Cour d'appel de Rennes, 1er juillet 2016, n° 391

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 1er juill. 2016, n° 391
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 391

Texte intégral

ARRET N° 29)

LA CHAMBRE DE L’INSTRUCTION

DE LA COUR D’APPEL DE RENNES

1« juillet 2016

NANTES

B D

PC :

B A

C Z BC BH BI BJ X

viol commis sur la personne d’un mineur de 15 ans;

agression sexuelle sur mineur de 15 ans pas ascendant

Confirmation de l’ordonnance de non lieu

L

AUDIENCE DU PREMIER JUILLET DEUX MIL SEIZE

LA CHAMBRE DE L’INSTRUCTION DE LA COUR D’APPEL DE RENNES 1 rendu l’arrêt suivant :

Dans la procédure instruite au Tribunal de Grande Instance de NANTES:

B D

né le […] à […]

Fils de T B et de U V de nationalité Française

Libre sous contrôle judiciaire demeurant : […] […]

Ordonnance de contrôle judiciaire du 14 février 2012

Qualification des faits : viol commis sur la personne d’un mineur de 15 ans ; agression sexuelle sur mineur de 15 ans pas ascendant ;

Ayant pour avocats : Me BROSSOLLET, […] – […] et Me PLOT, […]

PARTIES CIVILES :

B A

demeurant chez Mme W C BJ. X, 22 rue de la Pommeraie – 44830 Y

Ayant pour avocat Me GARCIA, 5, […]

C Z BC BH W épouse X

22 bis avenue de la Pommeraie – 44830 Y

Ayant pour avocat Me BA-BB, […] […]

Composition de la Cour lors des débats : AC AE, Président, AA AB,

et AC AD, conseillers

Tous trois désignés conformément aux dispositions de l’article 191 du Code de procédure pénale,

En présence

du Ministère Public et de Valérie LE ROY, Greffier

T

2

| Vu l’ordonnance de non-lieu en date du 17 novembre 2015 rendue par le juge d’instruction au Tribunal de Grande Instance de NANTES et notifiée le même jour par lettre recommandée à la partie civile et à son avocat ;

Vu les déclarations d’appel souscrites au greffe du Tribunal de Grande Instance de NANTES – le 27 novembre 2015 par maître COURCAULT, substituant maître GARCIA, avocat de Mile A B et – le 30 novembre 2015 par maître BA-BB, avocat de Mme Z BC BH W C épouse X ;

Le dossier contenant les réquisitions de Madame le Procureur Général a été déposé le 11 avril 2016 au greffe de la Chambre de l’instruction ;

Vu l’avis adressé le 17 mai 2016 par fax aux avocats et par lettre recommandée aux parties civiles et à D B, mis en examen, par Madame le Procureur Général, les informant que le dossier de la procédure sera examiné par la chambre de l’instruction à l’audience du 02 juin 2016 à 11 heures 30 minutes ;

Vu le mémoire déposé au secrétariat-greffe de la Cour – le 28 mai 2016 à 9 heures par Me GARCIA, avocat de A B, partie civile, – le 31 mai 2016 à 15 heures 30 par Me BROSSOLET et Me PLOT, avocats de D B

Vu les autres pièces du dossier de la procédure,

À l’audience en chambre du conseil du 02 juin 2016, après avoir entendu :

AC AE, en son rapport, le Ministère Public en ses réquisitions orales,

Me COURCAULT susbstituant Me GARCIA et Me BA-BB, avocats des parties civiles, en ses observations,

Me BROSSOLLET et Me PLOT ayant eu la parole le dernier,

l’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu à l’audience du 1* juillet 2016 à 10 heures

et ce jour, après en avoir délibéré conformément à l’article 200 du Code de procédure pénale en l’absence du Ministère Public et du greffier, et dans la même composition :

FAITS ET PROCEDURE

Le 27 juillet 2010, les gendarmes de la Brigade de Y étaient saisis par le Procureur de la République de NANTES d’une enquête à la suite des révélations recueillies par les services éducatifs en charge du suivi en assistance éducative de deux mineurs, A B et son frère AF B, quant à des faits de violences et d’agressions de nature sexuelle qui auraient été commises par leur père, D B (D1).

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apparaissait que, de l’union de D B et de W (anciennement Z) C épouse X étaient issus trois enfants :

— A, née le […],

— N, né le […],

— AF, né le […].

Le couple s’était séparé en juin 2008 et une ordonnance de non-conciliation avait été prononcée le 24 octobre 2008. La résidence des enfants avait été fixée chez la mère, avec un droit de visite pour le père uniquement à l’égard des garçons, A, alors âgée de 14 ans, ayant refusé de revoir son père à partir de la séparation de ses parents.

Le Juge des enfants avait été saisi sur une requête du Conseil de Madame B dénonçant de faits de violence sur les enfants par le père. Une mesure d’assistance éducative avait été mise en place le 28 novembre 2008, renouvelée le 3 décembre 2009 et le 26 novembre 2010. Le divorce était prononcé le 17 décembre 2009. Dans son ordonnance le magistrat indiquait que, lors de l’audience, les trois enfants avaient confirmé avoir été victimes des violences physiques de leur père. Les deux garçons indiquaient que le droit de visite se passait bien. Cependant le juge notait que les trois enfants «allaient mal» (D18, D31).

Un signalement avait été également formulé par une assistante sociale du collège (D84)

Les services sociaux indiquaient que A B, après une émission télévisée sur l’inceste, avait confié à sa mère n’avoir pas tout révélé lors de son audition en 2008. Elle n’avait cependant pas voulu se confier à l’éducatrice. Par ailleurs, AF s’était plaint que son père, au cours des droits de visite, lui caressait les fesses et qu’il avait honte. Le service signalait que AF souffrait d’encoprésie.

Interrogé par ces services, le père avait parlé de «gratouilles», dont les garçons étaient «demandeurs». I avait K constaté la gêne de AF et promis d’être vigilant. Il reliait les accidents de propreté de cet enfant à des problèmes médicaux, ce que contestait la mère (D18).

Entendu le 25 novembre 2010, AF B expliquait qu’avant la séparation de ses parents, son père était violent et que maintenant, il voyait son père toutes les trois semaines, à l’hôtel, du vendredi soir au dimanche soir. Régulièrement, lors des week- ends de garde, au moment des couchers et réveils, son à père qui avait «inventé un nouveau massage» , lui massait le dos, et à cette occasion, il 'faisait descendre el remonter sa main sur ses fesses, trop bas», «jusqu’au milieu des fesse», précisant sur une question, que son père «n’allait pas plus loin». Gêné, il tentait d’empêcher ces gestes en mettant sa main, mais en vain. AF précisait que dès qu’il en avait parlé au Juge des enfants, son père avait cessé ces agissements.(D2).

