Cour d'appel de Rennes, 27 janvier 2016, n° 14/00119
CA Rennes
Infirmation 27 janvier 2016

Arguments

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  • Accepté
    Absence de preuve du comportement persistant

    La cour a constaté que la lettre de licenciement ne prouve pas le comportement persistant de la salariée après l'avertissement, rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

  • Accepté
    Erreur dans la mention du DIF

    La cour a reconnu l'erreur dans la lettre de licenciement et a ordonné le versement d'une indemnité pour réparer le préjudice causé par cette erreur.

  • Accepté
    Obligation de remboursement des indemnités de chômage

    La cour a ordonné le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées à la salariée, conformément à la législation en vigueur.

  • Accepté
    Droit à une indemnité de procédure

    La cour a accordé une indemnité de procédure à la salariée, considérant qu'elle avait dû engager des frais pour faire valoir ses droits.

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 27 janv. 2016, n° 14/00119
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 14/00119

Sur les parties

Texte intégral

7e Ch Prud’homale

ARRÊT N°26

R.G : 14/00119

Mme E X

C/

Société LA TRINITAINE SA

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 JANVIER 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Régine CAPRA, Président,

Madame Liliane LE MERLUS, Conseiller,

Madame Véronique PUJES, Conseiller,

GREFFIER :

Madame A B, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 01 Décembre 2015

devant Madame Véronique PUJES, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Janvier 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

Madame E X

XXX

XXX

représentée par M. C D Délégué CGT Lanester;

INTIMEE :

Société LA TRINITAINE SA

Kerluesse

XXX

représentée par Me Hassiba JEFFROY, avocat au barreau de LORIENT.


EXPOSE DU LITIGE

Mme X a été engagée par la société La Trinitaine (ci-après «'la société'») en qualité de comptable à compter du 16 janvier 1984'; elle a par la suite , à compter du 1er janvier 2007, occupé le poste de comptable , gestion des fournisseurs, au coefficient 195 moyennant un salaire brut moyen mensuel de 1 602,66 € pour une durée hebdomadaire de travail de 35 heures, avant d’être affectée en 2011 au poste de correspondante VPC-VCE ( service des ventes aux comités d’entreprise qui venait d’être crée)'; son salaire mensuel brut était en dernier lieu de 2 070 €).Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des biscotteries et biscuiteries.

Suite à un courrier adressé le 14 mars 2012 à la Direction par une collègue , Mme Z, et à la mise en 'uvre consécutive d’une enquête interne, Mme X s’est vu notifier un avertissement par lettre remise en mains propres le 4 juin 2012, lui reprochant de colporter des propos dénigrants sur Mme Z concernant son travail et sa capacité à utiliser le logiciel «'AS 400'», de contribuer par son attitude «'très désagréable'» (regards et des ragots), à rendre l’ambiance de la pause déjeuner «'électrique'», de contribuer également activement à mettre Mme Z à l’écart et à créer des clans en colportant les différends qu’elle pouvait avoir avec celle-ci';ce comportement, en ce qu’il générait des tensions ralentissant et même paralysant le fonctionnement de plusieurs services, était préjudiciable à l’entreprise, et un changement rapide d’attitude de la part de la salariée était donc attendu. Il lui était également fait grief d’un problème de paiement de commandes intervenu pendant qu’elle assurait le remplacement de Mme Z en août 2011, découvert à l’occasion du bilan.

Mme X a contesté cet avertissement le 18 juin 2012 et a été déclarée inapte temporairement par le médecin du travail le 20 juin. L’arrêt de travail à compter de cette date a été confirmé lors d’une contre visite médicale du 3 juillet.

Le 9 juillet, Mme X a demandé à réintégrer le service comptabilité fournisseurs à l’issue de ses congés le 6 août, compte tenu des circonstances. Elle a en conséquence été convoquée par la Direction à un entretien fixé le 6 août, suivi d’un courrier évoquant une rupture conventionnelle resté sans suite.

Suite à un nouveau courrier de Mme Z daté du 17 août 2012,se plaignant du comportement persistant de Mme X, celle-ci a été convoquée à un entretien préalable par courrier du 22 août comportant une mise à pied conservatoire.

Après entretien préalable du 31 août, Mme X a été licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée du 15 septembre évoquant «un comportement incompatible avec la nécessité de travailler en équipe et qui contribue à l’instauration d’une mauvaise ambiance de travail'». La société la dispensait d’effectuer son préavis de deux mois et lui indiquait que son droit à DIF s’établissait à 72 heures, ajoutant que son salaire pendant la mise à pied conservatoire lui serait versé.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Lorient le 13 décembre 2012 afin d’obtenir, selon le dernier état de sa demande, la condamnation de la société au paiement de la somme de 60 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une indemnité de procédure de 2 000 €.

