Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 12 janvier 2018, n° 14/09684

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 2e ch., 12 janv. 2018, n° 14/09684
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 14/09684
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

2e Chambre

ARRÊT N°4

R.G : 14/09684

S.A.R.L. AXIOME

C/

M. F-G X

M. Y X

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me F-Marie BERTHELOT

Me Matthieu MERCIER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 JANVIER 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur A B,

Assesseur : Madame Pascale DOTTE-CHARVY, Conseiller, rédacteur,

Assesseur : Monsieur F-François POTHIER, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur C D, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 7 novembre 2017

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 12 janvier 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats, après prorogation du délibéré

****

APPELANTE :

La S.A.R.L. AXIOME

[…]

[…]

Représentée par Me F-Marie BERTHELOT, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Monsieur F-G X

né le […] […]

venant aux droits de sa soeur Madame E X, décédée le […]

[…]

[…]

Monsieur Y X

né le […] […]

venant aux droits de sa soeur Madame E X, décédée le […]

23 rue Saint F

[…]

Représentés par Me Matthieu MERCIER de la SELARL CARCREFF CONTENTIEUX D’AFFAIRE, avocat au barreau de RENNES

FAITS et PROCÉDURE

 :

Selon devis du 21 décembre 2010 accepté le jour-même, Mme E X a commandé un agencement de cuisine auprès de la Sarl Axiome pour un montant total de l’ensemble installé de 26 000 euros ; elle a versé un premier acompte de 30 % à la commande, soit 7 500 euros.

Mme X est décédée le […] avant l’installation de la cuisine, laissant pour recueillir sa succession ses deux frères F-G et Y X (les consorts X) qui l’ont acceptée purement et simplement, selon acte de notoriété du 07 octobre 2011.

La société Axiome a adressé plusieurs courriers puis mises en demeure aux consorts X aux fins d’obtenir paiement du solde de sa facture, à savoir la somme de 13 532,50 euros, après déduction de l’acompte initial et d’avoirs correspondant à la main d’oeuvre non effectuée et la revente de matériel électroménager neuf non installé.

Compte tenu du refus des consorts X la société Axiome les a fait assigner en paiement de cette somme à titre principal par actes du 22 avril 2013, et par jugement en date du 25 novembre 2014 le tribunal de grande instance de Rennes a :

— prononcé la nullité du contrat de fourniture,

— en conséquence débouté la société Axiome de ses demandes et ordonné la restitution aux consorts X de l’acompte de 7 500 euros versé,

— débouté les consorts X de leur demande reconventionnelle pour préjudice moral et de leur demande d’exécution provisoire,

— condamné la société Axiome à leur payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens recouvrables conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Axiome a relevé appel de cette décision, demande à la cour de l’infirmer en toutes ses dispositions et de :

— dire que l’acte de vente conclu le 21 décembre 2010 ne porte pas en lui-même la preuve d’un trouble mental, qu’il est parfaitement valide et doit trouver application pour ce qui concerne le paiement convenu sous déduction des acomptes versés et des avoirs établis,

— débouter en conséquence les consorts X venant aux droits de Mme X de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

— les condamner au paiement d’une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Les consorts X demandent à la cour la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a fait droit à la demande de nullité du contrat pour insanité d’esprit de Mme X, et :

— subsidiairement : de dire que la société Axiome ne rapporte pas la preuve qu’elle a dûment conseillé et informé Mme X, qu’à défaut de preuve elle est réputée avoir manqué à ses obligations contractuelles, et que la vente doit en conséquence être résolue aux torts de la société Axiome qui devra leur restituer l’acompte versé,

— en toute hypothèse : condamner la société Axiome à réparer leur préjudice moral qui doit être évalué à la somme de 3 500 euros chacun, débouter l’appelante de toutes ses demandes, fins et conclusions, et la condamner à verser la somme de 2 500 euros à chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, et ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour la société Axiome le 06 janvier 2016, et pour les consorts X le 15 avril 2015.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 septembre 2017.

