Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 19 avril 2017, n° 15/03002

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE RIOM Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 19 Avril 2017

RG N° : 15/03002

FR

Arrêt rendu le dix neuf Avril deux mille dix sept

Sur APPEL d’une décision rendue le 14 octobre 2015 par le Tribunal de grande instance de CLERMONT-FERRAND (RG n°14/1347 ch1 cab1)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. François X, Président

M. Philippe JUILLARD, Conseiller

M. François KHEITMI, Conseiller

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. A Y

XXX

XXX

Représentant : Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

M. B Z

XXX

XXX

Non représenté – assigné le 05 janvier 2016 selon procès-verbal de difficultés de l’article 659 du Code de procédure civile

La société C D METROPOLE (C) SA, immatriculée au RCS de D sous le numéro 319 633 749

XXX

XXX

Représentants : la SELARL TOURNAIRE – MEUNIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et la SELARL CDS CONSEIL, avocat au barreau de LIMOGES (avocat plaidant)

INTIMÉS

DEBATS : A l’audience publique du 02 Mars 2017 Monsieur X a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 19 Avril 2017.

ARRET :

Prononcé publiquement le 19 Avril 2017, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. François X, Président, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige :

Le 18 septembre 2010 M. A Y a validé une grille du jeu « loto foot » sur laquelle il a pronostiqué les résultats de 14 matchs de football.

A l’issue des rencontres, il s’est avéré que seul le résultat officiel du match ayant opposé le 19 septembre 2010 le club le « C D » au club « l’AJ d’AUXERRE » n’avait pas été pronostiqué avec succès ; M. Y avait parié sur un match nul, alors que le score de cette rencontre, tel qu’officialisé par les instances sportives et repris par la SAEM la Française des jeux, a été de un but à zéro en faveur du club lillois.

Pour avoir correctement pronostiqué le résultat de 13 des 14 rencontres, M. Y a perçu à titre de gain la somme de 5 538,30 euros.

Estimant que le résultat officiel de cette rencontre avait été faussé par la prise en compte du but lillois inscrit en position de hors-jeu à la fin du match, M. Y a, par acte d’huissier de justice du 18 mars 2014, fait assigner le joueur auteur du but, M. B Z, ainsi que la SA C DE D en sa qualité de club employeur, devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand afin d’obtenir, au visa des articles 1382 et 1384 du code civil, leur condamnation in solidum à lui payer la somme de 1 494 441,70 euros correspondant selon lui au gain manqué, soit 1 500 000 euros déduction faite du gain effectivement perçu.

Suivant jugement rendu le 14 octobre 2015, cette juridiction a :

— déclaré l’action en responsabilité engagée par M. Y à l’encontre du C D et de M. Z mal fondée ;

— débouté M. Y de ses demandes de dommages et intérêts dirigés contre eux ; – débouté le C D de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

— condamné M. Y à payer au C D la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné le même aux dépens dont distraction au profit de la SELARL TOURNAIRE & associés sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 20 novembre 2015, M. A Y a interjeté appel total de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 26 décembre 2016 au moyen de la communication électronique il demande à la cour au visa des articles 1240 et suivants et 1242 et suivants du code civil (nouveau), de :

— dire et juger recevables et bien fondées ses demandes ;

— condamner la SA C D, prise en la personne de son représentant légal, in solidum avec M. Z à lui payer la somme de 369 441,70 euros à titre de dommages et intérêts ;

— condamner la SA C D, prise en la personne de son représentant légal, in solidum avec M. Z à lui payer la somme de 80 937,86 euros, à parfaire, au titre des intérêts ;

— condamner la SA C D, in solidum, avec M. Z, à lui payer et porter la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la SA C, in solidum avec Monsieur B Z, aux entiers dépens, dont distraction au bénéfice de Maître LACQUIT.

Au soutien de ses prétentions, il indique produire un constat d’huissier de justice démontrant que M. Z, qui inscrit le but vainqueur, se trouve en position de hors-jeu mais aussi participe au jeu puisqu’il est le buteur, conformément à la définition donnée par la règle du jeu n° 11.

