Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 3 novembre 2020, n° 19/02106

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Sur les parties

Texte intégral

1re Chambre

ARRÊT N°389/2020

N° RG 19/02106 – N° Portalis DBVL-V-B7D-PUXA

Mme D Y

C/

Mme H Q R Y

M. I U V W Y

M. J AA V P AB Y

Mme F Y épouse X

[…]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÈ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame P-S T, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 14 Septembre 2020 devant Madame Christine GROS, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Novembre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

Madame D Y

née le […] à […]

[…]

[…]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Eric LECARPENTIER, Plaidant, avocat au barreau de LORIENT

INTIMÉS :

Madame H Q R Y

née le […] à […]

[…]

[…]

Représentée par Me Sébastien PICART de la SELARL BEAUVOIS Y.BEAUVOIS P.PICART S., avocat au barreau de LORIENT

Monsieur I U V W Y

né le […] à […]

[…]

[…]

[…]

Représenté par Me Sébastien PICART de la SELARL BEAUVOIS Y.BEAUVOIS P.PICART S., avocat au barreau de LORIENT

Monsieur J AA V P AB Y

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Sébastien PICART de la SELARL BEAUVOIS Y.BEAUVOIS P.PICART S., avocat au barreau de LORIENT

Madame F Y épouse X

née le […] à […]

[…]

45800 SAINT V DE BRAYE

Représentée par Me Sébastien PICART de la SELARL BEAUVOIS Y.BEAUVOIS P.PICART S., avocat au barreau de LORIENT

La […], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[…]

[…]

Représentée par Me Gaëlle YHUEL-LE GARREC de la SELARL YHUEL-LE GARREC, avocat au barreau de LORIENT

Mme O-P G épouse Y a obtenu un permis d’aménager le 21 avril 2010 autorisant la création de deux lots privatifs sur un terrain à la Trinité sur Mer.

Elle a fait l’objet d’une mesure de tutelle le 28 février 2012.

Par ordonnances des 29 janvier 2016 et 24 février 2017, le juge des tutelles a autorisé la vente d’un terrain pour la somme de 180 000 € net vendeur.

Le 1er mars 2017, Mme G épouse Y a consenti, au prix de 180 000 €, au profit de la société Ker Marthur une promesse unilatérale de vente d’un terrain d’une surface de 765m², devant être cadastré après division section L n°550 pour 597m² et section L n°546 pour 168m² à prendre dans les parcelles de plus grande importance cadastrées L 499 Kerguillé, L 480 Kerguillé, L 497 Kerguillé. Il est apparu ensuite que c’est à tort que la promesse incluait la moitié indivise de la parcelle L 497, ce qui a été accepté par la SCI Ker Marthur.

Mme O-P Y est décédée le […].

La société Ker Marthur a obtenu un permis de construire le 29 décembre 2017. Elle a levé l’option d’achat par courrier du 9 avril 2018.

Me A, notaire, a sommé Mme D Y d’avoir à comparaître, en son étude, le 1er juin 2018, pour procéder à la régularisation de la vente par acte authentique.

Mme D Y ne s’est pas présentée.

Autorisés par ordonnance du 30 novembre 2018, Mme H Y, M. I Y, M. J Y et Mme F X née Y, (ci après désignés les consorts Y), ont fait assigner, par actes des 10 et 11 décembre 2018, Mme D Y et la société civile Ker Marthur devant le tribunal de grande instance de Lorient dans le cadre d’une procédure à jour fixe.

Par jugement du 20 février 2019, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal a :

— constaté le caractère parfait de la vente du bien immobilier situé au lieudit Kerguillé, à […], cadastré section L 546 et 550 pour une contenance de 07 a 65 ca, appartenant aux consorts Y au profit de la société civile Ker Marthur ;

— dit que le prix de vente d’un montant de 180 000 € net vendeur sera payé dans les mains de Me A, notaire à Z, lors de la réitération de la vente par acte authentique ;

— dit qu’à défaut de signer l’acte authentique réitérant la vente dans un délai de deux mois à compter de la présente décision le jugement tiendra lieu de vente et sera publié comme tel au service de la publicité foncière ;

— autorisé Mme H Y, M. I Y, M. J Y et Mme F X née Y à signer, sans l’accord de Mme D Y, l’acte de dépôt des pièces du lotissement et, plus généralement, tous les actes nécessaires à la réalisation et à la publication de la vente au fichier du service de la publicité foncière compétent ;

— débouté la société Ker Marthur de ses demandes en dommages et intérêts ;

— condamné Mme D Y à payer, en application de l’article 700 du code de procédure civile, à :

*Mme H Y, M. I Y, M. J Y et Mme F X née Y la somme de 2 000 € ;

*la société civile Ker Marthur 1a somme de 2 000 € ;

— condamne Mme D Y aux dépens.

