Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre civile tgi, 1er décembre 2017, n° 16/00891

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Saint-Denis de la Réunion, ch. civ. tgi, 1er déc. 2017, n° 16/00891
Juridiction : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Numéro(s) : 16/00891
Sur renvoi de : Cour de cassation, 16 mars 2016, N° 10/01342
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

F.K

R.G : 16/00891

Y

C/

EURL SOCIETE L.D CONSULTING

Société civile SCCV LORY

COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS

ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2017

Chambre civile TGI

Vu l’arrêt de la cour de Cassation en date du 17 mars 2016 ayant cassé et annulé l’arrêt rendu le 16 mai 2014 par Cour d’Appel de Saint-Denis de la REUNION suite au jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Saint Denis de la REUNION en date du 07 NOVEMBRE 2012 rg n° 10/01342 suivant déclaration d’appel en date du 24 MAI 2016.

APPELANT :

Monsieur A Y

[…]

[…]

Représentant : Me Iqbal AKHOUN de la SELARL RACINE OCEAN INDIEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMEES :

EURL SOCIETE L.D CONSULTING

[…]

[…]

Société civile SCCV LORY

[…]

97490 SAINTE X

Représentant : Me Vincent remy HOARAU de l’AARPI HPH AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

[…]

 : 15 juin 2017

DÉBATS

 : En application des dispositions de l’article 785 du code de procédure civile, l’affaire a

été débattue à l’audience publique du 06 Octobre 2017 devant la Cour composée de :

Président : Mme Gilberte PONY, Présidente de Chambre

Conseiller : Madame Bérengère VALLEE, Conseillère

Conseiller : Madame Fabienne KARROUZ, Conseillère

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

Greffier lors des débats : Madame B C, Directrice des greffes.

Greffier lors de la mise à disposition : Catherine MINATCHY, Adjoint Administratif Principal faisant fonction de greffier

A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 01 Décembre 2017.

****

LA COUR :

EXPOSE DU LITIGE

La SCCV LORY a lancé une opération de construction d’une résidence « La résidence Prémala » à Saint X. Dans ce cadre elle a confié le 05 février 2007 à un agent immobilier local, la Société L D Consulting, un mandat exclusif aux fins de commercialiser les 12 lots en métropole sous le régime de la vente en l’état futur d’achèvement.

La société L D Consulting a délégué l’exécution de sa mission à un négociateur immobilier indépendant exerçant en métropole M. A Y. Chacun de ses actes se référait à des grilles de rémunérations distinctes par lot , approuvées par la SCCV LORY laquelle a, le 03 mars 2007, donné procuration à l’agent commercial de signer en ses lieu et place et en son nom les contrats de réservation.

Le mandat de commercialisation existant entre la SCCV LORY (promoteur) et la société L D Consulting (agent immobilier) a été résilié puis annulé par arrêt définitif du 12 février 2010 rendu par la cour d’appel de Saint Denis. La société L D Consulting a été condamnée à restituer les rémunérations qu’elle avait perçues .

Se prévalant d’un lien contractuel direct avec la SCCV LORY, M. A Y l’a assignée afin d’obtenir le paiement de quatre factures d’honoraires émises entre le 27 novembre et le 03 décembre 2008 d’un montant de 144 274,00 € , relatives aux quatre dernières ventes sur les neuf réalisées avec des investisseurs métropolitains, factures qu’il avait présentées mais qui étaient demeurées impayées.

Par jugement du 07 novembre 2012 le tribunal de grande instance de Saint Denis a reconnu l’existence d’un mandat entre la SCCV LORY et M. Y qu’il a déclaré nul et de nul effet.

En conséquence le tribunal a condamné M. Y à reverser à la SCCV LORY la somme de 172 582,00 € outre intérêts correspondant aux commissions versées en exécution du mandat. Le tribunal a également déclaré nulle la convention de rémunération conclue entre le société L D Consulting et M. Y et a débouté M. Y de ses demandes présentées à l’égard de la Société D Consulting.

