Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 19 janvier 2024, n° 23/00279
TGI Rouen 23 avril 2019
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CA Rouen 19 janvier 2024

Arguments

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  • Accepté
    Souffrances endurées avant consolidation

    La cour a estimé que les souffrances endurées étaient significatives et ont été correctement évaluées par l'expert.

  • Accepté
    Préjudice esthétique temporaire et définitif

    La cour a reconnu l'impact esthétique de l'accident et a jugé que l'indemnisation demandée était justifiée.

  • Accepté
    Déficit fonctionnel temporaire

    La cour a confirmé que le déficit fonctionnel temporaire était correctement évalué et justifiait l'indemnisation.

  • Accepté
    Nécessité d'une tierce personne

    La cour a reconnu la nécessité d'une aide par une tierce personne et a validé le montant demandé.

  • Accepté
    Préjudice d'agrément

    La cour a jugé que l'impossibilité de poursuivre ses activités de loisir justifiait une indemnisation.

  • Accepté
    Aménagement du logement

    La cour a reconnu que les aménagements étaient nécessaires pour compenser son handicap.

  • Accepté
    Aménagement du véhicule

    La cour a jugé que l'adaptation du véhicule était nécessaire en raison des séquelles de l'accident.

  • Accepté
    Évaluation du déficit fonctionnel permanent

    La cour a jugé nécessaire d'ordonner un complément d'expertise pour évaluer ce préjudice.

  • Accepté
    Action récursoire

    La cour a rappelé que l'employeur est tenu de rembourser les sommes versées par la caisse au titre de l'indemnisation.

  • Accepté
    Condamnation aux dépens

    La cour a jugé que la société devait supporter les frais du procès.

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. soc., 19 janv. 2024, n° 23/00279
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 23/00279
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Rouen, 22 avril 2019, N° 17/00518
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 6 août 2024
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 23/00279 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JIWK

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 19 JANVIER 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

17/00518

Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 23 Avril 2019

APPELANT :

Monsieur [W] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Matthieu ROUSSINEAU, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEES :

S.A.S. [8] (GROUPE [8])

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Maud RIVOIRE, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 3] – [Localité 7] – [Localité 6] – SEINE MARITIME

[Adresse 2]

[Localité 3]

dispensée de comparaître

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 08 Novembre 2023 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. CABRELLI, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 08 novembre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 19 janvier 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 19 Janvier 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

* * *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par arrêt du 13 janvier 2021, auquel il convient de se référer pour l’exposé détaillé des faits et de la procédure, la cour a :

— infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Rouen du 23 avril 2019 sauf en ce qu’il avait dit que le caractère professionnel de l’accident était établi,

— dit que la société [8] (la société) avait commis une faute inexcusable à l’origine de l’accident subi par M. [Y] le 26 février 2015,

— ordonné la majoration de la rente à son maximum,

— dit que le taux d’IPP opposable à la société était de 22 % jusqu’au 31 janvier 2019 et de 30 % à compter du 1er février 2019,

— avant-dire droit sur l’indemnisation des préjudices, désigné le docteur [P],

— dit que la caisse primaire d’assurance-maladie de [Localité 3] [Localité 7] [Localité 6] Seine-Maritime (la caisse) devrait verser à M. [Y] une provision de 5 000 euros à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices,

— dit que la caisse disposerait à l’encontre de la société d’une action récursoire pour les sommes dont elle ferait l’avance,

— condamné la société à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejeté toute autre demande,

— condamné la société aux dépens.

Par ordonnance du 7 septembre 2022, le docteur [P] a été remplacé par le docteur [S], qui a remis son rapport d’expertise à la cour le 13 décembre 2022.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions remises le 16 juin 2023, soutenues oralement à l’audience, M. [Y] demande à la cour de :

— fixer l’indemnisation de son préjudice aux sommes suivantes :

* 12'250 euros au titre des souffrances endurées avant consolidation,

* 2 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et 3 000 euros pour le préjudice esthétique définitif,

* 7 787,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 17'735,71 euros ou subsidiairement 15'962,13 euros au titre de la nécessité d’une tierce personne avant consolidation,

* 2 000 euros au titre du préjudice d’agrément,

* 2 564,44 euros au titre de l’aménagement du logement,

* 29'601,88 euros ou subsidiairement 18'908,12 euros au titre de l’aménagement de son véhicule,

