Infirmation partielle 23 novembre 2023
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Sur la décision
| Référence : | CA Rouen, ch. soc., 23 nov. 2023, n° 21/04430 |
|---|---|
| Juridiction : | Cour d'appel de Rouen |
| Numéro(s) : | 21/04430 |
| Importance : | Inédit |
| Décision précédente : | Conseil de prud'hommes de Le Havre, 11 novembre 2021 |
| Dispositif : | Autre |
| Date de dernière mise à jour : | 6 août 2024 |
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Sur les parties
| Avocat(s) : | |
|---|---|
| Parties : |
Texte intégral
N° RG 21/04430 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I533
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 23 NOVEMBRE 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DU HAVRE du 12 Novembre 2021
APPELANT :
Monsieur [L] [U]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Fabien LACAILLE, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Valérie-Rose LEMAITRE de la SCP LEMAITRE, avocat au barreau de l’EURE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 11 Octobre 2023 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame ROYAL, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. GUYOT, Greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 11 octobre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 23 novembre 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 23 Novembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [L] [U] a été engagé par la société BMS [Localité 4] en qualité chef des ventes par contrat de travail à durée indéterminée le 4 décembre 2000, puis il a été engagé par la société BMS [Localité 3] en octobre 2013 en qualité de directeur de site, statut cadre dirigeant, avant d’être engagé par la société Financab à compter du 1er octobre 2018 en qualité de directeur de plaque.
Il lui a été proposé un contrat de sécurisation professionnelle le 13 octobre 2020, qu’il a accepté le 15 octobre et il lui a été confirmé la rupture de son contrat pour motif économique le 31 octobre 2020 dans les termes suivants :
'Vous occupez le poste de directeur plaque BMS au sein de la société Financab, société holding du groupe BMS, depuis octobre 2018 avec reprise de votre ancienneté au 4 décembre 2000.
La société Financab enregistre des résultats déficitaires depuis plusieurs exercices :
2018 2019
Résultat d’exploitation : – 160 145 € – 99 445 €
Résultat (bénéfice ou perte) : 1 424 301 € * – 69 429 €
(*) Le résultat de l’année 2018 s’explique par la cession d’actif que nous avons dû réaliser pour une valeur de 1 800 000 euros.
En dernier lieu, nous avons dû recapitaliser la société Financab à hauteur de 700 000 € au cours de l’exercice 2020.
Les résultats de la société Financab traduisent la situation économique dégradée et les difficultés économiques rencontrées par le groupe BMS, caractérisées par des résultats consolidés (résultat d’exploitation et résultat net) négatifs :
2018 2019
Résultat d’exploitation : – 1 950 508 € – 1 357 983 €
Résultat net : – 476 326 € * – 1 220 473 €
Les contre-performances commerciales et économiques répétées du groupe ont altéré la confiance du constructeur BMW et de nos partenaires bancaires.
Au cours de l’exercice 2019, le constructeur BMW nous a contraints à chercher un repreneur pour les trois concessions du groupe.
L’échec des discussions engagées avec le seul candidat à la reprise intéressé a conduit [W] [S], président de BMW France, à nous imposer une restructuration du groupe et la tutelle de [E] [H], précédemment directeur de la performance commerciale de BMW France.
La nouvelle organisation imposée par le constructeur d’une part, et les difficultés économiques rencontrées d’autre part, nous ont contraints à envisager la suppression de votre emploi de directeur plaque BMS.
En application des dispositions de l’article L. 1233-4 du code du travail, nous avons recherché toute possibilité de reclassement au sein de notre société et des autres sociétés du groupe BMS.
Il nous a malheureusement été impossible de vous proposer un reclassement interne dans la mesure où la société Financab ne dispose d’aucun poste disponible.
Nous avons également recherché les postes disponibles au sein des autres sociétés du groupe mais nos recherches ont été infructueuses, celles-ci n’ayant pas de postes disponibles compatibles avec votre qualification. (…).'
Par requête du 4 janvier 2021, M. [U] a saisi le conseil de prud’hommes du Havre en contestation du licenciement, ainsi qu’en paiement de rappels de salaire et indemnités.
Par jugement du 12 novembre 2021, le conseil de prud’hommes a dit que le licenciement de M. [U] reposait sur un motif économique réel et sérieux, l’a débouté de l’intégralité de ses demandes, a débouté la société Financab de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [U] aux éventuels dépens et frais d’exécution du jugement.