Le tribunal a estimé que M. A Y qui avait négocié des ventes directement pour le compte du promoteur et non en qualité de collaborateur de la Société L D CONSULTING, était soumis aux dispositions d’ordre public de la loi du 02 janvier 1970 modifiée par la loi du 13 juillet 2006 et devait être titulaire d’une carte professionnelle. En l’absence de carte professionnelle , le mandat signé était entaché de nullité. Le tribunal a également jugé que M. A Y ne pouvait réclamer l’exécution du contrat de rémunération conclu avec la société L D CONSULTING puisque le contrat de mandat existant entre le promoteur ( la SCCV LORY) et l’agent immobilier ( la société L D consulting ) avait été déclaré nul.

Par arrêt du 16 mai 2014, la Cour d’appel a infirmé le jugement en ce qu’il avait déclaré nul et de nul effet le contrat confié par la SCCV LORY (le promoteur) à M. Y et a condamné la SCCV à lui régler la somme de 144 274,00 €. La Cour a également infirmé le jugement en ce qu’il avait déclaré nulle la convention de rémunération conclue entre la société L D CONSULTING (l’agent immobilier) et M. Y mais a débouté ce dernier de sa demande en paiement.

La Cour a en effet estimé que M. Y, agent commercial régulièrement immatriculé et inscrit au registre spécial des agents commerciaux exerçait en qualité de négociateur de l’agent immobilier et qu’il n’était pas établi qu’il ait reçu ou détenu des sommes d’argent ou des effets ni qu’il ait donné des consultations juridiques ou rédigé des actes sous seing privés et qu’il n’ait pas agi en qualité de collaborateur de l’agent immobilier qui l’avait habilité.

Sur pourvoi formé par la SCCV LORY , la première chambre civile de la Cour de Cassation a cassé l’arrêt pour violation de la loi , défaut et absence de motifs, mais seulement en ce qu’il rejette les demandes tendant à l’annulation du mandat confié par la société LORY à M. Y et de la convention de rémunération de ce dernier ainsi que celles consécutives à ces annulations, condamné la société LORY à payer à M. Y la somme de 144 274,00 € outre intérêts , débouté la société LORY de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La Cour de Cassation a remis les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et , pour être fait droit, les a renvoyées devant la Cour d’appel de Saint Denis autrement composée.

Par déclaration déposée au greffe de la cour d’appel par voie électronique le 24 mai 2016 M. A Y a saisi la Cour.

* * * *

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées par voie électronique le 24 août 2016 M. Y demande à la cour de :

— infirmer la décision entreprise dans toutes ses dispositions ;

En conséquence,

— condamner solidairement les sociétés SCCV LORY et L. D CONSULTING à lui régler la somme de 144 274,00 € correspondant au montant des quatre factures demeurées impayées, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 03.03.2009 ;

— condamner solidairement les sociétés SCCV LORY et L. D CONSULTING à lui régler la somme de 145 000,00 € à titre de dommages et intérêts ;

— infirmer le jugement querellé dans ses dispositions relatives à sa condamnation au remboursement des cinq premières factures payées par la SCCV LORY soit un montant de 172 582,00 euros;

— condamner solidairement les sociétés SCCV LORY et L. D CONSULTING à lui payer la somme de 4 000,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

— condamner solidairement les sociétés SCCV LORY et L. D CONSULTING aux entiers frais et dépens, avec distraction dans les conditions de l’article 699 du Code du Procédure Civile.

A l’appui de ses prétentions M. Y fait essentiellement valoir :

— que ses demandes en paiement sont fondées sur le mandat de commercialisation le liant à la société L D CONSULTING dont le promoteur avait parfaitement connaissance;

— qu’il était stipulé dans le contrat le liant à L D CONSULTING qu’il pourrait solliciter pour les lots dont il assurait la vente, le paiement direct auprès de la SCCV LORY de la rémunération lui revenant et de celle revenant à D CONSULTING ;

— que les cinq premières factures qu’il a adressées à la SCCV LORY ont été réglées, ce qui permet d’établir qu’elle l’a reconnu en qualité de prestataire de service;

— qu’il y a lieu de constater que la SCCV LORY entretenait avec lui une relation contractuelle avérée;