Auditionnée le 23 novembre 2010, A B s’exprimait avec difficulté. Elle pleurait mais disait ne plus pouvoir garder cela pour elle. A B indiquait que ses parents étaient divorcés, qu’elle avait un «nouveau papa», mais que les faits de violence concernaient «son ancien» papa. Elle disait avoir des souvenirs flous dans la mesure où, disait-elle, elle essayait d’oublier.

Elle évoquait au fur et à mesure de l’audition des faits de plus en plus graves, parlant d’abord de caresses, puis des faits de pénétrations sexuelles, de fellations

et de pénétration anale.

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A évoquait d’abord une attitude malsaine de son père dont les premiers souvenirs remontaient à l’âge de 8 ans, lorsque son père la surprenait dans la salle de bains alors

qu’elle s’y trouvait nue, qu’il voulait «l’aider à se laver et se sécher», alors même qu’elle avait dit à ses parents vouloir prendre sa douche seule et que personne ne rentre dans la salle de bains quand elle y était.

Tandis qu’elle grandissait, son père avait eu plus d’exigences avec elle et les violences sexuelles s’étaient intensifiées : caresses sur le corps, puis sur ses seins naissants, sur ses fesses, et entre ses cuisses. Ces faits avaient commencés quand elle avait 8 ans. Elle avait réussi à échapper aux caresses au moment du coucher en demandant un lit mezzanine dans sa chambre.

Progressivement il l’avait contrainte à lui toucher le sexe, puis il lui avait imposé des fellations. Il lui tirait les cheveux et en la forçant à ouvrir la mâchoire. Elle précisait qu’il n’avait jamais joui dans sa bouche. Elle devait se aussi toucher devant lui, puis se lécher les mains. A douze ans, il lui avait imposé une pénétration vaginale sur la table du salon et avait, ensuite, recommencé à plusieurs reprises. À chaque fois il éjaculait sur son ventre. Elle décrivait ainsi un 'rituel : elle se cachait, souvent derrière le buffet du salon, il la retrouvait, s’énervait, la giflait, enlevait son T de force, puis se faisait «mielleux» et lui imposait des gestes sexuels. Elle indiquait qu’il «éfait toujours plus fort qu’elle». Elle évoquait en outre avec beaucoup de difficultés le fait qu’il Ii avait aussi «entré deux doigts dans les fesses».

Son père profitait en général de l’absence de sa mère, en particulier le mardi quand celle-ci allait chanter, pour s’imposer à elle. Elle précisait que lorsqu’il y avait un 'risque » que ses frères ou des témoins le voient, il arrêtait. Il lui disait que «c’était un secret el que c’étail normal, que c’était son droit le faire».

Les faits s’étaient déroulés dans la maison familiale de Y, dans la salle de bain, dans sa chambre, à son lever ou à son coucher, notamment lorsqu’elle s’habillait ou se déshabillait, dans le salon (et en par! ticulier son premier viol, sur une table) et dans le garage attenant à la maison. Elle expliquait que les fenêtres du salon donnait sur le jardin et sur l’accès à la maison ce qui permettait de voir venir de loin les visiteurs éventuels.

Elle n’avait pas réussi à parler de la totalité des agressions subies lors d’une première enquête qui avait fait suite à un signalement en juillet 2008 (D49/3), expliquant qu’elle avait honte et voulait oublier; elle pensait qu’en se taisant, elle réussirait à oublier. Elle n’avait jamais vraiment réussi à se confier à ses proches, réussissant seulement à faire des allusions aux faits. Elle pensait aussi que c’était son «fardeau» ct qu’elle devait le porter seule. Elle disait en avoir parlé à sa meilleure amie et à son petit ami de l’époque qui voulaient l’aider, voyant qu’elle se mutilait. En revanche, elle n’avait jamais donné de détails à sa mère. Cependant, à la suite de la séparation de ses parents, sa mère avait deviné les faits à force de discussion entre elles et du doute quelle laissait planer. Elle indiquait avoir tenté de parler avec une de ses tantes paternelles mais que toute la famille paternelle l’avait rejetée, ce qu’elle regrettait. Elle indiquait être soulagée depuis la séparation de ses parents (D4).

La grand-mère maternelle des enfants, AG AH), entendue par les enquêteurs le 29 janvier 2011, indiquait avoir perçu un mal être profond chez sa petite fille qui avait des idées suicidaires, qui se mutilait, qui s’enfermait à clé dans sa chambre et qui avait pu lui confier avoir peur de son père. Elle décrivait son gendre comme un «homme violent, dangereux psychologiquement». Elle avait également noté des attitudes indécentes de la part de son gendre, qui pouvait par exemple laisser la porte de la salle de bain entre-ouverte alors qu’il

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s’y trouvait nu, ou se positionner en peignoir dans le canapé tout en écartant légèrement les cuisses, laissant voir son intimité. Elle concluait en déclarant qu’à force de sous entendus de la part de sa petite fille lui précisant qu’il «ui avait

fait des choses», elle avait compris que celle-ci avait subi des sévices sexuels Dé)

AI X, BC depuis plusieurs mois avec W C, la mère des mineurs, relatait le 29 janvier 201 ! aux enquêteurs un mal-être exprimé par les enfants lorsqu’il était rentré dans la famille. Il avait remarqué une peur de l’humiliation, en particulier chez les deux garçons, une certaine agressivité ou violence de AF et une grande introversion d’N, ainsi que des retours difficiles après des séjours prolongés chez leur père. L’été 2009, il s’était rendu compte de la terreur exprimée par A lors d’une arrivée impromptue de son père, D B, au domicile familial, l’adolescente s’étant réfugié précipitamment dans la cuisine où AI X l’avait découverte «prostrée, les mains jointes tremblantes de tout son corps». Ces faits ont également rapportés par le petit-ami de A de l’époque. Elle lui avait également tenu des propos l’ayant troublé lors d’une conversation en 2009 sur ses relations sentimentales et notamment au sujet de rapports intimes : «je ne le suis plus à cause de mon père». Ses doutes avaient été confirmés plus tard.

Ïl avait remarqué que les enfants s’étaient apaisés et avaient retrouvé un certain équilibre depuis qu’ils reconstruisaient la cellule familiale avec leur mère (D7).

Le 9 février 2011, W C épouse X, confirmait aux enquêteurs le mal-être de ses enfants et de toute la famille à la suite des violences psychologiques exercées sur eux par son ex-mari lorsqu’ils vivaient tous ensemble.

