Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 21 mai 2021, n° 18/05242

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 8e ch prud'homale, 21 mai 2021, n° 18/05242
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 18/05242
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

8e Ch Prud’homale

ARRÊT N°193

N° RG 18/05242 -

N° Portalis DBVL-V-B7C-PBX6

SASU L’ESTRAN

C/

M. Z X

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 21 MAI 2021

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur B C, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 Mars 2021

En présence de Madame D E, médiatrice judiciaire,

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 21 Mai 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SASU L’ESTRAN Restaurant LA FLEUR DE SEL admise au bénéfice du redressement judiciaire prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[…]

[…]

Ayant Me Vincent GICQUEL de la SCP LAUDRAIN – GICQUEL, Avocat au Barreau de VANNES, pour Avocat constitué

INTIMÉ et appelant à titre incident :

Monsieur Z X

né le […] à […]

demeurant […]

[…]

Ayant Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représenté par Me Anne-Cécile VEILLARD, Avocat plaidant du Barreau de VANNES

…/…

F G, de la cause :

Maître H I, Mandataire Judiciaire, ès-qualités de commissaire à l’exécution du plan de redressement de la SASU L’ESTRAN

[…]

[…]

partie non constituée

L’Association UNEDIC – DÉLÉGATION AGS CGEA DE RENNES prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Louise LAISNE substituant à l’audience Me Marie-Noëlle COLLEU de la SELARL AVOLITIS, Avocats au Barreau de RENNES

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

FAITS ET PROCÉDURE

M. Z X a été engagé par la société L’Estran exploitant un fonds de commerce de crêperie, vente de glaces et grill à Penestin, par contrat à durée déterminée à temps partiel du 2 août 2016 au 30 septembre 2016, en qualité de plongeur, niveau 1, échelon 1, en application de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants, pour une durée de travail de 20 heures hebdomadaires réparties sur 5 jours. La relation de travail s’est poursuivie du 1er octobre 2016 au 31 octobre 2016.

Par courrier en date du 23 mars 2017, le conseil de la société L’Estran a adressé à M. X l’ensemble des documents de fin de contrat et un chèque de 1.497,18 € en règlement des salaires de septembre et octobre 2016.

Le 7 avril 2017, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Vannes aux fins de voir requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, dire que la rupture du contrat produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir paiement de diverses sommes.

La Cour est saisie de l’appel formé le 30 juillet 2018 par la société L’Estran contre le jugement en date du 23 avril 2018, par lequel le conseil de prud’hommes de Vannes a :

— Requalifié le contrat de travail de M. X en contrat à durée indéterminée,

— Condamné la société L’Estran à verser à M. X la somme de 2.962,45 € net à titre d’indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

— Dit que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,

— Condamné la société L’Estran à verser à M. X les sommes suivantes :

'' 2.962,45 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'' 764,50 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

'' 76,45 € au titre des congés payés afférents,

'' 1.000 € net à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées contractuelles de travail et de repos,

'' 1.787,99 € brut à titre de rappel de salaire à temps complet d’août à octobre 2016,

'' 178,80 € brut au titre des congés payés afférents,

'' 4.510,32 € brut à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,

'' 451,03 € brut au titre des congés payés afférents,

'' 17.774 € net à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

'' 1.000 € net à titre de dommages-intérêts pour retard dans le paiement des salaires,

'' 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

— Ordonné la remise des documents de fin de contrat et des bulletins de salaire rectifiés, sans astreinte et avec exécution provisoire,

— Débouté M. X du surplus de ses demandes,

— Débouté la société L’Estran de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 23 janvier 2019, le tribunal de commerce de Vannes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société L’Estran et a désigné Maître H I en qualité de mandataire judiciaire.

Vu les écritures notifiées le 12 juillet 2019 par voie électronique, suivant lesquelles la société L’Estran et la Selarl I ès-qualités de mandataire judiciaire demandent à la cour de :

— Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté M. X du surplus de ses demandes,

— Condamner M. X à verser à la société L’Estran la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance et l’appel, outre les entiers dépens de première instance et d’appel,

— Déclarer l’arrêt opposable à Maître I et au CGEA de Rennes.

Par jugement en date du 11 mars 2020, le tribunal de commerce de Vannes a arrêté le plan de redressement par continuation de la SAS L’Estran.

