Cour d'appel de Rouen, Deuxième chambre, 17 juin 2010, n° 09/03904

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  • Présomption d'innocence

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 09/03904

COUR D’APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 17 JUIN 2010

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIEPPE du 06 Août 2009

APPELANTS :

Madame C Z

née le XXX à XXX

XXX

XXX

représentée par la SCP COLIN-VOINCHET RADIGUET-THOMAS ENAULT, avoués à la Cour

assistée de Me Gilles BOUYER, avocat au barreau de Paris

Monsieur A X

né le XXX à XXX

XXX

XXX

représenté par la SCP COLIN-VOINCHET RADIGUET-THOMAS ENAULT, avoués à la Cour

assisté de Me Gilles BOUYER, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE :

S.A. MOULINSART

XXX

XXX

représentée par Me C-Christine COUPPEY, avoué à la Cour

assistée de Me Florence WATRIN, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 29 Avril 2010 sans opposition des avocats devant Monsieur LOTTIN, Conseiller, rapporteur, en présence de Madame VINOT, Conseiller.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur LARMANJAT, Président

Monsieur LOTTIN, Conseiller

Madame VINOT, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Madame DURIEZ, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 29 Avril 2010, où le président d’audience a été entendu en son rapport oral et l’affaire mise en délibéré au 03 Juin 2010, prorogé au 17 Juin 2010 afin de permettre aux parties de répondre à une note en délibéré du Président

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 17 Juin 2010, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur LARMANJAT, Président et par Madame DURIEZ, Greffier.

*

* *

Exposé du litige

Madame C Z, sculptrice, a créé avec M. A X en 1983 une entreprise de création et de reproduction de personnages notoires de bande dessinée sous forme de statuettes.

Cette entreprise, exploitée depuis 1989 par la société Z X, s’est vue confier à partir de 1997 par la Sa Moulinsart, titulaire des droits d’exploitation dérivés des oeuvres du dessinateur K L plus connu sous le nom d’Hergé, la fabrication sous licence et la distribution de personnages des 'aventures de Tintin'.

Les consorts Z X avaient également créé en 1997 une société MEM pour commercialiser les productions de la société Z X.

A partir de janvier 2002, les modalités contractuelles entre la société Z X et la société Moulinsart n’ont pas été reconduites et cette dernière n’a plus confié à la société Z X, par des commandes successives, que la seule fabrication de ces statuettes.

A la suite de la cession en janvier 2007 des actions de la société Z X à une société LB Créations dirigée par M. Y, ce dernier, ayant découvert des pratiques frauduleuses de commercialisation occulte des statuettes, a déposé une plainte pénale à l’encontre des consorts Z X.

La société Moulinsart, s’estimant victime de ces pratiques, s’est constituée partie civile dans cette instruction et a déposé plainte auprès du procureur de la république de Dieppe du chef de contrefaçon.

Par ordonnance sur requête rendue le 25 novembre 2008, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Dieppe a autorisé la société Moulinsart à procéder à une saisie conservatoire de créances sur trois comptes bancaires dont sont titulaires M. A X et de Madame C Z.

Un procès-verbal de saisie conservatoire a été dressé le 28 novembre 2008 portant sur les soldes créditeurs de ces comptes bancaires ainsi que sur les avoirs détenus au titre de contrats d’assurances vie, qui a été dénoncé aux parties saisies le 2 décembre 2008.

Les consorts Z-X ont assigné en référé la société Moulinsart par acte du 20 décembre 2008 devant le juge de l’exécution aux fins notamment de voir rétracter l’ordonnance du 25 novembre 2008, de voir annuler la saisie conservatoire et son acte de dénonciation ou subsidiairement de voir ordonner mainlevée de cette saisie et de voir condamner la société Moulinsart à payer à chacun d’entre eux une somme de 10 000 euros de dommages et intérêts ainsi qu’une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu 6 août 2009, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Dieppe a :

— dit que la saisie conservatoire pratiquée le 28 novembre 2008 par la société Moulinsart entre les mains de l’agence du Crédit du Nord de Neufchâtel en Bray n’est pas caduque,

— ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 28 novembre 2008 par la société Moulinsart entre les mains de l’agence du Crédit du Nord de Neufchâtel en Bray sur les contrats d’assurance-vie Antarius Avenir n° S 8650929, 2011628, 2011629, S 8650928,

— déclaré valable la saisie conservatoire pratiquée le 28 novembre 2008 par la société Moulinsart entre les mains de l’agence du Crédit du Nord de Neufchâtel en Bray sur les comptes 141374 et 141374 série 420,

— débouté les époux Z-X de leur demande de dommages et intérêts,

— condamné la société Moulinsart aux dépens,

— rejeté la demande des époux Z-X et de la société Moulinsart au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Cette décision a été notifiée par le greffe aux consorts Z-X par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 12 août 2009.

Les consorts Z-X en ont interjeté appel le 14 août 2009.

Prétentions et moyens des parties

Les moyens des parties seront examinés dans les motifs de l’arrêt.

Aux termes de leurs conclusions successives des 8 et 12 décembre 2009 puis du 20 avril 2010, les consorts Z X sollicitent à titre principal la nullité du jugement entrepris en demandant à la cour de constater la caducité des saisies pratiquées et d’en ordonner la mainlevée.

A titre subsidiaire, les appelants concluent à la rétractation pure et simple de l’ordonnance sur requête rendue le 25 novembre 2008, à la nullité de la saisie du 28 novembre 2008 et de l’acte de dénonciation du 2 décembre 2008 et à la nullité subséquente de l’ordonnance sur requête.

Dans tous les cas, les consorts Z X demandent à la cour d’ordonner mainlevée de la saisie conservatoire et de condamner la société Moulinsart à payer à chacun d’entre eux une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu’une indemnité de 7 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses uniques conclusions signifiées le 19 mars 2010, la société Moulinsart sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a dit que la saisie conservatoire pratiquée le 28 novembre 2008 n’est pas caduque mais valable et le rejet des prétentions des consorts Z X.

Ils demandent à la cour d’infirmer le jugement entrepris pour le surplus et de condamner solidairement Madame Z et M. X à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au cours du délibéré, il a été demandé aux parties de présenter leurs observations sur le moyen d’office pris de ce que les dispositions de l’article L 521-7 du code de la propriété intellectuelle invoquées par la société Moulinsart ne correspondent pas aux modalités du calcul d’évaluation par cette dernière du montant de sa créance, qui se basent non sur le manque à gagner ni sur le prix des redevances ou droits générés par les produits contrefaits mais sur une évaluation du prix de vente de ces produits.

Les observations que les parties ont contradictoirement formulées sont annexées au dossier de la procédure.

Les nouvelles pièces adressées par les parties en cours de délibéré seront écartées dès lors qu’elles n’ont pas été régulièrement communiquées avant la clôture, étant observé que les parties n’avaient pas été autorisées à donner de nouvelles explications excepté pour répondre au moyen soulevé d’office par la cour ni à produire de nouvelles pièces.

Sur ce, la Cour,

Sur la demande de nullité du jugement entrepris

A l’appui de leur demande de nullité du jugement, les consorts Z X invoquent d’une part le défaut d’impartialité du premier juge, qui n’aurait pas dû statuer sur la demande de rétractation de sa propre ordonnance en application des règles relatives au procès équitable et qui en outre a manifesté lors de l’audience sa volonté de ne pas se déjuger, d’autre part l’insuffisance de motifs qui équivaut à une absence de motifs de la décision entreprise.

Toutefois, la demande de mainlevée de la mesure conservatoire est portée en application de l’article 218 du décret du 31 juillet 1992 devant le juge qui a autorisé la mesure.

Si le juge de l’exécution, en application de l’article L 213-7 du code de l’organisation judiciaire, peut renvoyer à la formation collégiale du tribunal de grande instance qui statue comme juge de l’exécution, ce texte prévoit que cette formation collégiale comprend le juge qui a ordonné le renvoi.