M. [U] a interjeté appel de cette décision le 19 novembre 2021.
Par conclusions remises le 28 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, M. [U] demande à la cour d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau, avec le bénéfice de l’exécution provisoire, de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société Financab à lui payer les sommes de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,75 000 euros pour travail dissimulé, 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité des documents de sortie, 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure en première instance et 3 000 euros pour la procédure devant la cour d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens, qui comprendront les éventuels frais et honoraires d’exécution du jugement.
Par conclusions remises le 20 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société Financab demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [U] de l’intégralité de ses demandes et, y ajoutant, le condamner à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 5 octobre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la question du bien-fondé du licenciement
M. [U] explique avoir été engagé en 2000 par le groupe BMS en qualité de chef des ventes, puis être devenu directeur de site en 2007, puis directeur du site [Localité 3] en 2013 avant d’être engagé en 2018 par la société Financab, société holding du groupe, en qualité de directeur de plaque, fonction transverse ayant pour objet le pilotage de l’ensemble des activités des trois concessions du groupe BMS, soit [Localité 5], [Localité 4] et [Localité 3].
Il indique néanmoins qu’à compter de septembre 2019, il a été contraint de se recentrer exclusivement sur le site [Localité 3], sans plus exercer ses fonctions afférentes à la gestion des trois sites, aussi, considère-t-il que la société Financab n’était plus son employeur et qu’il aurait donc dû être licencié par la société BMS [Localité 3].
Au-delà de cette question, il considère qu’au regard des nouvelles fonctions exercées, le licenciement ne pouvait plus concerner le poste de directeur de plaque, étant au surplus relevé qu’un nouveau directeur commercial devant gérer les trois concessions a été désigné dès décembre 2020 en la personne de M. [I], quand bien même il a été directement embauché par le groupe BMS et non Financab, de même qu’un directeur après-vente groupe a été embauché en novembre 2020, toujours par le groupe BMS.
En tout état de cause, il soutient qu’il n’est nullement démontré l’existence de difficultés économiques, ni l’impossibilité de le reclasser, sachant qu’il n’est pas fourni le registre unique du personnel du groupe BMS et qu’il ne lui a même pas été proposé un poste, serait-ce de moindre qualification.
En réponse, après avoir rappelé qu’un groupe n’a pas la personnalité juridique et que M. [U] n’a pu être engagé par le 'groupe BMS', elle conteste qu’il ait été rétrogradé au poste de directeur de site de la concession [Localité 3], expliquant qu’eu égard à la dégradation des performances économiques du groupe, le constructeur lui a imposé de nommer un responsable de la performance pour chaque site, revenant ainsi à la situation antérieure à 2018, à savoir que M. [N] a pris le poste de directeur du site d'[Localité 4], M. [I], celui de [Localité 5] et M. [U] celui [Localité 3], sans cependant le décharger de sa qualité de directeur de plaque comme en témoignent les mails produits aux débats qui démontrent qu’il a continué à intervenir sur un périmètre excédant largement cette concession [Localité 3].
Aussi, relevant que M. [U] a d’ailleurs agi contre la société Financab et non contre la société BMS [Localité 3] pour laquelle il n’a pas sollicité la reconnaissance d’un co-emploi, elle soutient qu’elle avait seule qualité pour signer la lettre de licenciement.
Sur le fond, elle explique qu’elle justifie tant des difficultés économiques que de la réalité de la suppression de l’emploi de M. [U], laquelle doit s’apprécier au niveau de la société Financab et, tout en notant l’incohérence de l’argumentation de M. [U] qui soutient que son poste de directeur de plaque n’existait plus et dans le même temps qu’il a été remplacé par un directeur commercial, elle conteste en tout état de cause que le poste M. [I], directeur commercial, ait eu pour visée de remplacer le poste de directeur de plaque pour avoir un champ d’intervention différent, limité aux questions commerciales, étant en outre relevé que celui-ci a été engagé par la société BMS [Localité 5].
Enfin, s’agissant de l’obligation de reclassement, elle relève que les registres uniques du personnel des différentes sociétés du groupe permettent de constater qu’il n’existait pas de postes disponibles relevant de la même catégorie que celui de M. [U] ou sur des emplois équivalents assortis d’une rémunération équivalente, sachant que le poste de M. [P] n’était pas dans les compétences de M. [U] pour être très technique.
Il résulte de l’article L. 1233-3 du code du travail que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des mutations technologiques, à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, à la cessation d’activité de l’entreprise ou à des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude. Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
Par ailleurs, selon l’article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.
L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.
Pour l’application de ces deux articles, il est précisé que la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.