SUR CE :

Pour prononcer la nullité du contrat au visa des articles 414-1 et 414-2 du code civil, le tribunal a considéré que :

— il ressortait des pièces versées et notamment médicales que Mme X souffrait depuis des années d’une maladie psychiatrique caractérisée par une succession de phases de tristesse puis d’excitation psychomotrice, qu’au cours de cette dernière phase les malades sont exubérants, ont

tendance à avoir des activités de plaisir mais à risques, notamment des achats inconsidérés, et que lors de son hospitalisation du 22 mars au 22 avril 2011 Mme X présentait un état clinique concordant avec cette description et que les descriptions des proches rapportent une dégradation de sa santé psychique plusieurs mois avant son hospitalisation sous contrainte du 22 mars 2011,

— il était ainsi établi que Mme X souffrait, au moment de la conclusion du contrat du 21 décembre 2010, de troubles psychiatriques l’ayant amenée à faire des achats inconsidérés comme en l’espèce l’achat d’une cuisine intégrée pour plus de 26 000 euros, ce qui était disproportionné à ses ressources de l’ordre de 30 000 euros environ par an.

L’article 414-1 du code civil prévoit qu’il faut être sain d’esprit pour faire un acte valable, et que c’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte.

L’article 414-2 du même code précise que l’action en nullité n’appartient qu’à l’intéressé, et qu'après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d’esprit, que dans les cas suivants :

1° Si l’acte porte en lui-même la preuve d’un trouble mental ;

2° S’il a été fait alors que l’intéressé était placé sous sauvegarde de justice ;

3° Si une action a été introduite avant son décès aux fins d’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle ou aux fins d’habilitation familiale ou si effet a été donné au mandat de protection future.

En l’espèce il est justifié que Mme X avait fait l’objet d’une mesure de tutelle ouverte par jugement du 09 février 1999, que selon un jugement du 09 mai 2000 l’évolution de son état de santé avait permis la mainlevée de la mesure tout en justifiant, à titre transitoire, une curatelle renforcée, dont la mainlevée avait été prononcée le 09 octobre 2001, soit 9 ans avant l’acte contesté.

Si Mme X a été hospitalisée du 22 mars au 22 avril 2011 au centre hospitalier Guillaume Régnier de Rennes, et pouvait connaître depuis novembre 2010 une phase d’excitation au sens médical du terme avec perte de capacité de discernement et achats inconsidérés, en tout état de cause elle n’était pas sous sauvegarde de justice le 21 décembre 2010 et aucune action aux fins d’ouverture d’une mesure de protection n’a été introduite, ou effet donné à un mandat de protection future, avant son décès intervenu le […] à son domicile.

Le devis accepté litigieux porte sur l’agencement complet d’une cuisine, à savoir les meubles et plans de travail, ainsi que les appareils électroménagers et sanitaires, le tout pour un montant total avec installation de 26 000 euros TTC ; il est régulièrement paraphé et signé page 3 par Mme X qui a apposé la mention manuscrite 'bon pour commande’ ; chaque élément est détaillé (référence, descriptif, dimensions et prix TTC), avec le nom des fabricants des meubles, marques des appareils électroménagers et les diverses finitions ; les conditions de règlement prévoient un 1er acompte de 30 % à la commande, par ailleurs réglé par Mme X, un 2e acompte de 60 % à la mise à disposition des fournitures et le solde à réception de la facture ; enfin le devis exclut les travaux d’électricité et de plomberie, le tout paraissant conforme aux usages en la matière.

Selon la société Axiome qui en justifie, le prix de la cuisine intégrée choisie par Mme X est inférieur au prix moyen des cuisines qu’elle vend ; M. Y X dans un courrier du 26 février 2013 adressé à la société convient que les meubles sont de qualité, après les avoir vus en garde-meuble avec une amie intéressée mais à laquelle ils ne plaisaient pas et coûtaient trop cher pour une cuisine 'secondaire’ en sous-sol.