Par jugement du 26 novembre 2013 , le conseil a dit que le licenciement était fondé et a débouté Mme X de ses demandes.

Celle-ci a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration postée le 6 janvier 2014 et reçue le lendemain.

En l’état de ses dernières écritures déposées le 5 juin 2015 et soutenues oralement à l’audience, elle demande à la Cour d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes et de condamner la société à lui verser la somme de 60 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre celle de 1 098 € au titre du DIF ainsi qu’une indemnité de procédure de 2 000 €.

Aux termes de ses écritures également soutenues à l’audience, la société demande à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et , subsidiairement, de réduire au minimum légal les dommages-intérêts qui seraient alloués.

Il sera renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

La lettre de licenciement , qui fixe les limites du litige , est rédigée comme suit':

«'Madame,

suite à notre entretien du 30 août 2012 (') nous vous informons par la présente de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants qui constituent une cause réelle et sérieuse':

Nous avons à déplorer de votre part un comportement incompatible avec la nécessité de travailler en équipe et qui contribue à l’instauration d’une mauvaise ambiance de travail.

Ce n’est malheureusement pas la première fois que nous devons déplorer une telle situation. Par le passé , une autre salariée du service comptable, Madame Y, s’était plainte de votre attitude à son endroit, de telle sorte que nous avons dû séparer physiquement vos bureaux. Malgré ce, le service comptable s’est trouvé confronté à une situation de tension importante perturbant ainsi son bon fonctionnement. Vous avez alors été affectée avec votre accord au service VPC VCE en mai 2011.

Malheureusement, votre attitude n’ayant pas été modifiée, nous avons été contraints de vous notifier un avertissement le 4 juin dernier consécutivement à l’enquête interne menée suite à la plainte de votre collègue de travail, Mme Z.

Le 9 juillet 2012, vous nous avez précisé ne plus souhaiter travailler avec Mme Z et vouloir réintégrer le service comptable. La responsable du service comptable nous a alors précisé qu’elle ne pouvait pas accepter que ce service soit de nouveau perturbé par des rivalités.

Nous avons appris le 17 août 2012 qu’en dépit de l’avertissement notifié le 4 juin dernier , vous avez continué à chercher à déstabiliser Mme Z et à témoigner d’une absence de communication avec celle-ci. Ainsi , notamment alors qu’elle vous a proposé une réunion pour organiser sa passation des dossiers en cours en raison de son départ en congés, vous lui avez répondu en ricanant':'»je ne serai pas là, je me mettrai en maladie'».

La persistance de votre attitude à l’égard de votre collègue de travail est inacceptable et contribue à faire régner un climat hostile au sein de l’entreprise perturbant ainsi son bon fonctionnement (apparition de clans, zizanies…).

Pour ces motifs, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible, ce qui nous amène à mettre fin à votre contrat de travail (…)'».

Mme X fait valoir que la lettre de licenciement n’évoque pas de fautes postérieures à l’avertissement du 4 juin 2012, si ce n’est une vague accusation d’absence de communication qui ne saurait constituer un motif de licenciement.Si elle reconnaît avoir côtoyé Mme Z depuis cette date, cela ne s’est toutefois produit,selon elle,qu’une seule fois , le 20 juin, pendant trente minutes durant lesquelles cette collègue s’est montrée agressive à son égard, au point qu’elle a dû consulter le jour-même le médecin du travail qui l’a adressée à son médecin traitant , lequel lui a prescrit un arrêt de travail à compter du 21 juin. Elle ajoute que , contrairement à ce que soutient la société et ce qu’a jugé le conseil de prud’hommes, aucun harcèlement moral ne lui est reproché dans la lettre du 15 septembre 2012 qui fixe les limites du litige.

La société maintient pour sa part que le comportement inacceptable et persistant de Mme X vis à vis de Mme Z était incompatible avec la nécessité de travailler en équipe et était de surcroît de nature à engager sa responsabilité d’employeur sur le fondement de l’obligation de sécurité de résultat.

L’avertissement notifié le 4 juin 2012 sanctionnait déjà le comportement de Mme X à l’égard de sa collègue Mme Z et ses effets tant sur l’ambiance de travail que du fonctionnement des services. La question est donc de savoir si Mme X a persisté dans son comportement après cette date comme le soutient l’employeur dans la lettre de licenciement.

