Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 25 mai 2021, n° 17/02086

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Sur la décision

Référence :
CA Riom, ch. soc., 25 mai 2021, n° 17/02086
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 17/02086
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

25 MAI 2021

Arrêt n°

CV/NB/NS

Dossier N° RG 17/02086 – N° Portalis DBVU-V-B7B-E3EL

Me Z SUDRE, représentant la

SELARL SUDRE désigné comme liquidateur par jugement du 7 décembre 2016 de

la SARL DOME CONSTRUCTIONS immatriculée au RCS de CLERMONT

FD sous le n° 428 760 763

/

Y X, Association L’UNEDIC, Délégation AGS, CGEA d’Orléans

Arrêt rendu ce VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT ET UN par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Claude VICARD, Conseiller

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI, Greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

Me Z SUDRE, représentant la SELARL SUDRE désigné comme liquidateur par jugement du 7 décembre 2016 de la SARL DOME CONSTRUCTIONS immatriculée au RCS de CLERMONT-FERRAND sous le n° 428 760 763

[…]

[…]

Représenté par Me François POULET de la SCP TREINS-POULET-VIAN ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

M. Y X

[…]

Logement 22

[…]

Représenté par Mme Aurore BOSTVIRONNOIS BION, défenseur syndical CGT, muni d’un pouvoir de représentation

L’UNEDIC, Délégation AGS, CGEA d’Orléans, Association déclarée, représentée par son Directeur, Monsieur Z A, domicilié es qualité

[…]

[…]

Représentée par Me Emilie PANEFIEU, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMES

Mme VICARD, Conseiller en son rapport, après avoir entendu, à l’audience publique du 29 Mars 2021, tenue en application de l’article 945-1 du code de procédure civile, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. Y X a été engagé le 24 septembre 2012 par la SARL DOME CONSTRUCTIONS sous contrat à durée indéterminée, en qualité de manoeuvre en maçonnerie niveau 1, position 2, coefficient 170.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale du 8 octobre 1990 relative aux ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant plus de dix salariés.

Par jugement du 04 décembre 2015, le tribunal de commerce de Clermont- Ferrand a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SARL DOME CONSTRUCTIONS et désigné la SELARL B C en qualité d’administrateur judiciaire ainsi que la SELARL SUDRE en qualité de mandataire judiciaire.

Le 04 avril 2016, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Riom aux fins d’obtenir la condamnation de l’employeur à lui payer un rappel de salaire sur heures supplémentaires et revalorisation de sa classification professionnelle, outre diverses sommes à titre indemnitaire pour non information au droit au repos compensateur, travail dissimulé et inexécution de bonne foi du contrat de travail.

Par jugement du 07 décembre 2016, le tribunal de commerce de Clermont- Ferrand a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL DOME CONSTRUCTIONS, mis fin à la mission de l’administrateur SELARL B C et désigné la SELARL SUDRE en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 14 juin 2017, le conseil de prud’hommes de Riom a :

— fixé la créance de M. Y X au passif du redressement judiciaire de la SARL DOME CONSTRUCTIONS aux sommes suivantes :

* 7.476,75 euros au titre des rappels de salaire sur classification Niveau III, congés payés et prime de vacances du BTP inclus;

* 5.586 euros en paiement d’heures supplémentaires et congés payés afférents ;

* 2.704,88 euros à titre de dommages et intérêts pour non information au droit au repos compensateur ;

* 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté M. X de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour travail dissimulé et inexécution de bonne foi du contrat de travail ;

— ordonné la remise à M. X par la SARL DOME CONSTRUCTIONS des bulletins de salaire et de l’attestation Pôle Emploi conformes au jugement, dans un délai de 30 jours suivant la notification de la décision et passé ce délai, sous astreinte de 20 euros par jour de retard et par document, le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte en tant que de besoin;

— déclaré le jugement opposable à l’AGS et au CGEA d’Orléans en qualité de gestionnaire de l’AGS dans les limites de leur garantie ;

— rappelé que le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux en application de l’article L.622-28 du code du commerce ;

— débouté l’AGS et le CGEA d’Orléans de leurs demandes ;

— débouté la SARL DOME CONSTRUCTIONS de sa demande reconventionnelle et condamné cette dernière aux entiers dépens.

