Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 19 novembre 2019, n° 17/02343

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Sur la décision

Référence :
CA Riom, ch. soc., 19 nov. 2019, n° 17/02343
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 17/02343
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

19 novembre 2019

Arrêt n°

KV / NB / NS

Dossier n° RG 17/02343 – N° Portalis DBVU-V-B7B-E3YP

S.A.S. COPADEX

/

Z X

Arrêt rendu ce DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF par la QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

Mme Hélène F, Président suppléant

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Nadia D greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

S.A.S. COPADEX

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[…]

[…]

Représentée par Me Antoine PORTAL de la SCP MARTIN-LAISNE DETHOOR-MARTIN PORTAL GALAND, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

M. Z X

Le Bourg

[…]

R e p r é s e n t a n t c o n s t i t u é : M e S o p h i e L A C Q U I T , a v o c a t a u b a r r e a u d e CLERMONT-FERRAND

substituée à l’audience par Me Chloé MAISONNEUVE de la SCP TEILLOT & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉ

Madame VALLEE, Conseiller en son rapport, après avoir entendu, à l’audience publique du 14 octobre 2019, tenue en application de l’article 786 du code de procédure civile, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en a rendu compte à

la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. Z X a été engagé sous contrat à durée indéterminée par la société COPADEX à compter du 2 novembre 2006 en qualité d’attaché commercial itinérant spécialiste agricole région Sud Ouest.

À compter du 9 janvier 2015, il s’est trouvé en arrêt de travail pour raison médicale.

Considérant que son absence prolongée perturbait son organisation commerciale au point de rendre impossible son maintien dans l’effectif de l’entreprise, la société COPADEX, après avoir convoqué M. X à un entretien préalable, lui a notifié son licenciement par lettre du 8 juin 2015.

M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Clermont-Ferrand par requête du 17 novembre 2015, aux fins de voir dire que son licenciement est abusif et vexatoire et obtenir la condamnation de l’employeur au paiement de dommages et intérêts.

Par jugement du 25 septembre 2017 ,le conseil de prud’hommes de Clermont-Ferrand a :

— jugé le licenciement de M. X sans cause réelle et sérieuse ;

— condamné la société COPADEX à payer à M. X:

• la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

• la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté M. X du surplus de ses demandes ;

— dit qu’il n’y a pas lieu a exécution provisoire sauf pour ce qui est de droit ;

— dit qu’il n’y a pas lieu à ordonner le remboursement à Pôle Emploi des indemnités éventuellement versées ;

— dit qu’il n’y a pas lieu à ordonner la remise de nouveaux documents de fin de contrat ;

— condamné la société COPADEX aux dépens.

Par acte du 24 octobre 2017, la société COPADEX a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 26 septembre 2017, l’appel étant limité aux chefs de jugement concernant la cause réelle et sérieuse du licenciement et aux condamnations prononcées à son encontre.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 septembre 2019.

Aux termes de ses dernières écritures du 12 février 2018, la société COPADEX demande à la cour :

— de la dire recevable et bien fondée en son appel ;

— d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :

— a jugé le licenciement de M. X sans cause réelle ni sérieuse ;

— l’a condamnée à payer au salarié les sommes de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— l’a condamnée aux dépens ;

Statuant de nouveau,

— de dire et juger que le licenciement de M. X repose sur une cause réelle et sérieuse ;

— de dire et juger n’y avoir lieu à mettre à sa charge une quelconque condamnation;

— de débouter le salarié de toutes demandes contraires ou plus amples ;

— de condamner M. X, outre aux dépens qui comprendront notamment les frais de signification de la déclaration d’appel et des conclusions d’appelant, à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Aux termes de ses dernières écritures du 5 mai 2018, M. X demande à la cour :

— de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il:

— a condamné la société COPADEX à lui payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

— l’a débouté du surplus de ses demandes ;

— a dit n’y avoir lieu à ordonner le remboursement à Pôle Emploi des indemnités éventuellement versées ;

En conséquence, et statuant à nouveau :

— de condamner la société COPADEX à lui payer :