Or, force est de constater que cette lettre, qui ne fait nulle part état d’un quelconque harcèlement moral, se borne, pour l’essentiel,à reprendre l’historique de la situation avant cette date, et que si elle évoque la persistance du comportement déstabilisant de Mme X vis à vis de Mme Z en dépit de cet avertissement,cette allégation,toutefois, n’est confirmée par aucun des témoignages versés aux débats qui se bornent à retracer la situation antérieure à cette sanction, notamment des faits et des propos remontant à l’été 2011, repris du reste dans l’enquête interne effectuée en 2012 ayant conduit à la sanction du 4 juin.Le seul document évoquant la persistance des faits postérieurement à l’avertissement est le courrier adressé à la Direction par Mme Z le 17 août 2012 dans lequel celle-ci indique qu’avant son départ en congé le 25 juin, elle avait été chargée de former Mme X pour qu’elle la remplace pendant son absence, que celle-ci s’était montrée à cette occasion peu coopérative, désinvolte, lui faisant répéter à dessein les consignes pour l’épuiser, soulignant son incompétence professionnelle et lui précisant en ricanant qu’elle ne serait pas là pendant son absence puisqu’elle se mettrait en arrêt maladie,et qu’à la pause déjeuner du même jour, elle s’était empressée de relater à ses collègues ce qu’elle endurait, le tout accompagné de regards noirs et de calomnies.

Comme indiqué ci-dessus, Mme X soutient n’avoir rencontré Mme Z qu’à une seule occasion , lors de la transmission des consignes le 20 juin 2012 en vue de reprendre les tâches de celle-ci pendant sa période de congés débutant le 25 juin';ce point est confirmé à la lecture du courrier de Mme Z du 17 août, dans lequel elle retrace la transmission d’informations et de pratiques du 20 juin et indique avoir appris le lendemain que Mme X était en arrêt de travail.Or, les deux versions des protagonistes divergent totalement sur le déroulement de la discussion,Mme Z reprochant à Mme X son attitude désinvolte, peu coopérative et ironique, tandis que celle-ci lui fait grief d’un accueil froid et d’un comportement agressif'; par ailleurs,l’attitude de Mme X et les propos qu’elle a pu tenir à la pause déjeuner ce jour-là ne sont étayés par aucun justificatif. Il sera enfin rappelé que Mme X a été déclarée le jour-même inapte temporairement à son poste par le médecin du travail et que la contre visite organisée par l’employeur le 3 juillet 2012 a confirmé le bien fondé de l’arrêt de travail prescrit le 20 juin.

Il résulte de ce qui précède que la preuve du comportement persistant de Mme X , postérieurement à l’avertissement du 4 juin 2012 (auquel se rattache l’absence de communication évoquée par la lettre de licenciement), n’est pas rapportée'.Le licenciement doit en conséquence être déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Au moment de la rupture de son contrat de travail, Mme X avait au moins deux années d’ancienneté et la société employait habituellement au moins onze salariés.

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, Mme X peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu’elle a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement.

Compte tenu de son ancienneté importante (28 ans),de son âge au moment du licenciement ( 53 ans), de l’absence de sanction disciplinaire avant l’année 2012, mais compte tenu aussi de ce que Mme X ne verse aucun document sur sa situation depuis son licenciement, il lui sera alloué la somme de 30 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

L’employeur a rectifié l’erreur concernant le DIF contenue dans la lettre de licenciement et a bien délivré un certificat de travail daté du 15 novembre 2012 mentionnant un DIF de 120 heures, correspondant à 1 098 €. En réparation du préjudice découlant de l’erreur initiale, il sera alloué à Mme X la somme de 50 € à titre de dommages-intérêts.

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner le remboursement par la société aux organismes concernés, parties au litige par l’effet de la loi, des indemnités de chômage qu’ils ont versées le cas échéant à Mme X à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence d’un mois.

Succombant à l’instance , la société supportera les dépens. L’équité commande d’allouer à Mme X la somme de 900 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

statuant publiquement,par arrêt contradictoire, mis à disposition au secrétariat-greffe,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Lorient du 26 novembre 2013';

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Mme X est sans cause réelle et sérieuse';

Condamne la société La Trinitaine à payer à Mme X,à ce titre, des dommages-intérêts à hauteur de 30 000 €';

Condamne la société La Trinitaine à payer à Mme X la somme de 50 € à titre de dommages-intérêts pour le DIF';

Ordonne le remboursement par la société La Trinitaine aux organismes concernés des indemnités de chômage qu’ils ont versées le cas échéant à Mme X à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence d’un mois';

Condamne la société La Trinitaine à payer à Mme X une indemnité de procédure de 900 €;

Condamne la société La Trinitaine aux dépens.

Le Greffier, Le Président,

G. B R. CAPRA

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