Vu les écritures notifiées le 8 février 2021 par voie électronique, suivant lesquelles M. X demande à la cour de :

— Confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté M. X du surplus de ses demandes,

— Déclarer M. X recevable et bien fondé en son appel incident du chef des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— Condamner la société L’Estran en plan de redressement à verser à M. X, ou à titre subsidiaire fixer la créance de M. X au passif du redressement judiciaire de la société L’Estran aux sommes suivantes :

'' 8.887,35 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, '' 2.962,45 € net à titre d’indemnité de requalification,

'' 764,50 € brut à titre d’indemnité de préavis,

'' 76,45 € brut au titre des congés payés sur préavis,

'' 1.000 € net à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi découlant du non-

respect des durées contractuelles de travail et de repos,

'' 1.787,99 € brut à titre de rappel de salaire à temps complet,

'' 178,80 € brut au titre des congés payés afférents,

'' 4.510,32 € brut à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires,

'' 451,03 € brut au titre des congés payés afférents,

'' 17.774 € net à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

'' 1.000 € net à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier lié au retard pris dans

les paiements de salaire,

'' 1.500 € au titre des frais irrépétibles de première instance,

'' 3.000 € au titre des frais irrépétibles d’appel,

— Ordonner à la société L’Estran en plan de redressement, ou à titre subsidiaire à la SELARL H I, de remettre les documents de fin de contrat et les bulletins de salaire rectifiés,

— Déclarer opposable à l’AGS-CGEA l’arrêt à intervenir et la condamner à garantir le montant des créances dans les limites des textes en vigueur.

Vu les écritures notifiées le 17 février 2021 par voie électronique, suivant lesquelles le CGEA de Rennes demande à la cour de :

— Déclarer recevable et bien fondé l’appel incident interjeté par le CGEA de Rennes,

— Réformer le jugement en toutes ses dispositions,

— Débouter M. X de l’ensemble de ses demandes,

— Fixer le salaire de référence à la somme mensuelle de 956,44 € brut,

— A titre subsidiaire, débouter M. X de toute demande excessive et injustifiée,

En toute hypothèse,

— Dire que l’AGS sera tenue de procéder à l’avance des créances salariales uniquement en cas de résolution du plan de redressement,

— Débouter M. X de toutes ses demandes qui seraient dirigées à l’encontre de l’AGS,

— Décerner acte à l’AGS de ce qu’elle ne consentira d’avance au mandataire judiciaire que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail,

— Dire que l’indemnité éventuellement allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’a pas la nature de créance salariale,

— Dire que l’AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants du code du travail,

— Dépens comme de droit.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées par voie électronique.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 25 février 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la requalification en contrat à durée indéterminée

Pour infirmation de la décision entreprise, la société L’Estran soutient en substance que si la signature d’un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée, il en va autrement lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse ; que la société L’Estran a adressé à M. X un avenant en date du 1er octobre 2016 au contrat de travail à durée déterminée pour la période du 1er octobre au 31 octobre 2016, dûment signé par son représentant, en même temps que son bulletin de salaire du mois de septembre 2016 ; que manifestement animé d’une intention frauduleuse, afin de saisir le conseil de prud’hommes d’une demande d’indemnité par la suite, le salarié n’a pas restitué à son employeur l’exemplaire d’avenant au contrat à durée déterminée qu’il devait signer.

Le salarié rétorque que le formalisme applicable au contrat à durée déterminée n’a pas été respecté ; qu’il a conclu un contrat à durée déterminée saisonnier pour la période du 2 août 2016 au 30 septembre 2016 et a continué de travail après l’échéance sans qu’un avenant ne soit régularisé.

Le CGEA se prévaut de la régularisation de la poursuite de la relation contractuelle et du refus du salarié de signer l’avenant du 1er octobre 2016.

Il résulte des articles L.1242-2 et L.1242-3 du code du travail que la signature d’un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée ; qu’il n’en va autrement que lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse ; que la prescription de l’article L. 1242-3 étant d’ordre public, seul un contractant de bonne foi peut invoquer cet ordre public ; que le salarié de mauvaise foi ne peut tirer bénéfice de la situation qu’il a volontairement contribué à établir.