Concernant A, elle évoquait des problèmes d’énurésie depuis l’âge de 8 ans et le suivi pédo-psychiatrique qui s’en était suivi, période également à partir de laquelle son ex-mari avait basculé dans la déviance sexuelle. | regardait beaucoup de films pornographiques, de revues pornographiques, se masturbait de façon intensive et avait des tendances à l’exhibitionnisme, et ce sans aucune pudeur.

Elle décrivait le comportement de sa fille qui avait «bhasculé dans un mal-être profond». Elle avait remarqué ses enfermements dans sa chambre, demandant d’y installer un verrou, un refus de s’alimenter à l’âge de 12 ans, ce qui lui avait fait craindre une anorexie, puis un refus de tout contact physique, un

camouflage de son corps, un sentiment de haine grandissant vis à vis de son père, voire un sentiment de terreur lorsqu’elle se retrouvait en sa présence, père qui de son côté, banalisait son comportement et la tyrannisait. Elle décrivait le «look gothique»adopté par sa fille, ses intentions suicidaires, sa fascination morbide, ce qui l’avait décidé à quitter son ex-mari en 2008 et à déposer plainte pour harcèlements psychologiques et pour violences.

Sa fille ne s’était jamais confiée explicitement à elle quant à des agressions sexuelles, à l’inverse de violences physiques. Elle attestait que lors d’une émission télévisée sur l’inceste, courant 2010, A avait affirmé que «ce/a avait commencé» depuis l’âge de 8 ans. Sa fille n’avait plus vu son père depuis le prononcé du divorce (D8).

Une des amies de l’adolescente, AJ AK, née le […], entendue en février 2011, attestait des mots durs employés par A au sujet de son père, un an auparavant, soit début 2010, tout en restant évasive sur le contenu des conversations qu’elles avaient eu à ce propos et dont elle se souvenait mal. Elle se rappelait que A lui avait confié que son père la forçait lorsqu’elle rentrait de l’école et qu’il se servait d’elle comme d’un jouet

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sexuel. AJ AK se souvenait d’une scène précise que son amie lui avait raconté : 'épisode sur une table dans le salon en insistant sur le fait que c’était dans son ancienne maison». Elle précisait aussi que A lui avait dit ne pas être prête à porter plainte ayant peur que «l’affaire soit classée, qu’on lui dise qu’elle a menti et que son père s’en sorte» (D9).

Entendu le 23 février 2011, AL AM, né le […], expliquait qu’il était le petit-ami de A B depuis décembre 2009, alors qu’il étaient en classe de première au lycée. Il avait constaté que son amie était très mal au début de leur relation amoureuse, que, plus tard et très progressivement, elle lui avait confié les traumatismes subis par son père, violences physiques mais aussi sexuelles, et notamment le fait qu’entre l’âge de ses 9 ans et 12 ans, il s’arrangeait pour la surprendre dans la douche, puis, qu’à partir de ses 12 ans, il avait abusé d’elle sexuellement en la pénétrant, indiquant «e//e m’avait dit que la première fois qu’elle l’avait fait, c’était avec lui». A lui avait également avoué que son père avait déjà éjaculé sur son ventre, avait pratiqué sur elle un acte de sodomie et lui avait demandé «de le lécher». Il précisait qu’elle était gênée lorsque le sujet était évoqué et qu’elle cherchait avant tout à oublier, étant passée de la peur à la haine. A lui disait que si elle se mutilait, c’était «pour enlever le sang de son père qui coulait dans ses veines» (D10).

Il était joint à la procédure des procès verbaux relatifs à l’enquête ouverte sur la dénonciation de maltraitance de Madame B en 2008.

Celle-ci avait décrit les explosions de colère de son mari, le harcèlement psychologique sur les enfants qui étaient totalement perturbés, les humiliations et les menaces. Elle indiquait que la plus atteinte était leur fille. Elle avait précisé que son mari refusait de la voir grandir, entrait dans sa chambre, gérait ses devoirs, critiquait ses tenues vestimentaires sans les interdire et lui interdisait de fréquenter des garçons. Elle avait mdiqué «D continue de jouer avec sa Jille comme il le faisait quand elle était petite, sans prendre conscience qu’elle est devene une jeune fille. Il touche son corps comme il ne devrait plus le faire, sans mauvaise intention pour autant. A le vit très mal, le repousse. Elle est très mal, se scarifie les bras, parle de suicide». Elle avait ajouté que sa fille voulait être placée pour être protégée. Elle avait donc décidé de divorcer (D49/2).

A B avait été entendue le 23 juillet 2008. Elle avait évoqué des violences physiques (gifles fréquentes et sans raison, coups de pied dans les fesses et une fessée récente) et s’était plainte du comportement intrusif de son père, qui fouillait sa chambre, photocopiait son journal intime, fouillait son «blog». Elle avait rclaté unc scènc au cours de laquelle, alors qu’elle était dans sa chambre en train de se changer et qu’elle était en pantalon et soutien-gorge, il Pavait «coincée», lui avait caressé le dos et les fesses et avait essayé de défaire sa ceinture. Elle avait réussi à s’enfuir et se cacher (D49/3).

D B avait été entendu le 26 janvier 2009 sur ces faits. Il n’avait pas contesté fouiller les affaires de sa fille et : photocopier son journal suite «aux accusations es» de sa part, et ce «pour trouver des preuves». Il avait précisé avoir claqué »'sa fille sur les fesses pour éviter de la gifler sur la Jigure». Il avait nié les faits d’agression sexuelle dénoncés.

Concernant les violences sur les garçons, qui dénonçaient des coups de poing dans le visage, des coups de pieds dans les fesses, des gifles et des fessées, il Les avait reconnus en les minimisant, et ce même si son fils avait à l’occasion saigné du nez. N ayant dénoncé le fait que son père l’avait obligé à manger un yaourt par le nez, 1l avait indiqué que l’enfant ne voulait pas manger et qu’il lui

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avait seulement mis le nez dans la cuillère, que c’était «une blague de potache»et qu’il «n’était pas spécialement en colère" (D49/4)

Le rapport d’expertise psychiatrique en date du 18 novembre 2008 du Docteur E diligentée dans le cadre de cette enquête pénale était lui aussi joint. A B avait été décrite comme «relativement perturbée, d’une présentation originale (style gothique), s’exprimant de manière parfois mystérieuse, parfois emphatique, avec parfois un certain théätralisme mais à d’autres moments de façon tout à fait authentique». L’expert avait conclu que, «malgré les éléments hystériques de son caractère, les déclarations de A étaient crédibles», que «les troubles du contact observés chez A pouvaient tout à fait se situer dans le cadre du traumatisme infligé par un père maltraïtanf» et que A était profondément perturbée par «ce qui apparaît comme l’ébauche (…) d’une agression sexuelle incestueuse» (D14).