— que la SCCV a fait le choix de dissocier les relations contractuelles qu’elle entretenait avec la société L.D CONSULTING et les relations qu’elle entretenait avec lui comme cela ressort des grilles de rémunération lesquelles étaient distinctes et de la convention qu’il a signée avec L. D CONSULTING laquelle prévoit que sa rémunération lui sera directement réglée par la SCCV LORY;

— qu’il n’exerçait pas à l’égard de la SCCV LORY sa mission en qualité d’agent immobilier puisqu’il disposait dans l’exercice de sa mission du statut d’agent commercial , dans la mesure où il exerçait en qualité de collaborateur indépendant d’un agent immobilier la société L.D CONSULTING et qu’il se contentait d’assurer la mise en relation d’acquéreurs potentiels auprès du vendeur par l’intermédiaire de la société L.D CONSULTING;

— qu’à ce titre il était régulièrement inscrit au registre spécial des agents commerciaux;

— qu’il n’est nullement établi que chargé de faire signer les contrats de réservation, il ait reçu ou détenu des sommes d’argent ou des effets ni donné des consultations juridiques ou rédigé des actes sous seing privé;

— qu’il n’est pas non plus établi qu’il n’ait pas agi en qualité de collaborateur de la société L.D CONSULTING seule titulaire de la carte professionnelle;

— que le mécanisme de paiement mis en place avait pour simple vocation de faciliter des transactions financières pouvant résulter entre la SCCV LORY et lui même pris en qualité de collaborateur de son mandataire ;

— que ce mode de relation indirect ne permet pas de retenir la qualité d’agent immobilier;

— que le mandat de signature qui lui a été donné par la SCCV LORY prouve une intention commune de lui même et de la société D CONSULTING ;

— que si la loi Hoquet a vocation à s’appliquer à la relation contractuelle établie entre la SCCV LORY ( promoteur) et la société L. D CONSULTING ( agent immobilier) , elle ne peut lui être opposée puisqu’il n’a que la qualité de sous mandataire ;

— que la nullité du contrat de mandat entre la SCCV LORY et la société L.D CONSULTING n’a pas pour effet d’affecter la validité du sous mandat conclu entre lui même et la société L. D CONSULTING en application de la théorie de l’apparence, puisqu’il pouvait croire de bonne foi que la société L.D CONSULTING disposait des droits nécessaires pour conclure un sous mandat ;

— qu’il entend à titre subsidiaire se prévaloir de la théorie de la gestion d’affaire sur le fondement des articles 1372 et 1375 du code civil puisqu’il est inconcevable qu’il ait pu travailler gratuitement pour la SCCV LORY et qu’il est donc fondé à solliciter le versements des factures impayées qui correspondent à la rémunération de sa prestation, qui couvrent les dépenses personnelles qu’il a exposées pour mener à bien la gestion des affaires de la SCCV ;

— qu’il entend très subsidiairement invoquer également la théorie de l’enrichissement sans cause, le tribunal l’ayant privé des fruits de son travail tout en contribuant de manière corrélative à l’enrichissement sans cause de la société LORY, laquelle s’est enrichie en faisant l’économie de dépenses qu’il a lui même assumées;

— qu’il subit un préjudice financier caractérisé par des gains manqués, les faits caractérisant une situation de collaboration professionnelle non rémunérée ;

— qu’il subit également un préjudice du fait de la résistance abusive opposée par la société LORY puisqu’il a dû exposer des frais ayant eu pour effet de le conduire à une situation financière difficile.

