Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 5 novembre 2021, n° 18/08186

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

8e Ch Prud’homale

ARRÊT N°365

N° RG 18/08186 -

N° Portalis DBVL-V-B7C-PMMH

Mme C X

C/

SAS CAMAIEU INTERNATIONAL

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2021

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur D BELLOIR, Conseiller,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur D E, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 Septembre 2021

devant Monsieur D BELLOIR, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame Laurence APPEL, médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Novembre 2021 par mise à disposition au greffe

comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

Madame C X

née le […] à […]

demeurant […]

[…]

Ayant Me Johann ABRAS de la SARL ABRAS AVOCAT, Avocat au Barreau de NANTES, pour avocat constitué

INTIMÉES :

La SAS CAMAIEU INTERNATIONAL ayant eu son siège : […] aujourd’hui en liquidation judiciaire

prise en la personne de ses mandataires liquidateurs :

- La S.E.L.A.R.L. de Mandataire Judiciaires MJ VALEM ASSOCIES prise en la personne de Me Emmanuel Y intervenant à la procédure ès-qualités de mandataire liquidateur de la SAS CAMAIEU INTERNATIONAL

[…]

[…]

…/…

- La S.E.L.A.S. de Mandataires Judiciaires MJS PARTNERS prise en la personne de Me F G intervenant à la procédure ès-qualités de mandataire liquidateur de la SAS CAMAIEU INTERNATIONAL

[…]

[…]

AYANT TOUTES Me Vincent BERTHAULT de la SELARL ABC, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et Me François ROCHET, Avocat au Barreau de LILLE, pour conseil

AUTRES INTERVENANTE FORCÉE, de la cause :

L’Association UNEDIC – DÉLÉGATION AGS-CGEA DE LILLE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[…]

[…]

Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU de la SELARL AVOLITIS, Avocat au Barreau de RENNES

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

Mme C X a été engagée à compter du 30 mars 2006 en contrat à durée déterminée par la société CAMAIEU, qui s’est poursuivi par un contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 12 février 2007, en qualité de vendeuse, statut employé, niveau 2 – échelon 1, au sein du magasin de Nantes Orvault.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la Convention collective de vente au détail d’habillement, elle exerçait les fonctions de’Seconde de magasin', à temps complet, statut employée, niveau 4, échelon 1, au sein du magasin de Nantes Rezé.

Par courrier du 27 octobre 2016, la société CAMAIEU a proposé à Mme X une mutation sur le magasin de Nantes Atlantis, à effet du 28 novembre 2016.

Le 9 novembre 2016, Mme X a refusé cette proposition de mutation.

Le 14 novembre 2016, Mme X a été convoquée à un entretien préalable à licenciement pour le 25 novembre 2016, avant d’être licenciée pour cause réelle et sérieuse.

Le 12 juin 2017, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de:

' Dire que Mme X a été licenciée verbalement le 26 novembre 2016,

' Dire en tout état de cause que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

' Dire que Mme X aurait dû être classifiée agent de maîtrise, catégorie C, du 23 mai 2011 au 07 juin 2016, et agent de maîtrise, niveau 2, après le 07 juin 2016,

' Condamner la société CAMAIEU au paiement des sommes suivantes :

—  20.000 ' à titre de dommages-intérêts,

—  2.695,44 ' à titre d’indemnité compensatrice de préavis de 2 mois,

—  269,54 ' au titre des congés payés afférents,

—  1.000 ' à titre de dommages-intérêts pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires,

—  1.580,46 ' à titre de rappel de salaire de mai 2017 au 07 juin 2016,

—  158,04 ' au titre des congés payés afférents,

—  673,67 ' à titre de rappel de salaire du 07 juin 2016 au 26 novembre 2016,

—  67,36 ' au titre des congés payés afférents,

—  970,90 ' à titre de rappel du 27 novembre 2016 au 01 février 2017,

—  97,09 ' au titre des congés payés afférents,

—  2.000 ' au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La cour est saisie d’un appel régulièrement formé le 18 décembre 2018 par Mme X contre le jugement du 15 novembre 2018, par lequel le conseil de prud’hommes de Nantes, a :

' Dit que le licenciement prononcé à l’encontre de Mme X est justifié par une cause réelle et sérieuse,

' Débouté en conséquence Mme X de toutes ses demandes relatives à la rupture de son contrat,

' Jugé que la société CAMAIEU a correctement classifié Mme X au cours de leurs relations de travail,

' Débouté en conséquence Mme X de ses demandes de rappel de salaires,

' Débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

' Condamné Mme X aux entiers dépens.

