Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 21 février 2018, n° 16/02068
Chronologie de l’affaire
Commentaire • 1
Sur la décision
Référence : | CA Rouen, ch. soc., 21 févr. 2018, n° 16/02068 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Rouen |
Numéro(s) : | 16/02068 |
Décision précédente : | Tribunal des affaires de sécurité sociale de Rouen, 22 mars 2016 |
Dispositif : | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours |
Sur les parties
- Président : Marie-Christine LORPHELIN, président
- Avocat(s) :
- Parties :
Texte intégral
R.G. : 16/02068
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 21 FEVRIER 2018
DÉCISION
DÉFÉRÉE :
Jugement du TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE ROUEN du 23 Mars 2016
APPELANTE :
[…]
[…]
[…]
représentée par Mme Z A munie d’un pouvoir
INTIME :
Monsieur B Y
[…]
[…]
représenté par Me Claire VACHER, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 13 Décembre 2017 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseiller, magistrat chargé d’instruire l’affaire,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LORPHELIN, Président
Madame ROGER-MINNE, Conseiller
Madame de SURIREY, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
D E
DEBATS :
A l’audience publique du 13 Décembre 2017, où l’affaire a été mise en délibéré au 21 Février 2018
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 21 Février 2018, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LORPHELIN, Président et par M. E, Greffier présent à cette audience.
M. B Y est auto-entrepreneur au titre d’une activité de vente de fruits et légumes sur les marchés.
Le 3 octobre 2013, l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (l’URSSAF) de Haute Normandie a effectué un contrôle sur le marché de Forges les Eaux. L’inspecteur a constaté la présence de deux personnes en situation de travail sur le stand, M. B Y et son frère X.
Le 3 avril 2014, M. Y s’est vu notifier un redressement d’un montant de 4 016 euros au titre de l’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié.
Une mise en demeure lui a été adressée le 16 juillet suivant pour un montant de 4 297 euros soit 4 016 euros de cotisations et 281 euros de majorations de retard.
M. Y a saisi la commission de recours amiable le 28 juillet 2014 afin de contester la décision de l’URSSAF.
M. Y a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rouen le 18 novembre 2014 d’un recours à l’encontre de la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable.
La commission a rejeté explicitement sa demande le 4 décembre 2014.
Par jugement du 23 mars 2016, le tribunal a :
— réformé la décision de la commission de recours amiable du 4 décembre 2014 survenue par ailleurs hors délai et après saisine du tribunal,
— annulé la décision de l’URSSAF condamnant M. B Y à payer la somme totale de 4 297 euros,
— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’URSSAF a interjeté appel de ce jugement par lettre recommandée du 26 avril 2016.
Par conclusions du 9 octobre 2017, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il convient de se référer pour l’exposé détaillé de ses moyens, l’URSSAF demande à la cour de :
— infirmer le jugement,
— confirmer le bien fondé du redressement,
— condamner M. Y au paiement de la somme de 4 297 euros, soit 4 016 euros de cotisations et 281 euros en majorations de retard,
— débouter M. Y de l’intégralité de ses demandes.
Elle conteste l’existence d’une entraide familiale et que M. X Y se soit trouvé sur le stand pour la première fois, alors que sa présence avait déjà été constatée en 2012, 2013 et 2014. Elle considère que la présence de M. X Y est régulière et indispensable au bon fonctionnement du commerce de son frère qui ne peut tenir de manière permanente son stand seul.
Par conclusions du 23 novembre 2017, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il convient de se référer pour l’exposé détaillé de ses moyens, M. Y demande à la cour de :
— confirmer le jugement,
— condamner l’URSSAF au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que son frère, présent le jour du contrôle, lui avait proposé de l’aider, puisqu’il devait commencer une activité commerciale et avait besoin de se former. Il affirme que sa présence était exceptionnelle et unique ; qu’il n’est pas démontré sa présence habituelle sur le stand, ni qu’il soit arrivé avec lui dès sept heures le matin. Il considère que son frère est intervenu dans le cadre d’une entraide familiale et soutient que compte tenu du fait que son stand mesure 6 m et contient environ 300 euros de marchandises, il n’a pas besoin d’une aide habituelle pour faire fonctionner son activité professionnelle.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
En application de l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement :
— soit à l’accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l’embauche,
— soit à la délivrance d’un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli,
— soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de la migration fiscale en vertu des dispositions légales.