Le 30 août 2017, la SELARL SUDRE, ès- qualités, a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 03 août 2017.

Par ordonnance du 06 mars 2018, confirmée par un arrêt de la cour prononcé le 16 octobre 2018 sur requête en déféré, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de M. X déposées au greffe de la cour le 25 janvier 2018, pour non respect du délai prescrit à l’article 909 du code de procédure civile.

L’affaire, clôturée le 30 décembre 2019, a été appelée à l’audience de la chambre sociale du 06 janvier 2020. En raison du mouvement national de grève des avocats et d’une demande de renvoi des conseils des parties, l’affaire a été renvoyée à l’audience du 23 mars 2020.

Cette audience a toutefois été supprimée en raison de la crise sanitaire liée au coronavirus, dit COVID 19. L’affaire, de nouveau clôturée le 22 février 2021, a été appelée et retenue à l’audience du 29 mars 2021.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Dans ses dernières écritures notifiées le 22 novembre 2017, la SELARL SUDRE, ès- qualités, sollicite la réformation du jugement déféré en ce qu’il a fixé certaines créances de M. X au passif de la procédure collective et ordonné la remise de documents de fins de contrats rectifiés sous astreinte.

Elle conclut au débouté du salarié en ces chefs de demande ainsi qu’à sa condamnation à lui payer, ès- qualités, la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelante fait valoir que M. X n’a émis aucune réserve lors de son embauche ni sollicité aucune modification de sa classification professionnelle au cours de son contrat de travail; qu’il ne disposait d’aucune formation au métier de maçon ni n’avait aucune expérience professionnelle, de sorte qu’il ne pouvait valablement prétendre à la classification de compagnon professionnel, correspondant au niveau III, position 1.

Elle soutient ensuite que le salarié était soumis à un horaire collectif de travail et n’a jamais été contraint par l’employeur de passer au dépôt de l’entreprise avant et après sa prise de poste.

Dans ses dernières écritures notifiées le 16 janvier 2018, l’UNEDIC, Délégation AGS, CGEA d’Orléans, conclut à la réformation du jugement entrepris, en ce qu’il a fait droit aux demandes en rappels de salaires sur revalorisation de la classification professionnelle ainsi

qu’en paiement d’heures supplémentaires et de dommages et intérêts pour non information au droit au repos compensateur.

L’intimée demande à la cour de débouter M. X de l’intégralité de ses demandes et à titre subsidiaire de:

— déclarer l’arrêt à intervenir opposable à l’AGS et au CGEA d’Orléans en qualité de gestionnaire de l’AGS, dans les limites prévues aux articles L.3253-1 et suivants (article L.3253-8), D.3253-5 du code du travail et du Décret n°2003-684 du 24 juillet 2003 ;

— constater que la garantie de l’AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, au plafond 6 défini à l’article D.3253-5 du code du travail ;

— constater les limites de leur garantie ;

— juger que le jugement à intervenir ne saurait prononcer une quelconque condamnation à leur encontre ;

— juger que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L.3253-1 et suivants du code du travail (article L.3253-8 du code du travail), que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-1 et suivants du code du travail (article L.3253-8 du code du travail) ;

— juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire ;

— juger que le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux (article L.622-28 du code de commerce et suivants).

L’intimée fait valoir que le salarié n’a pas produit d’éléments suffisamment précis pour étayer sa demande en paiement d’heures supplémentaires, en soulignant qu’il ne peut tirer argument du rapport de mission des conseillers rapporteurs établi dans le cadre d’un litige concernant un autre salarié.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre préliminaire, il est rappelé que l’intimé, dont les conclusions ont été définitivement déclarées irrecevables, est réputé ne pas avoir conclu et s’être approprié les motifs de la décision attaquée. Ses écritures ne peuvent donc être prises en compte par la cour qui statue sur les seules écritures de l’appelant. Toute conclusion notifiée ultérieurement par l’intimé est frappée de la même irrecevabilité sans qu’il soit nécessaire que le magistrat chargé de la mise en état ou la cour statue formellement ou expressément sur ce point. Si les conclusions sont irrecevables, les pièces communiquées au soutien desdites conclusions sont elles-mêmes irrecevables et ce, en application des dispositions de l’article 906 du code de procédure civile.