Mme D Y a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 mars 2019.

Vu les conclusions du 31 octobre 2019 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de Mme D Y qui demande à la cour de :

— la recevoir en son appel, et y faisant droit,

— constater l’absence de communication de l’ordonnance du 3 décembre 2015 rendue par le juge des tutelles de Lorient,

— dire que l’ordonnance rendue par le juge des tutelles le 29 janvier 2016 autorisant la vente du bien n’est en aucun point motivée, et encourt donc la nullité,

— dire et juger que l’ordonnance du 29 janvier 2016 ne peut donc servir de fondement à la vente envisagée,

— dire que les ordonnances rendues par le juge des tutelles de Lorient les 3 décembre 2015, 29 janvier 2016 et 24 février 2017 ne sont pas définitives à défaut d’avoir été régulièrement notifiées à Mme D Y,

— dire que la vente consentie par Mme G par promesse unilatérale de vente du 1er mars 2017 et suivant requête présentée préalablement par l’UDAF ne peut donc être considérée comme définitive,

— infirmer en conséquence le jugement rendu par le Tribunal de Grande instance de Lorient le 20 février 2019,

— débouter Mme H Y, M. I Y, M. J Y et Mme F X née Y ainsi que la société Ker Marthur de toutes leurs demandes fins et conclusions,

— condamner Mme H Y, M. I Y, M. J Y et Mme F X née Y et la société Ker Marthur à payer à Mme D Y une indemnité de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner les mêmes aux entiers dépens.

Vu les conclusions du […] auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments des consorts Y qui demandent à la cour de :

A titre principal,

— confirmer l’ensemble des dispositions du jugement prononcé le 20 février 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Lorient,

A titre infiniment subsidiaire,

— dans le cas où la vente n’est pas jugée parfaite, autoriser Mme H Y, M. I Y, M. J Y et Mme F X née Y à passer sans l’accord de Mme D Y, la vente par acte authentique portant sur le bien immobilier situé au lieudit Kerguillé 56470 La Trinité sur Mer cadastré section L 546 et 550, pour une contenance de 07a 65ca et la moitié indivise de la parcelle à usage d’accès section L 497 au lieudit Kerguillé d’une surface de 25ca, et ce au prix de 180 000 € net vendeur, au profit de la société civile Ker Marthur,

En tout état de cause,

— autoriser Mme H Y, M. I Y, M. J Y et Mme F X née Y à signer, sans l’accord de Mme Y D, l’acte de dépôt des pièces du lotissement et, plus généralement, tous les autres actes nécessaires à l’exécution et à la publication de l’acte de vente,

— débouter la société Ker Marthur de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre de l’indivision successorale Y,

Très subsidiairement,

— condamner Mme D Y à garantir Mme H Y, M. I Y, M. J Y et Mme F X née Y de l’intégralité des condamnations qui seront mises à leurs charges au prorata de leurs droits dans l’indivision successorale tant en principal qu’au titre des frais irrépétibles et des dépens,

— condamner Mme D Y au paiement d’une somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— condamner Mme D Y à la somme de 4 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais d’instance d’appe1,

— la condamner aux entiers dépens d’appel.