* * * *

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées par voie électronique le 07 mars 2017 la société LORY demande à la cour de :

— lnfirmer le jugement attaqué en ce qu’il a dit qu’il existe un lien contractuel entre M. Y et la SCCV LORY,

Statuant à nouveau,

— débouter M. Y de toute demande en paiement de factures en l’absence de tout contrat le liant à la SCCV LORY;

A titre subsidiaire,

— con’rmer le jugement querellé en ce qu’il a constaté que M. Y n’est pas titulaire d’une carte professionnelle d’agent immobilier et qu’il ne pouvait pas recevoir mandat du propriétaire d’un immeuble de commercialiser les lots de celui-ci,

En conséquence et en toute hypothèse,

— dire et juger nulle et de nul effet la convention de mandat qui la lierait à M. Y,

— constater que la SCCV LORY n’a réalisé aucun acte de ratification de la convention de mandat nulle et de nul effet,

En conséquence,

— débouter Monsieur Y de sa demande en paiement de la somme de 144 274 € correspondant au montant de quatre factures demeurées impayées, et de toutes autres 'ns ou conclusions;

A titre plus subsidiaire,

— débouter M. Y de ses demandes fondées sur la gestion d’affaires, l’enrichissement injustifié et en réparation d’un préjudice inexistant,

A titre reconventionnel et incident ,

— condamner M. Y à lui verser la somme de 172.582 euros en remboursement des commissions d’ores et déjà versées, somme qui portera intérêt au taux légal à compter du 03 décembre 2010, date de notification des conclusions avec bénéfice de l’anatocisme

En toutes hypothèses,

— condamner M. Z à lui verser la somme de 7.500 euros au titre des frais irrépétibles, nonobstant les entiers dépens, distraits conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile

La SCCV LORY explique et soutient pour sa part :

— qu’il n’existe aucun lien contractuel entre elle même et M. Y , puisqu’elle n’était pas partie au mandat de commercialisation signé entre M. Y et la société Imo Consulting;

— que la circonstance qu’elle ait pu avoir connaissance de la convention de rémunération conclue entre la société L. D CONSULTING et M. Y ne permet pas d’établir qu’elle y a acquiescé ni qu’elle a souscrit le moindre engagement à l’égard M. Y;

— que les accords intervenus entre la société L D CONSULTING et M. Y ne lui sont pas opposables et qu’elle ne s’est pas engagée à payer directement M. Y;

— que les paiements intervenus ne valent pas ratification d’un contrat inexistant, dans la mesure où ils sont intervenus dans la croyance de la validité du mandat donné à L. D CONSULTING et pour le compte de cette dernière et directement entre les mains de M. Y pour des raisons pratiques;

— que les éléments produits aux débats démontrent bien l’existence de deux conventions distinctes conclues le même jour. Ainsi la signature des grilles de paiement ne visait qu’à «cristalliser» l’accord sur les composantes du prix de vente final, que la convention de rémunération lui était inconnue et que le mandat de signature était formellement nécessaire pour justifier du pouvoir du signataire des contrats de réservations dés lors que la commercialisation se faisait en métropole , ce mandat étant limité et ne valant pas reconnaissance de dette à l’égard de l’agent commercial mandaté;

— qu’en tout état de cause dans l’éventualité d’un mandat celui ci est entaché de nullité pour violation des dispositions de la loi du 20 juillet 1972, M. Y ne disposant pas d’une carte professionnelle d’agent immobilier ;

— que pour échapper à la sanction de la nullité M. Y soutient lui même qu’il n’y avait qu’un lien indirect avec la SCCV LORY et qu’il était le co contractant direct de la société L. D CONSULTING;

— que si un lien direct est reconnu entre elle même et M. Y elle n’a jamais accepté le mode de calcul des commissions réclamées et aucune ratification ou novation de l’obligation première en obligation civile n’a été conclue expressément entre les parties;

— que la gestion d’affaire ne peut être utilement invoquée puisqu’elle ne peut avoir pour effet de contourner des dispositions d’ordre public, la théorie de quasi contrat ne pouvant être invoquée à titre subsidiaire ;

— que la théorie de la gestion d’affaire n’ouvre droit qu’à l’indemnisation des engagements personnels pris par le gérant et au remboursement des dépenses utiles et nécessaires lesquelles ne sont pas justifiées en l’espèce;

— que l’enrichissement sans cause ne peut pareillement être utilement invoqué puisque M. Y a agi dans le cadre d’un mandat de commercialisation et qu’un obstacle de droit tiré de l’application de la loi du 20 juillet 1972 s’oppose à son action. En outre il ne verse aux débats aucun élément permettant de quantifier son appauvrissement.

