Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 27 octobre 2010, n° 09/05792

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Texte intégral

R.G : 09/05792

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE 1 CABINET 1

ARRET DU 27 OCTOBRE 2010

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIEPPE du 13 Mai 2009

APPELANTE :

SOCIETE FIM SARL

Exerçant sous l’enseigne AGENCE DE LA VALLEE

XXX

XXX

représentée par la SCP COLIN-VOINCHET RADIGUET-THOMAS ENAULT, avoués à la Cour

assistée de Me DAVID, substituant la SCP DUBOS, avocat au barreau de ROUEN

INTIMES :

Monsieur D-E Y

né le XXX à XXX

XXX

XXX

représenté par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY SCOLAN, avoués à la Cour

assisté de Me Eglantine MAHIEU, substituant Me KERSUAL, avocat au barreau de ROUEN

Madame Z A épouse Y

née le XXX à XXX

XXX

XXX

représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY SCOLAN, avoués à la Cour

assistée de Me Eglantine MAHIEU, substituant Me KERSUAL, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 13 Septembre 2010 sans opposition des avocats devant Monsieur GALLAIS, Conseiller, rapporteur, en présence de Madame BOISSELET, Conseiller,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LE BOURSICOT, Président de Chambre

Monsieur GALLAIS, Conseiller

Madame BOISSELET, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Monsieur HENNART, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 13 Septembre 2010, où l’affaire a été mise en délibéré au 27 Octobre 2010

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Octobre 2010, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LE BOURSICOT, Président de Chambre et par Monsieur HENNART, Greffier présent à cette audience.

*

* *

Le 27 septembre 2004, une promesse synallagmatique de vente a été conclue, par l’intermédiaire de la SARL FIM, agent immobilier exerçant sous l’enseigne Agence de la Vallée, entre Mme B C d’une part, venderesse, M. D-E Y et son épouse, Mme Z A, d’autre part, acquéreurs, portant sur une maison d’habitation située aux XXX moyennant le prix de XXX.

Le 28 septembre 2004, les époux Y ont donné mandat exclusif à la société FIM de vendre, au prix de XXX, la maison dont ils étaient propriétaires à X.

Parallèlement, ils ont souscrit en janvier 2005, un prêt relais auprès de la Caisse d’épargne.

L’immeuble d’X a été vendu le 12 mars 2007 au prix de 175 000 €.

Faisant valoir que la société FIM avait surévalué ce bien et que cette faute était à l’origine de difficultés financières, les époux Y l’ont assignée le 20 novembre 2007 devant le tribunal de grande instance de Dieppe auquel ils ont demandé sa condamnation à leur verser la somme de 58 673 € à titre de dommages et intérêts correspondant à la différence entre le prix évalué et le prix réel de vente.

Par jugement du 13 mai 2009, le tribunal retenant une faute de la part de chacune des parties réduisant de moitié l’indemnisation du préjudice lui-même évalué à 30 000 €, a condamné la SARL FIM à payer aux époux Y la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts outre celle de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 26 juin 2009, la SARL FIM a interjeté appel de ce jugement ; après qu’une ordonnance de radiation eut été rendue le 18 novembre 2009, elle a sollicité la réinscription au rôle le 18 décembre 2009 et conclu à cette date.

Dans ses écritures du 18 décembre 2009 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, elle fait valoir pour l’essentiel qu’aucune faute ne peut lui être reprochée et qu’en tout état de cause la somme que les époux Y pouvaient espérer recevoir n’était pas de XXX mais 213 428 €.

La société FIM sollicite en conséquence l’infirmation du jugement, le rejet de l’ensemble des demandes des époux Y et leur condamnation à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 1er mars 2010 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, M. D-E Y et son épouse Mme Z A soutiennent essentiellement que la société FIM a commis des fautes en surestimant leur immeuble et en ne leur conseillant pas d’insérer une condition suspensive lors de leur promesse qui sont à l’origine de leurs difficultés financières.

Au visa des articles 1147 et 1992 du code civil, ils sollicitent la confirmation du jugement en ce qu’il a dit que la société FIM a commis une faute et sa réformation quant au montant des dommages et intérêts ; ils réclament à ce titre la somme de 58 673 € ainsi qu’une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 30 juin 2010.

Sur ce,

Attendu que l’acte sous seing privé du 27 septembre 2004 établi par l’intermédiaire de la société FIM en vertu duquel les époux Y se sont portés acquéreurs d’une maison située aux Grandes Ventes pour le prix de XXX

comportait outre des conditions suspensives classiques concernant l’urbanisme, l’état hypothécaire et le droit de préemption qui sont indifférents au présent litige, une condition suspensive portant sur l’obtention d’un prêt de 60 000 € ; qu’il était stipulé que le surplus (prenant en considération les frais) était financé à hauteur de 198 518 € au moyen de deniers personnels et d’un prêt relais ; qu’un prêt relais précisant qu’il s’agissait d’un 'prêt accordé dans l’attente de la revente d’un bien immobilier ou de la perception d’un capital’ a été accordé en janvier 2005 pour un montant de 198 518 € ;

Attendu que le mandat exclusif de vente donné le 28 septembre 2004 – soit le lendemain même de la promesse synallagmatique – à la société FIM par les époux Y portant sur le bien immobilier dont ils étaient propriétaires à X stipulait qu’il devait être présenté à la vente au prix de XXX – ce qui représente effectivement le montant exact du prix d’achat de la maison des Grandes Ventes - ; qu’il était prévu que la rémunération du mandataire, fixée à 15 245 €, était à la charge du vendeur de sorte que, dans le meilleur des cas, les époux Y pouvaient espérer percevoir pour eux-mêmes une somme de 228 673 – 15 245 = 213 428 € ;