Au surplus les consorts Z X ne justifient pas avoir sollicité un tel renvoi ni avoir contesté la partialité du premier juge alors qu’ils savaient parfaitement qu’il avait autorisé la saisie dont ils demandaient la mainlevée.

Les appelants n’établissent nullement avoir fait acter ou avoir constaté des propos du premier juge au cours de l’audience manifestant une intention de ne pas se déjuger, alors que précisément il a ordonné la mainlevée partielle de la saisie précédemment autorisée, portant sur la partie la plus importante des sommes saisies.

Ils sont en conséquence mal fondés à invoquer devant la cour l’impartialité de ce premier juge.

En second lieu, il résulte de la lecture du jugement entrepris que le premier juge a motivé sa décision tant sur le rejet de la demande de caducité que sur les moyens pris de l’atteinte à la présomption d’innocence et de l’égalité entre les armes ou du secret professionnel. Les appelants, s’ils prétendent que le premier juge n’a pas motivé son jugement sur 'des questions de principe', s’abstiennent d’ailleurs de préciser lesquelles, ce qui ne permet pas à la cour de répondre plus précisément à ce moyen.

Les consorts Z X seront en conséquence déboutés de leur demande de nullité du jugement entrepris.

Sur la mainlevée partielle de la saisie ordonnée par le tribunal

Aucune des parties ne critique les dispositions du jugement ayant ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 28 novembre 2008 entre les mains de l’agence du Crédit du Nord de Neufchâtel en Bray sur les contrats d’assurance-vie Antarius Avenir n° S 8650929, 2011628, 2011629 et S 8650928.

Dès lors, ces dispositions ne peuvent qu’être confirmées.

Sur la demande relative à la caducité de la saisie conservatoire

Les consorts Z X font valoir que le dépôt d’une plainte contre X adressée au procureur de la République, voire une plainte avec constitution de partie civile déposée contre X ne constituent pas l’introduction d’une procédure destinée à l’obtention d’un titre exécutoire et ne sont pas de nature à éviter la caducité de la saisie conservatoire pratiquée, mais aussi que la date à prendre en considération dans le cas d’une plainte avec constitution de partie civile est celle de la consignation effectuée dans les délais prescrits, laquelle en l’espèce a été faite le 15 janvier 2009, soit plus d’un mois après la saisie.

Toutefois, il résulte de l’article 215 du décret du 31 juillet 1992 que, hors le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier doit, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire.

Il résulte d’autre part de l’article 85 du code de procédure pénale dans sa rédaction en vigueur depuis le 5 mars 2007 que la plainte avec constitution de partie civile n’est recevable qu’à condition que la personne justifie soit que le procureur de la République lui a fait connaître qu’il n’engagerait pas lui-même les poursuites soit qu’un délai de trois mois s’est écoulé depuis qu’elle a déposé plainte devant ce magistrat contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

En l’espèce, la société Moulinsart avait, avant même de pratiquer la saisie conservatoire, déposé plainte devant le procureur de la République de Dieppe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception signé le 17 juillet 2008.

Si cette plainte portait en entête la mention 'plainte contre X', il était clairement précisé dans les deux derniers paragraphes que la société Moulinsart, qui visait des infractions de contrefaçon de droits d’auteur, abus de confiance et recel d’abus de confiance, portait 'plainte entre vos mains à l’encontre de Monsieur A X et de Madame C Z et de toutes autres personnes dont il sera établi qu’elles ont participé aux faits ci-avant décrits'.

Par lettre adressée au juge d’instruction le 23 décembre 2008, postée le 26 décembre 2008 et dont l’accusé de réception a été signé le 29 décembre 2008, la société Moulinsart a saisi ce magistrat d’une plainte avec constitution de partie civile.

Il résulte de l’ordonnance du juge d’instruction en date du 15 janvier 2009 que cette plainte était dirigée 'contre M. X A-Madame Z C-S ép.X-personnes visées'.