En l’espèce, seront donc écartées des débats les écritures de M. X notifiées à la cour les 25 janvier 2018 et 04 décembre 2019, frappées d’irrecevabilité, ainsi que les pièces communiquées et déposées au soutien de ces conclusions.

La cour statuera en conséquence au regard des seules prétentions et pièces régulièrement notifiées par la SELARL SUDRE, ès- qualités, et par l’UNEDIC, Délégation AGS, CGEA d’Orléans.

1°- Sur la revalorisation de la classification conventionnelle :

Lorsqu’il est saisi d’une contestation sur la qualification attribuée à un salarié, le juge doit apprécier les fonctions réellement exercées par ce salarié et les comparer à la grille de la convention collective pour vérifier dans quelle catégorie se place l’emploi occupé ou exercé par celui- ci. Un salarié ne peut revendiquer une qualification professionnelle subordonnée à un diplôme qu’il n’a pas ou des fonctions qu’il n’exerce pas effectivement.

Il lui appartient d’établir que les fonctions qu’il exerce réellement correspondent à la classification revendiquée.

En cas de sous-classement, le salarié doit être replacé de manière rétroactive au niveau auquel son poste correspond. Il peut alors prétendre à un rappel de salaire correspondant au minimum conventionnel afférent à ce coefficient et à des dommages et intérêts s’il justifie d’un préjudice particulier, comme la perte d’une partie de ses droits à retraite.

En l’espèce, l’article 12.42 de la convention collective nationale du bâtiment applicable à la relation contractuelle prévoit que :

'Les ouvriers titulaires d’un brevet professionnel, d’un brevet de technicien, d’un baccalauréat professionnel ou technologique ou d’un diplôme équivalent (niveau IV de l’éducation nationale) seront classés en niveau III, position 1, coefficient 210.

A l’issue d’une période maximale de 18 mois après leur classement, les titulaires d’un diplôme de niveau IV de l’éducation nationale seront classés à un niveau ou à une position supérieurs en fonction de leurs aptitudes et capacités professionnelles.

Ce classement s’applique au titulaire de l’un de ces diplômes obtenu dans le cadre de la formation initiale. Dans le cadre de la formation professionnelle continue, la période probatoire sera réduite de moitié.

Le titulaire d’un diplôme professionnel obtenu dans le cadre de la formation professionnelle continue, effectuée de sa propre initiative, accédera au classement correspondant à son diplôme après la période probatoire et dans la limite des emplois disponibles.'

La SELARL SUDRE fait valoir, par renvoi à ces dispositions, que M. X ne disposait lors de son embauche d’aucune formation au métier de maçon ni ne justifiait d’une quelconque expérience professionnelle, de sorte qu’il ne pouvait valablement prétendre à la classification de compagnon professionnel correspondant au niveau III, position 1, de la convention collective applicable.

Elle fait ensuite observer que s’agissant de la période postérieure, soit celle débutant à l’issue d’une présence minimale de 18 mois au sein de l’entreprise, l’attribution d’un coefficient conventionnel supérieur est dépendante de la prise en considération des aptitudes et qualités professionnelles du salarié, étant souligné que M. X n’effectuait que des tâches peu qualifiées conformément à sa qualité de manoeuvre.

Il résulte tant des observations de l’appelante que des dispositions conventionnelles susvisées que le niveau de qualification du salarié doit s’apprécier distinctement selon qu’il a trait à la période comprise entre l’embauche et les 18 mois suivants, ou à celle postérieure aux 18 premiers mois de présence dans l’entreprise.

