Cour d'appel de Rouen, 10 décembre 2003, n° 02/00392

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, 10 déc. 2003, n° 02/00392
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 02/00392
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Rouen, 12 décembre 2001

Texte intégral

58h Theove gencinto was obligations Responsabilité profissionnelle de l’huissier

RG: 02/00392

[…]

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE 1 CABINET 1

ARRET DU 10 DECEMBRE 2003

DECISION ATTAQUEE:

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE ROUEN du 13 Décembre 2001

APPELANTS:

S.A. BIOTONIC

1570, […]

[…]

représentée par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Cour

assistée de Me SPANO, Avocat, substituant Me CHAS, avocat au barreau de NICE

Maître François Y Huissier de Justice

[…]

[…]

représenté par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Cour

assisté de Me SPANO, Avocat, substituant Me CHAS, avocat au barreau de NICE

INTIMEE:

Madame Z A épouse X

représentée par la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT, avoués à la Cour

assistée de Me PREVOST, avocat au barreau de ROUEN

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2002/000842 du 02/12/2002 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ROUEN)



COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 04 Novembre 2003 sans opposition des avocats devant Conseiller PERIGNON,, rapporteur, en présence de JOURDAN,,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur BRUNHES, Président
Monsieur PERIGNON, Conseiller
Madame JOURDAN, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS:

Madame DHALLEINE, Greffier

DEBATS:

A l’audience publique du 04 Novembre 2003, où l’affaire a été mise en délibéré au 10

Décembre 2003

ARRET:

CONTRADICTOIRE

Prononcé à l’audience publique du 10 Décembre 2003 par Monsieur BRUNHES, Président, qui a signé la minute avec DHALLEINE, Greffier présent à cette audience.


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LES FAITS ET LA PROCEDURE :

Mme X a reçu à deux reprises de la société BIOTONIC, en avril puis mai 1998, des lettres lui indiquant qu’elle avait gagné une somme de

100.000 Francs, sous la condition de renvoyer immédiatement un document, ce qu’elle a fait à chaque fois.

N’ayant reçu aucune somme malgré mise en demeure de la société

BIOTONIC, il lui a été répondu que son nom n’avait été retenu que pour un pré tirage et qu’elle n’avait pas été la gagnante du second tirage.

Le 25 février 1999, Mme X a fait assigner la société BIOTONIC en paiement de la somme de 200.000 Francs à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle et, par acte du 20 mars 2000,

Maître Y, huissier de justice, en paiement de la même somme sur le fondement délictuel.

Après jonction des deux procédures, par jugement rendu le 13 décembre 2001, le tribunal de grande instance de ROUEN a :

condamné solidairement la société BIOTONIC et Maître

Y à payer à Mme X la somme de 100 000 Francs à titre de dommages et intérêts et la somme de 15 000,00 Francs par application des dispositions de l’article 700 du Nouveau code de

procédure civile.

- débouté la société BIOTONIC et Maître Y de leurs

demandes.

- condamné solidairement les mêmes aux dépens.


4

Le 21 janvier 2000, la société BIOTONIC et Maître Y ont interjeté appel de cette décision.

*******

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 4 août 2003, la société BIOTONIC et Maître Y demandent à la cour d’infirmer la décision déférée et de :

- constater que Madame X fonde ses demandes sur un seul et même jeu promotionnel.

- constater que le jeu publicitaire diffusé par la société BIOTONIC est parfaitement licite.

constater qu’aucune faute ne peut être mise à la charge de la société BIOTONIC, qui a par ailleurs souscrit aux seules obligations auxquelles elle s’était engagée.

- constater qu’aucun engagement ferme de versement d’un prix ne peut être mis à la charge de la SA BIOTONIC.

- constater que Maître Y s’est parfaitement conformé aux exigences légales.

- débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes.

- la condamner à leur payer une somme de 2 500 €par application des dispositions de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile.

- la condamner aux dépens de première instance et d’appel.

*******

1


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Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 25 mars 2003,
Mme X demande à la cour de :

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, au besoin par substitution de motifs et au visa de l’article 1371 du Code civil.