— ordonner un complément d’expertise afin d’évaluer le déficit fonctionnel permanent et surseoir à statuer sur ce poste,

— mettre à la charge de la société les frais de complément d’expertise qui seront avancés par la caisse,

— à titre subsidiaire, fixer l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent à la somme de 70'750 euros,

— dire que la caisse fera l’avance des sommes, déduction faite de la provision de 5 000 euros versée en exécution de l’arrêt du 13 janvier 2021,

— condamner la société à rembourser à la caisse le montant de l’ensemble des réparations allouées,

— condamner la société à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

Par conclusions remises le 22 mai 2023, soutenues oralement à l’audience, la société demande à la cour de :

— réduire l’indemnisation sollicitée au titre des souffrances endurées et des préjudices esthétiques temporaire et définitif,

— fixer l’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire à la somme de 7 787,50 euros et celle de l’assistance par une tierce personne à la somme totale de 10'675,60 euros,

— débouter M. [Y] de ses demandes au titre du préjudice d’agrément, de l’aménagement de son logement et de l’aménagement de son véhicule,

— en tout état de cause rappeler que la provision d’ores et déjà allouée viendra en déduction des sommes fixées,

— dire que la caisse fera l’avance des fonds,

— réduire à de plus justes proportions la demande fondée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 13 juin 2023, la caisse, qui a été dispensée de comparution, demande à la cour de :

— réduire à de plus justes proportions le montant des sommes sollicitées au titre des souffrances endurées avant consolidation, du préjudice esthétique temporaire, du déficit fonctionnel temporaire, de la nécessité d’une tierce personne avant consolidation, du préjudice esthétique définitif, du préjudice d’agrément et de l’aménagement du véhicule,

— rejeter la demande formulée au titre de l’aménagement du logement,

— concernant le déficit fonctionnel permanent, ordonner un complément d’expertise et à titre subsidiaire, réduire à de plus justes proportions le montant de la réparation sollicitée,

— rappeler que la société est tenue de lui rembourser les sommes versées au titre de l’indemnisation des préjudices de M. [Y] ainsi que les frais d’expertise.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la liquidation des préjudices

M. [Y] conteste l’existence d’un état antérieur devant être pris en considération au regard des conclusions de l’expert.

La société soutient au contraire que l’existence d’un état antérieur est indiscutable, estimant que la réponse de l’expert est ambiguë, alors que le rhumatologue de l’assuré indique qu’il se servait en permanence de son épaule droite et qu’il en souffrait déjà, ayant présenté une poussée douloureuse depuis un effort au travail le 26 février 2015. Elle considère que le faible traumatisme résultant de l’accident du travail ne permet pas d’expliquer l’importance des lésions constatées lors de l’I.R.M. du 27 mai 2015 et dans le compte rendu opératoire. Elle se prévaut de l’avis de son médecin-conseil qui estime également que les lésions notées lors de l’intervention chirurgicale ne peuvent être en lien avec le traumatisme initial allégué et qu’il existait une atteinte antérieure de la coiffe des rotateurs.

Sur ce :

L’indemnisation de la victime ne peut pas être réduite en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en est résultée n’a été provoquée ou révélée que du fait de l’accident.

M. [Y] a subi une tendinite de l’épaule droite. L’expert indique que l’I.R.M. de 2015 n’a pas mis en évidence de lésions post-traumatiques au niveau du rachis cervical mais un état antérieur d’arthrose et de rétrécissement foraminal modéré, il indique que les douleurs évoquées par l’assuré, antérieures à l’accident, se situaient au niveau des membres supérieurs mais non prédominant à l’épaule droite et étaient dues aux gestes répétitifs effectués dans son travail. Il ajoute que ces douleurs musculo-ligamentaires n’avaient jamais fait l’objet de bilan, de prise en charge, de traitement ou de kinésithérapie.

Il en résulte qu’en l’absence d’effets néfastes d’une pathologie préexistante s’étant déjà révélés ou de justification que cette pathologie latente révélée par l’accident se serait manifestée dans un délai prévisible, il n’y a pas lieu de tenir compte d’un état antérieur devant limiter l’indemnisation des préjudices.

M. [Y] était âgé de 33 ans à la date de son accident du travail. Il est droitier.

Une première date de consolidation est intervenue le 9 juin 2016. La caisse a pris en charge une rechute du 16 février 2018 pour névralgie cervico-brachiale droite et a fixé la consolidation de la rechute au 31 janvier 2019.