Le rapport d’expertise psychologique de Mme F, ordonné par le Juge aux affaires familiales, daté du 2 février 2009, était également versé au dossier. Devant l expert, les enfants avaient évoqué une certaine violence paternelle et des humiliations.

A B avait réitéré ses déclarations sur le comportement incestueux et violent de son père et maintenu son refus de voir ce dernier. Il avait été noté que A avait eu sa première relation sexuelle à l’âge de 13 ans, forcée par le garçon avec qui elle était. Enfin, elle avait fait part de ses tentatives de suicide et de son souhait de mourir, de sa difficulté à vivre la rupture avec la famille de son père, avec ses COUSSINS.

Concernant les parents, le rapport avait conclu que Madame B était centrée sur l’avenir et la protection de ses enfants, alors que Monsieur B était centré sur la relation adultère de sa femme (D15).

Le Docteur E examinait de nouveau A B le 22 avril 2011, qui maintenait auprès de lui l’intégralité de ses déclarations faites devant les gendarmes. La jeune fille expliquait n’avoir pas voulu révéler la réalité des agressions subies lors d’un premier signalement en 2008, à cause des menaces formulées par son père mais aussi parce qu’elle avait honte et ne voulait surtout pas être forcée de retourner chez son père. L’expert indiquait que ce qu’il avait noté en 2008, sur « /a présentation histrionique et très thédtrale évoquant un caractère hystérique pouvait être la conséquence des abus sexuels. Les troubles du comportement alimentaires et dépressifs étaient souvent les conséquences de l’inceste. Les cauchemars ilératifs évoquaient, selon lui, la constitution d’une névrose 1) aumatique» .

«Certes A présente un caractère hystérique et ce type de caractère pet parfois conduire à la mythomanie, mais il peut également correspondre aux séquelles psychiques d’une agression sexuelle» (D13)

L’audition de D B, le 19 octobre 2011, était annulée par arrêt de la Chambre de l’instruction de RENNES en date du 15 mars 2013, pour un vice de procédure (D19 à D21).

Entendue le 20 novembre 2011, AN AO, compagne de D AP depuis septembre 2008, le décrivait comme un homme doux, prévenant et compréhensif dans leur vie intime. Elle précisait également que D AP était pudique. Il s’entendait bien avec ses filles de 8 et 10 ans et elle lui faisait confiance, pouvant lui laisser ses filles sans crainte. Selon elle, tout était mis en oeuvre par la mère pour séparer le père de ses enfants et les propos de A n’était qu’imaginaires (D21). Cv

Une information judiciaire était ouverte le 6 janvier 2012 contre D B des chefs de viols sur mineure de quinze ans et agressions sexuelles sur mineure de quinze ans par ascendant (D25).

W X et A B se constituaient parties civiles (D29, D36).

Interrogé le 14 février 2012 par le magistrat instructeur, D B contestait les faits avec émotion, ne comprenant toujours pas les accusations faites par sa fille et n’étant pas en mesure de les expliquer. Il déclarait qu’il n’avait jamais vu sa fille nue sauf quand elle était bébé. Il expliquait qu’il y a avait eu un «c/ash» entre lui et sa fille quelques mois avant sa séparation avec son ex-femme, sans savoir d’où venait la haine que sa fille portait à son égard. Il ne relatait qu’une grosse fessée donnée en février 2008, que A avait ressentie comme une grande humiliation. Selon lui, les accusations de ses enfants avaient été formulées, à l’époque, à la demande de sa femme, pour obtenir le divorce qu’il ne voulait pas, étant précisé qu’elle avait un amant. D B indiquait que A mentait comme elle l’avait déjà fait auparavant sur la prétendue mort de son petit ami G. Il précisait qu’il ne voyait pas quand les faits auraient pu se passer puisqu’il avait très rarement l’occasion d’être seul avec A, et «qu’il aimait beaucoup trop sa fille pour pouvoir lui faire du mal».

D B était mis en examen pour :

— avoir à Y, entre le 12 juillet 2006 et juillet 2008 en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, par violence, contrainte, menace ou surprise commis des actes de pénétration sexuelle sur la personne de A B avec ces circonstances que ces faits ont été commis sur une mineure de quinze ans comme étant née le […];

— avoir à Y, entre le 12 juillet 2006 et juillet 2008 en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, par violence, contrainte, menace ou surprise commis ou tenté de commettre des atteintes sexuelles, en 7 espèce en procédant sur elle à des attouchements de nature sexuelles, avec cette circonstance que les faits ont été commis par un ascendant de la victime sur la personne de A B et avec ces circonstances que ces faits ont été commis sur une mineure de quinze ans comme étant née le […] (D30).

Le 11 décenbie 2013, Maivn B élail enteuduë par le Juge d’instruction. Elle maintenait ses déclarations. Elle se souvenait que les premiers gestes sexuels avaient commencé lorsqu’elle allait entrer en CEI et que la famille avait emménagé à Y. Cela se produisait environ une fois par semaine, le matin et/ou le soir. Son père ne prenait pas de précaution particulière, les portes ne fermant pas à clé, mais il n’avait jamais fait un geste équivoque devant quiconque et n’avait jamais été surpris. Elle expliquait «qu’il la frappait et qu’elle se défendait, en se débattant, en criant, en le griffant sur le visage. S’il montrait ses traces de griffure à sa mère, cette dernière pensait qu’il la chahutait. Elle décrivait la première fellation imposée avec violence, «baffes», cheveux tirés), suivie d’une pénétration vaginale sur la table du salon lorsqu’elle avait 12 ans. Elle ne pouvait donner plus de précisions sur la présence ou non d’un autre membre de la famille, pouvant toutefois répondre qu’elle était rarement seule à la maison avec son père. Elle ne se souvenait pas si elle avait saigné. Ces pénétrations sexuelles étaient imposées très régulièrement, une fois par semaine. Les faits s’étaient arrêtés lorsqu’elle avait 14 ans et que son père

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était parti travailler à PARIS. Elle précisait qu’elle n’en avait pas parlé à sa mère, se persuadant que tout cela était faux. Elle n’en avait pas parlé davantage à son médecin traitant et son gynécologue. Elle avait eu des premiers rapports sexuels mais sans pénétration avec son petit ami «Yohan» lorsqu’elle avait 14 ans, puis avec «H» à 15 ans à qui elle avait parlé des faits, ainsi qu’à quelques amies sans toutefois se souvenir des scènes évoquées (DS1/3).

