Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 15 mars 2018, n° 17/03219

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 17/03219

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ

ARRÊT DU 15 MARS 2018

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Ordonnance du TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 12 Juin 2017

APPELANTE :

SAS KM SECURITE NORMANDIE

[…]

[…]

Représentée et assistée de Me Gabriel KENGNE de la SELARL GABRIEL KENGNE, avocat au barreau de ROUEN

INTIMÉE :

URSSAF BASSE NORMANDIE

[…]

[…]

Représentée et assistée de Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN, Postulant

assisté de Me VILLENAVE, substituant Me MAL AVOINE, avocat au barreau de CAEN, Plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 11 Janvier 2018 sans opposition des avocats devant Mme LEPELTIER-DUREL, Présidente, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEPELTIER-DUREL, Présidente

Madame LABAYE, Conseiller

Madame DELAHAYE, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Madame DUPONT, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 Janvier 2018, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 Mars 2018

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement le15 Mars 2018, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

Signé par Mme LEPELTIER-DUREL, Présidente et par Mme DUPONT, Greffier.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

La SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE exerce une activité de surveillance et de gardiennage.

Le 22 décembre 2016, à l’occasion d’un contrôle, l’URSSAF a constaté qu’un agent de sécurité du magasin TOYS R’ US de Mondeville, employé par la SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE, était en situation de travail dissimulé.

A l’issue des opérations de contrôle, une lettre d’observations a été adressée par lettre recommandée avec avis de réception à la SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE le 23 février 2017 afin de lui notifier un rappel de cotisations pour un montant de 178.421 euros pour la période contrôlée, outre une majoration de 40% soit 71.368 euros, telle que prévue par l’article L.8224-2 du code du travail en matière de travail dissimulé, et un rappel de 18.290 euros par suite de l’annulation des allégements Fillon. Ce courrier n’a pas été retiré.

Sur requête du 17 mars 2017, le Président du tribunal de commerce de Rouen a autorisé l’URSSAF à pratiquer une saisie-conservatoire de créances entre les mains du CIC NORD OUEST sur les comptes de la SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE pour conservation et obtenir paiement de la somme de 289.757,90 euros.

La saisie-conservatoire a été régularisée le 29 mars 2017 et a permis la saisie des sommes de 4.426,60 euros et 25.000 euros sur deux comptes distincts de la SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE, puis a été dénoncée le 5 avril 2017 à la SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE .

Par acte du 28 avril 2017, une dénonciation des actes de poursuite de la procédure a été délivrée à la requête de l’URSSAF à la SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE.

Par acte du 19 avril 2017, la SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE a fait assigner l’URSSAF Basse-Normandie aux fins de voir :

— constater l’incompétence du Président du tribunal de commerce pour ordonner la saisie-conservatoire d’une créance ne relevant pas de la compétence d’une juridiction commerciale,

— constater l’impossibilité d’introduire ou d’accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre par l’URSSAF Basse-Normandie,

— ordonner la mainlevée de la saisie-conservatoire de ses deux comptes ouverts au CIC NORD OUEST,

— condamner l’URSSAF Basse-Normandie à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l’article

700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de référé du 12 juin 2017, le président du tribunal de commerce de Rouen a :

— rejeté l’exception d’incompétence soulevée par l’URSSAF Basse-Normandie,

— débouté la SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE de ses demandes,

— condamné la SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE à régler la somme de 1 000 euros à l’URSSAF Basse-Normandie sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE aux dépens liquidés à la somme de 45,06 euros.

La SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE a interjeté appel de cette décision par déclaration reçu au greffe le 22 juin 2017.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 28 août 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, elle demande à la cour, au visa des articles R.511-1 à R.512-3 du code des procédures civiles d’exécution, de:

— constater l’incompétence du président du tribunal de commerce pour ordonner la saisie-conservatoire d’une créance ne relevant pas de la compétence d’une juridiction commerciale,

— constater l’impossibilité d’introduire ou d’accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre par l’URSSAF Basse-Normandie,

— confirmer la décision attaquée en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par l’URSSAF Basse-Normandie et admis la compétence du tribunal de commerce de Rouen,

— infirmer l’ordonnance entreprise en ce qui concerne les autres points,

— ordonner la mainlevée de la saisie-conservatoire de ses deux comptes sur les livres de la société CIC NORD OUEST,

— condamner l’URSSAF Basse-Normandie à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’URSSAF Basse-Normandie, dans ses dernières écritures notifiées le 30 août 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, conclut à la confirmation de l’ordonnance entreprise sauf en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par elle, à l’irrecevabilité et au débouté des demandes de la SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE et sollicite la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en sus de l’indemnité déjà allouée par le juge des référés et qui devra être confirmée ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel que la SELARL GRAY SCOLAN, avocats associés, sera autorisée à recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 janvier 2018.