Vu les conclusions du 23 juin 2020 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de la SCI Ker Marthur qui demande à la cour

de :

— dire Mme D Y irrecevable et en tous les cas mal fondée en son appel,

L’en débouter, ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

— confirmer le jugement rendu le 20 février 2019 par le tribunal de Grande instance de Lorient en ce qu’il a :

*constaté le caractère parfait de la vente du bien immobilier situé au lieu-dit Kerguillé, à La Trinité sur Mer cadastré section L 546 et 550 pour une contenance de 07 a 65 ca, appartenant aux consorts Y au profit de la société civile Ker Marthur,

*dit que le prix de vente d’un montant de 180 000 € net vendeur sera payé dans les mains de Maître A, notaire à Z, lors de la réitération de la vente par acte authentique,

*dit qu’à défaut de signer l’acte authentique réitérant la vente dans un délai de deux mois à compter de la présente décision, le jugement tiendra lieu de vente et sera publié comme telle au service de la publicité foncière,

*autorisé Mme H Y, M. I Y, M. J Y et Mme F X née Y, à signer, sans l’accord de Mme D Y, l’acte de dépôt des pièces du lotissement et, plus généralement, tous les actes nécessaires à la réalisation et à la publication de la vente au fichier du service de la publicité foncière compétent,

*condamné Mme D Y à payer, en application de l’article 700 du code de procédure civile, à la société civile Ker Marthur la somme de 2000 €,

*condamné Mme D Y aux dépens.

— le réformer pour le surplus, et statuant à nouveau sur les chefs critiqués, et y ajoutant :

— condamner, au principal Mme D Y et subsidiairement l’indivision Y, à payer à la SCI Ker Marthur :

*une somme calculée suivant la formule PV = Po (BT01/BT01o) ' Po au titre de son préjudice financier résultant du règlement d’une plus-value dont le montant sera arrêté au jour de la signature de l’acte authentique ou de l’arrêt à intervenir valant vente, et qui, suivant la formule susvisée, était déjà de 8.883,57 € au 23 juillet 2019

PV : Plus-value due au constructeur

Po : Prix au jour du contrat (219.610 €)

BT01o : Indice publié au moment de la signature du contrat (106,3)

BT01 : Dernier indice publié au moment de la révision soit au moment de la signature de l’acte authentique ou au plus tard deux mois suivant l’Arrêt à intervenir valant alors vente, dates auxquelles les crédits demandés pour le financement de la construction seront débloqués.

*une somme de 5.049 € au titre des taxes d’aménagement 2019 et 2020

*une somme de 7000 € au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral

*une somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles d’appel et les entiers dépens

— condamner Mme D Y à payer à la SCI Ker Marthur une somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 juin 2019.

Par conclusions de procédure du 2 juillet 2020 Mme D Y demande à la cour de :

— rejeter des débats, les conclusions n°3 qui ont été notifiées par l’avocat de Mme Mme H Y, M. I Y, M. J Y et Mme F X née Y le […] et leur pièce nouvelle numérotée 26 communiquée à la même date,

— rejeter des débats, les conclusions notifiées par l’avocat de la Société Civile Ker Marthur le 23 juin 2020, ainsi que la pièce nouvelle communiquée par cette partie sous le numéro 28 à la même date,

— débouter Mme H Y, M. I Y, M. J Y et Mme F X née Y & la Société Civile Ker Marthur de toutes leurs demandes fins et conclusions contraires.

Par conclusions de procédure du 16 juillet 2020 les consorts Y demandent à la cour de :

— débouter Mme D Y de sa demande de rejet des conclusions n°3 signifiées le […] par les consorts Y et de la pièce numérotée 26,

— à titre infiniment subsidiaire, dans le cas ou les conclusions signifiées le […] par les consorts Y sont déclarées irrecevables, prononcer l’irrecevabilité des conclusions signifiées le 16 juin 2020 par la SCI Ker Marthur et, plus particulièrement sur la demande nouvelle de condamnation à payer la somme de 5 049€ au titre des taxes d’aménagement de l’année 2019 et 2020,

— Statuer de droit sur les dépens de l’incident.

MOTIF DE LA DÉCISION :

Sur l’incident de procédure :

Les conclusions des 22 et 23 juin 2020 et les deux pièces qui ont été communiquées simultanément ont été respectivement notifiées six et cinq jour ouvrés avant le prononcé de l’ordonnance de clôture. Elle ont ainsi laissé à Mme D Y un délai suffisant pour en prendre connaissance et y répondre le cas échéant.

Il en résulte que ces conclusions et pièces n’ont pas été communiquées à la partie adverse dans des conditions qui violent le principe du contradictoire, et Mme D Y sera déboutée de son incident de procédure.