Par jugement du tribunal de commerce de Lille du 26 mai 2020, la société CAMAIEU a été placée en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire par jugement du 14 avril 2021 nommant la société MJV, prise en la personne de Maître Y, et la société MJS, prise en la personne de Maître G, ès qualités de mandataires liquidateurs.

Vu les dernières écritures notifiées par voie électronique le 7 septembre 2021, suivant lesquelles Mme X demande à la cour de :

' Décerner acte aux sociétés MJV et MJS de leurs interventions volontaires es qualités de mandataires judiciaires de la société CAMAIEU,

' Décerner acte aux sociétés AJC et BCM de leurs interventions volontaires es qualités d’administrateurs judiciaires de la société CAMAIEU,

' Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

— Dit que le licenciement de Mme X reposait sur une cause réelle et sérieuse,

— L’a déboutée de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail,

— Dit qu’elle a été correctement classifiée au cours de sa relation de travail,

— L’a déboutée de ses demandes de rappel,

— Rejeté toutes les demandes plus amples ou contraires qu’elle a formées,

Statuant à nouveau,

' Dire que Mme X a été licenciée verbalement le 26 novembre 2016,

' Dire en tout état de cause que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

' Dire que Mme X détient les créances suivantes à ce titre :

—  20.000 ' à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  2.695,44 ' à titre d’indemnité compensatrice de préavis de 2 mois,

—  269.54 ' au titre des congés payés afférents,

' Ordonner l’inscription au passif de la procédure collective de la société CAMAIEU de ces créances,

' Dire que le licenciement de Mme X est intervenu dans des conditions vexatoires,

' Dire qu’elle détient à ce titre une créance de dommages-intérêts de 1.000 ',

' Ordonner l’inscription au passif de la procédure collective de la société CAMAIEU de cette créance,

' Dire que Mme X aurait dû être classifiée agent de maîtrise catégorie C du 23 mai 2011 au 07 juin 2016, et agent de maîtrise niveau 2 après le 07 juin 2016,

' Dire que Mme X détient en conséquence les créances de rappel de salaires suivantes :

—  1.580,46 ' de mai 2014 au 07 juin 2016,

—  158,04 ' au titre des congés payés afférents,

—  673,67 ' du 07 juin 2016 au 26 novembre 2016,

—  67,36 ' au titre des congés payés afférents,

—  970,90 ' du 27 novembre 2016 au 1er février 2017,

—  97,09 ' au titre des congés payés afférents,

' Ordonner l’inscription au passif de la procédure collective de la société CAMAIEU de ces créances,

' Fixer la créance de Mme X sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à 3.000 ' et en ordonner l’inscription au passif de la procédure collective de la société CAMAIEU,

' Ordonner également l’inscription au passif de cette procédure collective, des entiers dépens et notamment des frais de signification d’assignation en intervention forcée, à défaut d’intervention volontaire des organes de la procédure,

' Dire l’arrêt à intervenir commun et opposable à l’AGS – CGEA,

' Débouter tout contestant de toutes demandes fins et conclusions.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 7 septembre 2021, suivant lesquelles les sociétés MJV et MJS ès qualités de mandataires liquidateurs de la société CAMAIEU demandent à la cour de :

' Dire bien jugé, mal appelé,

' Confirmer en tous points le jugement entrepris,

' Dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

' Débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

' Dire que la classification de Mme X aux fonctions de seconde de magasin statut employé est conforme à l’accord collectif d’entreprise,

' La débouter de ses demandes de :

— rappel de salaire et congés payés afférents,

— paiement du préavis et des congés payés sur préavis,

— dommages-intérêts pour licenciement intervenu dans des circonstances vexatoires,

' La condamner au paiement d’une somme de 2.000 ' sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

' La condamner aux entiers frais et dépens de l’instance.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 8 septembre 2021, suivant lesquelles le CGEA de Lille demande à la cour de :

' Confirmer le jugement entrepris,

' Débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes,

En toute hypothèse,

' Débouter Mme X de toutes ses demandes qui seraient dirigées à l’encontre de l’AGS,

' Décerner acte à l’AGS de ce qu’elle ne consentira d’avance au mandataire judiciaire que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail,

' Dire que l’indemnité éventuellement allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’a pas la nature de créance salariale,

' Dire que l’AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants du code du travail,

' Dépens comme de droit.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 9 septembre 2021.