Attendu que selon l’attestation établie par Maître Carole PACE-FLORK, notaire, la maison d’X sera finalement vendue, suivant acte reçu en son étude le 12 mars 2007, pour le prix de 175 000 € (et non 170 000 € comme indiqué dans les écritures des époux Y qui ont été reprises dans les mêmes termes par le premier juge) ;

Attendu que les époux Y prétendant que leur préjudice est constitué par la différence entre le prix stipulé au mandat exclusif et celui effectivement obtenu, il ne pourrait être, au regard des chiffres sus mentionnés, que de 213 428 – 175 000 = 38 428 € ;

Attendu toutefois qu’une telle prétention ne pourrait prospérer que pour autant qu’il serait constaté à la fois une faute de la société FIM et l’absence de toute faute de la part des époux Y ;

Attendu que ceux-ci considèrent qu’il doit être reproché à l’agent immobilier d’avoir failli à son devoir de conseil d’une part, en retenant une évaluation manifestement excessive et d’autre part, en n’insérant pas une condition suspensive relative à la vente de leur bien ;

Attendu, sur ce second point, que nul ne peut contester – ce que d’ailleurs admet l’appelante – que les deux opérations étaient, pour les époux Y intimement liées ; que la société FIM indique d’ailleurs elle-même que 'l’aléa de lier une vente à un achat est évident’ ; que, dans ces conditions, pour autant qu’il eût été accepté par la venderesse, le recours au mécanisme de la condition – suspensive ou résolutoire – aurait été une disposition prudente que l’agent immobilier aurait dû conseiller ; qu’il ne prétend au demeurant pas même l’avoir suggérée et ce manquement caractérise une faute de sa part ;

Attendu, s’agissant de l’évaluation de la maison dont les intimés étaient propriétaires, qu’il convient préalablement de relever que le mandat exclusif donné le 28 septembre 2004 à la SARL FIM aux conditions ci-dessus rapportées, a été dénoncé par les époux Y le 28 septembre 2005 ; qu’ils ont ensuite confié à cette même agence un mandat non exclusif le 13 mai 2006 dans lequel le prix de vente a été fixé à 186 000 € ;

Que par ailleurs, il résulte des pièces produites que d’autres mandats de vente sans exclusivité ont été donnés par les époux Y ;

Que l’un d’entre eux l’a été en 2005, plus précisément le 8 avril, à l’agence Normande Immobilière, pour un prix de vente de 220 500 € ;

Que tous les autres l’ont été en 2006 (entre mai et septembre) le prix de vente visé variant, selon les cas, entre 185 000 et 194 300 € (y compris auprès de l’Agence Normandie Immobilière dans le nouveau mandat conclu avec celle-ci le 27 mai 2006, prévoyant un prix de 185 000 €) ;

Attendu enfin qu’une évaluation de l’immeuble par un autre agent immobilier le 15 septembre 2006 fait état d’une estimation d''environ 180 000 €' ;

Attendu que, s’il doit être ainsi constaté une différence de l’ordre de 30 000 € entre le prix visé par le mandat exclusif et ceux retenus deux ans plus tard, il convient de noter d’une part que, comme le souligne l’appelante, entre 2004 et 2006, le marché de l’immobilier avait amorcé une baisse et d’autre part, qu’en avril 2005, une autre agence immobilière avait, malgré tout, accepté un mandat de vente à un prix qui n’était guère différent de celui visé dans le mandat exclusif donné à la SARL FIM ;

Que, par ailleurs, les époux Y s’abstiennent de préciser quel a été le montant offert par les deux clients qui, selon les indications concordantes des parties, se sont alors intéressés à l’immeuble ;

Que, de ce qui précède, il résulte une estimation sans doute un peu excessive de la part de la société FIM qui aurait dû attirer l’attention de ses mandants sur ce point mais que cet excès, compte tenu de l’ensemble des éléments ci-dessus énoncés, ne peut être retenu qu’à hauteur de 20 000 € ;

Attendu par ailleurs que le premier juge a nettement mis en évidence la part de responsabilité des époux Y dans le préjudice qu’ils invoquent ;

Qu’en effet, tout vendeur doit être conscient des risques que comporte la recherche d’un acheteur ; qu’aucune certitude ne pouvait exister pour eux de voir se présenter un acquéreur acceptant le prix demandé et de surcroît dans un délai bref ; que le tribunal, en des motifs que la Cour font siens, a nettement caractérisé la part d’aléa qui s’attache à toute vente d’un bien immobilier et, même non dûment avisés par l’agent immobilier ou conseillés par lui, sur les mécanismes juridiques appropriés, ils devaient tenir compte des éléments aléatoires que comporte une telle opération ;

Attendu que le premier juge a, dans ces conditions, justement considéré que les époux Y avaient ainsi eux-mêmes concouru à hauteur de moitié à la réalisation du préjudice qu’ils invoquent lequel, au regard de ce qui précède, ne peut être considéré comme ayant dépassé 20 000 € ; qu’il s’ensuit que, le jugement étant dès lors réformé sur ce point, les dommages et intérêts mis à la charge de la SARL FIM ne peuvent excéder 10 000 € ;

Attendu que si celle-ci obtient une réformation partielle de la décision, le principe de sa responsabilité est maintenue ; qu’elle doit supporter outre les dépens de première instance ceux d’appel mais l’équité ne commande pas d’allouer aux époux Y, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité complémentaire à celle allouée par le tribunal ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l’exception du montant des dommages et intérêts alloués,

Le réformant sur ce point,

Condamne la SARL FIM à payer à M. D-E Y et Mme Z A, son épouse, la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts,

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SARL FIM aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l’aide juridictionnelle et à celles de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président



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