Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre a, 22 octobre 2018, n° 16/09097

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

6e Chambre A

ARRÊT N° 507

N° RG 16/09097

M. K X

C/

M. L A

M. M X

M. N X

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sandrine CARON

Me Johanne RIALLOT-LENGLART

Copie certifiée conforme :

Ministère public

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente,

Assesseur : Monsieur Yves LE NOAN, Conseiller,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame O P, lors des débats, et M. Q R, lors du prononcé,

MINISTÈRE PUBLIC :

Représenté aux débats par Monsieur François TOURET-DE-COUCY, substitut général, auquel l’affaire a été régulièrement communiquée et qui a déposé un avis écrit.

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 Septembre 2018.

ARRÊT :

Rendu par défaut, prononcé publiquement le 22 Octobre 2018, après prorogation de la date du délibéré et par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats.

****

APPELANT :

Monsieur K X

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Sandrine CARON de la SELARL BOEZEC CARON BOUCHE AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉS :

Monsieur L A, Mandataire judiciaire à la Protection des Majeurs, ès-qualités de tuteur de Mme S Y épouse X,

[…]

[…]

N’ayant pas été assigné et n’ayant pas constitué avocat.

Monsieur M X

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Johanne RIALLOT-LENGLART de la SELARL L.R.B. AVOCATS CONSEILS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Monsieur N X

né le […] à […]

8 domaine de la butte à la Reine

[…]

Assigné par exploit déposé en l’étude d’huissier, n’ayant pas constitué avocat.

****

Le mariage de M. M X et de Mme S Y a été célébré le 22 mars 1969 à Nantes (Loire-Atlantique). Deux enfants sont issus de cette union :

— N X, né le […] à Nantes,

— K X, né le […] à Nantes.

Par jugement du 13 juin 1984 du tribunal de grande instance de Nantes, leur divorce a été prononcé par consentement mutuel.

M. M X et Mme S Y ont à nouveau contracté mariage à Nantes le 22 juin 2006.

Par acte des 14 et 18 juin 2012, M. K X a fait assigner M. M X et Mme S Y épouse X en nullité de leur mariage célébré à Nantes le 22 juin 2006.

Par jugement du 5 juillet 2012, confirmé par arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 2 juillet 2013, le juge des tutelles du Tribunal d’instance de Nantes a placé Mme Y épouse X sous le régime de la tutelle dont l’exercice a été confié à Mme T Z.

Par acte du 2 novembre 2012, M. K X a fait appeler à la cause Mme Z, ès qualité de tutrice de Mme S Y épouse X.

Madame S Y épouse X est décédée à NANTES le 12 juillet 2014.

Par jugement du 8 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Nantes a débouté M. K X de ses demandes, a dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du Code de procédure civile et condamné M. K X aux dépens avec application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile au profit des avocats de la cause.

Par déclaration du 29 novembre 2016, M. K X a interjeté appel de cette décision en intimant M. L A en qualité de tuteur de Mme S Y épouse X, M. M X et M. N X.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 5 juin 2018, M. K X sollicite l’infirmation du jugement entrepris, demandant à la cour d’annuler le mariage célébré entre M. M X et Mme S Y, le 22 juin 2006 devant l’officier d’Etat Civil de Nantes en contravention des dispositions de l’article 146 du code civil, de dire nuls et non avenus tous les actes que M. M X aurait passés frauduleusement en son nom et en celui de Mme S Y, après le mariage et jusqu’à l’annulation de ce dernier. A titre subsidiaire, il sollicite une expertise médicale de Mme S Y sur pièces, pour le cas où la cour s’estimerait insuffisamment éclairée, et la condamnation de M. M X à lui payer la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, demandant subsidiairement à la cour de débouter M. M X de sa demande tendant à voir infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 8 septembre 2016 en ce qu’il l’a débouté de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et de condamner le même aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 26 juin 2018 M. M X demande la confirmation du jugement attaqué en ce qu’il a débouté M. K X de ses demandes et l’a condamné aux entiers dépens d’instance, et l’infirmation de la même décision en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile, sollicitant la condamnation de M. K X à lui payer 4.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance, ainsi que 4.000 euros au titre des mêmes frais en procédure d’appel, outre les entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 24 avril 2017, le ministère public, après avoir souligné que 4 mois avant le mariage un examen médical préconisait une mesure d’assistance sous curatelle à l’égard de Mme Y, alors qu’un majeur sous curatelle n’a la possibilité de contracter mariage qu’avec l’accord du curateur ou du juge, s’en rapporte à la sagesse de la Cour.