Entre janvier et avril 2014, les proches de A B étaient entendus, notamment son beau-père qui confirmait sa première déclaration, ses amies et son Elle avait confié à AQ AR, son petit-ami depuis mi- 2012, s’être fait «violer par son père» (D76).

Elle avait également confié à J AS, alors qu’elles étaient toutes deux en classe de 5°" ou 4«, soit les années scolaires 2006-2007 et 2007- 2008, qu’elle avait été violée par son père et que cela s’était passé plusieurs fois chez elle, quand sa mère était absente. Pendant cette période, A l’appelait souvent au téléphone en pleurs. Elle se souvenait de confidences plus précises lors de son anniversaire de 15 ans, qui avait été fêté à I. A était très pâle et les larmes aux yeux, elle disait se sentir «salie». À cette période les parents étaient séparés. Elle avait assisté un après midi chez son amie, à l’arrivée inopinée de son père venu chercher le chien. Elle avait vu son amie «entrer dans une peur panique», dans «une grosse crise d’angoisse, elle ne pouvait respirer». Elle disait n’avoir jamais vu quelqu’un dans un pareil état. A avait fermé les volets et les portes à clés et elle avait du sortir vérifier que le père de son amie était bien parti. Elle lui avait aussi confié avoir peur pour les filles de la compagne de son père (D77).

AN AS, mère de J, confirmait les propos de sa fille. K, de retour de ce séjour à I, sa fille L avait relaté les confidences de A B (D93).

Une autre amie, AJ AK, relatait ses confidences, courant 2009, sur des faits de viols 'de la part de son père. A lui expliquait que le soir, à la sortie des classes, elle se trouvait seule avec son père, qu’elle se cachait dans la maison mais qu’il Ja trouvait et la frappait, et qu’il l’avait aussi «pénéfrée » sur une table et lui imposait des fellations. Elle lui disait alors qu’elle se sentait «comme morte» (D80).

AJ AT confirmait ces confidences, ajoutant que A B lui avait confié que son père la fifmait nue dans sa douche (D81).

Il résultait de l’audition de AU AV et W C que D B avait contacté les camarades de classe de sa fille et cherché à se procurer les dossiers médicaux des enfants auprès des médecins traitants (D78 D79).

H AW, qui avait été le petit-ami de A B en classe de troisième, soit l’année scolaire 2008-2009, indiquait que A lui avait confié avoir été victime d’abus sexuels de la part de son père. Il confirmait que A se scarifiait les bras. Il se souvenait qu’il devait se cacher lorsqu’il venait voir A. Celle-ci craignait que son père ne le croise lors de l’exercice de son droit de visite à l’égard des garçons. Il confirmait la scène de grande panique, décrite par AI X, de A à la vue de son père (D83).

AX AY, assistante sociale du collège à l’origine du signalement pour mineur en danger le 16 juin 2008 visant A B, indiquait qu’elle avait reçu l’adolescente à la suite des confidences de celle-ci faites à une surveillante, puis à la conseillère principale d’éducation, relatives à des violences physiques de son père et à une agression à caractère sexuel.

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A avait évoqué des «gifles violentes, des bousculades, des coups de pied et des hurlements», et ceci pour des motifs anodins. Elle avait évoqué «/e non respect de son intimité», le fait que son père rentrait dans la salle de bains, dans sa chambre quand elle se changeait, une agression dans sa chambre, au cours de laquelle il l’avait poussée contre le mur et avait tenté de lui enlever sa ceinture. Elle s’était enfuie et s’était cachée dans le garage en attendant sa mère. À ce moment là, la mère de A avait demandé que le père ne revienne pas au domicile le week-end. AX AY ajoutait que les enseignants étaient inquiets de l’attitude A, repliée sur elle-même, sans confiance en elle et ne faisant pas confiance aux adultes. Après la révélation des faits, elle avait changé de comportement et s’était montrée plus à l’aise dans les contacts avec les adultes (D84).

D’autres auditions de voisins et connaissances de A B se déroulaient entre mai et juin 2014, lors desquelles ces témoins indiquaient avoir remarqué un changement de comportement de la part de la jeune fille à partir de ses 12 ans. Ils indiquaient qu’elle se repliait sur elle-même, adoptant le style «gothique» avec une attitude sombre et s’auto-mutilant. (D92 à D96)

Bernadette M, aide ménagère, travaillant toujours pour la famille X indiquait avoir constaté un changement «radical» de A à 12 ans, avant la séparation du couple. Celle-ci ne s’alimentait plus, s’habillait en noir, de façon morbide, et laissait sa chambre très sale. Elle avait été choquée par le fait que les garçons se frappaient violemment entre eux et que personne n’intervenait. Elle décrivait une atmosphère pesante. Elle avait constaté que le comportement de A avait changé depuis. Elle n’avait reçu aucune confidence (D92).

La grand-mère maternelle confirmait sa première audition. Elle évoquait la modification physique des sa petite fille, son amaigrissement, le port de vêtements cachant son corps, les scarifications. Elle confirmait dans les mêmes termes les allusions de sa petite fille à des violences sexuelles, courant 2008. Elle lui avait demandé jusqu’où cela avait été et l’adolescente lui avait répondu «qu’est ce que tu crois?». Elle confirmait le comportement indécent de son gendre (D94).

BC BD BE, voisine et mère d’une camarde de classe de A B confirmait considérable» de l’adolescente au cours de l’année 2006-2007. Elle produisait une photographie de juin 2006 montrant le contraste (D9S).

D B était interrogé par le Juge d’instruction le 22 avril 2014. Il faisait part de sa complicité et des bonnes relations qu’il entretenait avec sa fille jusqu’à scs 13-14 ans. Il n’avait pas d’explications sur la dégradation de leurs relations.

Sur les accusations de viols et d’agressions sexuelles à son encontre de la part de sa fille, il évoquait plusieurs hypothèses d’explications.