Il précise agir à l’encontre de la société C D, groupement sportif, employeur de M. Z, responsable du fait de ses membres sur le fondement de l’article 1242 al. 1er du code civil en cas de faute caractérisée d’un de ses membres résultant d’une violation des règles du jeu et excédant les risques normaux de la compétition.

Il indique que, par ailleurs, le lien de préposition entre les clubs sportifs et leurs joueurs est reconnu et ne soulève pas de contestation.

S’agissant de la responsabilité du joueur, il indique que dans les relations entre celui-ci et les tiers, la faute civile est appréciée librement par le juge, non tenu des qualifications des faits auxquelles ont procédé les arbitres sportifs et il considère, qu’en l’espèce, cette faute est constituée dans la mesure où il est incontestable que M. Z, qui prenait une part active au jeu, a commis une faute intentionnelle résultant de la volonté de tirer profit d’une situation de hors-jeu ; l’appréciation du caractère fautif de ce comportement ne dépendant aucunement de l’appréciation exclusive de l’arbitre, contrairement à ce qui a été reconnu par le premier juge.

Il conteste également la motivation des premiers juges en ce qu’ils ont retenu qu’en raison de la rapidité du jeu, M. Z n’avait pas conscience d’être hors-jeu et il indique, à cet égard, qu’un joueur professionnel sait s’il se trouve ou non en position de hors-jeu, même dans le feu de l’action et, qu’au surplus, le hors-jeu d’espèce était tel que le joueur ne pouvait pas ne pas en avoir conscience. En conséquence, il estime que la faute du joueur est caractérisée et de nature à engager la responsabilité du joueur et celle de son commettant, le club sportif.

S’agissant de l’évaluation de son dommage, il expose qu’il figurait parmi les quatre parieurs gagnants si le match s’était conclu par un résultat nul et que, dès lors, il est fondé à solliciter que son préjudice soit fixé à 375 000 euros majoré des intérêts. Il considère, par ailleurs, que ce préjudice est certain, ne pouvant être sérieusement contesté par l’éventuel aléa d’un but de dernière minute puisque les statistiques montrent que de tels buts sont extrêmement rares.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 11 janvier 2017 au moyen de la communication électronique, la SA C D MÉTROPOLE, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1382 et suivants du code civil, de :

au principal,

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

— dire et juger tant irrecevable que mal fondé M. Y en l’ensemble de ses demandes ;

— la déclarer en conséquence hors de cause ;

subsidiairement,

— réduire les prétentions de M. Y quant au mode de calcul de la somme à titre de dommages et intérêts à laquelle il prétend ;

en tout état de cause,

— condamner M. Y aux entiers dépens, dont distraction au bénéfice de la SELARL TOURNAIRE & associés, avocat, et à lui payer une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient, au principal, que l’action est mal dirigée en ce que la cause du prétendu dommage relève d’une décision de l’arbitre et relèverait donc d’une erreur d’arbitrage et non directement d’un fait du joueur.

Elle prétend que la règle du jeu n° 11 précise qu’un hors-jeu d’un joueur de football ne constitue par une faute en soit, ne dépend pas de la seule position et de la seule action d’un joueur mais de celles, à un instant donné, de la position des joueurs de l’équipe adverse et du joueur en cause et qu’un hors-jeu n’est illicite que si de l’avis de l’arbitre, qui se prononce concomitamment à l’action, le joueur a tiré avantage de sa position en prenant une part active au jeu. Aussi, toujours en application de cette règle, le caractère fautif de ce hors-jeu relève de la compétence exclusive de l’arbitre qui dispose du pouvoir souverain d’admettre ou de refuser un but.

Elle considère, en conséquence, que celui qui se prévaut d’un but validé alors que le joueur était en position de hors-jeu se prévaut nécessairement d’une erreur d’arbitrage, ce qui est le cas de l’appelant, dont l’action ne vise qu’à remettre en cause une décision d’arbitrage sportif à caractère souverain qui, en outre, présente un caractère définitif à l’égard du parieur en application du règlement de la SAEM la Française des jeux.