Ces conclusions sont expressément visées pour complet exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

M. N X, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 19 janvier 2017 et les conclusions de l’appelant le 17 mars 2017, en l’étude de l’huissier instrumentaire n’a pas constitué avocat.

Aucun acte n’a été signifié à M. A ès qualités puisque Mme X était décédée le 12 juillet 2014 ce qui mettait fin à sa mission.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 28 juin 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. K X fait valoir, sur le fondement de l’article 146 du code civil, et en se prévalant des certificats médicaux qu’il produit et notamment celui du Docteur B du 2 février 2016, que sa mère était atteinte de la maladie d’Alzheimer depuis plusieurs années lorsqu’elle a contracté mariage avec M. M X et que si une mesure de curatelle n’a pas été mise en place après ce certificat médical, c’est que son père s’est installé chez sa mère et lui a fait savoir qu’il veillerait sur elle et ses intérêts. Il ajoute que son père n’a pas averti ses propres fils ni la mère de cette dernière du mariage et que les attestations qu’il produit démontrent que lorsqu’elle était encore lucide, elle avait fait savoir qu’elle tenait à son indépendance et ne souhaitait pas se remarier. Il soutient également l’absence d’intention matrimoniale de son père qui a dilapidé son patrimoine sa vie durant et est réapparu dans la vie de sa mère alors qu’il était en difficultés financières et qu’il ne l’a que peu soutenue pendant le laps de temps de vie commune avant l’installation de Mme Y en maison de retraite

spécialisée, ayant installé Mme C dans l’appartement de cette dernière, ne s’occupant plus de celle-ci alors qu’elle était en maison de retraite. Il conclut que son père s’est remarié par intérêt financier, le contrat de mariage prévoyant un régime de communauté universelle. Il sollicite à titre subsidiaire une expertise sur pièces.

M. M X rétorque que la réalité du consentement de son épouse est établie par les attestations qu’il produit, que si le diagnostic de la maladie d’Alzheimer a pu être posé au début de l’année 2006 , ainsi que le montre le certificat médical du 2 février 2006, ses symptômes ne commençaient que tout juste à se manifester et Mme X était alors tout à fait capable de discernement ainsi que cela résulte de l’attestation de l’auxiliaire de vie et de l’attestation de Mme D qui avait pu constater en 2007 que, malgré le diagnostic, Mme Y gardait toute sa lucidité et que les dernières pièces produites par l’appelant

démontrent que l’état de santé de Mme Y s’est dégradé postérieurement au mariage et notamment à compter de l’année 2008 et que ce n’est qu’en janvier 2009 que l’entrée de celle-ci en institution spécialisée a été abordée par le docteur E. Il ajoute qu’il a dû vendre sa licence de taxi en 2005 en raison de graves problèmes de santé pour une somme de 125000 euros dont son épouse a également profité, qu’il a notamment soldé ses dettes pour un montant de 30 000 euros, que l’appelant reconnaît qu’il avait confiance en son père puisqu’aucune mesure de curatelle n’a été mise en place en 2006 et que ce n’est que lorsqu’il a eu des difficultés financières en 2010 qu’il a remis en cause les compétences de son père dans la prise en charge de sa mère alors que les attestations qu’il produit démontrent qu’il a été très présent pour sa femme, contestant toute liaison adultère et concluant que son fils agit dans un but purement financier.

En application de l’article 146 du code civil , il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement.

Il résulte des certificats médicaux produits par l’appelant que sa mère qui a consulté en 2003 puis en 2005 pour des troubles de mémoire qui ont, dans un premier temps, été attribués à un état anxio-dépressif puis ont été suspectés d’être des symptômes de la maladie d’Alzheimer ainsi que cela résulte du compte rendu du docteur F en date du 13 octobre 2005, celui du docteur G du 13 mars 2016 étant toutefois plus nuancé et le diagnostic a été confirmé par le certificat du 30 mai 2007 et le bilan neuro-psychologique du 1er juin 2007 lequel fait état d’une dégradation par rapport à ce qui était constaté un an auparavant.