A titre liminaire, il convient d’indiquer que la société Financab, société holding, appartient au groupe BMS au sens des articles précités et que l’organisation, les activités, à savoir concessionnaires automobile, ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel, comme en témoignent les mouvements de salariés entre les différentes sociétés mais aussi le fait que M. [R] [N], président de la société Financab, est l’auteur tant de la demande que des réponses tendant au reclassement de M. [U], et ce pour l’ensemble des sociétés.
En l’espèce, il résulte du contrat de travail signé le 1er octobre 2018 que M. [U] a été engagé par la société Financab en qualité de directeur de plaque BMS, cadre dirigeant, niveau V, avec une reprise de l’ancienneté acquise au sein de la société BMS [Localité 3], soit à compter du 4 décembre 2000.
S’il était indiqué qu’il exercerait ses fonctions au siège social de la société, situé à [Localité 4], il était immédiatement précisé qu’au regard de ses fonctions, il serait amené à travailler sur les autres concessions du groupe sans ce que cela constitue une modification d’un élément essentiel de son contrat.
Par ailleurs, et alors qu’il se déduit de l’argumentation de M. [U] que la qualité d’employeur de la société Financab est remise en cause à raison de l’absence de prestation effectuée pour son compte et qu’il produit pour en justifier l’attestation de trois salariés faisant état de ce que, lors de la restructuration, il a repris ses fonctions précédentes de directeur de site [Localité 3], l’un d’entre eux précisant même qu’il n’exerçait plus que cette fonction, et un autre que sa signature électronique correspondait d’ailleurs à cette seule fonction, il est cependant produit par la société Financab deux attestations de salariés qui, sans contester qu’il est redevenu directeur du site [Localité 3] en septembre 2019, affirment néanmoins qu’il a conservé ses fonctions de directeur de plaque, négociant ainsi avec le constructeur pour le compte des trois sites les objectifs vente/après-vente ou encore les moyens commerciaux.
Aussi, et alors que la teneur de ces deux attestations est corroborée par un certain nombre de mails qui permettent de constater que sur la période en cause, M. [U], tout en étant directeur du site [Localité 3], a continué à avoir un rôle plus global en assignant des consignes et objectifs propres à chaque site, il convient de retenir qu’il est suffisamment établi qu’il a continué, au moins en partie, à exécuter des prestations pour le compte de la société Financab, laquelle avait donc qualité pour engager la procédure de licenciement.
Au-delà de cette question, M. [U] conteste également la réalité de la suppression de son poste et, à cet égard, si, comme justement relevé par la société Financab, il résulte de l’article L. 1233-3 du code du travail que celle-ci s’apprécie au niveau de l’entreprise, il ne peut qu’être constaté que le registre unique du personnel produit pour la société Financab a été édité le 13 novembre 2020, soit dix jours seulement après l’expiration du délai de réflexion relatif à l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, ce qui ne permet en aucune manière de s’assurer de la réalité de la suppression du poste.
En tout état de cause, il ne peut être considéré que la société Financab a loyalement et sérieusement recherché un reclassement au profit de M. [U] alors même qu’il résulte du registre unique du personnel de la société BMS [Localité 5] qu’un conseiller service après-vente a été engagé le 16 novembre 2020, sans que ce poste n’ait été proposé à M. [U] alors même, qu’à défaut de poste équivalent, il appartenait à la société Financab de lui proposer un poste de moindre qualification.
Elle ne peut en outre se retrancher derrière la date d’embauche, en expliquant que celle-ci est postérieure au licenciement alors même que l’expiration du délai de réflexion relatif à l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle précédait cette embauche de moins de quinze jours et bien plus, il résulte du registre unique du personnel qu’il a remplacé un conseiller service après vente parti le 5 août 2020, soit un poste libre durant toute la période de recherche de reclassement.
Au-delà de ce poste de moindre qualification, un directeur après-vente a été recruté à cette même date en la personne de M. [P], sachant que ce recrutement ne fait pas suite à un départ qu’il aurait été nécessaire de combler dans l’urgence et sans prévisibilité, mais relève au contraire d’une création de poste, ce qui permet de s’assurer que la société BMS [Localité 5] avait nécessairement connaissance de ce besoin en personnel durant la période de recherche de reclassement.
Par ailleurs, la société Financab n’apporte pas le moindre élément justifiant de ce que ce poste n’aurait pas été à la portée des compétences de M. [U] pour être trop technique, sachant qu’il n’est produit ni la fiche de fonction, ni le curriculum vitae de la personne recrutée.