S’agissant de la première période, l’article 12.42 susvisé indique que les titulaires d’un diplôme de niveau IV de l’éducation nationale se voient classés en niveau 3, position 1, coefficient 210. S’il résulte des constatations des premiers juges que M. X est titulaire d’un CAP et d’un brevet professionnel de maçon, aucun élément du dossier ne permet toutefois de déterminer avec précision leur date respective d’obtention, de sorte que la cour n’est pas en mesure d’apprécier si le salarié aurait pu prétendre à l’attribution du niveau 3, position 1, coefficient 210, à la date de son embauche ou dans les dix huit mois qui ont suivi.

S’agissant de la seconde période, en l’absence de bien fondé de la demande de classement au niveau 3, position 1, coefficient 210, M. X apparaît subséquemment mal fondé en sa demande de classement au coefficient supérieur après écoulement d’un délai de 18 mois. En tout état de cause, en l’absence d’automaticité de l’attribution dudit coefficient au terme d’une période de 18 mois après classement au niveau 3, position 1, coefficient 210, son bénéfice étant en effet dépendant des aptitudes et capacités professionnelles du salarié, aucun élément objectif ne démontre que M. X aurait disposé des aptitudes et capacités professionnelles nécessaires à l’attribution du positionnement conventionnel revendiqué.

Surabondamment, il échet de relever l’absence de réserves émises par le salarié tant lors de son embauche qu’au cours de la relation salariale s’agissant de sa classification au niveau 1, position 2, coefficient 170, alors même que l’ensemble de ses bulletins de paie font expressément mention de cette classification.

Au regard des éléments d’appréciation dont la cour dispose sur les fonctions réellement exercées par le salarié, son expérience professionnelle et son niveau de formation, il appert que M. X ne saurait utilement prétendre à une classification au niveau 3 position 1 dès son embauche le 24 septembre 2012, puis au niveau 3 position 2 au terme d’une période de 18 mois, dès lors que la réunion des conditions requises pour une telle classification n’est pas objectivement établie.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a fixé la créance du salarié au passif de la procédure collective de la SARL DOME CONSTRUCTIONS à la somme de 7.476,55 euros euros au titre d’un rappel de salaires sur revalorisation de classification professionnelle.

2°- Sur le paiement d’heures supplémentaires et congés payés afférents :

La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations.

Seules sont considérées comme heures supplémentaires les heures effectuées au-delà de la durée de présence équivalente à la durée légale de travail.

L’employeur doit établir les documents nécessaires au décompte du temps de travail.

Ces documents prennent la forme :

— d’un horaire collectif affiché sur les lieux de travail et transmis à l’inspecteur du travail pour les salariés occupés selon cet horaire;

— d’un décompte individuel de la durée du travail pour les salariés ne relevant pas de l’horaire collectif.

La durée hebdomadaire du travail s’inscrit, en principe, dans le cadre d’un horaire collectif, c’est-à-dire uniforme pour l’ensemble des salariés de l’établissement ou pour une partie d’entre eux seulement. Cet horaire collectif indique les heures de début et de fin de chaque période de travail ainsi que les heures et la durée des repos. Il doit mentionner les coupures et les temps de pause, même si ces derniers peuvent être déplacés au gré des salariés. Aucun salarié ne peut, en principe, être occupé en dehors de cet horaire, sauf heures supplémentaires, dérogations permanentes ou convention individuelle de forfait.

La pratique de l’horaire collectif ne dispense pas l’employeur de tenir un décompte individuel de la durée de travail pour chaque salarié occupé selon cet horaire, notamment en cas de réalisation d’heures supplémentaires.

L’employeur doit être en mesure de fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié dans la limite de la prescription applicable aux salaires.

L’article L. 3171-4 du code du travail prévoit 'qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.'

Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées ci-dessus. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Le fait pour le salarié de n’avoir formulé aucune réserve lors de la perception de son salaire ni d’avoir protesté contre l’horaire de travail ne vaut pas renonciation au paiement des heures supplémentaires.