- y ajoutant, condamner solidairement la SA BIOTONIC et Maître

Y à lui payer une somme de 15 245 € avec intérêts au taux légal

à compter du 25 février 1999 et la somme de 1 500 €par application de

l’article 700 du Nouveau code de procédure civile.

- condamner solidairement la SA BIOTONIC et Maître Y

aux dépens de première instance et d’appel.

*******

SUR CE LA COUR :

Vu les conclusions et les pièces :

- Sur la responsabilité de la SA BIOTONIC:

La SA BIOTONIC, dont l’activité est de vendre par correspondance des gélules présentées comme étant destinées à favoriser l’amaigrissement, fait principalement valoir qu’elle propose à ses clients des jeux sans obligation

d’achat conformes aux dispositions de l’article L 121-36 du Code de la consommation, fonctionnant selon la règle du pré tirage au sort des gagnants, et non des loteries ; que les conditions d’obtention du lot, à savoir le tirage au sort des numéros gagnants avant l’envoi des documents publicitaires, sous contrôle d’un huissier de justice, sont clairement expliquées dans les documents adressés aux personnes retenues pour l’opération promotionnelle, le règlement du jeu étant joint au matériel publicitaire ; que si les documents litigieux présentaient un certain caractère attractif comme il est d’usage en matière publicitaire, il n’existait aucune ambiguïté sur la nature du jeu et sur

l’existence d’un aléa ; qu’elle n’a donc commis aucune faute de nature à

engager sa responsabilité.


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Cependant, il résulte des pièces versées aux débats que Mme X

a reçu un premier document ainsi rédigé :

« La SA BIOTONIC a le plaisir de vous confirmer officiellement

l’information suivante :

«Madame X est sûre de recevoir un chèque de 100 000,00

Francs en retournant sans attendre le « Titre Spécial N° 125 797 » déclaré gagnant par l’huissier ! » (ces mentions étant imprimées en très gros caractères gras, type titre de journal).

Cette annonce était suivie du texte suivant :

* Madame X,

« Cette fois, c’est officiel, vous allez recevoir directement à ELBEUF le chèque de 100 000,00 Frs si vous retournez, en moins de 15 jours, le seul ticket figurant sur le Titre Spécial N° 125 797, déclaré gagnant par l’huissier.

« Cela est très sérieux : dès réception de ce ticket vert, le chèque de

100 000,00 Francs sera envoyé en recommandé, avec accusé de réception, bien sûr. (cette mention étant imprimée en caractères gras).

"Peut-être doutez-vous un peu ? Il est vrai qu’une telle nouvelle est surprenante. Pour vous rassurer, lisez attentivement au verso l’Attestation sur

l’honneur de notre Chef comptable. Elle représente un engagement ferme et garantit le versement des 100 000 Francs. Quelle meilleure preuve pouvons nous vous présenter ?. (…).

< N’oubliez pas : vous avez quinze jours seulement pour me répondre : ne prenez pas le risque de perdre 100 000 Francs à cause d’un simple oubli ».

Au dos de ce document figurait le texte suivant :


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& ATTESTATION SUR L’HONNEUR »

« Je soussigné, Monsieur B-C D, Chef comptable de la société

BIOTONIC, atteste solennellement et sur l’honneur m’engager à remettre au gagnant la somme de 100.000,00 Francs (dix millions de centimes).

« Si vous êtes bien propriétaire du « Titre Spécial N° 125 797 » déclaré gagnant par notre huissier de Justice, vous disposez d’un délai de 15 jours pour retourner votre bordereau de réclamation de chèque valant pour bon de participation distinct.

< Certifié Véritable et Authentique le 23/03/98.

«M. B-C D.

< Chef comptable de la société Biotonic S.A.»

A la suite de ce texte rédigé en gros caractères, figurait sur fond gris foncé et en très petits caractères un texte quasiment illisible (à tel point que la

SA BIOTONIC a cru bon devoir le verser aux débats non seulement en original mais également sous une forme agrandie et sur fond blanc) intitulé « Règlement de « allocation spéciale: 100 000 Francs – jeu 66- version titre spécial

»

R844 » dont la teneur, d’une particulière complexité, faisait notamment état du fait que le jeu s’inscrivait dans une opération promotionnelle sans obligation

d’achat, pouvant être présentée sous diverses formes et appellations, etc., sans qu’il soit jamais clairement indiqué que la somme annoncée n’était pas définitivement gagnée, une confusion étant manifestement entretenue, ainsi que

l’ont justement relevé les premiers juges, entre les notions de « pré tirage » et de « tirage » qui, selon les termes particulièrement obscurs de ce « règlement », devaient présider à l’attribution des lots.

