment de la livraison du navire intervenue 8 juillet 2010, tout en soumettant à la signature de M. Y un acte de vente daté du 24 juin 2010, soit antérieurement à la réparation réalisée le 30 juin 2010, ne reprenant pas la condition suspensive de bon fonctionnement du moteur stipulée dans le compromis du même jour mais comportant au contraire une clause de non-garantie des vices apparents ou cachés du navire.

Ce comportement, qui a permis au mandataire de concrétiser une vente sur laquelle il a perçu une commission de 1 000 euros, est constitutif d’un faute délictuelle à l’égard des époux Y qui sont ainsi en droit de demander et d’obtenir réparation de leur préjudice en application de l’article 1382 du code civil.

Selon l’analyse technique non discutée de l’expert
L, le préjudice matériel des époux Y

s’établit comme suit :

3 500 euros au titre de la valeur de remplacement du moteur non réparable,

·

600 euros au titre des frais de dépose et de repose du moteur,

·

180,91 euros au titre des frais de dépannage du navire,

·

400,70 euros au titre des frais de sortie d’eau et de démontage,

·

27 euros par mois au titre des frais de gardiennage du navire.

·

Les appelants sont fondés à solliciter le remboursement de ces frais de gardiennage durant la période du 1er septembre 2010, date de la sortie d’eau du navire tombé en panne, au 15 novembre 2011, date de dépôt du rapport d’expertise, soit à hauteur de 391,50 euros.

Ils réclament par ailleurs l’indemnisation de leur préjudice de jouissance sur cette même période de 14 mois et demi à due concurrence de 5 735,86 euros mais ils ne justifient pas qu’ils effectuaient ou étaient à tout le moins en mesure d’effectuer les 60 heures de navigation annuelle sur la base desquelles ce préjudice a été calculé, de sorte que, au regard des éléments de la cause, ce chef de leur préjudice sera exactement et intégralement réparé par l’allocation d’une somme de 2 500 euros.

M. E sera donc, après réformation du jugement en ce sens, condamné au paiement d’une somme globale de 7 573,11 euros (3 500 + 600 + 180,91 + 400,70 + 391,50 + 2 500).

Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge des époux Y l’intégralité des frais exposés par eux à l’occasion de la procédure et non compris dans les dépens, en sorte qu’il leur sera alloué une indemnité de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

M. E sera enfin condamné aux entiers dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire mais à l’exception des dépens afférents à la mise en cause de M. C qui resteront à la charge des époux Y.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 2 juillet 2013 par le tribunal de grande instance de Quimper en ce qu’il a débouté les époux Y de leurs demandes formées contre M. E et les a condamnés aux entiers dépens de première instance et à supporter les frais de l’expertise ;

Condamne M. E à payer aux époux Y les sommes de 7 573,11 euros à titre de dommages-intérêts et de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ;

Condamne M. E aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire mais à l’exception des dépens afférents à la mise en cause de M. C qui resteront à la charge des époux Y ;

Accorde le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

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