— qu 'elle n’a commis aucune faute contractuelle ou délictuelle en refusant de payer les commissions basées sur un acte nul. Ainsi la demande de dommages et intérêts fondée sur la résistance abusive est infondée;

— que tirant les conséquences de l’annulation du mandat la Cour devra constater que M. Y ne pouvait prétendre à aucune rémunération au titre de la commercialisation des lots et devra le condamner au remboursement des sommes perçues .

L’acte de saisine et les conclusions ont été signifiées à la société L. D CONSULTING le 24 septembre 2016 selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile .

Dans ses conclusions récapitulatives déposées et notifiées par voie électronique le 05 avril 2013 la société D Consulting demandait à la cour de :

— infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes concernant la délivrance de l’attestation remise à Monsieur Y et la communication des contrats de vente conclus par lui sous couvert de celle-ci ainsi que de sa demande de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau de ces chefs .

— ordonner à Monsieur A Y de lui restituer l’original de l’attestation dont la copie a été produite au débat en pièce n° 6, sous astreinte de 500 € par jour de retard passé un délai de 8 jours après signification de I’arrêt,

— ordonner à Monsieur A Y de lui communiquer un exemplaire de tous les actes de vente qui ont été conclus par son intermédiaire, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de 8 jours après signification de l’arrêt,

— condamner Monsieur Y à lui payer la somme de 250.000 € à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire,

En tout état de cause

— confirmer le jugement déféré pour le surplus de ses dispositions,

— débouter M. Y de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre elle,

— condamner Monsieur Y à lui payer à la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle expliquait et faisait valoir :

— que l’objectif recherché par M. Y en contractant un mandat de commercialisation était d’obtenir une couverture légale lui permettant de se comporter en agent immobilier en toute liberté et

indépendance ce qui lui a permis de contracter directement avec la SCCV LORY ;

— qu’en réalité, il a largement abusé de son statut de négociateur pour contacter un nombre important de promoteurs locaux sans jamais l’en aviser et qu’il a ainsi contracté avec plusieurs promoteurs pour vendre des lots immobiliers dans au moins huit programmes entre 2006 et 2009;

— que le 31 août 2011 elle a révoqué l’autorisation qu’elle lui avait accordée en le mettant en demeure de restituer sa carte, mise en demeure à laquelle il n’a pas donné suite sans rapporter la preuve du vol qu’il invoque pour s’opposer à cette restitution;

— que son comportement est préjudiciable dans la mesure où les actes qu’il a conclus sont susceptibles d’engager sa responsabilité civile professionnelle et qu’elle a donc intérêt a en avoir connaissance

— que sa demande de dommages et intérêts est fondée sur l’utilisation abusive et frauduleuse de l’autorisation de négociation accordée .

L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 juin 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

1) Les demandes formulées à l’égard de la SCCV LORY

Sur l’existence d’une relation contractuelle entre M. Y et la SCCV LORY

Il doit être en premier lieu relevé que M. Y ne peut sans se contredire soutenir d’une part qu’il était lié contractuellement avec la société LORY pour justifier qu’il agisse directement en paiement à l’égard de cette société, le contrat de mandat principal étant entaché de nullité et d’autre part soutenir qu’il n’a agi qu’en qualité de collaborateur indépendant de la société L D CONSULTING par l’intermédiaire de la société L D CONSULTING n’entretenant qu’une relation indirecte avec la société LORY.

En tout état de cause il ressort des pièces produites que la société LORY a signé avec la société L D CONSULTING le 05 février 2007 un contrat de mandat de commercialisation de 10 logements et deux commerces de la résidence PREMALA située à Saint X. Ce mandat a été déclaré nul et de nul effet par jugement du 07 novembre 2012 confirmé par arrêt de la cour d’appel le 16 mai 2014, décision désormais définitive.

Les parties au mandat ont établi deux grilles de rémunération.

