Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 27 mars 2019, n° 16/03821

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 5e ch., 27 mars 2019, n° 16/03821
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 16/03821
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

5e Chambre

ARRÊT N°106-

N° RG 16/03821 – N° Portalis DBVL-V-B7A-M7JK

M. Z X

C/

Mme B Y

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 MARS 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Maurice LACHAL, Président,

Assesseur : Madame Geneviève SOCHACKI, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle LE POTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame D E, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 13 Février 2019

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Mars 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur Z X

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Isabelle GERARD de la SCP SCP GERARD-REHEL, Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO

Représenté par Me Bruno SCARDINA, Plaidant, avocat au barreau D’ANGERS

INTIMÉE :

Madame B Y

née le […] à SAINT-CLOUD (92210)

[…]

[…]

Représentée par Me Jennifer MARIE de la SELARL LEROI – MARIE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

**************

Vu le jugement, frappé du présent appel, rendu le 23 mars 2016 par le tribunal de grande instance de Saint-Malo, qui a :

• retenu la responsabilité délictuelle de M. X pour rupture abusive des fiançailles, au regard des circonstances anormales de la rupture ;

• condamné M. X à payer à Mme Y la somme de 2 483,40 € en réparation de son préjudice matériel ;

• condamné M. X à payer à Mme Y la somme de 270 € réglée au titre des frais médicaux ;

• condamné M. X à payer à Mme Y la somme de 196,98 € au titre de la plus-value réalisée sur le véhicule Ford Ka ;

• débouté Mme Y du surplus de ses demandes en paiement, au titre du préjudice matériel ;

• condamné M. X à payer à Mme Y la somme de 3 000 € en réparation du préjudice moral ;

• ordonné la restitution des biens suivants par M. X à Mme Y :

— une tuile à galette,

— deux plateaux,

— un appareil à croque monsieur, ses six plaques et le mode d’emploi,

— la vaisselle chat bleue (pot à ustensile et porte éponge),

— trois vases

— un drap de bain Ralph Lauren,

— une pelle à chat ;

• débouté M. X de sa demande en restitution, sous astreinte, de la bague de fiançailles ;

• condamné M. X à payer à Mme Y la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

• débouté M. X de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

• condamné M. X aux dépens ;

Vu les dernières conclusions, en date du 25 avril 2017, de M. Z X, appelant, tendant à :

• juger l’appel recevable et bien fondé ;

• juger que M. Z X n’a commis aucune faute engageant sa responsabilité délictuelle en rompant ses fiançailles le 6 avril 2013 trois mois avant la date annoncée du mariage ;

• en conséquence, débouter Mme B Y de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre de son prétendu préjudice matériel et moral ;

• débouter Mme B Y de sa demande au titre de la robe de mariée, des dépenses liées au mariage, au titre des frais médicaux et de sa demande en paiement de la moitié de la plus value réalisée sur le véhicule Ford Ka ;

• débouter Mme B Y de sa demande en restitution des objets visés sur la liste communiquée par mail le 13 mai 2013 ;

• juger que la bague de fiançailles réglée par M. Z X est une donation faite en faveur du mariage devenue caduque faute de célébration du mariage et en ordonner la restitution en vertu de l’article 1088 du code civil ;

• assortir la décision d’une astreinte de 50 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la signification de la décision à intervenir ;

• condamner Mme B Y au paiement de la somme de 6 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

• la condamner aux dépens de première instance et d’appel ;

Vu les dernières conclusions, en date du 5 décembre 2016, de Mme B Y, intimée, tendant à :

• confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

— retenu la responsabilité délictuelle de M. X pour rupture abusive des fiançailles au regard des circonstances anormales de la rupture;

— reconnu le principe de l’indemnisation par M. X des postes de préjudices suivants (préjudice matériel, frais médicaux psychologiques, plus-value réalisée sur le véhicule Ford Ka, préjudice moral) ;

— ordonné la restitution par M. X à Mme Y, des objets

suivants :

* une tuile à galette ;

* deux plateaux ;

* un appareil à croque-monsieur + le mode d’emploi et les 6 plaques;

* la vaisselle chat bleue (pot à ustensiles et porte éponge) ;

* trois vases (deux vases et un soliflore) ;

* un drap de bain Ralph Lauren ;

