Cour d'appel de Toulouse, 24 août 2012, n° 10/04198

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Texte intégral

24/08/2012

ARRÊT N°

N° RG : 10/04198

XXX

Décision déférée du 21 Janvier 2008 – Cour d’Appel de PAU -

Mme Y

Z-H X

C/

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE

INFIRMATION

RÉOUVERTURE DES DÉBATS AUD. 1er FÉVRIER 2013 8H30

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 2 – Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT QUATRE AOUT DEUX MILLE DOUZE

***

DEMANDEUR SUR RENVOI APRES CASSATION

Monsieur Z-H X

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me Evelyne PHALIPOU, avocat au barreau de TOULOUSE

DEFENDERESSE SUR RENVOI APRES CASSATION

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE

XXX

XXX

XXX

représentée par la SCPA ETESSE-MOUTIER, avocats au barreau de PAU, Me Olivier MEYER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 07 Juin 2012, en audience publique, devant la Cour composée de:

C. V, président

M. P. PELLARIN, conseiller

V. HAIRON, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. T

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par C. V, président, et par C. T, greffier de chambre.

FAITS ET PROCÉDURE

M. Z H X, né en XXX, a été engagé le 1°décembre 1973 par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Gers devenue la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel (CRCAM) Pyrénées Gascogne, en qualité d’agent administratif.

Il a été élu aux fonctions de conseiller prud’hommes, le 9 décembre 1987, puis réélu à chacune des élections suivantes.

A partir de 1988, il a été élu représentant du personnel de l’entreprise et investi de plusieurs mandats (délégué du personnel CFDT, membre du comité d’entreprise).

Il a, par ailleurs, été élu membre du conseil de discipline, le 2 juin 1989.

S’estimant victime de discrimination syndicale dans le déroulement de sa carrière ainsi que de faits de harcèlement moral, il a saisi, le 6 janvier 2004, le conseil de prud’hommes de Tarbes.

Suivant jugement en date du 30 janvier 2006, cette juridiction l’a débouté de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné au paiement de la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’appel de M. Z H X, la Cour de PAU a, par arrêt du 21 janvier 2008, confirmé le jugement déféré sauf sur la condamnation au titre de l’article 700.

Sur le pourvoi formé par M. Z H X, la Cour de Cassation, chambre Sociale, a , suivant arrêt en date du 1° juillet 2009, cassé et annulé cette décision mais seulement en ce qu’elle a débouté le salarié de ses demandes de dommages intérêts en réparation d’une discrimination et d’un harcèlement moral et a renvoyé les parties devant la Cour de Toulouse au visa de l’article L 1134-1 du code du travail et aux motifs essentiels que :

— sur le premier moyen :

' pour débouter le salarié de ses demandes au titre d’une discrimination syndicale, l’arrêt retient que le salarié ne démontre pas sa volonté d’une promotion professionnelle et que la mention dans ses entretiens individuels d’évaluation de ses activités prud’homales et syndicales et des absences qu’elles engendrent n’est pas de nature à laisser supposer, en elle-même, l’existence d’une discrimination syndicale à son encontre ;

En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que le salarié n’avait bénéficié d’aucune promotion individuelle depuis 1987 et que ses fiches d’évaluation au titre des années 1990, 1996, 1998, 1999 et 2000, au vu desquelles la direction arrêtait ses choix de promotions, faisaient référence à ses activités prud’homales et syndicales et aux perturbations qu’elles entraînaient dans la gestion de son emploi du temps, ce dont il se déduisait que ces éléments laissaient supposer l’existence d’une discrimination syndicale, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé ;

— sur le second moyen ;

'la cassation de l’arrêt sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation de l’arrêt en ce qu’il a écarté l’existence d’un harcèlement moral'.

Par ailleurs, il convient de noter qu’au cours de l’année 2000, M. X a été en arrêt de travail durant 56 jours pour une affection de longue durée (spondylarthrite ankylosante) et pour un début d’infarctus (angor spathique), qu’en 2001, son état de santé a nécessité un arrêt de travail durant 127 jours et qu’en 2002, il n’a pu reprendre son travail que dans le cadre d’un mi temps thérapeutique avant de devoir, à nouveau, suspendre son activité professionnelle pour maladie à compter du 16 janvier 2003.