Ïl ne contestait pas que sa femme était régulièrement absente pour son activité musicale, le mardi soir. Il confirmait que A avait souhaité et obtenu un lit en mezzanine dans sa chambre. A était selon lui «comme une éponge», 'le bras armé de sa mère», reportant la haine de cette dernière contre lui. Ne voulant pas renouer de liens avec lui, notamment à travers les médiations envisagées dans le cadre de la mesure d’assistance éducative, A l’accusait de choses très graves. Il disait également qu’elle voulait défendre ses frères, car la période où elle avait porté plainte, soit en 2010, coïncidait avec le moment où il avait demandé un droit de visite pour N et AF. Il relatait également le fait qu’il avait lu dans un procès-verbal que A s’inquiétait du sort des

En

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deux filles de sa compagne, AN AO. Sa fille était très «créative, capable d’inventer des histoires pour se faire aimer». D B ne se considérait pas comme un père violent mais concevait que ses enfants aient pu le percevoir comme un père «cassant, autoritaire». Il soutenait que Îles accusations de A B étaient fausses, notamment eu égard aux circonstances de la commission des faits dénoncés (lieu, périodicité, présence des frères.) et en l’absence de toutes constatations médicales (D71)

Le 17 septembre 2014, W C, épouse X, était entendue par le magistrat instructeur. En réponse aux questions sur les circonstances de la commission des faits tels que décrits par sa fille, elle exposait qu’elle était souvent absente du domicile familial pour raisons professionnelles, que «ses fils étaient souvent chez des petits voisins», et qu’elle n’avait donc aucun souvenir d’un indice qui aurait pu prendre sens après. Sur la disposition du salon ouvert sur l’extérieur, elle expliquait que la partie où A évoquait la commission des faits était un angle mort d’où l’on ne pouvait être vu.

Elle ne se souvenait pas que son ex-mari lui ait montré des traces de griffures. Elle n’avait pas vu de gestes équivoques de la part de son ex-mari sur sa fille, mais rapportait cependant des propos de son mari sur la transformation de sa fille et sa puberté, disant «elle a de jolis petits seins», ce qui s’inscrivait «dans un contexte plus large de convoitise par rapport aux femmes». Elle indiquait que, si son mari avait bien travaillé pour une entreprise de salle de bains et assisté à des tournages de films publicitaires, il ne tournait pas lui même ces films. A ne lui avait jamais dit que son père l’avait filmée.

Elle expliquait que sa fille avait consulté un médecin psychiatre à à partir de 8 ans et qu’elle avait eu des infections urinaires jusqu’à l’adolescence. W X relatait avoir regardé une émission sur l’inceste avec A B qui lui avait alors dit «qu’elle avait été touchée vers 8 ans». Sa fille avait été réglée à l’âge de 13 ans et elle n’avait pas vu de sang avant ses règles dans son linge. D’après W X, A avait eu son premier rapport sexuel consenti avec «H» en 2009, soit à 15 ans. Avec «Yohan» elle n’avait pas eu de rapport sexuel. Sur les propos de A au pédiatre et au psychologue en 2008, celle-ci avait dit avoir eu un ami mort dans ses bras dans un accident de voiture ou encore qu’elle avait été forcée à 13 ans à avoir un rapport sexuel par le garçon avec qui elle était, W X précisait que selon ces spécialistes, «c’éfail une façon pour sa fille d’exprimer son mal être»

Elle concluait en indiquant : «quel intérêt aurait A à déclarer cela puisque son père n’a pas obtenu de droit de visite sur elle et ne l’a même pas demandé. Mon ex-mari était quelqu’un de très violent avec moi et avec les enfants. Je ne comprends pas, à partir dit moment où on était séparé, ce qu’il a été chercher dans les affaires de sa fille. I avait monté tout un dossier contre elle en faisant des photocopies des ses journaux intimes où de lettres, alors que les faits d’agressions sexuelles n’avaient pas encore été révélées, comme s’il fallait démonter que sa fille était malade» (D100).

Elle produisait un poème écrit par sa fille entre mai 2008 et janvier 2009.

Une expertise psychiatrique a été effectuée le 22 mai 2012 sur W C, épouse X, par le Dr O à la demande du Juge des enfants. L’expert a conclu «qu’elle ne présentait pas d’anomalie mentale ou psychique susceptible d’avoir des incidences sur l’exercice de la fonction maternelle et semblait parfaitement en mesure de prendre en compte les besoins de ses enfants dans la vie quotidienne» (D42).

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Des photographies intérieures de la maison étaient produites par D B.

Des photographies prises par les enquêteurs confirmait l’isolement de celle-ci et la perspective de vue depuis la maison sur les alentours et le chemin d’accès.(D91)

Le 10 décembre 2014, le magistrat instructeur ordonnait une expertise médico- légale afin que l’expert, sur la base des dossiers médicaux du médecin généraliste et du gynécologue de A B, puisse notamment dire s’il ressortait de ces dossiers des éléments évocateurs de violences sexuelles et physiques et s’ils étaient compatibles avec les déclarations de cette dernière (D103/4).

Les dossiers médicaux étaient constitués du dossier du médecin généraliste allant du 13 octobre 2003 au 28 juin 2014 et du dossier du médecin gynécologue pour la période du 12 novembre 2008 au 4 avril 2014.

Le 22 avril 2015, le Dr P rendait son expertise et concluait ainsi :

— à la question de dire si les dossiers médicaux sont évocateurs de violences sexuelles et /ou de violences physiques, l’expert indiquait: «d’une manière générale, aucune lésion traumatique physique où sexuelle n’est signalée, ni dans l’ensemble du dossier médical du médecin généraliste, ni dans le dossier du médecin gynécologue.»

— à la question de dire s’il est fait état d’infections urinaires et si elle sont en relation avec les faits dénoncés», il indiquait: «seule l’infection urinaire en date de 2006 aurait pu avoir comme facteur favorisant la survenue, 17 rapport sexuel ; mais sans avoir un lien direcf, certain et unique. Toutes les autres infections urinaires marquées sur le dossier médical sont survenues après le départ du père du domicile familial et elles he peuvent donc pas être en lien avec les faits rapportés»

— àla question de dire, dans la mesure du possible, quand A B n’a plus êté vierge, 1l indiquait: »/e dossier faisait apparaître une consultation le 12 novembre 2008 et les notes du médecin étaient: 12/11/2008, vient pour questions/pilule oestro-progestative.. Depuis 4 semaines. Rapport sexuel 0 (V) l’envisagés.. Début O P x 6 /Trinodiol x. Info orale.

— A n’a plus élé vierge entre novembre 2008 et mai 2010, plus probablement vers la fin de l’année 2008, date à laquelle elle consulte pour un moyen contraceplif en vue de rapports sexuels. Il est marqué 'rapport sexuel zéro à la consultation de gynécologie du 12 novembre 2008.»

— à la question de dire si les éléments contenus dans les deux dossiers médicaux sont compatibles avec les déclarations de A B, il indiquait: «Z/ n’existe aucun élément de manière explicite pouvant être compatible avec les déclarations de A B au sein des deux dossiers médicaux. Cependant l’absence d’éléments sur les dossiers médicaux ne veut pas dire que tous les faits rapportés ne sont pas compatibles (Page 7). L’absence d’élément dans ces dossiers ne permet pas d’affirmer ou d’infirmer les faits rapportés (page 10)

En effet, tous les faïts rapportés ne sont pas susceptibles de provoquer des lésions (caresses, regards).

