Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 10 décembre 2019, n° 19/02241

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 1re ch., 10 déc. 2019, n° 19/02241
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 19/02241
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

1re Chambre

ARRÊT N°503/2019

N° RG 19/02241 – N° Portalis DBVL-V-B7D-PVKP

M. A X

C/

CHAMBRE RÉGIONALE DE DISCIPLINE DES NOTAIRES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 DÉCEMBRE 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame E-F G, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 22 Octobre 2019

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Décembre 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur A X, notaire membre de la SELAS A X NOTAIRE,

[…]

PLOULEC’H-LANNION

[…]

comparant en personne

INTIMÉ :

Me Damien Ruaud, président du conseil régional des notaires du ressort de la cour d’appel de Rennes et président de la chambre de discipline,

[…]

[…]

[…]

Entendu en ses observations

EN PRÉSENCE DE :

Mme Cécile LEINGRE, Avocate Générale, entendue en ses réquisitions

EXPOSE DU LITIGE ET PROCÉDURE :

Me A X est notaire à Ploulec’h (Côtes d’Armor) après transfert de son office initialement situé à Ploumilliau.

Ayant reçu par courrier du 27 juin 2018 du président de la Chambre départementale des notaires de l’Yonne une plainte dirigée contre Me X, le président de la Chambre départementale des notaires des Côtes d’Armor a saisi le syndic régional de la Chambre régionale de discipline des notaires qui, par courrier du 28 décembre 2018, a cité Me X à comparaître pour répondre d’un ensemble de faits susceptibles de constituer, selon lui, des manquements à la déontologie et à la confraternité.

Retenant que Me X n’avait donné suite aux demandes de sa chambre départementale qu’après de multiples relances, ne réglait pas le montant des amendes financières prononcées à son encontre par la chambre, se trouvait en défaut de payement des honoraires de participation dus à ses confrères ou refusait d’appliquer les règlements applicables en la matière, qu’il avait enfin fait preuve d’une attitude désagréable, désobligeante et irrespectueuse, la Chambre régionale de discipline a, par décision rendue le 24 janvier 2019 et notifiée par lettre recommandée reçue le 5 mars, prononcé à son encontre la peine de censure simple.

Par lettre recommandée postée le 2 avril 2019, Monsieur X a formé un recours contre cette décision.


L’audience s’est tenue publiquement conformément au souhait exprimé par Me X. Interrogé, ce dernier a précisé avoir reçu les conclusions du procureur général en temps utile pour en prendre connaissance et y répondre.

Ont été entendus le président de chambre en son rapport, Me X, appelant, Me Damien Ruaud, président du conseil régional des notaires du ressort de la cour d’appel de Rennes et président de la

chambre de discipline, en ses observations techniques et le procureur général en ses réquisitions.

Me X a eu la parole en dernier.

PRÉTENTIONS, MOYENS ET OBSERVATIONS :

Aux termes de son recours motivé et des conclusions en réponse aux écritures du ministère public que Me X a développés oralement lors de l’audience, il demande à la cour d’annuler la décision faisant valoir la partialité de certains membres de la chambre de discipline : Me C et Me Y, tous deux notaires dans les Côtes d’Armor ayant manifesté leur désapprobation lorsqu’il a entrepris de transférer son étude à proximité de Lannion, dans la commune de Ploulec’h et subsidiairement de l’infirmer, contestant, au fond, les griefs qui lui sont reprochés.

Il fait, en premier lieu, valoir que seul le dossier portant sur la répartition des honoraires entre Me Z et lui même aurait dû être évoqué lors de l’audience de la chambre de discipline. Il conteste avoir manqué à ses devoirs, rappelant que par confraternité et afin de faciliter la signature de l’acte, il a réuni les parties à Paris plutôt qu’en son étude. Il ajoute qu’il a établi une proposition de facture conforme aux règlements (identiques) des deux chambres que son confrère a refusée sollicitant l’application du règlement national. Il précise qu’il ne s’oppose à la rétribution de son confrère mais attend que celui-ci lui adresse, comme d’usage, sa facture. Il rappelle que ce dossier portant sur un différentiel de 269,73 euros HT.