Ce document principal était accompagné d’un « Echéancier des paiements des prix » émanant du « service comptabilité », présenté comme un document officiel et précisant que : « cet échéancier sera intégralement respecté si vous retournez, dans un délai de 15 jours, le ticket gagnant ».


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Sur ce document figurait également un grille faisant état de paiements effectués à des personnes présentées comme étant déjà bénéficiaires d’un gain et il était précisé que le prochain paiement à effectuer était destiné à Mme

X: « 100 000 Francs A PAYER IMMEDIATEMENT », « Le paiement est garanti par la direction de BIOTONIC et placé sous le contrôle de Maître

Y, huissier de justice à Cannes en charge du dossier ».

Dans ce premier envoi, figurait encore le « TITRE SPECIAL » portant le

n° 125 797, déclaré gagnant par l’huissier ainsi qu’il résultait des termes du premier document principal ci-dessus rappelés.

Enfin, était joint à l’envoi un document annexe intitulé « Fiche individuelle de renseignements '> sur laquelle Mme X devait notamment indiquer à la SA BIOTONIC si elle acceptait de venir aux frais de la société pour la remise du chèque en ses locaux ou si elle préférait une remise du chèque à son domicile, si elle acceptait de venir à « diverses manifestations » et à « des repas de galas », sous la seule condition de « accepter de poser avec le chèque gagnant reçu préalablement » et dont le montant de 100 000 Francs était encore rappelé.

Après avoir adressé à la SA BIOTONIC les documents qui lui avaient été adressés, dûment remplis, Mme X a ensuite reçu un deuxième envoi daté du 25 mai 1996 contenant divers documents dont le premier, rédigé en très gros caractères, portait le titre suivant : « MADAME X, 100 000,00

[…] » et qui précisait notamment « vous devez pour cela nous renvoyer immédiatement le code de certification gagnant: gain 100 000 Francs, code de certification

157 636 382 ».


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Le texte de ce document indiquait encore en caractères gras : « Il suffit en effet que vous répondiez à temps en nous renvoyant le code de certification gagnant pour que je donne l’ordre à notre service financier de verser la somme de 100 000,00 Francs sur votre compte », puis en caractères normaux : « Nous vous demanderons, le cas échéant un RIB postal ou bancaire pour pouvoir mener à bien cette opération. Je suis vraiment content de pouvoir vous annoncer une aussi bonne nouvelle ». « Les documents que vous tenez en ce moment même entre vos mains sont absolument conformes et correspondent avec certitude à un avis de versement de 100 000,00 Francs à notre gagnante.

Ces documents officiels ont été spécialement édités à votre nom : Mme Z

X… et vous êtes, d’après mon dossier, l’unique détentrice du code de certification ci-joint ! »>

Un second document, intitulé « Avis de versement d’une somme de

100 000,00 Francs sur le compte de Mme X » faisait figurer le nom de celle-ci sous la rubrique « gagnant » et présentait le virement comme imminent, la seule condition étant de renvoyer « dans les délais le code de certification gagnant ».

Il convient de relever qu’aucun de ces documents ne faisait état d’une règle du jeu ni de l’existence d’un pré-tirage.

Ainsi que l’a justement retenu le tribunal, il résulte de l’ensemble de ces éléments que Mme X, « consommateur moyen », selon la propre terminologie de la SA BIOTONIC (page 12 de ses dernières écritures), pouvait légitimement considérer qu’elle était la gagnante d’une loterie publicitaire organisée par la SA BIOTONIC et qu’elle était en mesure de percevoir un gain présenté comme certain sous la réserve de l’accomplissement de certaines formalités (envoi de documents à remplir) qu’elle a effectivement réalisées.