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

* * *

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la classification de Mme X sur la période du 23 mai 2011 jusqu’au 7 juin 2016

Pour infirmation, Mme X soutient qu’elle exécutait des fonctions relevant du niveau agent de maîtrise catégorie C et demande un rappel de salaire à ce titre. Elle explique qu’un poste de seconde se limite aux fonctions de vente alors qu’elle était en charge de travaux administratifs, de

management, d’animation et de contrôle des collaborateurs.

Pour confirmation, les sociétés MJV et MJS font valoir que depuis le 23 mai 2011, Mme X occupait le poste de seconde de magasin. Elles ajoutent que la société CAMAIEU dispose d’un avenant à l’accord collectif sur les classifications des employés signé le 20 novembre 2007 lequel se substitue à l’application de la convention collective des maisons à succursales de détail d’habillement. Elles expliquent que l’examen de cet accord collectif démontre que les secondes de magasin disposent du statut employé.

Pour confirmation, l’AGS conteste l’argumentaire de Mme X en ce qu’il appartient au salarié qui sollicite un rappel de salaire au titre de la classification de prouver qu’il exerçait des fonctions correspondant au classement revendiqué.

Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.

En l’espèce, il est constant qu’à compter du 23 mai 2011, Mme X a été nommée seconde du Magasin NANTES – REZE, statut employée niveau 4 échelon 1 à temps complet.

Il est tout aussi constant que la société CAMAIEU dispose d’un avenant à l’accord collectif sur les classifications des employés signé le 20 novembre 2007 (pièces n°7 et 8 des intimées) aux termes duquel celui-ci plus favorable, vient se substituer à l’application de la convention collective des maisons à succursales de détail d’habillement.

L’examen de l’avenant à l’accord relatif aux classifications professionnelles des employés applicable au sein de la société CAMAIEU démontre qu’il est attribué un statut Employé pour les Secondes de magasin, avec un Niveau 4 et des échelons de 1 à 4.

D’autres bulletins de paie que ceux de Mme X, versés au débat (pièce n°11 des intimées), font apparaître que d’autres employées ayant la fonction de Seconde de magasin ont également une classification Employée.

Mme X ne verse pas d’éléments contraires en ce que la classification opérée par la société et apparaissant sur ses bulletins de paie (pièce n°21) au dernier état de la relation contractuelle de Seconde de magasin est celle d’Employée niveau 4 échelon 3.

Le jugement du conseil de prud’hommes est donc confirmé en ce qu’il l’a déboutée de cette demande.

***

Sur la classification de Mme X sur la période du 7 juin 2016 jusqu’au 26 novembre 2016

Pour infirmation, Mme X soutient qu’elle exécutait des fonctions de responsable de magasin relevant du niveau agent de maîtrise niveau 2 et demande un rappel de salaire à ce titre.

Pour confirmation, les sociétés MJV et MJS suivie en cela par l’AGS rétorquent que sur la période du 7 juin 2016 jusqu’au 26 novembre 2016, si Mme X était bien responsable de magasin c’était uniquement un remplacement temporaire lié à une absence pour maladie de la responsable de magasin.

Il sera rappelé que les fonctions réellement exercées, qui sont prises en compte pour déterminer la qualification d’un salarié, sont celles qui correspondent à son activité principale, et non celles qui

sont exercées à titre accessoire ou occasionnel.

En l’espèce, si les parties conviennent que Mme X a remplacé la responsable de magasin Mme Z à compter du 07 juin 2016, il n’en demeure pas moins que ce remplacement était temporaire puisque liée à une absence pour maladie de cette dernière. De plus, il sera relevé que la définition de poste de Seconde de magasin prévoit expressément la possibilité d’effectuer un remplacement (article IV- Activités complémentaires).