Il soutient, quant au nombre important de réclamations, que s’agissant des participations (environ 80 dossiers par an), seuls quatre dossiers ont posé difficulté en cinq ans. Il observe que ces différents litiges sont clos et rappelle qu’il a systématiquement répondu à la chambre dans les délais requis.

Il relève que le seul dossier litigieux est celui qui l’oppose à la compagnie d’assurances MMA relative à un sinistre imputable à son prédécesseur. Il précise que ce dossier ne concerne pas la déontologie notariale mais a trait à l’application d’une clause du contrat d’assurance souscrit par la chambre départementale.

Il ajoute avoir toujours réglé ses cotisations à la chambre mais admet avoir refusé de payer une sanction financière de 100 euros dont il contestait le motif, ayant répondu dans les délais prescrits.

Enfin, il nie toute attitude désobligeante et agressive alors même que Me C et Me Y ne sont pas exempts de critiques, manifestant à son égard un caractère excessif et malveillant.

Le procureur général a conclu, le 15 octobre 2019, à la recevabilité de l’appel et sollicite la confirmation de la décision critiquée.

Il observe que le litige portant sur le dossier de participation avec son confrère de Chablis dure depuis 2017 et qu’il appartient à Me X de régler à ce dernier son dû conformément à la clé de répartition prévue par le règlement national. Il relève que Me X ne discute pas sérieusement le grief relatif aux multiples réclamations, se bornant à de longs développements pour mettre en cause la bonne foi des instances professionnelles.

Il fait valoir que Me X ne se remet nullement en cause ce qui justifie la sanction de censure qui a été prononcée et exclut celle de rappel à l’ordre, réservée aux officiers publics ou ministériels qui reconnaissent leurs torts.

Me Damien Ruaud, président du conseil régional des notaires du ressort de la cour d’appel de Rennes, président de la chambre de discipline, a :

— précisé que les plaintes devaient être traitées avec célérité, raison pour laquelle le défaut de réponse

et/ou l’insuffisance des réponses apportées par les confrères mis en cause étaient assortis de sanctions financières qui devaient être acquittées en sus des cotisations,

— rappelé les termes de l’article 68 du règlement inter-cours applicable à la répartition des honoraires entre notaires ne dépendant pas de la même cour d’appel et souligné le fait que ce règlement est opposable à tous les notaires de France,

— indiqué que le contrat d’assurances souscrit par le Conseil supérieur du notariat auprès de la compagnie MMA pour garantir la responsabilité civile professionnelle des notaires prévoyait, conformément à l’article 13 du décret 55-604 du 20 mai 1955, qu’une part d’indemnisation de chaque sinistre restait à la charge du notaire, et que cette disposition était opposable à tous les notaires. Il a rappelé que le notaire ne pouvait, dès lors qu’il n’avait pris la décision d’assurer lui même sa défense en dehors du contrat d’assurance, ni contester la direction du procès ni s’affranchir de la franchise laquelle est partagée à proportion des émoluments perçus.

SUR CE :

Sur la nullité de la décision rendue par la Chambre régionale de discipline des notaires :

Mettant en cause la partialité de Me Y, syndic régional, et celle Me C, président de la Chambre départementale des notaires des Côtes d’Armor, membre de droit de la chambre régionale de discipline, Me X soulève la nullité de la décision rendue à son encontre.

Cependant, il ressort de la décision critiquée que, conformément à l’article 9 al 2 du décret du 28 décembre 1973, le syndic régional, qui a engagé les poursuites et requis le prononcé d’une sanction, n’a pris part ni à la délibération ni au vote.

Par ailleurs, il ne résulte pas du dossier et notamment des deux pièces produites par le requérant (lettres du 28 mars 2019, pièces n° 8) lesquels sont postérieures à la décision de la chambre de discipline, que Me C, président de la chambre départementale dont dépend Me X soit sorti de son rôle tel que défini par l’article 44 du règlement national du notariat et ait notamment manifesté son hostilité au déplacement de l’office de Ploumilliau à Ploulec’h comme il est sous entendu, ou ait fait preuve d’une animosité particulière à l’encontre de son confrère.