Le 5 avril 2002, la COTOREP a reconnu à M. Z H X la qualité de travailleur handicapé, classé en catégorie B et le 24 septembre 2003, la MSA lui a notifié sa mise en invalidité, catégorie 2, à compter du 1° novembre 2003.

Le 9 janvier 2004, le médecin du travail l’a déclaré 'inapte total définitif- procédure d’urgence pour mise en invalidité cat 2"

En cet état, le 10 septembre 2004, la Caisse Régionale de Crédit agricole Mutuel Pyrénées Gascogne a obtenu l’autorisation de l’inspection du travail de licencier M. Z H X.

Elle a, dans ces conditions, notifié à M. Z H X son licenciement, le 27 septembre 2004, pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Cependant, ce dernier ayant contesté l’autorisation de licenciement devant la juridiction administrative, la Cour Administrative de Bordeaux a, par arrêt du 27 mai 2008 notifié aux parties le 26 juin 2008, prononcé son annulation.

Par lettre recommandée en date du 19 août 2008, M. Z H X a avisé l’employeur de ce qu’il entendait exercer son droit à réintégration.

Le 31 octobre 2008, M. Z H X a adressé à l’employeur un courrier recommandé ainsi rédigé :

' Par suite de la décision de la Cour administrative d’Appel de BORDEAUX en date du 24/06/2008 ayant prononcé l’annulation de l’autorisation de licenciement du 10/09/2004. j’ai sollicité ma réintégration par lettre du 19/08/2008.

Par courrier du 06/10/2008, vous m’informez que vous intervenez auprès du médecin du travail afin de me convier à une visite de reprise.

Le 17/10/2008, soit près de quatre mois après cette décision de justice, j’ai enfin été reçu par le Médecin du Travail dans le cadre d’un premier examen médical dont les conclusions vous ont été transmises par ce patricien.

Votre lenteur à mettre à exécution cette décision de justice démontre si besoin était votre manque d’empressement à me réintégrer.

Outre ce délai, je constate qu’à aucun moment vous n’évoquez le règlement de mon indemnisation pour la perte de rémunération, primes diverses, avantages sociaux et autres dédommagements moraux depuis mon licenciement.

En raison de votre silence sur ce point important depuis plus de quatre mois, par la présente lettre recommandée avec accusé de réception. je vous mets en demeure de procéder sous délai de rigueur de huit jours au versement de la totalité des sommes dont vous m’êtes redevable depuis quatre ans, ce consécutivement à l’annulation de mon licenciement.

A défaut de règlement dans le délai imparti, je me verrai contraint de tirer toutes conclusions de droit de votre refus de paiement…..'

Aux termes de la deuxième visite médicale de reprise en date du 3 novembre 2008, le médecin du travail a déclaré M. Z H X inapte à son poste de travail ajoutant ' ne peut effectuer aucun poste au sein de l’entreprise'.

Par courrier recommandé en date du 12 novembre 2008, la CRCAM Pyrénées Gascogne a mis en demeure M. Z H X de justifier des sommes versées depuis son licenciement par les organismes AGRICA et MSA.

Par courrier recommandé en date du 13 novembre 2008, M. Z H X a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :

' Par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 octobre 2008, qui vous est parvenue le 04 novembre 2008, je vous ai mis en demeure de procéder. sous délai de rigueur de huit jours, au paiement de mon indemnisation pour la perte de rémunération. primes diverses, avantages sociaux et autres dédommagements moraux courus depuis mon licenciement, dont l’autorisation a été annulée par Arrêt de la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX le 24 juin 2008.

Je constate que ma réclamation est restée sans suite de votre part. alors que cette décision de justice s’impose à vous depuis près de trois mois.

Dans ces conditions, constatant votre refus persistant de me payer ce que vous me devez depuis quatre ans, par la présente lettre recommandée avec accusé de réception. je prends acte de la rupture de mon contrat de travail ….'