Aux termes de son certificat médical du 2 février 2006, le docteur B exposait que Mme S X présentait une altération de ses facultés physiques et psychiques, ayant besoin d’être conseillée et contrôlée dans les actes de la vie civile, justifiant une mise sous curatelle.

Le majeur sous curatelle a la possibilité de contracter mariage avec le consentement de son curateur et le défaut d’autorisation du curateur ne correspond pas à un défaut de consentement mais seulement à un défaut d’autorisation. Il apparaît que ce certificat médical n’établit pas que Mme X aurait été dans l’impossibilité de consentir valablement à son union, ce d’autant qu’il résulte aussi bien de ce certificat médical que de ceux du 6 juin 2003 et 26 avril 2005, que Mme X qui souffrait de troubles cognitifs était capable de faire part de ceux-ci au médecin ou au neuropsychologue qui l’examinaient, qu’elle se montrait coopérante lors des examens et que sa conscience des troubles était en concordance avec les troubles constatés.

Il résulte de plus de l’attestation de Mme H, auxiliaire de vie sociale, qui s’est occupée de Mme X de mai 2006 à janvier 2009, 'qu’elle avait toutes ses facultés mentales, ainsi que son autonomie, elle débutait la maladie, son état s’est dégradé les dernières mois de mes interventions' tandis que Mme D, bénévole de l’association France Alzheimer Loire Atlantique, expose, aux termes de son attestation du 9 octobre 2012 que ' En septembre 2007, Claudie, bien que diagnostiquée malade alzheimer, gardait toute sa lucidité et conscience, étant touchée initialement dans son orientation et motricité. Je pouvais communiquer tout à fait normalement avec elle. Et je peux affirmer qu’elle était tout à fait consentante à son union avec M X, elle en parlais ouvertement.'

Il résulte de plus des attestations de Mme V, connaissance de M. et Mme X, de M. I, témoin du nouveau mariage entre les époux, Mme J, amie de Mme X et de son compagnon, M. W qui ont assisté au repas de mariage, que Mme X 'était pleinement consciente de ce qu’elle faisait', 'était tout à fait consentante à cette nouvelle union' et 'était consciente de l’engagement marital pris avec

M. M X'.

Au regard de ces éléments, il apparaît que malgré les troubles qui l’avaient amené à consulter et le diagnostic posé par les médecins, Mme X avait, au moment du mariage, gardé sa lucidité et que c’est à juste titre que le premier juge a retenu que M. K X n’établit pas l’absence de validité du consentement donné par sa mère au mariage célébré le 22 juin 2006, sans qu’il soit besoin d’ordonner une mesure d’expertise.

S’agissant de l’absence d’intention matrimoniale de M. M X, il n’est pas contesté que celui-ci, qui avait repris une relation avec son ex-épouse en septembre 2004, a mené une vie matérielle commune avec son épouse après la célébration, qu’il l’accompagnait lors de ses rendez vous médicaux ainsi que cela résulte de l’attestation de l’orthophoniste ou du bilan neuro-psychologique et avait organisé l’aide à domicile. Dans son compte rendu du 29 janvier 2009, il était précisé par le docteur E qu’il serait souhaitable que Mme X puisse rentrer en institution, ce qui a été fait à compter du mois de septembre 2009 et il est établi par l’attestation du directeur de l’établissement que M. X rendait régulièrement visite à son épouse pour passer un moment avec elle et qu’il était bien connu des salariés du service qui avaient pu le solliciter pour des problèmes pratiques à différentes occasions.

La seule attestation non circonstanciée de Mme AA Y est insuffisante pour établir que M. M X aurait eu une communauté de vie avec une autre femme exclusive de toute intention matrimoniale avec Mme S X et il ne peut être tiré argument de l’existence d’un contrat de mariage, dont l’appelant indique qu’il instaurait un régime de communauté universelle, pour établir le défaut d’intention matrimoniale du mari, de sorte que c’est à juste titre que le premier juge, dont le jugement sera confirmé a retenu, que M. K X, qui ne fait pas la preuve de l’existence d’une cause de nullité du mariage célébré le 22 juin 2006, doit être débouté de ses demandes à ce titre.

M. K X, qui succombe, supportera la charge des dépens d’appel et devra payer à M. M X la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, la décision du premier juge ayant débouté M. K X de sa demande à ce titre en première instance étant confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. K X à payer à M. M X la somme de 2000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne M. K X aux dépens de la procédure d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE



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