Il ne ressort pas de l’ensemble de ces éléments la preuve d’un trouble mental que l’acte porterait en

lui-même, et le jugement contesté sera infirmé sur le chef de la nullité.

À l’époque de la signature du devis, Mme X était âgée de 62 ans, célibataire et sans enfant, chercheur au CNRS en retraite, et percevait une pension mensuelle imposable de 2 525 euros, outre des revenus fonciers nets de 3 458 euros par an.

Elle était propriétaire de son appartement situé à […], et les consorts X avancent sans en justifier que leur soeur avait des difficultés financières mais restent taisants sur la liquidation de la succession ; ils soutiennent que l’appartement de Mme X était dans un état déplorable et qu’ils n’ont pu le vendre que 100 000 euros, sans en justifier, pour tenter de démontrer le coût exorbitant de l’aménagement de la cuisine ; il ressort d’un courrier du 17 septembre 2011 que des personnes intéressées ont fait une dernière proposition de 117 000 euros compte tenu des travaux à faire mais également des travaux prévus dans les parties communes pour les quatre années à venir ; les acquéreurs quant à eux attestent avoir engagé pour 35 000 euros de travaux de plomberie, électricité, papiers peints, sols, murs, équipement cuisine, salle de bains et toilettes.

Dans le cadre de l’aménagement de la cuisine critiqué, le plombier-électricien habituel de Mme X a établi un devis de 3 286,33 euros signé le 25 février 2011 comprenant également des travaux électriques dans l’entrée de l’appartement ; cette personne atteste avoir travaillé depuis 20 ans pour Mme X pour ces trois appartements rue du Pré-Botté, place des Lices et avenue Gaston Berger et n’avoir jamais eu de problèmes de règlement ; il précise qu’en décembre 2010 Mme X souhaitait également faire des travaux d’électricité dans sa salle à manger et les chambres, mais qu’elle est décédée en cours alors que la cuisine et le tableau de fusibles étaient achevés.

Par ailleurs Mme X avait également accepté en décembre 2010 un devis aux fins de faire refaire les plafonds, murs et sols de son appartement pour un montant total de 8 809,62 euros ; si l’entrepreneur atteste se souvenir d’une 'personne originale mais disposant totalement de sa tête', il n’a pas été surpris de sa demande compte tenu de l’état dégradé des revêtements muraux et peinture.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que l’appartement de Mme X nécessitait à l’évidence des travaux, qu’elle avait envisagés à hauteur de 38 095,95 euros au total, réalisés par les acquéreurs à hauteur de 35 000 euros, et rien ne permet d’établir qu’elle n’en avait pas les moyens financiers.

Ainsi les consorts X ne justifient aucunement que la société Axiome aurait failli à ses obligations de conseil et d’information en faisant signer à leur soeur un devis totalement inadapté à ses besoins et moyens ; ils seront déboutés de leur demande subsidiaire en résolution de vente et demandes subséquentes.

Ce faisant la décision critiquée sera infirmée en toutes ses dispositions condamnant la société Axiome et les consorts X tenus aux dépens de première instance.

Il sera fait droit aux demandes de l’appelante dans les limites du dispositif de ses écritures, qui ne porte aucune condamnation en paiement.

Les intimés qui succombent seront tenus aux dépens d’appel et devront verser une somme de 1 500 euros à la société Axiome.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme la décision entreprise, sauf en ce que les consorts X ont été déboutés de leur demande pour préjudice moral ;

Statuant à nouveau sur les autres chefs ;

Dit que l’acte de vente conclu le 21 décembre 2010 entre Mme E X et la SARL Axiome est valide et doit trouver application pour ce qui concerne le paiement convenu sous déduction des acomptes versés et des avoirs établis ;

Déboute F-G et Y X de leurs demandes en nullité du contrat du 21 décembre 2010, restitution de l’acompte de 7 500 euros et paiement de frais irrépétibles ;

Condamne F-G et Y X aux dépens de première instance ;

Y ajoutant ;

Condamne F-G et Y X aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et à verser à la SARL Axiome la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes autres demandes.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,



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