Une première grille validée par la société LORY laquelle mentionne le montant des honoraires de la société L D CONSULTING qui correspond à 2% du prix net TTC , ces honoraires étant ajoutés à un prix net TTC, l’addition de ces deux montants permettant de déterminer le prix promoteur et une seconde grille également validée par la société LORY prévoyant un « prix promo », les frais de notaire et le net à régler à M. Y le montant de la TVA appliquée étant précisément indiqué.

Ces deux tableaux sont en concordance ( à l’exception des lot n° 1, 3 et 4) et permettent d’établir qu’en sus de la rémunération de L D CONSULTING, la SCCV avait consenti à régler à M. Y des honoraires spécifiques distincts des honoraires de la société L D CONSULTING lesquels sont exprimés en HT et en TTC.

Par ailleurs la convention de rémunération conclue entre M. Y et la société L D CONSULTING ,signée au même endroit et le même jour que le mandat de commercialisation principal ci dessus visé, définit le mode de rémunération tel que fixé dans les tableaux validés par la SCCV LORY et prévoit que « le prix packagé » ( client final) lequel comprend la rémunération de la

société L D CONSULTING et la rémunération spécifique de M. Y, a d’ores et déjà été accepté par la SCCV LORY.

En outre par lettre du 03 mars 2007 la gérant de la SCCV LORY a mandaté M. A Y « en lieu et place et en son nom pour la signature de tout contrat de réservation de la résidence Prémala » et a autorisé également l’envoi d’un exemplaire du contrat de réservation aux investisseurs ayant signé leurs contrats.

Si ce courrier fait référence au partenariat existant avec la société L D CONSULTING, il n’est pas établi que cette dernière soit intervenue dans la relation nouée entre la SCCV LORY et A Y. Dans les faits M. Y qui était basé en métropole disposait d’une totale autonomie. Ainsi les contrats de réservation étaient signés par M. Y sans avoir à mentionner qu’il agissait au nom et pour le compte de la société L .D CONSULTING.

Enfin M. A Y facturait directement et en son nom propre sa prestation à la SCCV LORY, cinq factures ayant été acquittées entre mai et novembre 2008 .

L’ensemble de ces éléments permet donc d’établir l’existence d’un mandat de commercialisation entre la SCCV LORY et M. A Y.

Sur la validité du mandat de commercialisation donné par la SCCV LORY

En application des articles 1er et 4 de la loi n° 70-9 du 02 janvier 1970 dans sa rédaction issue de la loi 2006-872 du 13 juillet 2006 et de l’article L 134-1 du code de commerce, les agents commerciaux ne peuvent exercer en cette qualité des activités régies par la loi du 02 janvier 1970 notamment l’achat , la vente d’immeubles bâtis ou non bâtis, pour le compte de mandants qui ne seraient pas titulaires de la carte professionnelle exigée par la loi.

Il ressort des pièces produites que M. Y a le statut d’agent commercial non salarié ;

Il ressort des motifs ci dessus développés qu’il existait un mandat direct de commercialisation entre la SCCV LORY et M. Y , qui lui permettait de signer des contrats de réservations au nom et pour le compte du promoteur.

Or la SCCV LORY (promoteur) n’était pas titulaire d’une carte professionnelle lui permettant d’exercer une activité d’agent immobilier.

Par conséquent ce mandat qui contrevient aux dispositions d’ordre public de la loi précitée est entaché de nullité. La décision entreprise en ce qu’elle a déclaré nul et de nul effet le mandat sera confirmée .

Sur la gestion d’affaire

La gestion d’affaire définie par les articles 1372 et 1375 du code civil dans leur rédaction applicable au litige , qui implique la ratification ultérieure par le maitre d’affaire ou la démonstration à posteriori de l’utilité de la gestion est incompatible avec les dispositions d’ordre public des articles 1 et 4 de la loi n°70-9 du 02 janvier 1970 qui exige que le mandant soit titulaire de la carte professionnelle exigée par la loi. En outre le gérant d’affaire doit intervenir volontairement.

En l’espèce M. Y est intervenu sur la base d’un mandat entaché de nullité et n’est donc pas intervenu volontairement.

