Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 16 janvier 2019, n° 17/01185

  • Médicaments·
  • Causalité·
  • Lien·
  • Diabète·
  • Sociétés·
  • Traitement·
  • Communication électronique·
  • Expertise judiciaire·
  • Expert judiciaire·
  • Électronique

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Riom, ch. com., 16 janv. 2019, n° 17/01185
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 17/01185
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, 3 avril 2017, N° 13/01159
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 16 Janvier 2019

RG 17/01185 – N° Portalis DBVU-V-B7B-EY5K

FR

Arrêt rendu le seize Janvier deux mille dix neuf

Sur APPEL d’une décision rendue le 4 avril 2017 par le Tribunal de grande instance de CLERMONT-FERRAND (RG n° 13/01159 ch1 cab1)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. François RIFFAUD, Président

M. François KHEITMI, Conseiller

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

Mme A B épouse X

[…]

[…]

Représentant : Me Patrick ROESCH de la SELARL JURIDOME, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/003854 du 13/07/2017 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

APPELANTE

ET :

La société LES LABORATOIRES SERVIER

SAS immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 085 480 796 00151

[…]

[…]

Représentants : la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et LLP SIMMONS & SIMMONS, avocat au barreau de PARIS (plaidant)

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DÔME

[…]

63031 CLERMONT-FERRAND

Représentant : la SCP Z-BAFFELEUF-BLANCHET, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉES

DEBATS : A l’audience publique du 14 Novembre 2018 Monsieur RIFFAUD a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 16 Janvier 2019.

ARRET :

Prononcé publiquement le 16 Janvier 2019, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. François RIFFAUD, Président, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige :

Par actes d’huissier de justice délivrés le 12 mars 2013, Mme A C veuve X a fait assigner la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme et la SAS LES LABORATOIRES SERVIER (la société SERVIER) devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand pour y poursuivre la responsabilité de ce laboratoire pharmaceutique et obtenir réparation de son préjudice.

Elle exposait que, née en 1939, elle a, entre 1989 et décembre 2006, été traitée pour un diabète de type 2 par le médicament Médiator produit et mis en circulation par la société SERVIER, et qu’elle a présenté, par la suite, une valvulopathie pour laquelle le professeur E F-G, expert désigné par le juge des référés, a conclu, le 21 janvier 2013, à un « lien de causalité plausible ».

Suivant un jugement rendu le 4 avril 2017, le tribunal de grande instance a débouté Mme X et la CPAM de l’intégralité de leurs demandes. Il a notamment considéré qu’il ressortait du rapport d’expertise judiciaire que le médicament Médiator n’était pas la cause directe et certaine de la survenue de la pathologie présentée par Mme X.

Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour le 10 mai 2017, Mme X a interjeté appel général de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées et remises au greffe le 14 juin 2017 au moyen de la communication électronique, Mme X, demande à la cour, au visa des articles 1240 et 1241 du code civil, de la directive CEE n° 85/374 du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux et du rapport d’expertise médicale, de :

- dire que la société SERVIER engage sa responsabilité civile à son encontre ;

— condamner la société SERVIER à lui payer les sommes de :

* 7 200 euros pour l’indemnisation de son préjudice fonctionnel permanent ;

* 30 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice d’anxiété ;

* 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Elle soutient que c’est à tort que la société SERVIER conteste son exposition aux effets du médicament litigieux et elle prétend que, de 1989 à 2006, elle a suivi un traitement de Médiator pour un diabète de type II lié à une surcharge pondérale, ce qui est attesté par les docteurs ROZANT et Z et non remis en cause par l’expertise médicale.

Elle ajoute, qu’il ressort des pièces médicales qu’elle présente une valvulopathie avec insuffisance aortique de stade II, diagnostiquée en 2001, ce qui n’est remis en cause ni par les laboratoires SERVIER, ni par l’expert.

S’agissant du lien de causalité entre l’administration de Médiator et les troubles, elle indique que l’expert a conclu à un lien de causalité plausible et souligne qu’en matière médicale les certitudes ne peuvent exister et que seules la possibilité ou l’exclusion d’un lien de causalité sont susceptibles être retenus, l’expert n’ayant, en l’espèce, pas exclu ce lien mais, au contraire, établi, en confirmant sa plausibilité.

Par ailleurs, si la société SERVIER se fonde sur les conclusions de l’AFSSAPS pour contester cette causalité, Mme X entend remettre en cause ces conclusions dans la mesure où elle estime que cette entité constitue une émanation des laboratoires pharmaceutiques. Elle ajoute que ses troubles ne sont pas dus à un état antérieur, aucune lésion de ce type n’ayant été décelée avant la prise du Médiator. Elle avance que ce médicament a précisément été retiré du marché suite à l’observation de cas d’atteintes valvulaires cardiaques.