Ce manque de transparence est d’autant plus notable que si M. [I], directeur du site de [Localité 5] depuis 2019, continue à être mentionné sous cette qualification tant dans le registre unique du personnel que sur ses bulletins de salaire, il indique néanmoins sur son profil Linkedin un profil différent à compter de décembre 2020 en précisant être devenu directeur commercial, sachant que tous les autres postes mentionnés antérieurement sur ce profil correspondent exactement aux contrat de travail et avenant versés par la société Financab.
Au vu de ces éléments, il convient d’infirmer le jugement, de dire que la société Financab n’a pas loyalement et sérieusement recherché un poste de reclassement et en conséquence de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dès lors, conformément à l’article L. 1235-3 du code du travail qui prévoit une indemnisation comprise entre 3 et 15 mois pour une ancienneté de 19 années complètes, et alors que M. [U] justifie avoir perçu 331 allocations journalières en octobre 2021, sans cependant produire aucun élément postérieur à cette date, il convient de condamner la société Financab à lui payer la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Enfin, en vertu de l’article L 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner à la société Financab de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à M. [U] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de six mois.
Sur le travail dissimulé
Invoquant l’article L. 8221-5 du code du travail, M. [U] fait valoir qu’il a effectué des prestations de travail, et notamment des visioconférences, de mars à mai 2020 et ce, alors qu’il était déclaré au chômage partiel, sachant qu’il ne l’a nullement fait de sa propre initiative mais sur directive de son employeur, d’autant qu’il devait adresser des comptes rendus.
En réponse, la société Financab explique que M. [U] a effectivement été placé en activité partielle du 11 mars au 30 avril 2020, période durant laquelle elle lui a maintenu son salaire intégral, sans qu’elle n’ait exigé une prestation de travail de sa part, seuls quelques échanges skipe ayant eu lieu avec le dirigeant en prévision de la réouverture des concessions. Par ailleurs, elle indique qu’en sa qualité de directeur de plaque, M. [U] était l’interlocuteur de leur constructeur, lequel l’a effectivement invité directement à participer à six webinars d’une durée d’une heure chacun sur la période concernée.
Aux termes de l’article L. 8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli (…).
Selon l’article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
En l’espèce, à l’appui de sa demande, M. [U] produit un échange de sms qui démontre qu’il a participé à une conférence skype le 20 mars, qu’il lui a été demandé d’en faire une synthèse pour les chefs de vente et qu’il a effectué un déplacement professionnel le 22 avril après avoir obtenu de M. [N] une attestation le permettant.
Outre qu’il n’est pas produit la synthèse qui aurait été faite et que le déplacement était manifestement en lien avec l’organisation de la reprise du travail puisqu’il est question des seuls plexiglass en attente, ces seuls éléments ne sauraient permettre de caractériser un quelconque élément intentionnel de travail dissimulé.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [U] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.
Sur la demande de dommages et intérêts pour irrégularité des documents de sortie
M. [U] relève que le certificat de travail mentionne une date d’ancienneté erronée et qu’il n’a pas été informé de ses droits acquis au titre du DIF, ce qui lui a imposé d’engager une action en référé pour ne pas les perdre et lui a causé un préjudice, quand bien même il s’est désisté de cette action en référé.
En réponse, sans contester que l’attestation relative à ses droits au DIF lui a été remise tardivement, la société Financab relève que M. [U] n’établit aucun préjudice, qu’il s’agisse d’un refus de prise en charge par Pôle emploi ou d’une quelconque difficulté à bénéficier de ses droits à formation.
Alors que M. [U] justifie que le certificat de travail initial était erroné pour ne pas mentionner sa reprise d’ancienneté et qu’il résulte de l’attestation relative aux droits acquis au titre du DIF qu’elle n’a été établie que le 27 avril 2021, il est certain que les démarches à effectuer pour obtenir les documents rectifiés lui a causé un préjudice, lequel sera cependant justement réparé par la condamnation de la société Financab à lui payer la somme de 100 euros, aucun autre préjudice n’étant établi.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Financab aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros sur ce même fondement correspondant aux frais exposés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement et publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté M. [L] [U] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé et la SAS Financab de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Dit que le licenciement économique de M. [L] [U] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SAS Financab à payer à M. [L] [U] la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SAS Financab à payer à M. [L] [U] la somme de 100 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité des documents de sortie ;
Ordonne à la SAS Financab de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à M. [L] [U] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de six mois ;
Condamne la SAS Financab aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
Condamne la SAS Financab à payer à M. [L] [U] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SAS Financab de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente
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