De plus, pour qu’une lésion traumatique soit marquée dans un dossier médical, il faut que celle-ci soit vue par le médecin; certaines d’entre elles doivent être

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recherchées spécifiquement (particulièrement pour les lésions hyménales et/ou anales) et parfois pour les autres lésions, le délai «temps» entre la des événements et la consultation fait que ces lésions se sont effacées.

Quoiqu’il en soit, il n’existe aucune consultation sur les deux dossiers médicaux, dont la cause de consultation soit une violence physique et/ou sexuelle el il n’existe aucune constatation, de lésion physique ou sexuelle écrite dans ces documents. Dans ce sens, il n’y a pas d’élément contenu dans les deux dossiers médicaux compatible avec les faits rapportés» (D111).

Une confrontation entre D B et A B était organisée le 10 juillet 2015. Chacun maintenait sa position.

A B confirmait ses accusations constantes et précises déjà évoquées lors des précédentes auditions. Elle indiquait avoir parlé de la mort d’un proche pour qu’ «on se rende compte que j’allais mal et que j’avais besoin qu’on m’aime». Elle précisait que lors de sa première consultation gynécologique, en novembre 2008, le médecin ne l’avait pas examinée. Elle confirmait avoir déjà tenté de se faire du mal.

D B réaffirmait ne pas comprendre ces accusations et ne pas savoir qu’elles en étaient les explications. Il indiquait penser que «sa fille avait manqué d’amour de la part de lui et sa mère» et pensait qu’elle maintenait ses accusations du fait «qu’elle ne pouvait plus revenir en arrière, qu’elle s’était enfermée dans son histoire et qu’elle s’en était auto-persuadée» (D122).

Le 6 octobre 2015, le Procureur de la République requérait non-lieu aux motifs que, bien qu’il soit incontestable que A B ait manifesté un mal profond lors de son adolescence, ce mal ne pouvait être rattaché aux faits dénoncés. Selon le Procureur de la République, ni témoignage ni constatation médicale n’avaient permis de corroborer l’existence des faits dénoncés d’une violence extrême et les éléments du suivi éducatif avaient démontré que les enfants subissaient les conséquences de la séparation très conflictuelle des parents (Q).

Les parties civiles rendaient leurs observations le 26 octobre 2015 et le 12 novembre 2015. A B indiquait avoir été précise et constante dans ses déclarations depuis trois ans qu’avait duré l’enquête. Elle insistait sur le fait que plusieurs de ses proches avaient témoigné de son mal être et de ses confessions quant aux actes sexuels subis par elle. Il était également indiqué dans les observations des parties civiles que A B avait toujours dénoncé des actes progressifs et les avait dénoncés tardivement par peur de ne pas être suffisamment protégée. Il était encore précisé, concernant l’expertise médico-légale, qu’il n’était pas étonnant qu’elle n’ait apporté aucun élément puisque les faits de fellations ou caresses ne provoquaient aucune lésion et que cette expertise avait eu lieu seulement en 2014, les lésions ayant donc pu disparaître depuis les faits dénoncés (D134 et D135).

Le Juge d’instruction ordonnait un non-lieu le 17 novembre 2015, aux motifs qu’il n’existait pas de charges suffisantes contre D B d’avoir commis les faits de viols et agressions sexuelles sur sa fille. Il indiquait que les confidences de A B étaient tardives et relativement vagues, qu’aucun témoignage n’avait permis de confirmer les violences que A disait avoir subies et fait subir à son père pour se défendre, que l’expertise médicale ne mettait en évidence aucun élément évocateur de violences sexuelles ou physiques et qu’enfin le mal-être indéniable de A ne pouvait permettre à lui seul de démontrer l’existence d’agressions sexuelles, mais pouvait «fout

Cy

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aussi bien résulter d’un climat familial pesant et d’une séparation très conflictuelle». (D140)

Le casier judiciaire de D B ne porte pas trace de condamnation. Il exerce la profession de responsable marketing.

Il ressort de l’expertise psychologique déposée en avril 2012 par M. LAMOTTE D’INCAMPS que le mis en examen, était ému durant les opérations d’expertise. Sa personnalité ne présente aucun trait pathologique identifiable, 1l ne présente aucune anomalie mentale.

« Sur le fond, la personnalité de M. B ne semble pas présenter de trouble important de la personnalité. Il y a sans doute chez lui, une relative «rigidité» du fait de son éducation, un fort investissement dans ses activités professionnelles avec une recherche d’une reconnaissance sociale. IT y a sans doute eu des maladresses dans ses rapports avec ses enfants sans pour autant que ces éléments ne s’inscrivent dans un tableau clinique évocateur d’une pathologie . M. AZ ne semble pas présenter les signes «classiques» du père ''abuseur, agresseur…»

Dans un contexte «familial *} perturbé depuis plusieurs années, il y a confusion entre rapport de conjugalité et rapport de parentalité mettant les enfants dans une position d’enjeu des relations des parents.

C’est dans ce contexte que les révélations de A ont été effectuées»

Les experts psychiatres , les docteurs O et R , ont conclu le 28 juin 2012 que D B avait une intelligence normale, et ne présentait pas d’anomalie mentale ou psychique . Il s’agissait d’un homme referimé sur lui- même, présentant une certaine rigidité de pensée, peu enclin à se remettre en cause.

«Si les faits qui lui sont reprochés devaient être a avérés, HOUS DOUITIONS évoquer une personnalité avec infléchissement pervers»

MOTIFS DE LA DECISION

L’appel de A B formé dans les formes et délais légaux, conformément aux dispositions de l’article 186 du Code de procédure pénale, est recevable.

L’appel d’W C, épouse X, a été formé au-delà du délai de 10 jours, il est en conséquence irrecevable. S’ensuit que le mémoire déposé par son conseil n’a pas à être examiné.

En cause d’appel, le parquet général s’associe à la demande de A AZ de voir l’ordonnance dont appel infirmée.

Depuis 2008, A B porte des accusations contre son père, elle l’a fait à plusieurs reprises, devant les enquêteurs, les experts et devant le magistrat instructeur, tant en audition qu’en confrontation.

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Dans l’ensemble des expertises psychologiques et psychiatriques versées en procédure, il est fait état du mal-être de l’adolescente lequel est considéré comme compatible avec les faits dénoncés.