Mme X est déboutée de sa demande de voir juger qu’elle exerçait des fonctions de responsable de magasin du 7 juin 2016 au 26 novembre 2016 et de sa demande en paiement d’un rappel de salaire à ce titre, s’agissant d’une mission temporaire de remplacement.

Le jugement du conseil de prud’hommes est confirmé de ces chefs.

Sur la rupture du contrat de travail

Pour infirmation à ce titre, Mme X soutient essentiellement que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs qu’il est intervenu verbalement le 26 novembre 2016 et que sa mutation au magasin de Nantes ATLANTIS n’aurait eu pour seul but que de provoquer son licenciement notifié par écrit le 29 novembre 2016. Elle soutient également que la clause de mobilité figurant à son contrat de travail aurait été mise en 'uvre de façon déloyale dans le seul but de l’évincer.

Pour confirmation de la cause réelle et sérieuse du licenciement, les sociétés MJV et MJS agissant es-qualités rétorquent que la société CAMAIEU a respecté les dispositions contractuelles concernant la clause de mobilité tant sur la forme, que sur le fond ; que Mme X a fait l’objet d’une précédente mutation, qui n’était ni une sanction ni une rétrogradation et qu’elle n’occupait pas le poste de responsable de magasin.

L’AGS expose que l’entretien préalable a eu lieu le 25 novembre 2016 et que l’employeur avait demandé à Mme X de se rendre à partir du 28 novembre 2016 au magasin de NANTES ATLANTIS ; qu’il n’était donc pas anormal qu’il demande à Mme X de restituer les clés du magasin de NANTES REZE. Il ajoute que la clause de mobilité a été respectée en ce qu’il s’agit d’un changement de lieu de travail nécessité par les intérêts de fonctionnement dans les magasins, dans un rayon de 30 kilomètres autour de son magasin d’affectation.

Sur le licenciement verbal

Selon l’article L.1232-6 du code du travail, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.

La rupture du contrat de travail se situe à la date où l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, c’est-à-dire au jour de l’envoi de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la rupture.

Il incombe au salarié qui invoque un licenciement verbal d’en rapporter la preuve. Il appartient donc au salarié d’établir la réalité d’un licenciement verbal antérieur à l’envoi de la lettre de licenciement.

La salarié a été convoquée le 14 novembre 2016 à un entretien préalable de licenciement fixé au 25 novembre 2016 suivant.

Il ne ressort pas des pièces versées aux débats par la salariée, notamment de l’échange de SMS entre Mme X et une collègue (pièce°20) et du planning (pièce n°19), qui ne font état que de congés que l’employeur a informé la salariée ou des tiers qu’elle était licenciée.

De même, Mme X n’établit pas que le jour de l’entretien préalable soit le 25 novembre 2016, la responsable régionale l’ait contrainte à signer un bon 'de demande de congé’ (pièce n°9).

Le seul fait que l’employeur ait demandé le samedi 26 novembre 2016 à Mme X de lui remettre ses clés et tous ses matériels de travail, de vider son casier ainsi que de procéder à un contrôle du coffre contradictoire pour établir qu’elle n’avait rien dérobé, est justifié par le fait que Mme X n’avait plus vocation à se rendre sur son lieu de travail à REZE en raison de sa mutation au magasin de NANTES ATLANTIS à compter du 28 novembre 2016 et ce, malgré les deux refus de mutation exprimés par Mme X dans un courrier daté du 9 novembre 2016 et lors de l’entretien préalable du 25 novembre 2016.

Ces éléments ne constituent pas la preuve que l’employeur avait dès ce moment pris la décision de la licencier. Cette simple demande, légitime en raison de la nouvelle affectation de la salariée, ne peut s’analyser en un licenciement verbal.

Le moyen tiré d’un licenciement verbal n’est pas fondé. Le jugement du conseil des prud’hommes sera confirmé de ce chef.