En l’espèce, la SELARL SUDRE, ès- qualités, fait essentiellement grief à la juridiction prud’homale d’avoir retenu que le salarié était contraint de passer avant et après sa prise de poste sur un chantier au dépôt de l’entreprise et qu’il a ainsi accompli des trajets devant être assimilés à du temps de travail effectif.

Aux termes de l’article L. 3121-4 du code du travail, 'le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie, soit sous la forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par une convention ou un accord collectif de travail, ou, à défaut, par décision unilatérale de l’employeur, prise après consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel s’il en existe. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire'.

La preuve qu’il a accompli un temps de trajet inhabituel incombe au salarié, en tout cas pour la demande de contrepartie en temps ou en argent de ce temps de trajet. Ne constituant pas un temps de travail effectif, le temps de déplacement professionnel n’entre pas dans le décompte de la durée du travail, en particulier pour l’application des règles sur les heures supplémentaires et pour le calcul des durées quotidienne et hebdomadaire maximales de travail. Il n’a pas à être rémunéré, sauf coïncidence avec l’horaire de travail.

En l’espèce, il résulte des éléments du dossier que M. X était soumis à l’horaire collectif de travail tel que défini par l’article 14, intitulé 'horaires et temps de travail', du règlement intérieur de l’entreprise.

Ce texte prévoit que 'le personnel de l’entreprise effectue 40 heures de travail hebdomadaire. Il est soumis aux horaires de travail suivants : du lundi au vendredi : 8h-12h et 13h-17h.

La durée du travail s’entendant comme du travail effectif au sens de l’article L.212-4 du code du travail, le personnel doit être à son poste et en tenue de travail aux heures de début et de fin de chaque séance de travail'.

Ainsi que le souligne le liquidateur judiciaire, aucun élément probant ne vient démontrer que M. X aurait été contraint par l’employeur de se rendre systématiquement au dépôt de l’entreprise préalablement à sa prise de poste sur un chantier ainsi qu’en fin de poste, ni en tout état de cause, que ces temps de trajet se seraient inscrits sur une période hors horaires de travail collectifs.

L’appelante produit en revanche aux débats diverses attestations de salariés de la SARL DOME CONSTRUCTIONS témoignant de manière concordante de l’absence d’obligation pour les salariés de l’entreprise de véhiculer des collègues de travail sur le lieu de leur chantier.

En outre, Ms D E et F G, plaquistes, ainsi que M. H I, maçon, certifient qu’ils pouvaient user des véhicules mis à leur disposition par l’employeur pour la réalisation des trajets domicile/chantier et chantier/domicile.

Enfin, comme le fait pertinemment valoir l’appelante, il ne peut être utilement tiré argument du rapport de mission des conseillers rapporteurs du conseil de prud’hommes de Clermont-Ferrand, établi le 17 septembre 2013, dès lors que celui-ci a été réalisé dans le cadre d’un litige opposant la société DOME CONSTRUCTIONS à un autre salarié, hors de la présence de l’intimé.

En tout état de cause, si le salarié interrogé dans le cadre de la mission des conseillers rapporteurs a indiqué, à la question 'veuillez préciser l’organisation d’une journée de travail sachant que vous aviez un véhicule de service à votre disposition', qu’il rejoignait le siège de l’entreprise sis à RIOM tous les jours aux environs de 7h15/ 7h30 avant de rejoindre le chantier, et à la question 'à quelle heure était le retour le soir'', que le départ du chantier s’effectuait vers 17h/ 17h10 avant de déposer si besoin les autres salariés au siège de l’entreprise, il s’évince de ce rapport que ce même salarié, à la question 'avez-vous effectué des heures supplémentaires au-delà des 40 heures prévues par semaine'', a expressément répondu par la négative.

En définitive, aucun élément provenant de ce rapport ne permet d’affirmer que M. X aurait été contraint de passer systématiquement par le siège de l’entreprise avant et après sa prise de poste sur les chantiers sur lesquels il était affecté.