Alors qu’elle disposait d’un délai jusqu’au 17 février 2009, la société Moulinsart justifie avoir versé dès le 20 janvier 2009 la consignation de 1 000 euros fixée par le magistrat instructeur.

Dès lors que la consignation a été faite dans les délais, la date de dépôt de la plainte est validée comme étant le 29 décembre 2008.

La saisie conservatoire ayant été effectuée le 28 novembre 2008 et le 28 décembre 2008 étant un dimanche, la société Moulinsart était tenue d’introduire une procédure ou d’accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire au plus tard le 29 décembre 2008.

En déposant le 29 décembre 2008 sa plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction contre M. X et Madame Z, la société Moulinsart a rempli cette condition.

Les appelants seront en conséquence déboutés de leur demande de caducité de la saisie.

Sur la demande relative à la violation du secret professionnel

Les appelants font valoir que le fait de révéler des informations et de reproduire des extraits de pièces provenant d’un dossier d’instruction dans le cadre d’une autre procédure peut constituer une violation du secret professionnel au sens de l’article 226-13 du code pénal.

Ils invoquent les dispositions de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme, les articles 15 et 16 du pacte des droits civils et politiques, ainsi que les articles 11 et 114 du code de procédure pénale.

Toutefois la société Moulinsart, qui n’est dépositaire d’aucun secret professionnel, s’est vue délivrer des copies des pièces du dossier d’information dans lequel elle était partie civile dans des conditions régulières. Elle est fondée à produire devant le juge civil les éléments tirés d’une procédure pénale nécessaires aux besoins de sa défense.

Une telle communication, qui ne remet pas en cause la présomption d’innocence et ne préjuge pas de la future décision pénale, ne porte pas atteinte aux droits des consorts Z X qui, mis en examen dans ce dossier pénal, ont accès à l’ensemble du dossier et ont ainsi la possibilité de produire d’autres pièces pour l’exercice de leur défense devant le juge civil, lequel n’est pas un tiers au sens de l’article 114-1 du code de procédure pénale.

Le moyen pris de la violation du secret professionnel n’est en conséquence pas fondé.

Sur l’atteinte aux droits de la défense et à la présomption d’innocence

Les consorts Z X soutiennent que les procès-verbaux de la garde à vue et la procédure subséquente sont nuls aux motifs qu’ils ont fait l’objet d’une fouille à corps qui aurait eu pour but d’obtenir des aveux, que Madame Z aurait bénéficié d’un temps de repos dans un véhicule de dotation de la gendarmerie, qu’ils n’ont pas été assistés par un avocat au cours de leur garde à vue et que plus généralement les aveux obtenus à l’issue d’une longue garde à vue et d’interrogatoires successifs de jour comme de nuit ne sont pas probants, puisqu’ils n’ont fait que dire ce que les gendarmes voulaient entendre.

Ils font grief à la société Moulinsart de les avoir présentés dans sa requête au juge de l’exécution comme coupables des faits qui leur étaient reprochés, portant ainsi atteinte à la présomption d’innocence, notamment en communiquant ces actes aux magistrats, employés de la banque et huissiers.

Toutefois le caractère public de la présentation des personnes comme des coupables visé par l’article 9-1 du code civil invoqué par les appelants n’est pas établi en l’espèce, les pièces visées n’ayant été communiquées que pour les strictes nécessités d’une procédure par laquelle la société Moulinsart entendait faire préserver ses droits.

Au surplus les consorts Z X ne sont pas présentés comme des coupables d’infractions pénales mais comme ayant été mis en examen pour des faits portant préjudice aux droits de la société Moulinsart ou comme les auteurs d’actes non qualifiés pénalement mais réalisés également en fraude des droits de cette société.

Les moyens tirés de l’atteinte aux droits de la défense ou à la présomption d’innocence doivent en conséquence être écartés.

Sur l’atteinte à l’égalité des armes

Les appelants soutiennent que la possibilité pour la société Moulinsart de produire des pièces du dossier pénal portent atteinte à l’égalité des armes dès lors que le juge d’instruction les aurait empêchés de le faire.