Par voie de conséquence, la demande subsidiaire des consorts Y est sans objet.

Sur la perfection de la vente :

En premier lieu, contrairement à ce que soutient Mme D Y, l’ordonnance du 3 décembre 2015 a été communiquées en pièce n°15 par les consorts Y.

En deuxième lieu, le juge des tutelles a précisé dans son ordonnance du 29 janvier 2016 que la vente du terrain appartenant à Mme O-P Y, cadastré L M et B, pour la moitié indivise en pleine propriété, apparaissait conforme aux intérêts du majeur protégé. Ainsi, cette ordonnance est motivée et le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait. En tout état de cause, cette ordonnance comportant une erreur sur la désignation de la parcelle vendue, une nouvelle requête en autorisation de vente a été présentée, qui a donné lieu le 24 février 2017 à un accord du juge des tutelles au regard des intérêts de Mme O P Y.

En troisième lieu, aux termes de l’article 1230 du code de procédure civile : «'Toute décision du juge est notifiée, à la diligence du greffe, au requérant, à la personne chargée de la protection ou à l’administrateur légal et à tous ceux dont elle modifie les droits ou les obligations résultant de la mesure de protection.

Elle est également notifiée au mineur âgé de seize ans révolus à moins que son état ne le permette pas.

En outre, dans le cas de l’article 502 du code civil, elle est notifiée au subrogé tuteur.'».

La notion de droits ou obligations modifiés par la décision s’apprécie au jour de la décision rendue et en considération des droits de la personne protégées, et non par rapport à des droits futurs et éventuels de ses héritiers. En l’espèce, s’agissant de simples autorisations de vendre demandées au juge des tutelles par le représentant de Mme O P Y, il ne peut être considéré qu’elles aient modifié les droits et obligations des membres de la famille de la majeure protégée et particulièrement ceux de D N qui ne disposait à l’époque d’aucun droit sur les biens immobiliers dont la vente était sollicitée. En conséquence, les ordonnances rendues les 3 décembre 2015, 29 janvier 2016 et 24 février 2017 n’avaient pas à être notifiées à Maryvone Y.

Il résulte de ce qui précède que les ordonnances du juge des tutelles sont définitives et que le moyen relatif à l’absence d’intérêt légitime de l’UDAF pour demander l’autorisation de vendre ces biens est inopérant.

La promesse de vente du 1er mars 2017 stipule que le promettant confère au bénéficiaire la faculté d’acquérir si bon lui semble le bien désigné à l’acte ; qu’il prend cet engagement pour lui même ou ses ayants droit, même protégés ; que la promesse est consentie pour un délai expirant le 1er octobre 2018 à seize heures ; que le promettant a, pour sa part, définitivement consenti à la vente et qu’il est d’ores et déjà débiteur de l’obligation de transférer la propriété au profit du bénéficiaire aux conditions des présentes si ce dernier lève l’option. Dès lors qu’il est constant que l’option a été levée le 9 avril 2018, la vente est parfaite et Mme D Y ne peut utilement en discuter l’opportunité pour s’opposer à la régularisation de l’acte authentique. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a constaté ce caractère parfait, et en ses autres dispositions afférentes à la vente.

Sur les demandes pécuniaires de la SCI Ker Marthur :

Aux termes de l’article 1231-1 du code civil : «'Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.'».

La promesse de vente du 1er mars 2017 a prévu les modalités suivantes :

— dans l’intérêt du bénéficiaire, la condition suspensive de délivrance d’un permis de construire dans le délai de douze mois à compter du 1er mars 2017 ;

— un délai de validité expirant le 1er octobre 2018 à seize heures, délai pouvant être prorogé sans pouvoir dépasser la date du 1er novembre 2018 pour permettre au notaire de réunir les documents

nécessaires à la régularisation de l’acte ;

— en cas de refus par le promettant de réaliser la vente par acte authentique, la possibilité pour le bénéficiaire d’en poursuivre l’exécution forcée par voie judiciaire ou de demander réparation des conséquences de l’inexécution, nonobstant, dans les deux hypothèses, tous dommages-intérêts ;

— en cas de décès du promettant, la possibilité pour le bénéficiaire de demander, dans le délai de quinze jours du moment où il a eu connaissance du décès, à être dégagé des présentes en raison du risque d’allongement du délai de leur réalisation par suite de la survenance de cet événement.