— sur les souffrances endurées avant la consolidation du 31 janvier 2019

Sont indemnisées au titre de ce préjudice, compte tenu de leur durée et de leur nature, les douleurs ressenties du fait de la pathologie, des interventions chirurgicales et des traitements mis en 'uvre.

Il ressort de rapport d’expertise que M. [Y] a bénéficié de deux infiltrations sous radioguidage et de nombreuses séances de kinésithérapie qui se sont terminées le 10 mai 2019. Il a porté une attelle pendant quatre semaines après l’accident et a bénéficié de prescriptions d’antalgiques. Il a été hospitalisé du 12 au 13 novembre 2015 pour subir une acromioplastie et une ténodèse du long biceps droit, avec des soins par une infirmière et port à nouveau d’une attelle.

L’expert a évalué le préjudice subi à 3,5 sur une échelle de 7 termes au regard de ces éléments et du nombre élevé d’examens complémentaires subis.

Compte tenu de l’importance et de la durée des souffrances endurées, il y a lieu de fixer l’indemnisation du préjudice à la somme réclamée de 12'250 euros.

— sur le préjudice esthétique temporaire et définitif

Ce poste de préjudice vise à réparer l’altération significative, dommageable et objectivement établie de l’apparence physique de la victime.

Le préjudice esthétique temporaire résulte du port d’une attelle pendant quatre semaines après l’accident et pendant 45 jours après l’intervention chirurgicale. Compte tenu de l’âge de M. [Y] et de la durée du préjudice, la somme réclamée de 2 000 euros est de nature à assurer une juste réparation.

S’agissant du préjudice esthétique permanent, il ressort du rapport d’expertise qu’il est constitué par une certaine immobilité du membre supérieur droit que M. [Y] ne bouge pas spontanément, mettant ses mains en crochet, n’étendant pas ses doigts, ayant une certaine perte du ballant, associée aux deux traces blanchâtres correspondant aux cicatrices situées au niveau de la face externe de l’épaule de 2 cm sur 1. L’expert a évalué le préjudice à 1,5 sur 7.

Compte tenu de ces éléments et de l’âge de la victime, le préjudice sera justement indemnisé par la somme de 3 000 euros.

— sur le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice a vocation à réparer l’invalidité liée aux périodes d’hospitalisation de la victime mais aussi à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante qu’elle rencontre pendant la maladie traumatique.

L’expert a retenu un déficit fonctionnel temporaire de :

—  50 % du 26 février au 26 mars 2015,

—  20 % du 27 mars au 11 novembre 2015,

—  100 % du 12 au 13 novembre 2015,

—  50 % du 14 novembre au 31 décembre 2015,

—  20 % du 1er janvier 2016 au 31 janvier 2019.

Si la société indique s’en rapporter à l’appréciation de la cour, elle demande dans son dispositif de fixer l’indemnisation de ce préjudice à la somme réclamée par M. [Y], soit 7 787,50 euros. Il convient de faire droit à la demande qui est justement calculée sur une base de 25 euros par jour.

— sur l’indemnisation de la nécessité d’une tierce personne

Le docteur [S] a évalué la nécessité de cette aide à :

—  1h30 par jour 7 jours sur 7 du 26 février au 26 mars 2015 et du 14 novembre au 31 décembre 2015,

—  4 heures par semaine du 27 mars au 11 novembre 2015 et du 1er janvier 2016 au 31 janvier 2019.

Sur la base d’une indemnisation à hauteur de 20 euros de l’heure, comprenant les congés payés, la somme allouée est de 17'735,71 euros.

— sur le préjudice d’agrément

Il résulte de l’impossibilité de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir. Il appartient au requérant de rapporter la preuve d’une pratique antérieure et d’une impossibilité de la poursuivre dans les mêmes conditions.

L’épouse de M. [Y] atteste qu’avant son accident celui-ci avait pour passion la peinture abstraite sur toile, sur chevalet et que, depuis son accident, il n’est plus capable d’en faire. Sont jointes à son attestation plusieurs photos des tableaux peints par la victime. L’expert confirme que M. [Y] ne peut plus peindre.

Au regard de son âge et de la réalité d’une activité régulière de loisirs, le préjudice d’agrément de M. [Y] est évalué à la somme réclamée de 2 000 euros.