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats qu’à l’échéance du contrat à durée déterminée le 30 septembre 2016, M. X a continué de travailler sans qu’un nouveau contrat n’ait été signé par les deux parties et remis dans les deux jours suivant le terme du premier contrat. La société L’Estran prétend avoir adressé un avenant de renouvellement du contrat pour la période du 1er octobre 2016 au 31 octobre 2016. Cependant, elle n’établit pas de façon certaine la date d’envoi de cet avenant et M. X produit aux débats cet avenant avec la mention 'reçu en main propre le 9 novembre 2016" (sic) en haut du document suivi de sa signature. En tout état de cause, le seul fait que M. X n’ait pas retourné l’avenant signé ne suffit pas à caractériser son refus délibéré de signer de mauvaise foi. L’employeur, sur lequel repose la charge de la preuve, ne produit aucun élément de nature à établir la mauvaise foi du salarié et procède par simple affirmation.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont requalifié le contrat de travail de M. X en contrat à durée indéterminée. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur la requalification à temps plein et la demande de rappel de salaires

Pour infirmation, l’employeur soutient que le salarié ne démontre pas avoir été contraint de se tenir à la disposition permanente de son employeur et avoir été dans l’ignorance de ses horaires de travail.

Pour confirmation, le salarié rétorque qu’il a réalisé des heures bien au-delà de la durée contractuelle et qu’aucune de ces heures n’a été réglée ; qu’il a communiqué dans le cadre de cette procédure un état précis des horaires de travail sur toute la période d’emploi ; que l’employeur de produit aucun décompte ou preuve contraire.

Le CGEA soutient que le salarié ne produit pas d’élément suffisamment précis pour étayer sa demande.

En application de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, à l’appui de sa demande, M. X produit un tableau mensuel détaillé des heures de travail réalisées chaque jour en août et septembre 2016, dont il ressort qu’il a effectué 358 heures en août et 274 heures en septembre et qu’en tout état de cause, les heures réalisées chaque semaine étaient au moins égales à 35 heures. Le salarié verse également deux attestations selon lesquelles il travaillait tous les jours à 'la Fleur de sel’ et était présent à l’ouverture et à la fermeture. M. X produit ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures réalisées et non rémunérées pour permettre à son employeur d’y répondre. Pour seul élément, la société L’Estran produit une attestation de Mme J K selon laquelle elle voit régulièrement les époux Y et leur fils fermer leur établissement. Outre la très faible valeur probante de cette attestation non accompagnée de la pièce d’identité de son auteur, elle n’établit nullement la réalité de heures de travail réalisées par M. X et ne contredit pas le fait que le salarié était présent à l’ouverture et à la fermeture de l’établissement.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que M. X a réalisé plus de 35 heures par semaine et qu’en conséquence, c’est à juste titre que les premiers juges ont requalifié son contrat à temps partiel en contrat à temps complet.

Compte tenu des éléments produits, notamment du tableau des heures réalisées et non rémunérées, du tableau relatif aux heures supplémentaires ainsi que du taux horaire de 9.77€ prévu par le contrat de travail et des feuilles de salaire, c’est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société L’Estran à verser à M. X la somme de 1.787,99 € brut à titre de rappel de salaire à temps complet d’août à octobre 2016 et à la somme de 4.510,32€ au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents à ces sommes. La décision sera confirmée de ces chefs.

Eu égard au montant de la rémunération de M. X, il convient de confirmer la décision des premiers juges qui ont condamné la société L’Estran à verser à M. X la somme de 2.962,45 € net à titre d’indemnité de requalification du contrat en contrat à durée indéterminée.

Sur la demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Aux termes de l’article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article’L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article’L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L’article’L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

Le montant de l’indemnité forfaitaire doit être calculé en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six derniers mois précédant la rupture du contrat de travail.

En l’espèce, l’employeur ne pouvait ignorer le nombre d’heures de travail réalisées par son salarié, qui a dépassé dans une large mesure la durée légale en travaillant 358 heures au mois d’août et 274 heures au mois de septembre. Pour autant, les heures déclarées et payées l’ont été à hauteur de 85 heures en août et 90 heures en septembre et octobre.

En conséquence, l’employeur a bien agi de façon intentionnelle et c’est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société L’Estran à M. X la somme de 17.774 € net à titre d’indemnité forfaitaire pour travail. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur la demande de réparation du préjudice subi du fait des dépassements

Pour infirmation de la décision, la société L’Estran fait valoir que la demande de dommages-intérêts au titre d’un prétendu préjudice subi du fait d’un non-respect des durées contractuelles de travail et des repos formulée en première instance par M. X est injustifiée et que le préjudice invoqué par le salarié n’est en aucun cas démontré.