Après cette promesse, les faits se sont succédés dans l’ordre suivant :

— le 29 juillet 2017, la SCI Ker Marthur a signé un contrat de construction de maison individuelle, sans fourniture de plan, auprès de la société Ty Breiz. Ce contrat prévoyait un coût du bâtiment à construire de 229 957 € TTC, dont 219 610 € TTC convenus comme prix du contrat et 10 347 € TTC comme coût des travaux dont le maître de l’ouvrage se réserve la construction. Il était stipulé que ce prix était ferme et définitif pendant une durée de treize mois et passé ce délai, qu’il serait révisé en fonction de la variation de l’indice BT 01, selon des modalités prévues à l’article 3 option a) des conditions générales du contrat.

— Mme O P Y est décédée le […], laissant pour lui succéder H Y, D N et F N, ses filles, I Y et J Y ses petits fils, venant en représentation de son fils C, prédécédé le […].

— le 29 décembre 2017, la société Ker Marthur a obtenu un permis de construire définitif.

— le 9 avril 2018, la société Ker Marthur a levé l’option d’achat.

— le 24 mai 2018, Me A a fait sommation à Mme D Y de comparaître le 1er juin 2018 en son étude pour régulariser l’acte authentique de vente.

— le 1er juin 2018, Me A a rédigé un procès-verbal de carence en l’absence de Mme D Y.

— le 30 novembre 2018, les consorts Y ont été autorisés à assigner à jour fixe D Y et la société Ker Marthur.

— les 10 et 11 décembre, ils ont procédé à cette assignation.

Sur la plus value du coût de la construction :

Il ressort des termes de la promesse qui autorise le bénéficiaire à s’en dégager dans l’hypothèse du décès du promettant que, lorsque la SCI Ker Marthur a accepté la promesse de vente de Mme O P Y, alors âgée de 90 ans, elle savait que dans l’hypothèse du décès de la promettante avant la régularisation de l’acte authentique, l’opération était susceptible d’être retardée par des difficultés successorales. Néanmoins, la SCI Ker Marthur a :

— accepté que la condition suspensive d’obtention d’un permis de construire soit enfermée dans un délai de 12 mois,

— le 29 juillet 2017 lors de la négociation avec le constructeur, hors de la présence de la venderesse, accepté les conditions de révision du prix de construction, dans une clause qui est totalement étrangère aux vendeurs.

De plus, la société Ker Marthur n’a pas fait usage de la possibilité qui lui était offerte de se dégager de la vente lors du décès de la promettante, s’exposant ainsi à l’application de la clause de révision du prix de la construction.

Dès lors, le préjudice que la société Ker Marthur prétend subir à défaut d’avoir pu démarrer les travaux avant le 30 août 2018 ne trouve son origine que dans ses relations contractuelles avec son constructeur et son choix de poursuivre l’opération, et ne résulte pas d’un manquement des vendeurs à leur obligation.

Par voie de conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté la SCI Ker Marthur de ce chef de demande.

Sur les taxes :

Il ressort des titres de perception adressés à la SCI Ker Marthur qu’en 2019 elle a été assujettie à la redevance d’archéologie préventive prévue par l’article L524-2 du code du patrimoine En 2020,elle a reçu le titre de perception de la première échéance de la taxe d’aménagement prévue aux article L331-1 à L331-34 du code de l’urbanisme.

Il résulte des dispositions de l’article L524-7 du code du patrimoine que lorsqu’elle est perçue sur les travaux mentionnés au 'a’ de l’article L524-2, l’assiette de la redevance est constituée par la valeur de l’ensemble immobilier déterminée dans les conditions prévues aux articles L331-10 à L331-13 du code de l’urbanisme. Le taux de la redevance est de 0,40 % de la valeur de l’ensemble immobilier; que lorsqu’elle est perçue sur des travaux visés aux 'b et c’ de l’article L. 524-2 ou en application du dernier alinéa de l’article L. 524-4, son montant est égal à 0,50 € par mètre carré. Ce montant est indexé sur l’indice du coût de la construction.