• la somme de 45.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

• la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— de condamner la société COPADEX à rembourser les indemnités Pôle Emploi qu’il a perçues dans la limite de six mois ;

— de condamner la société COPADEX aux entiers dépens, en ceux compris les éventuels frais de recouvrement forcé, dont distraction au profit de Me Lacquit sur son affirmation de droit.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

— Sur le licenciement :

Si l’article L1132-1 du code du travail fait interdiction à l’employeur de licencier un salarié en raison de son état de santé, ce texte ne s’oppose pas au licenciement qui serait motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement serait perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié, à la condition toutefois que ces perturbations entraînent la nécessité de procéder à son remplacement définitif par l’engagement d’un autre salarié.

Si ces conditions ne sont pas réunies, le salarié peut prétendre à une indemnisation pour avoir fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l’espèce il n’est pas discuté du caractère prolongé de l’absence de M. X pour raison de santé, cette absence ayant perduré de façon ininterrompue durant les cinq mois qui ont précédé la notification au salarié de la mesure de licenciement.

En revanche, M. X conteste le lien de causalité existant entre son absence prolongée et la perturbation au bon fonctionnement de l’entreprise qu’allègue la société COPADEX. Il estime que la désorganisation dont il est fait état par celle-ci procède, non pas de ses arrêts maladie successifs, mais d’une vague de départs de salariés de l’entreprise dans les mois qui ont précédé son licenciement.

Si ces dernières écritures énumèrent en ce sens l’identité de cinq salariés en charge d’ attributions à caractère commercial au sein de l’entreprise, qui auraient rompu leur relation de travail avec la société COPADEX entre le mois de décembre 2014 et le mois de décembre 2015, M. X ne justifie cependant, par les pièces qu’il verse aux débats en cause d’appel, que de la démission, intervenue le 12 février 2016, de M. Y, commercial. La vague de départs qu’il invoque n’apparaît donc pas établie.

En tout état de cause, la charge de la preuve de la perturbation au bon fonctionnement de l’entreprise par l’effet de l’absence prolongée du salarié placé en arrêt maladie incombe à l’employeur. Or il ne suffit pas à celui-ci d’invoquer l’absence de prévisibilité de la durée des absences ou encore la réalité d’une embauche définitive postérieure à la mesure de licenciement pour rapporter cette preuve. Il lui appartient de véritablement démontrer que l’absence prolongée du salarié visé par le licenciement est la cause d’une perturbation avérée au fonctionnement normal de l’entreprise.

La perturbation du fonctionnement de l’entreprise s’apprécie en fonction de la taille de celle-ci, l’absence d’un salarié ne produisant pas les mêmes conséquences selon que l’effectif de l’entreprise est faible ou important, mais aussi au regard des fonctions du salarié, étant admis qu’il est plus difficile de pourvoir au remplacement temporaire d’un employé dont les fonctions sont très spécialisées.

En l’espèce, si le salarié ne remet pas en cause la spécialisation particulière de son emploi et la difficulté subséquente de pourvoir aisément à son remplacement temporaire, de sorte que la réalité de ces circonstances peut être admise, il n’empêche que la société COPADEX ne rapporte pas la preuve suffisante de la perturbation qui aurait été provoquée en son sein par l’absence prolongée de M. X. À ce titre, il doit être rappelé que selon la jurisprudence de la cour de cassation, l’absence du salarié doit produire des effets perceptibles sur le fonctionnement de l’entreprise dans son ensemble, et non pas seulement sur le seul secteur d’activité du salarié ou d’un des services.

La société COPADEX verse aux débats un courriel adressé le 22 avril 2015 par M. B C à M. G-H I, aux termes duquel sont énoncées les mesures palliatives adoptées pour faire face dans l’entreprise à l’absence de M. X, qui à cette date durait depuis un peu plus de trois mois.

La teneur de ce courriel révèle que des aménagements organisationnels ont été rendus nécessaires par cette absence, mais ne suffit pas à établir que celle-ci, malgré sa durée prolongée, entraînait une véritable perturbation au fonctionnement normal de l’entreprise, qui est une condition plus restrictive que celle de la nécessité de mettre en place des mesures simplement palliatives.