Elle ajoute que le constat d’huissier invoqué rapportant les déclarations de presse faites à l’issue du match montre l’incertitude partagée par les différents acteurs de la rencontre de la réalité du fait de jeu invoqué. Elle indique qu’aucune contestation ni réclamation n’a été faite par le club adverse comme en atteste la feuille de match. Et elle soutient, en conséquence, que d’une part, la réalité matérielle de la position de hors-jeu n’est pas établie avec certitude et qu’en toute hypothèse, le soi-disant préjudice subi par le demandeur résulte d’une décision d’arbitrage et non du fait du joueur et que, par suite, l’action de l’appelant est mal dirigée.

Subsidiairement, elle indique que sa responsabilité du commettant ne peut être engagée que si le fait de jeu imputable au joueur préposé peut être qualifié de faute civile au sens des articles 1382 et suivants du code civil (aujourd’hui 1240 et suivants du code civil). Et, à cet égard, elle soutient que le fait de jeu doit présenter les caractères d’une faute caractérisée par la violation des règles de jeu, impliquant un comportement présentant un certain degré de gravité pour constituer une faute civile.

M. B Z, qui a reçu signification de la déclaration d’appel à son dernier domicile connu, dans les formes prescrites par l’article 659 du code de procédure civile, n’a pas constitué avocat.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leur argumentation.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 janvier 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

En application des dispositions de l’article 474 du code de procédure civile, le présent arrêt sera rendu par défaut.

Si la société C D, invoquant l’existence d’une erreur d’arbitrage soutient que l’action de M. Y est mal dirigée, il n’en demeure pas moins que M. Y est recevable à rechercher la responsabilité de l’association sportive et de M. Z à la condition de démontrer l’existence d’une faute civile, de son dommage et du lien de causalité qui les lie.

S’agissant de la faute, seule la violation grave, délibérée ou caractérisée des règles du jeu constitue une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur ou de l’association qui est son employeur et l’infraction aux lois du sport ne réside pas dans la transgression de simples règles techniques organisant le déroulement du jeu, telles que celles régissant le hors-jeu dans un sport collectif comme le football mais de celles destinées, en particulier, à préserver la sécurité et l’intégrité corporelle des pratiquants ou encore la parfaite loyauté de l’affrontement sportif.

Ainsi, même si les images du déroulement de la rencontre produites par M. Y tendent à démonter que M. Z se trouvait effectivement hors-jeu lorsqu’il a inscrit le but litigieux, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la rapidité qui caractérise les actions menées au football de même que le rôle conféré à tout joueur qui, recevant le ballon et se trouvant en position offensive, se doit de réagir immédiatement dans le cadre de l’action de jeu, mettent obstacle à ce qu’une telle action puisse recevoir la qualification d’une faute civile génératrice de responsabilité. Dès lors, le score de la rencontre fût-il l’enjeu d’un pari sportif, la simple transgression de la règle sportive, survenue dans le cours du jeu et non contre le jeu ne saurait, à elle seule, constituer une faute civile de nature à fonder l’action en responsabilité engagée par un parieur mécontent.

Dès lors, sans qu’il soit nécessaire de se livrer à l’examen des autres moyens proposés par les parties, le jugement déféré doit être confirmé.

M. Y, qui succombe en son appel, supportera la charge des dépens dont la distraction sera ordonnée au bénéfice de la SELARL TOURNAIRE & associés, avocat et sera condamné à payer à la société C D, une indemnité complémentaire de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS : La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt de défaut et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme le jugement déféré ;

Condamne M. A Y aux dépens d’appel et à payer à la SA C D MÉTROPOLE une indemnité complémentaire de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Accorde à la SELARL TOURNAIRE & associés, avocat, le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont elle aura fait l’avance sans en avoir reçu provision.

Le Greffier, Le Président,

C. VIAL F. X



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Textes cités dans la décision

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