Il résulte des dispositions de l’article L331-10 du code de l’urbanisme que l’assiette de la taxe d’aménagement est constituée par la valeur de la surface de la construction et la valeur des aménagements et installations. Il résulte des dispositions de l’article L331-20 de ce code que la taxe d’aménagement est liquidée selon la valeur et les taux en vigueur à la date soit de la délivrance de l’autorisation de construire ou d’aménager ou du permis modificatif, soit de la naissance d’une autorisation tacite de construire ou d’aménager, soit de la décision de non-opposition à une déclaration préalable, soit du procès-verbal constatant les infractions.

Il ne résulte aucunement des dispositions légales que les taxes auxquelles la SCI Ker Matrhur est assujettie présentent un lien de causalité avec le retard pris pour la signature de l’acte authentique. Dès lors, la SCI Ker Marthur sera déboutée de ce chef de demande.

Sur le préjudice de jouissance :

Il résulte des stipulations de la promesse de vente, qui prévoit dans l’hypothèse du décès du promettant que ses ayants droits seront tenus à la réalisation de la vente dans les mêmes conditions que leur auteur, que la SCI Ker Marthur dispose d’une action contre l’un ou plusieurs des ayants droit, sans être tenue de diriger ses demandes contre l’indivision successorale.

Il ressort du procès-verbal de carence dressé par Me A le 1er juin 2018 que seule Mme D Y s’est opposée à la régularisation de l’acte authentique. Elle a ainsi engagé sa responsabilité envers l’acquéreur en empêchant la SCI Ker Marthur de prendre possession de son bien jusqu’au jugement du 20 février 2019 assorti de l’exécution provisoire.

La promesse prévoyant un délai de régularisation jusqu’au 1er octobre 2018, le préjudice de jouissance a duré un peu moins de cinq mois et sa réparation sera justement estimée à 2 500 €. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a déboutée la SCI Ker Marthur de ce chef de demande.

Mais ainsi qu’il a été exposé plus haut, la SCI Ker Marthur savait lorsqu’elle a accepté la promesse que cette régularisation risquait d’être problématique en cas de décès de la promettante et ne s’est pas dégagée de l’opération lors du décès de Mme O P Y alors qu’elle en avait la possibilité. De plus, elle n’a pas poursuivi la vente forcée au lendemain du procès-verbal de carence, et se borne à alléguer sans le démontrer que cette action était vouée à l’échec. Il résulte de l’ensemble de ses éléments que le préjudice invoqué par la société Ker Marthur est dû pour moitié à son propre comportement.

Dès lors, Mme D Y sera condamnée à payer à la société Ker Marthur une somme de 1 250 €.

Par ailleurs, la société Ker Marthur ne démontre pas l’existence du préjudice moral qu’elle invoque.

Il résulte de tout ceci que la demande de garantie formée par les consorts Y est sans objet.

Sur les demandes au titre de la procédure abusive :

La société Ker Marthur et les consorts Y ne démontrent pas que Mme D Y, qui a pu se méprendre sur l’étendue de ses droits, ait abusé de son droit d’interjeter appel du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lorient. La société Ker Marthur et les consorts Y seront chacun déboutés de leurs demandes à ce titre.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire ;

Rejette l’incident de procédure de Mme D Y ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la SCI Ker Marthur de sa demande indemnitaire au titre du préjudice de jouissance ;

Statuant à nouveau,

Condamne Mme D Y à payer à la SCI Ker Marthur la somme de 1 250 € de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déclare sans objet l’action en garantie des consorts Y à l’encontre de Mme D Y ;

Déboute la société Ker Marthur de sa demande indemnitaire au titre des taxes mises en recouvrement en 2019 et 2020 ;

Déboute la SCI Ker Marthur et les consorts Y de leurs demandes au titre de la procédure abusive ;

Condamne Mme D Y aux dépens en cause d’appel ;

Condamne Mme D Y à payer au titre de leurs frais irrépétibles en cause d’appel :

— à Mme H Y, M. I Y, M. J Y et Mme F X née

Y, la somme de 4 000 €,

— à la SCI Ker Marthur la somme de 3 000 €.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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