Sur la cause réelle et sérieuse

Par application de l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En l’espèce, la lettre du licenciement datée du 29 novembre 2016 (pièce n°6 de l’employeur), qui fixe les termes du litige, est ainsi motivée :

« Dans le cadre de notre pouvoir de direction et suite à notre entretien du 27 octobre 2016, nous vous avons confirmé, par un courrier remis en main propre le même jour, votre mutation sur le magasin CAMAIEU Nantes Atlantis n°238 à compter du 28 novembre 2016, compte tenu des impératifs d’organisation au niveau de la région et dans l’intérêt de l’entreprise.

Or, en dépit de la clause de mobilité inscrite dans votre contrat de travail et par conséquent à laquelle vous avez adhéré, vous avez refusé cette mutation. En effet, vous nous avez adressé un courrier daté du 9 novembre 2016, qui précisait que vous refusiez cette mutation. Au cours de l’entretien du 25 novembre dernier, vous avez maintenu votre refus de mutation.

Toutefois, nous vous rappelons qu’en vertu de notre pouvoir de direction, cette mutation s’impose à vous et ne nécessitait pas d’accord de votre part pour être effective. Ainsi, votre mutation s’effectuant dans le cadre d’un même secteur géographique et de votre clause de mobilité, elle ne constitue qu’un simple changement de vos conditions de travail auquel nous avons procédé dans le cadre de notre pouvoir de direction.

Vous ne pouviez donc refuser ce changement d’affectation sans contrevenir à vos obligations vis-à-vis de l’entreprise.

En conséquence, le lieu de travail n’étant pas considéré comme un élément essentiel du contrat de travail, votre refus d’un tel changement constitue un manquement aux obligations contractuelles.

Nous sommes donc aujourd’hui contraints de tirer les conséquences qui s’imposent de votre refus de collaboration et de prononcer votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. »

Il est constant que le contrat de travail initial signé le 12 février 2007 et l’avenant signé le 20 mai 2011 au moment de la promotion de Mme X comportaient en son article 5 une clause de mobilité géographique, ainsi rédigée :

'Compte tenu de la nature de la fonction et de l’implantation nationale de l’entreprise, les parties conviennent expressément de ne pas considérer le lieu de travail comme un élément essentiel du contrat de travail. Par conséquent, X C prend l’engagement d’accepter tout changement de lieu de travail nécessité par des intérêts de fonctionnement de l’entreprise ou de gestion des magasins concernés dans un rayon de 30 km autour de son magasin d’affectation. Toute mutation dans un autre lieu de travail fera l’objet d’un délai de prévenance de 30 jours minimum'.

Cette clause de mobilité limitée géographiquement, dont l’existence est inhérente à la spécificité de l’activité de la société CAMAIEU qui dispose de plusieurs magasins dans un périmètre restreint et qui avait été acceptée sans réserve par Mme X à la signature de son contrat de travail est parfaitement licite. Du reste, Mme X ne remet pas en cause la validité de cette clause de mobilité.

La société CAMAIEU en a fait un usage loyal et de bonne foi puisqu’elle a avisé la salariée que compte tenu des impératifs d’organisation au niveau de la région, elle était mutée sur le magasin de NANTES ATLANTES, observant un délai de prévenance d’un mois.

Dans les conditions ci-dessus rappelées, la société CAMAIEU était tout à fait fondée à notifier à Mme X, sa nouvelle affection pour le 28 novembre 2016.

La bonne foi contractuelle étant présumée, pour contester une telle décision de l’employeur, il revenait à Mme X de démontrer que cette décision a été, en réalité, prise pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise ou qu’elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.

Celle-ci produit une attestation de Mme A qui 'atteste que lors d’une conversation avec la vendeuse Cochetteau Philippine, celle-ci ma avancée que Mme H I (…) « je savais que C X refuserait la mutation sur le magasin sur ATLANTIS et que c’est pour ça que ça été fait »'.

Cette attestation n’objective pas la situation dès lors que Mme A ne fait que rapporter des propos très indirects en ce qu’elle relate une discussion ayant lieu entre une vendeuse et sa responsable de magasin.

De même, pour justifier que la décision de mutation sur le magasin de NANTES ATLANTIS était sans rapport avec les besoins de l’entreprise, Mme X soutient dans ses écritures que la 'responsable du point de vente d’ATLANTIS a reçu l’information de cette mutation le 28 octobre 2016, soit le lendemain de l’annonce qui en a été faite à la salariée', le 27 octobre 2016.