Bien qu’elle l’allègue, la société COPADEX ne justifie pas :

— de ce que les salariés désignés pour pourvoir au remplacement de M. X ont effectivement manifesté leur mécontentement vis à vis des solutions mises en place, ni qu’ils ont alerté leur direction sur l’excès de charge de travail que ce remplacement induisait

— des avis de ses clients quant à une dégradation des conditions de fonctionnement du service commercial pendant le temps de ces remplacements

— de la réalité des risques de pertes de contrats et de baisse du chiffre d’affaires sur le secteur de M. X

Il s’ensuit qu’il doit être considéré que l’employeur n’administre pas la preuve dont il a la charge d’une perturbation effective du fonctionnement normal de l’entreprise résultant de l’absence prolongée de M. X.

Le défaut de l’une des conditions nécessaires à la validité d’une mesure de licenciement prise à l’encontre d’un salarié absent pour raison de santé suffit à priver la rupture du contrat de travail décidée par la société COPADEX de cause réelle et sérieuse, et rend superfétatoire l’examen de la nécessité du remplacement définitif de M. X.

Le jugement entrepris sera confirmé sur le caractère mal fondé du licenciement.

Sur l’indemnisation:

Concernant le quantum de l’indemnisation à laquelle peut prétendre M. X, il y a lieu de constater que le licenciement a été prononcé antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, de sorte que les barèmes prévus par ce texte ne sont pas applicables au cas d’espèce.

Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L1235-3 et L1235-5 du code du travail, dans leur version applicable à la cause, qu’en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le montant de l’indemnité due au salarié qui ne fait pas l’objet d’une réintégration et ayant plus de deux ans d’ancienneté, dans une entreprise comptant au moins onze salariés, ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois.

Dans le cadre légal ainsi défini, il appartient au juge d’apprécier souverainement l’étendue du préjudice subi par le salarié du fait de la rupture abusive de son contrat de travail en fonction notamment de son ancienneté dans l’entreprise ,de son âge à la date du licenciement et du niveau de la rémunération qu’il percevait.

M. X, âgé de 55 ans à la date de la rupture du contrat de travail, avait près de 10 ans d’ancienneté au sein de l’entreprise, laquelle comptait plus de 11 salariés.

Au vu de ces éléments factuels, l’indemnité qui lui sera allouée sera fixée , conformément à sa demande , à la somme de 45.000 euros qui respecte la condition de quantum minimal posée par l’article L1235-3 du code du travail.

Par conséquent, il y a lieu d’infirmer le jugement querellé sur le montant de l’indemnité accordée au salarié.

Sur le remboursement des indemnités de chômage versées au salarié :

Les dispositions de l’article L1235-4 du code du travail amènent à infirmer le jugement entrepris sur ce point. L’employeur devra rembourser à l’organisme Pôle Emploi Auvergne les indemnités de chômage susceptibles d’avoir été versées à M. X à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois d’indemnités.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La décision de première instance relative aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile sera confirmée.

En cause d’appel, la société COPADEX qui succombe à la procédure, devra supporter les entiers dépens, dont distraction au profit de Maître LACQUIT, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Cette condamnation s’oppose à ce qu’elle puisse bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il serait en revanche inéquitable de laisser M. X supporter l’intégralité des frais , non compris dans les dépens, qu’il a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts devant la cour . La société COPADEX sera condamnée à lui payer la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement en ce qu’il a :

— dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. X ;

— condamné la société COPADEX à payer à M. X la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;

Infirme le jugement en ce qui concerne le montant de l’indemnité alloué à M. X au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et le remboursement à Pôle Emploi des indemnités éventuellement versées ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société COPADEX à payer à M. X la somme de 45.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

Ordonne le remboursement par l’employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, et dit qu’une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail, (POLE EMPLOI TSA […]) ;

Y ajoutant,

Condamne la société COPADEX à payer à M. X la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société COPADEX à supporter les dépens d’appel, dont distraction au profit de Maître LACQUIT, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président suppléant,

N. D H. F

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