— sur l’aménagement du logement

M. [Y] fait valoir que ce poste de préjudice inclut l’aménagement de l’ordinateur qui est, aujourd’hui, indispensable pour accéder à ses documents médicaux, pour communiquer avec des administrations, pour récupérer des informations relatives à l’assurance-maladie, pour déclarer ses revenus, pour rechercher une information ou encore pour se divertir. Il soutient qu’il a dû investir dans des équipements similaires à ceux qui ont été préconisés pour son poste informatique relatif à sa formation et à son emploi de technicien building information modeling, préconisés par l’Agefiph (association pour la gestion des fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées), représentant un coût de 532,34 euros. Il rappelle qu’étant droitier, seul l’outil informatique permet d’écrire. Il estime que les équipements acquis doivent être renouvelés tous les 10 ans et sollicite la capitalisation de l’indemnité due.

La société indique que l’expert a constaté que l’état de l’assuré ne justifiait pas d’aménagement de son logement et considère, qu’à supposer que le matériel informatique soit une composante de l’aménagement du logement, la nécessité de s’équiper résulte non pas du handicap de M. [Y] mais de l’évolution de la société et se serait donc imposé même sans la survenance de son accident du travail.

La caisse s’oppose également à l’indemnisation réclamée estimant que l’aménagement du logement doit s’entendre de la mise en 'uvre des moyens permettant à la victime de se loger de manière adaptée à son handicap et qu’au sens strict, l’état de la victime ne justifie pas un tel aménagement.

Sur ce :

L’aménagement du logement doit inclure l’adaptation de tous les éléments qui se trouvent de façon indispensable dans l’habitation, afin de compenser le handicap résultant de l’accident du travail.

Le docteur [S] indique effectivement qu’au sens strict, compte tenu de l’examen clinique, l’état de M. [Y] ne justifie pas d’aménagement de son logement mais il précise que pour maintenir son activité domestique d’accès à Internet et d’utilisation de différents matériels, il a dû investir dans un certain nombre de matériels (souris trackball, support pour les bras, support porte-documents pour les douleurs cervicales, clavier compact et pavé numérique). L’expert mentionne que M. [Y] déclare avoir des douleurs au niveau du membre supérieur droit, un manque de force et qu’il ne se sert que très peu de son bras droit, devant le mettre dans un repose-bras. Il a constaté une limitation de l’amplitude du bras, l’apparition de douleurs et de phénomènes de tremblement au niveau de la main droite lorsque M. [Y] porte la main à la bouche, avec difficultés.

Il est constant que l’équipement informatique permettant un accès à Internet présente actuellement un caractère indispensable en raison du grand nombre de démarches devant être effectuées par l’intermédiaire de cet outil. Or, les équipements acquis par M. [Y], pour un montant justifié de 532,34 euros, sont nécessaires pour soulager ses douleurs résultant de l’accident du travail.

Il y a donc lieu de fixer la réparation du préjudice à la somme de 2 564,44 euros comprenant le coût d’acquistion du matériel et de son renouvellement tous les 10 ans, par application du point de capitalisation de 38,173 pour un homme de 42 ans à la date de l’arrêt.

— sur l’aménagement du véhicule

M. [Y] soutient qu’avant son accident du travail, il n’avait pas le permis de conduire et n’avait donc pas de voiture, se déplaçant essentiellement en scooter ou à vélo ; que depuis son accident, en raison d’une certaine immobilité du membre supérieur droit, il ne peut plus conduire un deux-roues ; qu’il a dû passer son permis de conduire qui est limité aux véhicules munis d’une boîte de vitesses adaptée et d’un dispositif de commande avec boule sur le volant. Il considère que le coût d’acquisition du véhicule adapté doit être intégralement indemnisé dès lors qu’il est directement lié à son accident du travail et prévoit un renouvellement du surcoût de l’adaptation tous les sept ans. Subsidiairement, il réclame l’indemnisation de la capitalisation du seul surcoût.

La société considère qu’il ne peut solliciter que l’aménagement du véhicule et non le rachat pur et simple d’une voiture, ce qui caractériserait un enrichissement sans cause. Il estime que l’expert n’a pas conclu à la nécessité d’un aménagement du véhicule.

Sur ce :

L’expert indique que l’aménagement tel qu’il a été instauré, à savoir une boule sur le volant et une boîte automatique, est compatible avec l’examen clinique effectué.