Or, contrairement à ce qui est soutenu, Mme B, responsable du magasin de NANTES ATLANTIS, atteste que c’est le 25 octobre 2016 (pièce n°9 de l’employeur), que la directrice régionale de CAMAIEU lui a proposé de muter Mme X sur le magasin de NANTES ATLANTIS.

A cet égard, les éléments versés aux débats par la salariée ne permettent pas de vérifier que la mise en oeuvre de la clause de mobilité aurait entraîné une modification du statut de la salariée ainsi qu’une rétrogradation. En effet, si Mme X a occupé un poste de responsable de magasin du 07 juin 2016 au 26 novembre 2016, il s’agissait uniquement d’un remplacement temporaire. Par sa mutation au magasin de NANTES ATLANTIS, Mme X aurait continué à occuper un poste de seconde de magasin, statut employé, avec la même rémunération, que celui qu’elle occupait au

magasin de REZE avant le remplacement temporaire effectué en qualité de responsable de magasin.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il n’est pas établi par la salariée, d’une part, que la mutation envisagée s’accompagnait d’une modification de son contrat de travail, d’autre part, que la mise en oeuvre de la clause de mobilité était dictée par des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise ou dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.

En conséquence, Mme X a commis un manquement à ses obligations contractuelles en refusant une mobilité sur le site de NANTES ATLANTIS. Le licenciement est ainsi fondé sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé sur ce point.

Sur les circonstances vexatoires du licenciement

Compte tenu des développements qui précèdent concernant les circonstances dans lesquelles a été engagée la procédure de licenciement de Mme X et dans lesquelles le licenciement est intervenu, il n’est rapporté aucun élément susceptible de leur conférer un caractère vexatoire.

Il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement de ce chef et de débouter Mme X de la demande formulée à ce titre.

Sur l’indemnité de préavis

Pour infirmation à ce titre, Mme X sollicite le paiement de deux mois de salaire correspondant au préavis de deux mois en ce qu’elle n’a pas effectué de préavis à la demande de l’employeur. De son côté, l’employeur demande la confirmation du jugement en ce que Mme X n’a pas été dispensée de préavis dès lors qu’il lui a été demandé dans la lettre de licenciement d’effectuer son préavis au sein du magasin d’affectation NANTES ATLANTIS.

En l’espèce, il ressort de la lettre de licenciement du 29 novembre 2016 que l’employeur a indiqué à Mme X : 'vous sortirez de nos effectifs au terme de votre préavis d’une durée de deux mois qui débutera dès la première présentation de cette lettre. Nous vous précisons que le préavis sera effectué sur votre nouveau magasin d’affectation Nantes Atlantis'.

Il ressort donc de cette lettre que l’employeur a imposé à Mme X d’exécuter son préavis sur son nouveau site de travail.

L’attestation Pôle Emploi, qui mentionne le dernier jour travaillé à la date du 26 novembre 2016 (pièce n°10 de la salariée), est insuffisante à établir une dispense de préavis dès lors que la lettre de licenciement adressée à Mme X est sans équivoque sur l’exécution du préavis et que celle-ci ne rapporte pas suffisamment la preuve qu’elle ait été contrainte à prendre des congés payés à compter du 28 novembre 2016. En effet, l’échange de SMS entre Mme X et Mme A (pièce n°20 de la salariée) tout comme le planning du 28 novembre 2016 au 10 décembre 2016 (pièce n°19 de la salariée) ne font aucunement état ou allusion à une quelconque contrainte.

Il s’ensuit que Mme X, en refusant de se plier à l’exécution de son préavis, perd son droit à indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés afférents.

Le jugement du conseil des prud’hommes sera confirmé sur ce point.

Sur les frais et les dépens

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile, de sorte qu’elles doivent être déboutées

de leur demande formulée à ce titre.

Les dépens de première instance et d’appel sont à la charge de Mme X, partie succombante.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement du conseil des prud’hommes de Nantes du 15 novembre 2018 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne Mme X aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

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Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 5 novembre 2021, n° 18/08186