— débouté M. X de sa demande de restitution de la bague de fiançailles sous astreinte ;

— condamné M. X au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance ;

— débouté M. X de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

• réformer le jugement dont appel en ce qu’il a :

— débouté Mme Y du surplus de ses demandes en paiement au titre du préjudice matériel ;

Statuant à nouveau,

• condamner M. X à payer à Mme Y la somme de 3 578,32 € au titre de l’ensemble des dépenses relatives à son mariage (préjudice matériel) ;

• condamner M. X à payer à Mme Y la somme 466 € au titre des frais médicaux non remboursés (médecin de famille et psychologue) ;

• condamner M. X à payer à Mme Y la somme de 1 600 € correspondant à la moitié des frais relatifs à l’achat de meubles durant la vie commune du couple et au solde du compte joint ;

• condamner M. X à payer à Mme Y la somme de 787,92 € correspondant au 2/3 de la plus-value réalisée lors de la vente du véhicule Ford Ka ;

• ordonner la restitution par M. X à Mme Y de l’écharpe Burberry qu’il a conservé, ou à défaut de l’avoir conservé, lui payer la somme forfaitaire de 300 € ;

• condamner M. X au paiement de la somme de 15 000 €, en réparation du préjudice moral subi par Mme Y ;

• dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la présente ;

• condamner M. X au paiement de la somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais d’appel ;

• condamner M. X au paiement des entiers dépens d’appel ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 17 janvier 2019 ;

Sur quoi, la cour

Mme B Y et M. Z X ont vécu ensemble à compter d’octobre 2011 . En juillet 2012, le couple a décidé de se marier et la date du mariage a été fixée au 6 juillet 2013.

Le 22 décembre 2012, M. Z X et Mme B Y ont annoncé officiellement leurs fiançailles à leurs familles .

Exposant que le 6 avril 2013, M. X lui a annoncé qu’il ne souhaitait plus se marier et qu’elle a dû quitter le domicile du couple le lendemain, Mme B Y, par acte du 25 novembre 2013, a assigné M. Z X devant le tribunal de grande instance de Saint-Malo aux fins de le voir déclaré responsable de la rupture brutale et tardive des fiançailles et d’obtenir sa condamnation à indemniser ses préjudices moral et matériel ainsi qu’à lui restituer des objets personnels.

M. X a conclu au rejet de ces demandes et a sollicité la restitution de la bague de fiançailles .

Par le jugement déféré, le tribunal a considéré que si le motif de la rupture est sérieux et légitime , soit l’existence de dissensions au sein du couple et une absence de communication, les circonstances ayant accompagné cette rupture sont anormales, au regard de la brutalité de l’annonce, en ce qu’elles ont créé un choc ou une violence morale pour Mme Y, qui ne pouvait s’attendre à une telle réaction de M. X compte tenu de sa participation volontaire quelques jours auparavant aux préparatifs du mariage, et a retenu la responsabilité de M. X pour rupture abusive des fiançailles .

M. X reproche au tribunal d’avoir ainsi statué du seul point de vue du choc émotionnel subi par Mme Y alors qu’il lui a annoncé sa décision de rompre, prise en raison de dissensions manifestes au sein du couple, de vive voix, dans des circonstances dénuées de violences morales ou physiques portant atteinte à l’honneur et à la considération de Mme Y, que le fait de participer aux préparatifs de mariage ne saurait interdire de rompre , et que la rupture trois mois avant la date du mariage n’est pas tardive . Il souligne qu’il n’a pas chassé Mme Y de leur logement commun, mais qu’il a pris soin d’appeler les parents de cette dernière pour qu’ils viennent la réconforter et que, c’était un logement de fonction qu’il ne pouvait lui-même le quitter .

Mme Y maintient que les conditions dans lesquelles M. X a rompu tardivement et brutalement leurs fiançailles sont fautives et engagent sa responsabilité délictuelle à son égard dés lors que , si elle ne nie pas le défaut de communication et les dissensions entrez eux , M. X n’en a pas discuté avec elle et ne lui a pas fait part de ses doutes avant de lui annoncer sa décision de rompre , qu’au contraire il participait activement aux préparatifs de mariage et formait des projets pour leur couple . Elle considère que la rupture a été moralement violente et humiliante pour elle notamment parce qu’elle a été priée de quitter dès le lendemain de la rupture le logement commun et que dans les jours suivants la séparation M. X a été vu sur Facebook faisant la fête à l’endroit où il était prévu qu’ils enterrent leur célibat .