En outre il ne peut utilement soutenir qu’il a agi , en qualité de gérant d’affaire pour le compte de la SCCV LORY, laquelle dépourvue de la carte professionnelle exigée par la loi, ne pouvait ratifier

volontairement ou être tenue de ratifier les actes accomplis .

La demande en paiement formulée à l’égard de la SCCV LORY ne peut valablement prospérer sur le fondement de la gestion d’affaire .

Sur l’enrichissement sans cause

L’action en enrichissement sans cause a un caractère subsidiaire. Elle ne peut être utilement invoquée pour contourner une disposition légale applicable qui fait échec à l’action. Les dispositions d’ordre public de la loi n°70-9 du 02 janvier 1970 interdisent aux personnes non titulaires de la carte professionnelle prévue par la loi de se livrer aux activités qu’elle régit.

En l’espèce M. Y s’est livré à des activités de vente d’immeuble sans être titulaire de la carte professionnelle exigée. Il était mandaté pour le faire par la SCCV LORY, en son nom et pour son compte, alors qu’elle même n’était pas titulaire de la carte exigée.

Par conséquent l’enrichissement sans cause ne peut être utilement invoqué.

La demande en paiement formulée à l’égard de la SCCV LORY ne peut valablement prospérer sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

La décision entreprise qui tirant les conséquences de la nullité du mandat de commercialisation sera confirmée en ce qu’elle a débouté M. Y de sa demande en paiement à l’égard de la SCCV LORY et l’a condamné à lui rembourser les fonds perçus en exécution du mandat nul outre intérêts capitalisés.

Sur la demande en paiement à l’égard de la société L D CONSULTING

Le mandat de commercialisation qui existait entre la SCCV LORY et la société L.D CONSULTING a été définitivement déclaré nul.

M. Y invoque la théorie du mandat apparent, qui pouvait exister entre la SCCV LORY et la société L D CONSULTING, pour soutenir que la nullité du mandat principal n’a aucun effet à l’égard du sous mandat conclu entre lui même et la société L D CONSULTING.

Il ressort de la convention de rémunération conclue entre la société L D CONSULTING et M. Y qu’elle avait pour fondement le mandat donné par la société LORY à la société L D CONSULTING de vente des lots du programme, la société L D CONSULTING donnant à M. Y en sa qualité d’agent commercial l’exclusivité de la commercialisation. L’existence d’un mandat , sans avoir à se référer à la théorie du mandat apparent est expressément stipulée.

Le sous mandat était dans la dépendance du mandat principal dont la nullité a été prononcée.

En outre la convention de rémunération conclue ne comportait aucune obligation en paiement à la charge de la société L D CONSULTING puisque qu’il était fait référence à une obligation contactée par la SCCV LORY de verser par le notaire de l’opération directement à M. Y une rémunération expressément convenue et acceptée, M. Y s’obligeant pour sa part à reverser à la société L D CONSULTING une rémunération de 2% TTC du prix promoteur.

M. Y était en outre lié à la SCCV LORY par un mandat distinct ci dessus examiné.

Par conséquent la demande en paiement des commissions non perçues ne peut utilement être formée à l’égard de la société L D CONSULTING. Le jugement entrepris qui a débouté M. Y de ce chef sera confirmé.

Sur les dépens:

M. Y qui succombe sera condamné aux dépens d’appel qui comprendront ceux de l’arrêt cassé.

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Eu égard à la qualité des parties en présence l’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, sur renvoi de cassation et par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civiles ;

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Saint Denis de la Réunion du 07 novembre 2012;

Vu l’arrêt de la cour d’appel de Saint Denis du 16 mai 2014;

Vu l’arrêt de la cour de cassation du 17 mars 2016;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Y ajoutant

DEBOUTE M. A Y de sa demande en paiement de la somme de 144 274 € formulée à l’égard de la SCCV LORY

CONDAMNE A Y aux dépens d’appel en ce compris ceux de l’arrêt cassé dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile;

DIT n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Mme Gilberte PONY, Présidente de Chambre, et par Madame Catherine MINATCHY, faisant fonction de greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La GREFFIERE LA PRESIDENTE

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Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre civile tgi, 1er décembre 2017, n° 16/00891