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

En cet état, reprenant oralement ses conclusions déposées au greffe le 7 juin 2012, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, M. Z H X demande à la Cour de :

— constater que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne s’est rendue coupable de discrimination syndicale et salariale, de harcèlement moral et de manquement à l’obligation de sécurité,

— constater qu’elle s’est rendue coupable de manquements suffisamment graves justifiant la prise d’acte signifiée par ses soins le 13 novembre 2008,

— dire que la rupture du contrat de travail doit avoir les effets d’un licenciement nul, Monsieur Z-H X bénéficiant de la protection de conseiller prud’hommes au moment de la prise d’acte et jusqu’au 3 juin 2009,

— fixer la date de la rupture au 3 juin 2009,

— condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Pyrénées Gascogne au paiement de justes dommages et intérêts et notamment :

* 150 000 euros en réparation du préjudice matériel du fait de la discrimination syndicale et salariale

*150 000 euros en réparation du préjudice du fait du harcèlement moral

*15 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l’obligation de sécurité

*50 000 euros au titre du préjudice moral

Dire que ces indemnités s’entendent nettes de prélèvements sociaux,

— condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne à lui payer les indemnités suivantes :

* 8911.48 euros à titre d’indemnisation pour la perte de rémunération du 01 novembre 2003 au 31 janvier 2004

* 168 661,96 euros à titre d’indemnisation pour la perte de rémunération du 01 décembre 2004 au 3 juin 2009

Dire que ces indemnités s’entendent nettes de prélèvements sociaux

— condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne à payer à Monsieur Z-H X les indemnités suivantes, en raison de la rupture :

* au titre de l’indemnité compensatrice du préavis, la somme de 5 884,70 euros, somme augmentée de l’indemnité compensatrice des congés payés y afférents soit 588,47 euros,

* au titre de la perte des droits à congés payés jusqu’au 03 juin 2009, cotisations sociales incluses et sans déduction, soit la somme de 16 866,19 euros,

* au titre du solde de l’indemnité de licenciement, sur le fondement de l’article 14 de la CCN, la somme de 59 488,79 euros,

* au titre du retour financier conventionnel la somme de 38 800.00 euros

* au titre du préjudice autonome du fait de la rupture du contrat de travail, la somme de 70 000,00 euros

Dire que ces indemnités s’entendent nettes de prélèvements sociaux,

— condamner, sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard, à compter du huitième jour suivant la notification par lettre recommandée avec accusé de réception, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne à payer le supplément d’imposition qui sera exigé de Monsieur Z H X par les services fiscaux, à hauteur des sommes mentionnées dans le justificatif fiscal que ce dernier obtiendra, à charge pour lui de reverser la somme due aux services fiscaux.

— condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne à régulariser sa situation auprès des caisses AGRICA et MSA,

— ordonner la remise d’un nouveau certificat de travail pour la période du 16 juillet 1973 ( date d’embauche) jusqu’au 3 juin 2009 ( date de la rupture),

— condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne à lui payer la somme de 30 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient, pour l’essentiel, qu’il a été victime de la part de son employeur d’une discrimination syndicale et salariale pendant dix sept ans.

Il fait valoir, à cet égard, qu’alors qu’il a connu une évolution de carrière normale jusqu’à son accession à compter de 1987, à des fonctions électives prud’homales et de représentation du personnel, sa classification d’agent administratif des techniques bancaires classe 1 catégorie C, est demeurée inchangée à partir de 1988.

Il ajoute qu’il n’a, alors, plus fait l’objet d’entretiens d’évaluation réguliers, qu’il a été 'mis au placard’ notamment en 1996 et en 1997 avec des tâches subalternes, que son état de santé s’est dégradé en 2000 et en 2001 du fait de la lourdeur des tâches qui lui ont été imposées à partir de 1999.

Il fait état, en outre, de ce que son employeur critique son investissement prud’homal et syndical alors qu’aucune incidence négative n’est démontrée sur son activité professionnelle.

Il estime avoir été victime de faits de harcèlement moral ayant entraîné du fait des conditions de travail imposées, des mises à l’écart suivies de périodes de travail intense et de la pression psychologique sans cesse accrue ce qui est à l’origine de graves répercussions sur son état de santé ainsi que d’une dégradation certaine de ses conditions de travail.

Il considère, par ailleurs, que sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail est parfaitement justifiée, que celle ci qui est, notamment, la conséquence d’une discrimination et d’un harcèlement moral doit s’analyser en un licenciement nul avec toutes conséquences de droit.