En l’état de ces éléments, la partialité de Me C n’est pas établie et celle supposée de Me Y étant indifférente, il convient de rejeter la demande en ce qu’elle tend à l’annulation de la décision critiquée.

Sur les fautes disciplinaires reprochées à Me X :

L’article 2 de l’ordonnance 45-1418 du 28 juin 1945 dispose que : «'Toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout fait contraire à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse commis par un officier public ou ministériel, même se rapportant à des faits extraprofessionnels, donne lieu à sanction disciplinaire'».

La citation rédigée par le syndic régional renvoie, d’une part, à la plainte du président de la chambre des notaires de l’Yonne et, d’autre part, à une attitude générale de Me X à l’égard des instances, des confrères et organismes professionnels contraire à la déontologie et au règlement national.

1- plainte du président de la chambre des notaires de l’Yonne :

Cette plainte concerne la répartition entre Me X et Me Z des émoluments proportionnels d’un acte reçu le 21 avril 2017.

Me X, rédacteur de cet acte, a adressé à son confrère ' comme d’usage ' un projet de facture des émoluments en participation. La répartition prévue dans cette facture était la suivante : 66,50 % pour Me X et 33,50 % pour Me Z. Ce dernier a exprimé, le 8 novembre 2017, son désaccord réclamant 40 %, conformément à la répartition prévue par le règlement inter cours.

Les deux notaires concernés dépendant de chambres différentes et à défaut d’accord entre eux, la répartition des émoluments ne peut être que celle prévue par l’article 68 du règlement inter cours : «'La répartition des émoluments proportionnels d’un acte entre notaires fondés à se prévaloir des dispositions incluses dans le présent règlement et résultant d’un concours ou d’une participation est effectuée : entre le notaire détenteur de la minute de l’acte et le ou les notaires intervenants. La répartition s’effectue de la façon suivante :

1°) 20 % des émoluments rémunèrent spécialement la partie de la charge correspondant à la rédaction de l’acte et sont attribués au notaire détenteur de la minute.

2°) les 80 % de surplus de ces émoluments sont partagés au prorata des intérêts représentés entre tous les notaires intervenants (y compris le notaire détenteur de la minute)'»,

peu importante la circonstance tirée du fait que Me X se soit déplacé à Paris pour la signature de l’acte plutôt que de le recevoir en son office.

C’est donc à bon droit que Me Z a réclamé 40 % des émoluments proportionnels. Si Me X ne conteste plus ce point, le règlement n’est cependant toujours pas intervenu au motif qu’il n’a pas reçu la facture de son confrère pour la payer.

Cette argumentation ne peut être admise dès lors qu’il est d’usage que le notaire rédacteur établisse le projet de facture des émoluments dus à son confrère. Or, Me X n’a toujours pas établi de projet de facture rectifié et conforme à la disposition précitée, nonobstant la demande que son président de chambre lui a adressée le 28 mars 2019.

La réticence à régler, en contravention avec le règlement, à son confrère son dû depuis deux ans et demi est, en outre et à l’évidence contraire à la délicatesse, et justifie une sanction disciplinaire.

2 ' sur les autres griefs :

La chambre départementale des Côtes d’Armor a été saisie de différentes plaintes (fondées ou non) dirigées contre Me X. Or, plusieurs de ces plaintes n’ont pu être définitivement traitées qu’après l’envoi au notaire de multiples courriers, parfois en recommandé (honoraires de participation Vautier : sept courriers dont cinq recommandés, honoraires de participation Reynis : cinq courriers avant que le règlement soit effectué, honoraires de participation Marzin : six courriers dont un recommandé avant règlement, réclamation Le Glouannic : six courriers dont un recommandé avant règlement partiel, réclamation Douguet : deux courriers avant règlement).