S’agissant de son préjudice, elle fait valoir, se fondant sur l’expertise judiciaire, qu’elle souffre d’un déficit fonctionnel permanent de 6 % et que ce taux ne saurait être diminué puisque la causalité entre les troubles et la prise du médicament est établie. Elle estime également avoir subi un préjudice d’anxiété liée à l’annonce des effets du Médiator, lequel a été retenu par l’expert judiciaire.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 11 août 2017 au moyen de la communication électronique, la CPAM du Puy-de-Dôme, qui forme appel incident, demande à la cour de réformer la décision entreprise et de :

— constater que sa créance définitive s’élève à la somme de 2 148,63 euros ;

— constater qu’en vertu des dispositions de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, l’indemnité forfaitaire s’élève à la somme de 716,21 euros ;

— condamner la société SERVIER à lui porter ces sommes augmentées des intérêts au taux légal à compter de la de la décision à intervenir ;

— condamner la même aux entiers dépens et à lui verser une indemnité de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Elle s’associe à l’argumentation développée par Mme X et insiste sur le fait que depuis 2003, plusieurs publications ont suggéré que les patients traités par le benfluorex (principe actif du

Médiator) pouvaient avoir un risque augmenté de valvulopathie restrictive et que, c’est dans ce contexte, que les autorités français ont suspendu la commercialisation de cette molécule le 24 novembre 2009 et les autorités européennes le 14 juin 2010.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées et remises au greffe le 27 juin 2018 au moyen de la communication électronique, la société LES LABORATOIRES SERVIER, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1240 et 1241 du code civil, et de la directive 85/374 du 25 juillet 1985, de :

au principal,

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

— faire application de l’article 1245-10 du code civil ;

— constater que l’état des connaissances scientifiques, au moment où la société SERVIER a mis le médicament Médiator en circulation, ne lui permettait pas de déceler l’existence d’un défaut de produit ;

— rejeter en conséquence les demandes indemnitaires formées contre la société, tant par Mme X que par la CPAM ;

subsidiairement,

— réduire à plus juste proportion les prétentions indemnitaires de Mme X, lesquelles ne sauraient excéder 3 000 euros ;

— fixer la créance de la CPAM à hauteur de 355,61 euros, outre une indemnité forfaitaire de gestion de 118,54 euros, soit un total de 474,15 euros ;

En tout état de cause,

— débouter Mme X et la CPAM de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner Mme X aux dépens.

La société SERVIER soutient qu’aucune faute ou défaut du médicament n’est caractérisé, pas plus que les autres éléments de nature à fonder une action en responsabilité.

Pour elle, aucune pièce du dossier ne permet de fixer avec certitude la date de début du traitement au Médiator suivi par Mme X dans la mesure où il n’existe aucune ordonnance ni preuve de délivrance par une pharmacie. Elle observe que le docteur Y est cardiologue, qu’il est ainsi peu probable qu’il ait été le prescripteur du médicament et, qu’au surplus, il ne connaît la patiente que depuis 2002. Elle ajoute que le docteur Z ne précise pas plus s’il a été le prescripteur. Elle considère, en conséquence, que l’exposition de Mme X au benfluorex n’est pas prouvée de manière certaine.

Elle avance, par ailleurs, que le lien de causalité entre la valvulopathie et l’exposition de Mme X au benfluorex n’est pas établie et qu’une telle pathologie peut également être liée à l’âge, la présence d’un diabète et d’une hypertension artérielle chez le patient, tous éléments ayant été identifiés comme risquant de provoquer l’apparition de pathologies valvulaires. Elle ajoute que cette absence de lien de causalité a été relevée par l’expertise médicale, le médecin-expert ayant conclu que « le Médiator n’est pas la cause directe et certaine de la survenue de la pathologie ».

La société SERVIER invoque, par ailleurs, l’absence d’un défaut du médicament ou de faute prouvée. Et elle soutient, que l’étude des publications scientifiques, de la position des autorités de santé et des rapports d’expertise judiciaire permet d’affirmer que jusqu’à son retrait, le médicament Médiator ne peut, à l’évidence, être considéré comme défectueux. Elle relève encore que pendant toute la durée du traitement de Mme X, la dangerosité du benfluorex, véritablement mise en évidence qu’en 2009 à la suite de nombreuses études, demeurait inconnue de sorte qu’il ne peut lui être reproché de l’avoir mis en vente.

Elle conteste par ailleurs le dommage invoqué dès lors que la valvulopathie aortique n’a pas de retentissement fonctionnel et que l’anxiété alléguée n’est pas médicalement objectivée.