Dans ses écritures du 29 mars 2012 réitérées oralement auxquelles il y a lieu, également, de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne demande, pour sa part, à la Cour de :

— débouter purement et simplement M. Z-H X de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

— vu la lettre de prise d’acte de rupture, constater que les griefs évoqués ne sont pas sérieux et sont insusceptibles d’entraîner la requalification de la prise d’acte en licenciement,

— requalifier la prise d’acte de rupture en démission eu égard aux circonstances et à l’attitude de M. Z-H X qui a délibérément organisé son départ pour mieux battre monnaie,

— en conséquence, le débouter de ses demandes tendant à l’indemnisation du préjudice du fait de la rupture du contrat de travail,

— le débouter de sa demande tendant au versement d’une indemnité conventionnelle au titre de sa rupture,

— le débouter de sa demande au titre de l’indemnité compensatoire de préavis et aux congés payés afférents.

— le débouter de sa demande relative au préjudice moral dont il dit avoir fait l’objet,

— le débouter de sa demande de prise en charge des impôts.

— vu les sommes versées par la MSA entre le licenciement et l’annulation de ce licenciement par la Cour administrative de Bordeaux, constater que M. Z-H X a bien perçu des revenus supérieurs à ce qu’il aurait dû percevoir s’il était resté au service actif de la Caisse,

— le débouter de sa demande de rappel de salaire à hauteur de 168 661,96 euros,

— constater qu’il existe un solde créditeur en faveur de M. Z-H X d’un montant de 5 852,03 euros qui devra être déduit des congés payés versés à M. Z-H X et du retour financier conventionnel,

— lui donner acte de ce qu’elle s’engage à verser la somme de 11.359,46 au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents au rappel de salaire de 2004 à 2008.

— lui donner acte du montant du retour financier conventionnel dû à M. Z-H X de 24.578,44 euros,

A titre subsidiaire, si la Cour devait donner effet à la prise d’acte au mois de juin 2009, constater qu’il existe une solde créditeur en faveur de M. Z-H X d’un montant de 2.173,58 euros qui devra être déduit des congés payés versés à M. Z-H X et du retour financier conventionnel,

— dire que le montant du retour financier conventionnel dû à Monsieur Z-H X ne peut excéder la somme de 29.239,08 euros,

— en toute hypothèse, vu l’attitude de M. Z-H X, ramener sa demande formulée au titre de l’article 700 à de plus justes proportions.

Elle soutient, principalement, que s’agissant notamment de la discrimination et du harcèlement moral qui lui sont reprochés, M. Z H X n’a jamais émis la moindre contestation jusqu’à la saisine de la juridiction prud’homale, que la carrière professionnelle de l’intéressé s’est poursuivie de façon tout à fait normale, qu’à partir d’un certain moment, il n’a plus sollicité de changement de poste ou d’avancement au cours des différents entretiens annuels d’évaluation qui ont jalonné sa carrière, souhaitant, au contraire, que ses activités professionnelles ne viennent pas entraver ses autres activités, en particulier celles qui étaient liées à l’exercice de ses fonctions de conseiller prud’homal.

Elle ajoute que les différents arrêts maladie invoqués par M. Z H X sont, en réalité, dus à une maladie contractée depuis l’enfance par le stress et dont il tente, aujourd’hui, de vouloir lui en imputer l’unique responsabilité de façon particulièrement déloyale.

S’agissant de la prise d’acte par le salarié de la rupture du contrat de travail, elle considère que celle ci n’est en rien justifiée, qu’elle doit être considérée comme une démission, que le processus de réintégration était enclenché suite à la demande le 19 août 2008 du salarié, que l’intéressé savait pertinemment quelles seraient les suites de son contrat de travail à savoir un nouveau licenciement pour inaptitude physique puisqu’il était, en réalité, dans la totale impossibilité physique de reprendre ses activités.

MOTIFS DE LA DÉCISION

— sur la demande de dommages intérêts au titre de la discrimination syndicale et salariale :

Il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d’égalité de traitement et il incombe à l’employeur qui conteste le caractère discriminatoire d’établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il est constant que jusqu’en 1987, M. Z H X a connu un déroulement de carrière tout à fait normal, l’intéressé ayant même bénéficié de sept promotions au choix en onze ans alors qu’à partir de 1988, époque de son engagement syndical dans l’entreprise et de son accession aux fonctions de conseiller prud’homal et jusqu’à la constatation médicale de son inaptitude le 9 janvier 2004 soit pendant seize ans, sa classification est demeurée inchangée, la seule évolution se situant au niveau des points garantis lesquels sont automatiquement majorés du fait de l’ancienneté.