La nécessité d’adresser ainsi plusieurs courriers (notamment dans les affaires d’honoraires partagés avec des confrères) en l’absence de réponse satisfaisante contrevient aux dispositions des articles 1.2 du règlement national («'il doit faire les efforts nécessaires pour améliorer la qualité de ses services… en s’attachant à ce que les réclamations qui pourraient parvenir à son office soient traitées avec efficacité, rapidité et transparence'») et 77 du règlement intérieur du conseil régional des notaires de la cour d’appel de Rennes qui impose à ses membres de répondre aux plaintes et réclamations dans un délai raisonnable.

Cette attitude caractérise également un manquement aux règles professionnelles s’imposant aux notaires.

Il était également fait grief à Me X d’avoir refusé de verser à la compagnie MMA la participation stipulée au contrat souscrit par le notariat suite à une transaction intervenue. Ce grief ne semble pas avoir été retenu par la Chambre de Discipline qui n’en fait pas état dans sa délibération.

L’article 13 du décret 55-604 du 20 mai 1955 dispose que «'chaque notaire est tenu d’assurer sa responsabilité professionnelle dans les conditions fixées par un arrêté conjoint du ministre des finances et du garde des sceaux, ministre de la justice… Toutefois, en ce qui concerne exclusivement les rapports des notaires… avec leurs assureurs, les indemnités versées aux créanciers des notaires restent à la charge du notaire pour un dixième au moins,… le tout dans la limite de plafonds fixés par l’arrêté visé au premier alinéa ci-dessus'». L’article 8 du contrat d’assurance a été rédigé en application de cette disposition.

Me X s’appuie sur le dernier alinéa de cet article («'cependant, les notaires sortis de charge, ainsi que leurs héritiers ou ayants droits, ne supporteront pas de participation pour les réclamations postérieures à la cessation de leurs fonctions'») pour contester la somme qui lui est réclamée, faisant valoir qu’il n’est pas l’auteur de l’erreur alléguée, celle-ci l’ayant été dans un acte rédigé le 4 octobre 1989 par son père, Me D X lequel a cessé ses fonctions en 1993 et qui est décédé le 7 septembre 2016.

Si Me X a reproduit dans un acte reçu le 10 mars 2006 l’erreur prétendue commise dans l’acte de 1986, la discussion qu’il élève quant à l’application de l’exonération prévue par l’alinéa précitée est sérieuse et ne constitue pas un manquement de nature à justifier en l’état des seuls éléments produits une sanction disciplinaire.

À juste titre, la Chambre de Discipline ne semble pas non plus avoir retenu le grief tiré de l’adressage de l’office de Me X, transféré de Ploumilliau à Ploulec’h ([…]), n’en faisant pas état dans sa délibération. Me X fait en effet valoir à juste titre que la zone d’activité du Bel Air est située en limite des communes de Ploulec’h et de Lannion et est connue sous l’appellation […].

Enfin, l’attitude agressive, désobligeante et irrespectueuse de Me X devant la chambre de discipline ne peut être prise en compte dès lors que celle-ci ne faisait, et pour cause, pas partie des poursuites et que de surcroît, la décision est insuffisamment motivée sur ce point pour permettre à la cour d’exercer son contrôle, faute de description précise de l’attitude du notaire.

Sur la peine :

Les faits reprochés à Me X justifient le prononcé de la sanction de rappel à l’ordre

PAR CES MOTIFS :

Statuant par arrêt rendu publiquement et contradictoirement,

Vu les ordonnances 45-1418 du 28 juin 1945 et 45-2590 du 2 novembre 1945,

Vu les décrets 45-0117 du 19 décembre 1945 et 73-1202 du 28 décembre 1973,

Vu le règlement national du Notariat, le règlement inter-cours et le règlement intérieur du conseil régional des notaires de la cour d’appel de Rennes,

Rejette la demande d’annulation de la décision rendue par la Chambre régionale de discipline des notaires du ressort de la Cour d’Appel de Rennes.

Confirme la décision de la chambre régionale de discipline des notaires en ce qu’elle a retenu à

l’encontre de Me X des fautes susceptibles d’entraîner une sanction disciplinaire.

L’infirme sur la sanction et statuant à nouveau :

Prononce à l’encontre de Me A X la peine de rappel à l’ordre.

Laisse les dépens à la charge de Me A X.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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