M. X réplique qu’il a subi un préjudice du fait des dépassements de la durée légale de travail.

Compte tenu des éléments produits par le salarié et sans élément opposant versé aux débats par l’employeur, il est établi que M. X a travaillé au delà de l’heure hebdomadaire de travail durant les mois d’août et septembre 2016 et qu’il n’a disposé d’aucune journée de repos en août et d’une seule journée par semaine en septembre. Cette mise à disposition de son employeur quasi permanente a privé le salarié de son droit au repos indispensable à la préservation de sa santé tant physique que mentale, ce qui lui a, de ce seul fait, causé un préjudice que les premiers juges ont évalué à juste titre à la somme de 1.000 €. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur la demande de réparation du préjudice lié au retard dans le paiement des salaires

La société L’Estran soutient que c’est à tort que le conseil de prud’hommes de Vannes a fait droit à la demande de M. X en retenant que le salarié justifie de frais bancaires, qu’il a attendu plusieurs mois, postérieurement à la fin de son contrat de travail, avant de percevoir le règlement des salaires des mois de septembre et d’octobre 2016 et qu’il a subi un préjudice.

Le salarié rétorque pour confirmation qu’il n’a perçu que 400 € de la part de son employeur (outre les 250 € versés directement à sa propriétaire pour régler le loyer) pour son travail au sein du restaurant entre août et octobre 2016 ; qu’il a fait preuve d’une résistance abusive à ne pas adresser le solde de tout compte malgré son courrier et la relance ; qu’il a subi un grave préjudice moral mais aussi financier du fait de ce comportement.

Non seulement la société X n’a pas rémunéré l’ensemble des heures de travail réalisées par son salarié, mais elle n’a pas non plus payé les salaires tels que prévus au contrat de travail, M. X n’ayant perçu que 400 € de la part de son employeur entre le mois d’août et le mois de septembre et la somme de 250 € ayant été versée directement à son bailleur. La société L’Estran a attendu le 23 novembre 2016 pour payer la somme de 1.497,18 € à M. X, ce qui au demeurant ne correspondait donc pas au solde restant dû. M. X produit aux débats des relevés de compte établissant qu’il a connu des difficultés financières importantes et a dû payer des frais bancaires conséquents, faute de revenu. En conséquence, c’est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société L’Estran à verser à M. X la somme de 1.000 € net en réparation du préjudice causé par le retard dans le paiement des salaires, distinct de celui réparé par les intérêts moratoires. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur la rupture du contrat

Le contrat de travail à durée indéterminée a été rompu sans procédure de licenciement de telle sorte

que la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. X est en droit de solliciter l’indemnité compensatrice de préavis fixée à 8 jours par la convention collective applicable. Compte tenu du salaire que M. X aurait dû percevoir en l’absence de rupture, soit 1.484,81 € (salaire à temps plein du mois d’octobre 2016) la société L’Estran devra lui verser la somme de 395,15 € brut à ce titre, outre la somme de 39,51 € brut de congés payés afférents. La décision sera infirmée de ce chef.

Enfin, en application de l’article L.1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable, M X qui avait 3 mois d’ancienneté, peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi, lié notamment à la perte de son emploi. Il justifie de contrat saisonnier dans une entreprise de paysagiste en 2017. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, c’est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société L’Estran à verser à M. X la somme de 2.962,45 € net à titre d’indemnité en réparation du préjudice causé par le licenciement abusif. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur les documents sociaux

La société L’Estran devra remettre à M. X un bulletin de paie, un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi rectifiés et tout document conformes à la présente décision.

Sur la garantie de l’AGS

La société de L’Estran, bénéficiant d’un plan de redressement par continuation, est in bonis de telle sorte que la garantie de l’AGS n’a pas lieu de s’appliquer en l’état. L’AGS sera tenue de procéder à l’avance des créances salariales uniquement en cas de résolution du plan de redressement.

Sur les frais irrépétibles

La société L’Estran sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à M. X la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS L’Estran à verser à M. X les sommes suivantes :

—  395,15 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  39,51 € brut de congés payés afférents,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue,

RAPPELLE qu’en application des articles L622-28 et L641-3 du Code de commerce, le cours des intérêts est suspendu de plein droit par le jugement d’ouverture de la procédure collective soit du 29

janvier 2019 au 11 mars 2020,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

DIT n’y avoir lieu à garantie de l’AGS,

DIT que l’AGS sera tenue de procéder à l’avance des créances salariales uniquement en cas de résolution du plan de redressement,

DIT que l’AGS ne consentira d’avance au mandataire judiciaire que dans la mesure où la demande entrera dans le cadre des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail,

DIT que l’AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants du code du travail,

DIT que l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’a pas la nature de créance salariale,

CONDAMNE la SAS L’Estran aux entiers dépens,

CONDAMNE la SAS L’Estran à verser à M. X la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

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