Plusieurs personnes, membres ou non de la famille ont rapporté les confidences de A concernant son père et ont décrit le changement observé chez elle avant la séparation du couple parental, la grand-mère maternelle faisant quant à elle état du comportement exhibitionniste de son gendre.

Dans sa déposition spontanée aux gendarmes ,le 7 juillet 2008, avant tout signalement, Mme X a déclaré« D continue de jouer avec sa fille comme il le faisait quand elle était petite, sans prendre conscience qu’elle est devenue une jeune fille. Il touche son corps comme il ne devrait plus le faire, sans mauvaise intention pour autant. A le vit très mal, le repousse. Elle est très mal, se scarifie les bras, parle de suicide»

D B est décrit par les experts comme un homme rigide, peu enclin à se remettre en cause, et qui, si les faits étaient avérés, pourrait présenter une personnalité à infléchissement pervers.

Il admet qu’avant la séparation du couple, sans toutefois reconnaître les faits qui lui sont reprochés, sa situation était compliquée, (il souffrait des infidélités de son épouse, au plan professionnel, il craignait un licenciement qui est finalement intervenu et l’a obligé à aller travailler dans la région parisienne) et pouvait parfois être quelque peu dépassé par des enfants qui grandissaient.

Il se reconnaît sévère et a , à tout le moins, fini par admettre que la fessée administrée à sa fille âgée de 14 ans constituait un comportement inadapté.

Ces éléments à charge sont néanmoins contrebalancés par d’autres éléments du dossier.

S’il ne peut être fait grief à une victime de ne dénoncer que par étapes les faits qu’elle a subis, (au même titre que l’on ne peut pas reprocher à une personne qui ser ait accusée à tort, de chercher des explications et d’établir des hypothèses qui s’avéreraient inexactes), il ne peut être soutenu que les dénonciations de A ont été constantes et précises .

Au dernier état, sont dénoncés des actes de pénétration sexuelle répétés (chaque semaine) depuis ses 12 ans.

Si comme l’indique le conseil de la partie civile «la mémoire traumatisée est sujette à des variations, et les repères temporels pris par les victimes sont souvent extérieurs", force est de constater que , face à la gravité et au nombre de faits dénoncés, A B n’apporte que peu de détails sur les circonstances de leur réalisation.

Les réponses de A B aux questions posées par les gendarmes lors de l’audition du 23 juillet 2010 ( dont le PV de retranscription est au demeurant singulièrement signé non pas par la jeune fille âgée de près de 17 ans mais par sa mère), apparaissent parfois quelque peu suggérées.

En outre, il ressort de la procédure que certaines affirmations de la partie civile, soit, se sont révélées fausses, soit ont ensuite été démenties par elle, soit n’ont pas démontrées ( la mort d’un ami dans ses bras, le fait qu’à 13 ans un petit ami l’a forcée, les griffures de défense infligées à son père que sa mère aurait vues, ses cris entendus par personne alors qu’elle n’était pas seule dans la maison).

A B n’a par ailleurs jamais repris l’affirmation faite au docteur E lors de l’expertise de 2011 selon laquelle son père l’aurait parfois

menacée d’un couteau.

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Il est constant qu’aucun témoin direct ne vient démontrer la réalité des abus sexuels dénoncés. Les témoins ne se font l’écho que de propos rapportés ou d’attitudes pouvant être interprétées de différentes manières.

Étonnamment, AJ BF BG, camarade la partie civile, entendue à deux reprises, se souvient de beaucoup plus de choses le 1« mars 2014 que le 12 février 2011.

La partie civile considère que l’expertise médicale effectuée à partir de ses dossiers médicaux n’a apporté aucun élément probant, ni sur la réalité des faits, ni sur leur fausseté .

Il convient toutefois de revenir sur les notes relevées dans le dossier du médecin gynécologue lors de la consultation du 12 novembre 2008 ( alors que A était âgée de 14 ans et demi) '/2/11/2008, vient pour questions/pilule oestro- progestative.. Rapport sexuel 0 (V) 1 envisagés…»

Il est surprenant, sans être toutefois inenvisageable, qu’un médecin gynécologue ne procède pas à l’examen d’une jeune patiente venant consulter pour la première fois. En tout état de cause la mention Rapport sexuel Q (V) ne peut résulter que d’un examen ou de l’affirmation de la patiente.

En dernier lieu, au vu de certaines pièces versés en procédure provenant du dossier du juge aux affaires familiales ou du juge des enfants, il n’est pas permis d’écarter formellement la thèse de l’aliénation parentale soutenue par D B . Il en va ainsi de décision du juge des enfants en date du 14 janvier 2013, ordonnant une expertise psychologique approfondie, après la production par la mère d’une attestation d’un psychiatre privé concernant AF, le petit frère de A, afin de voir suspendre la décision du JAF jusqu’à l’issue de la procédure pénale.

Après avoir rappelé que la mesure d’assistance éducative a concerné depuis 4 ans A, N et AF dans un contexte de séparation conflictuelle des parents, la magistrat indique « le juge des enfants s’inquiète de l’utilisation d’une telle attestation compile ternr de la nécessité que le travail psychothérapeutique engagé par AF soit protégé de toute utilisation procédurale».

Force est de constater que les conclusions de l’expert , Mme S sont à tout le moins nuancées sur l’attitude de Mme X.

S’évince de l’ensemble de ces développements que c’est à bon droit que le magistrat instructeur à dit qu’il ne résultait pas de l’information charges suffisantes contre D B d’avoir commis , entre le 12 juillet 2006 et juillet 2008, les faits de viols et d’agressions sexuelles sur mineure de quinze ans par ascendant qui lui étaient reprochés.

Il convient donc de confirmer l’ordonnance de non-lieu.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déclare irrecevable comme tardif l’appel de Z BC BH W C épouse X;:

Déclare recevable l’appel formé par A B;

17

»

Confirme l’ordonnance de non lieu rendue le 17 novembre 2015 par le juge d’instruction du Tribunal de Grande Instance de NANTES ;

Dispense la partie civile, de bonne foi, du paiement du droit fixe de procédure ;

Ordonne que le présent arrêt soit notifié et signifié dans les formes prévues par l’article 217 du Code de procédure pénale ;

| Prononcé au siège de la cour d’appel de RENNES, le premier juillet deux mil seize, en chambre du conseil, par le président, qui a donné lecture de l’arrêt en présence du Ministère Public et de Patricia LE TIRANT, Greffier ;

Le Président et Patricia LE TIRANT, Greffier ont signé la minute de l’arrêt.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

ji Le

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure pénale
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Cour d'appel de Rennes, 1er juillet 2016, n° 391