Il résulte de l’ensemble de ces constatations que l’obligation de passer chaque jour au dépôt en début et en fin de poste n’est pas matériellement établie.

Il s’ensuit que la demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires retenue par les premiers juges n’est pas étayée par la production d’éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments quant aux horaires effectivement réalisés par le salarié.

Par ailleurs, même si le juge ne peut se fonder sur l’insuffisance des preuves apportées par le salarié pour rejeter sa demande, les différents éléments produits par l’employeur pour justifier les horaires effectivement réalisés par M. X attestent de ce que celui-ci était soumis à un horaire collectif équivalent à 40 heures hebdomadaires.

Aussi, au regard des principes susvisés et des éléments d’appréciation dont elle dispose, la cour estime que c’est par des motifs erronés que les premiers juges ont fait droit à la demande en paiement d’heures supplémentaires de M. X.

Le jugement déféré sera donc réformé de ce chef.

3°- Sur la demande d’indemnité pour non information au droit au repos compensateur:

L’article L. 3121-11 du code du travail, dans sa version applicable au litige, énonce que 'des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l’ensemble des conditions d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l’article L. 3121-22. Cette convention ou cet accord collectif peut également prévoir qu’une contrepartie en repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent.

A défaut d’accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.

A défaut de détermination du contingent annuel d’heures supplémentaires par voie conventionnelle, les modalités de son utilisation et de son éventuel dépassement donnent lieu au moins une fois par an à une consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, s’il en existe'.

Le salarié qui n’a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l’indemnisation du préjudice subi, laquelle comporte à la fois le montant de l’indemnité de repos compensateur outre le montant de l’indemnité de congés payés afférents.

En l’espèce, la demande formulée à ce titre par le salarié, laquelle suppose l’accomplissement d’heures supplémentaires, ne peut prospérer en l’absence de preuve de la réalisation de telles heures.

Le jugement déféré sera donc également réformé, en ce qu’il a fixé la créance du salarié à la somme de 2.704,88 euros à titre de dommages et intérêts pour non information au droit au repos compensateur.

4°- Sur la remise de documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte :

En l’absence de bien fondé des demandes formulées par le salarié au titre des heures supplémentaires, il n’y a pas lieu d’enjoindre au liquidateur judiciaire de remettre à M. X, sous astreinte, des bulletins de salaire et une attestation POLE EMPLOI dûment rectifiés.

Le jugement de première instance sera en conséquence également réformé de ce chef.

5°- Sur les frais irrépétibles et dépens :

Au vu des développements précédents, il apparaît qu’aucune des demandes formulées en première instance par M. X n’était fondée. Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et dépens seront donc infirmées.

En cause d’appel, M. X, partie qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, supportera la charge des dépens d’appel.

En revanche, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la SELARL SUDRE, ès- qualités, la charge de ses frais irrépétibles. Elle sera donc déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code précité.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a :

— fixé la créance de M. Y X au passif du redressement judiciaire de la SARL DOME CONSTRUCTIONS aux sommes suivantes:

* 7.476,75 euros au titre des rappels de salaire sur classification Niveau III, congés payés et prime de vacances du BTP inclus;

* 5.586 euros en paiement d’heures supplémentaires et congés payés afférents ;

* 2.704,88 euros à titre de dommages et intérêts pour non information au droit au repos compensateur ;

* 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— ordonné la remise à M. X par la SARL DOME CONSTRUCTIONS des bulletins de salaire et de l’attestation Pôle Emploi conformes au jugement, dans un délai de 30 jours suivant la notification de la décision et passé ce délai, sous astreinte de 20 euros par jour de retard et par document;

— condamné la SARL DOME CONSTRUCTIONS aux entiers dépens;

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions, non critiquées;

Y ajoutant,

Déboute la SELARL SUDRE, ès- qualités de liquidateur judiciaire de la SARL DOME CONSTRUCTIONS, de sa demande en indemnisation de ses frais irrépétibles;

Condamne M. X aux dépens de première instance et d’appel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

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