M. X fait, par ailleurs, valoir que pour la première fois en fin d’année 1988 puis en 1989, il n’a pas bénéficié du traditionnel entretien annuel d’évaluation ce qui n’est pas démenti par l’employeur.

Seules quelques fiches d’évaluation annuelle sont produites aux débats.

L’examen de celle établie pour l’année 1992 met en évidence les points suivants : ' un bilan positif et satisfaisant pour son affectation au poste de mission de contentieux entreprise sur des dossiers difficiles et complexes. Grâce à un investissement important conjugué avec ses connaissances, l’intéressé a parfaitement accompli la mission confiée.'

Les fiches d’appréciation des années 1995 et 1996 font référence à une atteinte des objectifs annuels de 100% qu’il s’agisse de la maîtrise de l’emploi ou des performances, le responsable hiérarchique de M. X mentionnant pour l’année 1995 ' une année 1995 satisfaisante à l’image des résultats de l’équipe'

Malgré ces appréciations positives, la note donnée à M. X pour chacune de ces années considérées s’est toujours limitée à ' =' et non à '+'.

Sur la fiche d’appréciation de l’année 1998 au cours de laquelle M. X s’est vu confier un poste de rédacteur contentieux, il est indiqué que compte tenu de l’arrivée récente de M. X sur le poste, l’appréciation annuelle ne peut pas s’appliquer mais que toutefois, ' un point sur l’activité réalisée depuis le début de l’année permet de mettre en avant que M. X effectue un travail de qualité en matière de traitement des réquisitions.'

La fiche d’appréciation de l’année 1999 fait, à nouveau, référence à une atteinte des objectifs de 100% en termes d’emploi et de performance, l’appréciateur indiquant : ' en l’espace d’une année Z H a su sans problème s’adapter à son poste’ : néanmoins la note attribuée à M. X est toujours '='.

La fiche d’appréciation de l’année 2000 qui porte la même notation toujours invariable ( '=' ) se termine ainsi : 'Z H X maîtrise parfaitement son poste et a acquis en l’espace de deux années le savoir faire nécessaire. Toutefois, il existe sur le poste actuellement occupé un problème réel de couverture des activités lié à la non présence suffisante de Z et à un accroissement très important de l’activité durant l’année écoulée : + 30%'.

Il est indéniable, en outre, que les fiches d’évaluation susvisées établies au titre des années 1996, 1998, 1999 et 2000 au vu desquelles l’employeur arrêtait ses choix de promotions faisaient expressément référence aux activités prud’homales et syndicales de M. X et aux perturbations qu’elles entraînaient dans la gestion de son emploi du temps.

Alors que de tels éléments sont incontestablement de nature à laisser supposer l’existence d’une discrimination syndicale à l’encontre de M. X, l’employeur prétend expliquer cette situation par un choix de ce dernier de ne solliciter aucune promotion et de faire passer le calendrier aléatoire de ses activités de conseiller prud’homal avant ses activités au sein du Crédit Agricole.

Cependant aux termes de l’article 33 de la convention collective nationale applicable à la relation de travail d’avril 1988 reconduit à l’article 33 de la convention collective d’avril 1992 mise à jour en mai 1995 : ' le déroulement de carrière de chaque agent dépend de ses qualités professionnelles et de son efficience et s’il s’agit d’un cadre de son attitude managériale. La synthèse d’appréciation en vigueur dans chaque caisse régionale doit permettre après entretien d’évaluer notamment la maîtrise de l’emploi au regard de ses exigences selon les critères figurant en annexe. L’appréciation est établie annuellement par la direction, sur proposition du responsable hiérarchique et communiquée à l’intéressé. Dans le mois qui suit la date à laquelle son appréciation lui a été communiquée, chaque agent a la possibilité de demander des explications à la direction, soit directement soit par l’intermédiaire des délégués du personnel.

Les points de qualification personnels sont attribués en tenant compte des appréciations établies comme indiqué ci dessus. La promotion à un emploi de niveau supérieur a lieu au choix de la direction et doit entraîner un accroissement de salaire hiérarchique de l’agent. Lorsque l’appréciation de l’agent a été insuffisante trois années consécutives, le nombre des points de qualification personnels peut être réduit. La réduction ne peut être alors, supérieur à la moitié des points de qualification personnels de l’agent."