MOTIFS de la DÉCISION

Sur l’exception d’incompétence du juge des référés du tribunal de commerce de Rouen

Selon l’article L.511-1 du code des procédures civiles d’exécution, 'toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.'

Et l’article L.511-3 du même code dispose que : ' l’autorisation est donnée par le juge de l’exécution. Toutefois, elle peut être accordée par le président du tribunal de commerce lorsque, demandée avant tout procès, elle tend à la conservation d’une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale.'

Il résulte de cette dernière disposition légale que le président du tribunal de commerce a une compétence facultative et exerce, lorsqu’il est saisi d’une telle demande d’autorisation, les pouvoirs du juge de l’exécution.

L’ordonnance autorisant une mesure conservatoire peut être contestée. L’article R.512-2 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que la demande de mainlevée est portée devant le juge qui a autorisé la mesure.

En l’espèce, l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes de la SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE ouverts au CIC NORD OUEST a été donnée par le président du tribunal de commerce de Rouen, l’URSSAF considérant que sa créance est de nature commerciale.

Mais, pour contester cette autorisation, la SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE a fait assigner l’URSSAF en référé devant le président du tribunal de commerce.

Or, aucune disposition légale ne prévoit de référé en matière de procédures civiles d’exécution. La seule possibilité pour les cas d’urgence est, conformément à l’article R.121-12 du code des procédures civiles d’exécution, d’assigner à bref délai sur autorisation préalable du juge de l’exécution donnée sur requête. Le président du tribunal de commerce ayant les mêmes attributions que le juge de l’exécution pour les créances commerciales, seule cette modalité pouvait être éventuellement mise en oeuvre.

Le président du tribunal de commerce statuant en référé sur le fondement des articles 872 et 873 du code de procédure civile et le président du tribunal de commerce statuant en matière de mesures conservatoires constituent deux entités distinctes en droit, qui ne connaissent pas de la même procédure notamment en ce qui concerne les voies de recours et qui ne disposent pas des mêmes pouvoirs.

Il convient en conséquence d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par l’URSSAF.

Avant de renvoyer les parties devant le président du tribunal de commerce statuant en matière de mesures conservatoires, il convient d’examiner l’exception d’incompétence du même président soulevée par la société KM SECURITE NORMANDIE, cette fois pour avoir ordonné la mesure conservatoire.

Sur l’exception d’incompétence du président du tribunal de commerce pour avoir ordonné la mesure conservatoire

La SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE soutient que la créance de l’URSSAF ne relève pas de la juridiction commerciale et qu’en conséquence le président du tribunal de commerce ne pouvait autoriser la mesure conservatoire.

La créance revendiquée par l’URSSAF a pour objet des cotisations sociales impayées du fait, selon

elle, de l’absence de déclaration de salariés et de déclaration minorée des heures facturées aux clients.

Or, le paiement des cotisations d’assurance sociale par un commerçant pour les besoins de son commerce dont le principe et l’assiette ne sont pas en cause constitue un acte de commerce par accessoire relevant donc, en vertu de l’article L.721-3 du code de commerce, de la compétence des tribunaux de commerce.

L’exception d’incompétence du président du tribunal de commerce ayant autorisé la mesure conservatoire doit donc être rejetée.

Sur les autres demandes

L’ordonnance entreprise ayant été prise par une juridiction incompétente pour examiner le litige, cette cour ne peut statuer au fond du litige mais doit renvoyer l’affaire devant le président du tribunal de commerce statuant en matière de mesures conservatoires.

Il serait inéquitable de laisser à la seule charge de l’URSSAF les frais irrépétibles qu’elle a dû exposer devant la cour. La SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE devra lui payer une indemnité de 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En outre, les dépens d’appel seront à sa charge.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Rouen le 12 juin 2017,

Statuant à nouveau,

Déclare le juge des référés du tribunal de commerce de Rouen incompétent pour connaître de la demande de mainlevée de l’ordonnance ayant autorisé l’URSSAF à faire pratiquer une saisie conservatoire de créances entre les mains du CIC NORD OUEST sur les comptes de la SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE pour conservation et obtenir paiement de la somme de 289.757,90 euros,

Dit que le président du tribunal de commerce de Rouen est compétent pour ordonner ladite mesure conservatoire,

Renvoie l’examen de l’affaire devant le président du tribunal de commerce de Rouen statuant en matière de mesures conservatoires,

Condamne la SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE à payer la somme de 700 euros à l’URSSAF de Basse-Normandie sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SASU KM SÉCURITÉ NORMANDIE aux dépens d’appel et accorde droit de recouvrement direct à la SELARL Gray Scolan, avocats associés, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

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