Mme [Y] atteste que son mari utilisait un scooter pour se déplacer avant son accident et qu’il a dû passer le permis B 'personne handicapée'. Elle indique qu’une voiture adaptée a été achetée pour lui assurer sa mobilité personnelle et professionnelle. M. [Y] justifie avoir obtenu un permis avec mention : boîte de vitesse adaptée et dispositif de commande adapté, le 30 janvier 2020 et produit la facture d’achat d’un véhicule d’occasion du 27 mai 2021, de 12 193,76 euros et la facture d’acquisition d’une boule au volant, d’un montant de 1 430 euros.

Ces dépenses étant nécessaires en raison de l’impossibilité pour M. [Y] de continuer à utiliser un deux roues du fait des séquelles de l’accident du travail, il est fait droit à la demande à hauteur de 29 601,88 euros qui correspond au coût d’acquisition du véhicule aménagé (13 623,76€) et du renouvellement, tous les sept ans de cet aménagement (boule au volant : 1 430 euros + boîte automatique : 1 500 euros, capitalisés, soit 15 978,12€).

2. Sur la demande de complément d’expertise

La rente de maladie professionnelle n’indemnise pas le déficit fonctionnel permanent.

Il y a donc lieu d’ordonner un complément d’expertise afin que le docteur [S] donne à la cour les éléments permettant d’évaluer ce préjudice dans ses dimensions de souffrances physiques et psychologiques, d’atteinte aux fonctions physiologiques de la victime et de troubles dans les conditions d’existence, étant observé qu’il concerne la période post consolidation et n’a donc pas déjà été indemnisé par la cour.

La cour sursoit dès lors à statuer s’agissant de l’évaluation de ce préjudice.

3. Sur les autres demandes

Il convient de rappeler que dans son précédent arrêt, la cour a dit que la caisse disposerait à l’encontre de la société d’une action récursoire pour les sommes dont elle ferait l’avance. Il convient de préciser que cela inclut les frais d’expertise.

4. Sur les frais du procès

La société est condamnée aux dépens d’ores et déjà exposés et à payer à M. [Y] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement par décision contradictoire,

Avant dire droit :

Désigne le docteur [N] [S] en qualité d’expert avec mission complémentaire, après avoir convoqué préalablement les parties et leurs conseils, de prendre connaissance de tous documents utiles, et d’évaluer le préjudice allégué par M [Y] au titre du déficit fonctionnel permanent dans ses dimensions de souffrances physiques et psychologiques, d’atteinte aux fonctions physiologiques de la victime et de troubles dans les conditions d’existence, en chiffrant, par référence au « Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun » le taux éventuel du déficit imputable à l’accident du travail ;

Enjoint à M. [Y] de faire parvenir à l’expert ci-avant désigné, au moins 15 jours avant la date fixée pour les opérations d’expertise, toutes les pièces médicales utiles concernant ce poste de préjudice, faute de quoi le rapport ne sera établi par l’expert que sur les seuls éléments dont il disposera ;

Dit que l’expert adressera aux parties un pré-rapport complémentaire ;

Dit que l’expert devra adresser son rapport complémentaire deux mois après avoir reçu l’avis du versement de la consignation ;

Fixe à 600 euros la provision à valoir sur ses honoraires qui devra être versée par la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 3] [Localité 7] [Localité 6] à la régie d’avances et de recettes de la cour dans le mois de la notification du présent arrêt ;

Désigne Mme Anne Roger-Minne, conseillère à la cour d’appel de Rouen, pour suivre les opérations d’expertise ;

Renvoie l’affaire à l’audience du 22 mai 2024 à 9h30 pour plaidoiries après dépôt du rapport d’expertise complémentaire et dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation à cette audience ;

Sursoit à statuer sur cette prétention ;

Sur le fond,

Fixe l’indemnisation du préjudice de M. [Y] à la suite de la faute inexcusable de la société [8], aux sommes suivantes :

—  12 250 euros au titre des souffrances endurées,

—  2 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

—  3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

—  17'735,71 euros au titre du préjudice d’aide par une tierce personne,

—  7 787,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

—  2 000 euros au titre du préjudice d’agrément,

—  2 564,44 euros au titre de l’aménagement du logement,

—  29 601,88 euros au titre de l’aménagement du véhicule,

Dit que la caisse fera l’avance des sommes allouées, déduction faite de la provision de 5 000 euros déjà versée ;

Rappelle que les sommes que la société [8] doit rembourser à la caisse comprennent les frais d’expertise ;

Condamne la société aux dépens d’ores et déjà exposés ;

La condamne à payer à M. [Y] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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