Il s’ensuit que l’évolution du salarié dans la carrière, et notamment sa promotion à un emploi de niveau supérieur, est du ressort de l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction auquel il appartient d’apprécier les qualités professionnelles et l’efficience du salarié lors d’une évaluation de la maîtrise de l’emploi selon les critères définis par les dispositions conventionnelles précitées lesquelles n’imposent pas au salarié de manifester préalablement une volonté claire et non équivoque de progresser dans sa carrière.

Au cas présent, par plusieurs courriers notamment des 5 mai et 29 juillet 1992 et du 11 août 1998, M. X a clairement indiqué à l’employeur qu’il restait dans l’attente ' de toute proposition individuelle d’emploi non pénalisante et compatible avec ses différents mandants', qu’il souhaitait s’entretenir avec lui de son avenir professionnel et enfin que 'un changement de classification et de rémunération pouvait s’effectuer lors de la confirmation dans le nouveau poste de travail'.

−Il ne peut être, dès lors, considéré que M. X s’est refusé à toute promotion entre 1988 et 2004.

Dans ces conditions et en l’état de la stagnation avérée de la carrière de M. X à compter de sa désignation en qualité de délégué syndical et de conseiller prud’homal laquelle ne se trouve justifiée par aucun élément objectif alors même qu’il apparaît, au contraire, à l’examen des différentes fiches d’évaluation versées à la procédure que l’investissement prud’homal et syndical de l’intéressé n’avait aucune incidence négative matériellement démontrée sur son activité professionnelle, il convient de retenir que l’appelant a effectivement subi une discrimination syndicale à compter de 1988 ce qui doit lui ouvrir droit à l’octroi de dommages intérêts, peu important que l’appelant ne se soit jamais plaint, par écrit, d’une telle situation avant sa saisine de la juridiction prud’homale.

Au regard des circonstances de l’espèce et notamment de la durée pendant laquelle cette situation s’est poursuivie, des conséquences pour l’intéressé aussi bien morales que matérielles spécialement en termes de perte de rémunération avec incidence au niveau du montant tant de la pension d’invalidité qui a été attribuée à M. X que de la retraite de celui ci, le préjudice ainsi subi par ce dernier doit être compensé par l’allocation d’une somme de 100 000 euros nette de CSG et de CRDS.

— sur la demande de dommages intérêts pour harcèlement moral :

Selon les dispositions de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

S’agissant de la preuve de tels agissements, il appartient au salarié d’étayer ses allégations par des éléments de fait précis à charge pour l’employeur de rapporter la preuve que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs du harcèlement et s’expliquent par des éléments objectifs.

M. X fait grief à l’employeur d’avoir eu, à son égard, un comportement déstabilisant à l’origine de la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé : il se plaint, en particulier, d’avoir été mis à l’écart en 1991, époque à laquelle les taches qui lui ont été confiées se sont limitées à compléter des bordereaux d’inscription de gages pris en garantie de financement de véhicules à moteurs, où il a passé son temps à recopier des cartes grises et où il n’a fait l’objet d’aucun entretien d’évaluation, d’avoir été installé en 1992, sous prétexte de lui permettre de travailler à l’aise et au calme, dans un bureau, au dernier étage dans une aile désaffectée et non chauffée, de n’avoir eu en 1996 que des tâches subalternes à effectuer et de ne s’être vu confier plus aucun travail au cours de l’année 1997 et ce, jusqu’à son départ, à sa demande, à SERRES CASTET, en novembre 1998, au titre de la mobilité géographique.

Alors qu’il résulte des attestations concordantes établies aux formes de droit en février 2004 par d’anciens salariés du Crédit Agricole (Madame A B, Madame K L, Madame E F, Madame C D) que M. X a effectivement été affecté dans un bureau où il s’est retrouvé seul dans une aile désaffectée et non chauffée du bâtiment de la Réthourie, qu’il a été cantonné dans des tâches subalternes ( photocopies, classements) et qu’il s’est, même, retrouvé plusieurs mois sans travail, la CRCAM Pyrénées Gascogne n’apporte aucun démenti matériellement vérifiable ou explication objective à de tels faits.

M. X fait état, également, de ce qu’à compter de 1999, des missions particulièrement lourdes et complexes lui ont été confiées ce que confirment plusieurs des attestants ci dessus cités et de ce que sa charge de travail a été, alors, en constante augmentation ce qui transparaît de ses fiches annuelles d’évaluation et ce qui pour autant ne lui a valu aucune promotion mais au contraire des reproches injustifiés pour des absences liées à son mandat prud’homal.