La cour constate toutefois qu’en invoquant la nullité de la garde à vue et des actes subséquents les consorts Z X ne se privent pas d’évoquer le dossier d’instruction dans lequel ils ont été mis en examen.

Ainsi que cela a été rappelé plus haut, les consorts Z X, ayant accès au dossier, ont la possibilité comme la partie civile de produire toute pièce extraite de ce dossier, de telle sorte qu’il n’existe en l’espèce aucune atteinte à l’égalité des armes.

Sur le bien fondé de la créance alléguée

Les consorts Z X reprochent à la société Moulinsart d’avoir dénaturé les extraits de leurs déclarations faites aux gendarmes et soulignent que cette dernière, en l’absence de contrat de licence depuis le 1er janvier 1997, ne pouvait plus prétendre percevoir de 'royalties’ depuis un temps largement prescrit et n’était pas concernée par les ventes 'hors territoire contractuel’ de la société Z X.

Sur les motifs de la double numérotation reprochée, les appelants exposent que la fabrication des statuettes ou le transport générait un certain nombre de pièces défectueuses ou cassées qui étaient détruites, de telle sorte qu’il devait être procédé à la fabrication de nouvelles pièces auxquelles étaient attribués des numéros aléatoires.

Ils invoquent en outre des erreurs du personnel, voire des exigences de la société Moulinsart quant à des doubles numérotations destinées aux marchés de différents pays.

Ils affirment que les carnets invoqués par la société Moulinsart, outre qu’ils n’émanent pas d’eux mêmes mais des salariés, n’établissent pas l’existence d’une double numérotation et ne sont pas compatibles avec une telle pratique.

Madame Z souligne qu’elle était autorisée par convention à conserver un certain nombre d’exemplaires de chacune de ses oeuvres, ce qui explique que des statuettes aient été retrouvées lors de perquisitions dans leurs locaux.

Certaines statuettes retrouvées ont été fabriquées avant 1997, dans le cadre des contrats de licence, et sont donc licites selon les consorts Z X.

Enfin ces derniers soulignent que de nombreuses erreurs et confusions ont été commises par les gendarmes, dont les travaux ont pourtant servi de base au juge de l’exécution quant aux chiffres retenus.

Toutefois il ressort des pièces produites que M. X, ancien gérant de la société Z X, a reconnu devant le juge d’instruction de Dieppe, à la suite des investigations menées par les enquêteurs, avoir fait fabriquer sur plusieurs années, à partir de commandes de la société Moulinsart sur des modèles numérotés, des modèles supplémentaires sur la base d’une double numérotation, évoquant une 'décision idiote’ motivée par une 'sous-activité par rapport à nos activités de production'. Il a admis que le paiement d’un certain nombre de royalties avait ainsi été éludé.

Entendue postérieurement par le magistrat instructeur, Madame Z a déclaré qu’elle avait été informée de cette pratique et n’a pas contesté le fait que des royalties dues n’aient pas été versées.

Il ne s’agissait pas de statuettes fabriquées sous licence avant 1997, mais de commandes faites par la société Moulinsart qui se réservait à cette époque, la pratique illicite ayant débuté en 2003 selon M. X, la distribution de ces marchandises.

Les difficultés de fabrication ne peuvent expliquer ni justifier en aucun cas des doubles numérotations qui relevaient d’une volonté délibérée.

La créance alléguée par la société Moulinsart paraît fondée en son principe au vu de ces éléments.

Sur le montant de la somme objet de la saisie

Les consorts Z X contestent l’évaluation faite par la société Moulinsart de sa créance en soulignant que le prix de 300 euros par statuette n’est pas justifié par des factures de la société Z X, d’autant que les statuettes litigieuses ne sont pas identifiées.

Il y aurait lieu de distinguer selon eux entre les statuettes relevant des contrats de licence d’avant 1997, celles relevant de contrats de commande antérieurs à 2005 et celles relevant de contrats de commande postérieurs à 2005.