En effet, les courriers adressés nommément à Mme X et lui annonçant un gain précis et certain sous une présentation officielle, ne mettaient pas en évidence l’existence d’un aléa et il y a lieu de considérer que par cet envoi qui présente les caractères d’un fait purement volontaire, la SA BIOTONIC

s’est engagée, au regard des dispositions de l’article 1371 du Code civil, à délivrer le gain annoncé à Mme X qui, de son côté, a clairement manifesté son intention de le recevoir.

1


10

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la SA BIOTONIC

à payer à Mme X la somme de 100 000 Francs (15 244,90 €).

- Sur la responsabilité de Maître Y:

Selon l’article L 121-38 alinéa 1 du Code de la consommation, en matière de loterie publicitaire, le règlement des opérations ainsi qu’un exemplaire des documents adressés au public doivent être déposés auprès d’un officier ministériel qui s’assure de leur régularité.

Maître Y soutient qu’il s’est parfaitement conformé aux exigences légales et n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité à

l’égard de Mme X.

Toutefois, il est incontestable que si Maître Y, huissier de justice mandaté par la SA BIOTONIC en application des dispositions légales susvisées, avait effectivement vérifié les courriers et matériels publicitaires destinés à

l’opération litigieuse, il n’aurait pu manquer, compte tenu de la formation juridique propre à son activité, de relever que ces documents étaient irréguliers en ce que, notamment, ils ne répondaient pas aux prescriptions de l’article L.

121-37 du Code de la consommation selon lesquelles « les documents présentant l’opération publicitaire ne doivent pas être de nature à susciter la confusion avec un document administratif ou bancaire libellé au nom du destinataire ou avec une publicité de la presse d’information ce qui était manifestement le cas en l’espèce ainsi qu’il a été dit ci-dessus.

En outre, ainsi que l’a justement relevé le tribunal, Maître Y ne pouvait que constater que la rédaction des documents litigieux permettait à un personne d’une intelligence moyenne de croire à un gain certain, alors qu’il ne se serait agi, selon la thèse de la société BIOTONIC, que de résultats d’un pré tirage,


11

Le tribunal a encore exactement relevé qu’en apportant sa caution

d’officier ministériel son nom et sa qualité étant particulièrement mis en évidence sur les documents litigieux -aux agissements de la société BIOTONIC et en favorisant ainsi ses manoeuvres visant à tromper Madame X,

Maître Y a commis une faute délictuelle qui a concouru au préjudice nécessairement subi par celle-ci du fait de l’inexécution par cette société de ses obligations quasi-contractuelles.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a condamné

Maître Y à payer à Madame X, à titre de dommages et intérêts, in solidum avec la société BIOTONIC, une somme de 100.000 Francs

(15 244,90 €).

- Sur les demandes annexes

Il y a lieu de mettre les dépens d’appel à la charge de la société

BIOTONIC et de Maître Y.

Il est inéquitable de laisser à la charge de Mme X les frais exposés en marge des dépens en cause d’appel; en application de l’article 700 du

Nouveau code de procédure civile, il y a donc lieu de lui allouer une somme qu’au vu des éléments de la cause, la cour arbitre à 1 500,00 €.

*******

PAR CES MOTIFS :

La Cour:

Statuant publiquement et contradictoirement :

Reçoit l’appel en la forme.


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Au fond :

Vu l’article 1371 du Code civil:

Confirme, par substitution de motifs, la décision entreprise.

Condamne en conséquence in solidum la société BIOTONIC et Maître

Y à payer à Mme X une somme de 15 244,90 € avec intérêts au taux légal à compter du 25 février 1999, date de l’acte introductif d’instance.

Déboute la société BIOTONIC et Maître Y de l’ensemble de leurs demandes.

Condamne in solidum la société BIOTONIC et Maître Y aux dépens d’appel et dit qu’ils seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l’aide juridictionnelle.

Condamne in solidum la société BIOTONIC et Maître Y à payer

à Mme X la somme de 1 500,00 € par application des dispositions de

l’article 700 du Nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

حاکم r ₂ u

[…]

R R.

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Cour d'appel de Rouen, 10 décembre 2003, n° 02/00392