Là encore, il n’est en rien démontré que les agissements ainsi reprochés par M. X à son employeur s’expliquent par des éléments objectifs.

Or ces agissements réitérés de l’employeur ont eu d’indéniables répercussions sur les conditions de travail du salarié de nature à compromettre son avenir professionnel, à porter effectivement atteinte à ses droits et à sa dignité mais aussi à altérer sa santé physique ou mentale puisqu’il résulte de l’attestation établie le 1° mars 2004 par son médecin traitant, le Docteur I J, que 'jusqu’au 14 septembre 2000, il ne présentait aucun symptôme évocateur ni d’antécédents cardio-vasculaires et que le 14 septembre 2000, il a fait une crise inaugurale d’angor typique pour laquelle il a été hospitalisé en urgence', étant ajouté que le 19 mars et le 17 mai 2004, le médecin du travail, interrogé par l’employeur sur les possibilités de reclassement de l’intéressé a clairement précisé que celui ci ne pouvait être affecté à un poste pouvant engendrer du stress, que la reprise du travail au Crédit Agricole par M. X constituait un risque de mise en danger immédiat au vu de son état de santé, que son reclassement lui semblait très hypothétique et que ' dans le contexte actuel des relations entretenues entre le Crédit Agricole et M. X', il considérait que ' cela constitue un fait aggravant pour son état de santé (stress)'.

Que de tels faits qui caractérisent une situation de harcèlement moral ouvrent droit à réparation du préjudice ainsi subi par le salarié lequel doit être compensé par l’allocation d’une somme de 50 000 euros nette de CSG et de CRDS.

— sur la demande de dommages intérêts au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité :

A l’appui de cette demande, M. X explique que la dégradation de son état de santé est la conséquence directe du stress subi et des mauvaises conditions de travail que lui imposait l’employeur pourtant tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité de ses salariés.

Cependant, ce faisant M. X ne vise pas des faits distincts de ceux qui viennent d’être retenus et indemnisés au titre du harcèlement moral dont il a été victime de sorte que cette demande de dommages intérêts spécifiques doit être écartée.

— sur la demande de paiement de la somme de 8 911,48 euros à titre d’indemnisation pour la perte de rémunération du 1° novembre 2003 au 31 janvier 2004 :

Selon M. X, cette somme correspond au rappel de salaire qui lui était dû antérieurement au licenciement pour inaptitude qui lui a été notifié en 2004 et qui demeurerait impayé, ladite somme correspondant 'aux salaires des mois de novembre et décembre 2003, au solde des 13° mois conventionnels de 2003 et 2004, à la retenue relative à la prime exceptionnelle FNCA, à 9 jours de janvier 2004 jusqu’à la constatation médicale de son inaptitude, augmentés de 13,24 heures supplémentaires comptabilisées en 2001 ainsi que de 9 jours de congés acquis en 2001 et crédités sur le compte épargne temps'.

Cependant, il ressort sans ambiguïté du courrier recommandé en date du 24 novembre 2008 intitulé ' confirmation prise acte de rupture’ qu’il a adressé à la CRCAM Pyrénées Gascogne que cette dernière après avoir dans un premier temps 'cherché à se dérober à son obligation de paiement de sa rémunération’ s’est, pendant un an soit entre le 1° novembre 2003 et le 30 novembre 2004, en raison du rappel qui lui a été fait par l’inspecteur du travail acquitté du paiement de son salaire, ce dont il résulte selon l’intéressé du certificat de travail en date du 29 novembre 2004, de l’attestation Assedic du 30 novembre 2004 ainsi que du bulletin de salaire de novembre 2004 joints à son courrier.

M. X ne peut donc, à nouveau, solliciter le règlement des salaires de novembre et de décembre 2003 pas plus que de celui de janvier 2004.

Il ne peut davantage dans le cadre de la période qu’il revendique soit du 1° novembre 2003 au 31 janvier 2004 obtenir le règlement du solde du 13° mois pour l’année 2004 et arrêté au 30 novembre 2004 ainsi qu’il est mentionné dans l’attestation Assedic précitée et figurant sur le bulletin de paie de novembre 2004.