L’entraide familiale, qui crée une présomption simple de non salariat, se caractérise par une aide ou une assistance apportée à une personne proche de manière occasionnelle et spontanée, en dehors de toute rémunération et de toute contrainte. Cette présomption peut être renversée par la preuve contraire, qui consiste à démontrer que l’activité déployée excède les limites de l’entraide familiale, l’excès pouvant résulter de la participation à l’activité d’une entreprise qui ne peut fonctionner sans cette aide et qu’elle est accomplie dans un cadre faisant apparaître les conditions de la subordination juridique.
En l’espèce, les inspecteurs du recouvrement de l’URSSAF ont constaté que le 3 octobre 2013 à 9 heures et à 10 heures la présence de deux personnes, dont M. B Y, en situation de travail et qu’avant le début du contrôle, à 11h05, ces personnes étaient toujours en situation de travail pour le service de la clientèle. Aucun document d’inscription sur un registre légal, ni aucun document d’immatriculation auprès des organismes de protection sociale n’a été présenté. Par ailleurs aucune déclaration préalable à l’embauche n’avait été effectuée, ni remise de bulletin de salaire, ni
transmission des données sociales périodiques pour l’emploi de personnel. M. Y a déclaré que l’autre personne était son frère, venu l’aider pour le service de la clientèle, lequel allait commencer une activité commerciale indépendante de vente de fruits et légumes sur les marchés, les démarches de création n’ayant pas encore été effectuées. M. X Y, après avoir tenté de se soustraire au contrôle, et après avoir été sommé par son frère de décliner sa véritable identité, a indiqué être venu l’aider pour la première fois et être arrivé avec lui en camion le matin à 7 heures pour installer le stand. L’agent de contrôle, précise avoir fait remarquer à M. X Y qu’il l’avait déjà vu en situation de travail sur le stand de son frère, sur le marché de Montville, en 2012. Il est par ailleurs mentionné dans le procès-verbal de contrôle que l’entreprise individuelle de M. Y a déjà fait l’objet d’un contrôle inopiné, dans le cadre de la lutte contre le travail illégal, le 3 mai 2011 sur le marché de Gournay-en-Bray, à la suite duquel une lettre d’observation lui a été adressée l’avisant des risques du travail dissimulé. Le placier-régisseur du marché de Forges les eaux attestent avoir constaté courant octobre 2013 la présence du frère de M. Y derrière le stand ainsi que le 24 avril 2014, alors qu’il tenait seul le stand de son frère absent.
M. X Y s’est inscrit au répertoire des entreprises et des établissements pour une prise d’activités à compter du 10 octobre 2013 et a acquis au cours du même mois sa carte de commerçant ambulant. Il est versé au débat cinq attestations de clients qui indiquent avoir toujours été servis par M. B Y qui travaille seul sur son étal.
Il résulte de ces éléments que la circonstance que M. X Y ait travaillé sur le stand de son frère, seul ou avec lui, à deux reprises avant et pendant le contrôle, ainsi qu’une fois après celui-ci, ne suffit pas à caractériser une participation à l’activité de son frère qui ne pourrait fonctionner sans cette aide, dans des conditions établissant existence d’un lien de subordination, alors par ailleurs qu’il est établi que M. B Y travaille habituellement seul.
C’est en conséquence à juste titre que le tribunal des affaires de sécurité sociale a retenu l’existence d’une situation d’entraide familiale et a annulé le redressement de l’URSSAF portant sur une somme totale de 4 297 euros.
Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
Confirme le jugement ;
Déboute M. Y de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Textes cités dans la décision