Pour ce qui concerne les réclamations de la CPAM, elle expose que s’il est justifié que Mme X a été placée en affection longue durée, aucun élément ne permet de relier cette affection à son traitement par le Médiator. Elle avance qu’il faut ainsi considérer que la caisse n’a remboursé uniquement que 70 % des actes médicaux réalisés par Mme X en lien avec son traitement par Médiator.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 20 septembre 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le Médiator, commercialisé depuis 1976, ayant été mis sur le marché avant le 30 juillet 1988, date de transposition par la France de la directive CEE n° 85/374 du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité des produits défectueux, c’est à juste titre que Mme X énonce, ce qui a été retenu par le tribunal, que le fondement de son action contre la société SERVIER se trouve dans les dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil devenus 1240 et 1241, nouveaux, du code civil.

Le succès de cette action est donc subordonné à la démonstration d’une faute de la société SERVIER, d’un dommage, et d’un lien de causalité entre cette faute et le dommage.

La société SERVIER considère que la preuve de l’exposition de Mme X au benfluorex n’a pas été suffisamment rapportée.

Néanmoins, le professeur E F-G, qui a été désigné pour procéder à l’expertise judiciaire a retenu que Mme X avait reçu, en présence d’une obésité morbide ancienne et d’un diabète de type II, un traitement au Médiator à raison d’une dose quotidienne de 450 mg (3 comprimés par jour) entre le mois d’août 1989 et le 30 décembre 2004.

Pour ce faire, il s’est fondé sur un certificat établi par le docteur Z le 11 mai 2011.

Ce certificat médical est versé aux débats par Mme X. Le docteur D Z, médecin généraliste, y précise, le 11 mai 2011, être le praticien de la requérante et qu’elle a commencé à prendre du Médiator en août 1989, ce jusqu’en décembre 2004 et non 2006, comme énoncé dans un premier temps. Il y indique encore que la présence d’une valvulopathie avec insuffisance aortique était connue depuis 2001.

Si, comme le souligne la société SERVIER, il n’a pas été produit d’ordonnance, il y a toutefois lieu de considérer que l’attestation du médecin traitant est suffisante pour établir la preuve du traitement.

Il sera donc considéré que la preuve de l’exposition de Mme X au benfluorex est établie. Et il importe, en conséquence, de rechercher s’il existe un lien de causalité entre cette exposition et la pathologie des valves cardiaques présentée par Mme X.

En conclusion de son rapport, le professeur F-G a estimé ce lien plausible selon l’échelle établie par l’AFFSAPS (agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) qui distingue selon que ce lien est : exclu, douteux, plausible, vraisemblable, très vraisemblable, certain.

L’avis du technicien ne se fonde pas sur la prévalence de valvulopathies liées à l’administration de benfluorex telle qu’elle aurait pu être évaluée par l’AFFSAPS, établissement public ayant pour mission l’évaluation des risques sanitaires pouvant être engendrés par l’ensemble des produits de santé, mais seulement sur une gradation de la probabilité du lien entre l’administration du médicament et la pathologie, selon sept niveaux, proposée par cet organisme.

L’avis énoncé par l’expert judiciaire constitue donc le résultat de ses constats, de sorte que les critiques énoncées par Mme X au sujet de l’indépendance de l’AFFSAPS sont dépourvues de rapport avec la question de preuve en litige devant la cour.

Et, page 19 de son rapport, l’expert judiciaire a précisé qu’il ne pouvait estimer le lien de causalité à un degré plus élevé que plausible car l’état valvulaire présenté par Mme X avant l’administration de Médiator était inconnu, la prise de ce médicament a été prolongée, et les lésions constatées n’ont pas eu tendance à s’aggraver à partir de 2001, date de leur découverte et l’arrêt de la prise du médicament.

Encore, l’expert judiciaire, se fondant sur la description actuelle des lésions valvulaires aortiques présentées par Mme X, a considéré qu’elles ne sont pas formellement évocatrices d’un remodelage secondaire à la prise du Médiator.

Sur la base de cette analyse médicale approfondie de la pathologie présentée par Mme X, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que n’était pas rapportée la preuve d’un lien de causalité suffisant entre la prise de benfluorex et la valvulopathie dont souffre l’appelante, laquelle a pu être provoquée par d’autres causes que cette exposition.

Et de même, c’est par des motifs pertinents et que la cour adopte qu’ils ont considéré que la preuve d’une faute de la société SERVIER n’a pas été rapportée.

En conséquence, c’est à bon escient qu’ils ont rejeté les demandes de Mme X et de la CPAM. Leur jugement doit être confirmé.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme le jugement ;

Condamne Mme A X aux dépens qui seront recouvrés conformément aux règles de l’aide juridictionnelle.

Le Greffier, Le Président,

[…]

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 16 janvier 2019, n° 17/01185