Les appelants font valoir que la société Z X, ancienne licenciée puis seulement fabricant, est le principal auteur de la contrefaçon alléguée et que la majeure partie des stocks saisis appartient à la société MEM qui les lui a achetés.

Toutefois seuls M. X et Madame Z font l’objet des poursuites pénales ci-dessus exposées, les faits reprochés leur étant imputés à titre personnel.

D’autre part, il résulte du code de la propriété intellectuelle en ce qu’il a transposé la directive communautaire du 29 avril 2004 applicable à l’époque des faits que 'pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subis par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l’atteinte’ et que 'la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte'.

En toute hypothèse, le préjudice ne saurait être supérieur aux bénéfices perdus par la victime de la contrefaçon.

Si le calcul des revenus générés par les statuettes à la société Moulinsart tel que figurant dans ses conclusions, qui est basé sur le prix de vente au détail des objets, ne peut en conséquence être retenu, il reste que, compte tenu du nombre de statuettes concernées, de leur prix moyen et d’une marge qui peut être évaluée à 100 euros par statuette, la créance de la société Moulinsart peut être évaluée à 135 000 euros.

Sur les autres conditions légales de la mesure conservatoire

Les consorts Z X invoquent les dispositions des articles 493 et suivants du code de procédure civile, applicables cumulativement avec celles du décret du 31 juillet 1992, pour soutenir que la requête ne vise ni l’urgence, ni la nécessité d’une requête unilatérale.

Toutefois, la condition de l’urgence n’est exigée ni par l’article 67 de la loi du 9 juillet 1991 ni par les articles 493 et suivants du code de procédure civile.

D’autre part le succès de la saisie conservatoire engagée par la société Moulinsart était conditionné à la présence d’argent sur les comptes bancaires et il était en conséquence justifié que les consorts Z X ne soient pas informés de cette demande et ne puissent dès lors effectuer des retraits ou des transferts sur d’autres comptes.

Les consorts Z X soutiennent enfin que les circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance, exigées par l’article 67 de la loi du 9 juillet 1991, ne sont pas justifiées en l’espèce alors que la société LB Créations reste leur devoir la somme de 730 000 euros outre les intérêts au titre de la cession des actions de la société Z X ainsi que les droits d’auteur de Madame Z, qu’ils sont en outre propriétaires de biens immobiliers et qu’à supposer les faits avérés, ce serait la société Z X qui serait débitrice des sommes réclamées.

Toutefois la société Moulinsart ne dispose d’aucune sûreté ou garantie à l’encontre des consorts Z X alors que le montant élevé de la créance laisse présumer que son recouvrement est menacé.

Le caractère occulte d’une partie de la fabrication sur la base d’une double numérotation en fraude des droits de la société Moulinsart est également de nature à faire redouter des manoeuvres visant à faire échouer les actions en recouvrement.

Par ailleurs le montant des sommes deus par la société LB Créations est susceptible d’être réduit à la suite de la plainte de cette société et des investigations en cours.

La saisie pratiquée, compte tenu de la mainlevée partielle en ce qui concerne les contrats d’assurance vie, ne porte utilement que sur une somme de 22 299,37 euros, bien inférieure au montant de la créance de la société Moulinsart, ce qui ne fait que confirmer les menaces pesant sur le recouvrement de la dite créance.

Sur les autres demandes

Les consorts Z X, qui succombent en leur contestations, seront déboutés de leur demandes de dommages et intérêts.

Les deux parties seront déboutées de leur demandes faites au titre des frais irrépétibles.

Les dépens de première instance resteront à la charge de la société Moulinsart, qui y a succombé partiellement en ses demandes et les dépens d’appel seront mis à la charge des appelants dont le recours n’est pas fondé.

PAR CES MOTIFS

Déboute Madame C Z et M. A X de leur demande de nullité du jugement entrepris et de leurs demandes de nullité des actes du 28 novembre 2008 et 2 décembre 2008 ainsi que de l’ordonnance du 25 novembre 2008,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Déboute Madame C Z, M. A X et la société Moulinsart de leur demandes faites en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame C Z et M. A X à payer les dépens d’appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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