Au nom du principe essentiel de la liberté de se marier, laquelle doit subsister jusqu’à la célébration du mariage, la rupture d’une promesse de mariage n’est pas, à elle seule, génératrice de dommages et intérêts , lesquels ne peuvent être accueillis que s’il vient s’y ajouter une faute en raison des circonstances .

En l’espèce, la preuve de l’anormalité de ces circonstances ne peut découler de l’importance de l’incompréhension et du ressenti douloureux de Mme Y qui invoque son état dépressif après la rupture, et réclame à ce titre à M. X le remboursement des honoraires de son psychanaliste, alors que toute rupture est par nature douloureuse, que l’absence de dialogue préalable à son sujet ne suffit pas à la rendre violente et que le fait que chacun des fiancés ne tire pas les mêmes conséquences du constat du fonctionnement insatisfaisant de leur couple ne saurait rendre fautive la décision, au contraire légitime, de M. X de ne pas se marier .

Pour caractériser les circonstances humiliantes de la rupture, Mme Y invoque aussi l’humiliation d’avoir dû quitter sans délai le logement où le couple vivait ensemble .

Mais il résulte pourtant du dossier que, compte tenu de l’état de Mme Y après l’annonce de la rupture faite sans violence physique ou verbale, dans la soirée du 6 avril 2013, M. X l’a empêchée de partir en voiture et a appelé ses parents pour qu’ils viennent auprès d’elle, ce qu’ils ont fait, et que le lendemain Mme Y a quitté avec eux le logement en emportant ses affaires . Et s’agissant d’un logement de fonction de la gendarmerie, M. X était tenu de son coté d’y rester .

Par ailleurs, les sommes demandées par Mme Y au titre de son préjudice matériel, dépenses pour la plupart engagées par ses parents, correspondent à des préparatifs et à des achats en vue du mariage, commencés dès le dernier trimestre 2012, ce qui n’est pas à critiquer, mais ce qui n’est pas non plus de nature à rendre fautivement tardive la rupture intervenue en avril 2013, trois mois avant le mariage prévu le 6 juillet 2013 , et à un moment où les banc n’étaient pas publiés, la visite

pré-nuptiale n’était pas effectuée, les alliances n’étaient pas achetées et les invitations n’étaient pas envoyées .

En conséquence, il y a lieu en infirmant le jugement, de débouter Mme Y de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre de M. X.

Sur la demande de M. X de restitution de la bague de fiançailles, le tribunal a considéré qu’il ne s’agit pas d’un bijou de famille et qu’au regard du caractère brutal de la rupture, il n’y a pas lieu à restitution de la bague, dont il n’est par ailleurs pas démontré qui en a gardé la possession.

M. X maintient sa demande de restitution de la bague dès lors que la rupture des fiançailles n’est pas fautive et que compte tenu de son prix de 1719 €, montant important en proportion de son traitement mensuel à l’époque de l’acquisition, la bague n’est pas soumise à la théorie des cadeaux d’usage .

Mme Y réplique que la valeur de la bague en fait un présent d’usage et qu’en toute hypothèse, d’un point de vue symbolique elle n’a pas souhaité conserver le bijou, et dès l’annonce de la rupture elle a retiré la bague et l’a laissée au domicile de M. X .

La bague offerte n’est pas un bijou de famille et n’est pas d’une valeur disproportionnée à la situation économique du donateur, de telle sorte qu’elle n’est pas susceptible de la révocation prévue par l’article 1088 du code civil au cas où le mariage n’a pas lieu .

Le jugement qui a débouté M. X de sa demande de restitution de la bague, en observant de plus à juste titre qu’il n’est pas démontré qui en a gardé la possession, sera confirmé .

Enfin, Mme Y sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel sans qu’il y ait matière à condamnation par application de l’article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté M. Z X de sa demande en restitution de la bague de fiançailles ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,

Déboute Mme B Y de toutes ses demandes;

Condamne Mme B Y aux dépens de première instance et d’appel ;

Dit n’y avoir lieu à condamnation par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,



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