Aucun élément matériellement vérifiable ne permet de retenir qu’à la date du 31 janvier 2004, l’employeur aurait procédé à une retenue injustifiée de la prime exceptionnelle FNCA.

Par ailleurs, ce document ainsi que le bulletin de salaire de novembre 2004 font expressément référence au règlement d’une indemnité compensatrice de congés payés pour un montant de 2 891,42 euros et strictement aucune pièce du dossier ne permet de retenir qu’un quelconque solde demeurerait dû à M. X au titre de ses congés payés dans les conditions ci dessus sollicitées.

Enfin, l’allégation de ce dernier selon laquelle il aurait accompli en 2001 ou en 2002 des heures supplémentaires qui ne lui auraient pas été réglées ne se trouve en rien étayée.

Les prétentions de M. X à ces différents titres doivent, par conséquent être écartées.

Par contre, au vu des pièces versées aux débats, il apparaît qu’un solde lui reste dû au titre du 13° mois conventionnel 2003 d’un montant de 591,73 euros brut (2251,08 euros représentant le salaire moyen mensuel brut – 1 659,35 euros) et dont l’employeur ne justifie pas s’être libéré du règlement.

Par conséquent, il convient de condamner la CRCAM Pyrénées Gascogne à payer à M. X la somme de 591,73 euros brut à titre de solde du 13° mois pour l’année 2003, cette somme étant assujettie à la CSG et à la CRDS au même titre et dans les mêmes conditions que les salaires.

— sur la demande de paiement de la somme de 168 661,96 euros à titre d’indemnisation pour la perte de rémunération du 01 décembre 2004 au 3 juin 2009 :

L’indemnisation, ainsi, sollicitée par le salarié couvre, en réalité, deux périodes distinctes et obéit corrélativement à deux régimes distincts :

— la première couvre la période du 1° décembre 2004 au 12 novembre 2008, jusqu’à la date de la prise d’acte, période au cours de laquelle le salarié, suite à l’annulation administrative du licenciement, a opté pour sa réintégration et qu’il convient d’ores et déjà d’examiner,

— la deuxième qui débute lors de la prise d’acte du 13 novembre 2008 qui vaut renonciation du salarié à la réintégration et qui sera analysée, ci après, dans le cadre des effets de la prise d’acte.

S’agissant de la première période du 1° décembre 2004 au 12 novembre 2008, l’annulation de l’autorisation de licenciement a eu pour conséquence l’exercice par le salarié de son droit à réintégration.

M. X a, dès lors, droit à une indemnité couvrant la période considérée étant précisé que cette indemnité constitue selon les dispositions de l’article L 2422-4 du code du travail un complément de salaire et que son paiement s’accompagne du versement des cotisations y afférentes.

Le préjudice subi par l’appelant doit, donc, être apprécié compte tenu des sommes que l’intéressé a perçues au titre de la pension d’invalidité qui lui a été versée par la MSA et qui ont pu lui être versées par l’AGRICA pendant cette période et qu’il n’est pas fondé à cumuler avec l’indemnité compensatrice dont il s’agit.

En 2004, le salaire mensuel brut moyen de M. X s’élevait à 2 251,08 euros et compte tenu des augmentations successives de la valeur du point, il doit être retenu successivement, en 2005 2 332,63 euros, en 2006, 2 347,88 euros, en 2007, 2 408,74 euros et en 2008, 2 495,39 euros, ce salaire lui étant versé sur treize mois.

M. X doit impérativement justifier des sommes qu’il a effectivement perçues, au titre de la pension d’invalidité qui lui a été versée par la MSA du 1° décembre 2004 au 12 novembre 2008 ainsi que de celles qui ont pu lui être versés par l’AGRICA durant cette même période, ces sommes devant être déduites des salaires qu’il était en droit de percevoir de son employeur durant la même période.

Durant cette même période, M. X a, également, droit à une indemnité de congés payés y afférent représentant 10% du montant total de la rémunération brute que l’intéressé était en droit de percevoir de son employeur durant la période considérée, cette somme étant assujettie à la CSG et à la CRDS au même titre et dans les mêmes conditions que les salaires.

A la différence de la Cour, les parties disposent des éléments leur permettant de procéder au calcul des sommes dues de ces différents chefs à M. X sur la base de données non contestables.

L’affaire sera, donc, rappelée à une audience ultérieure pour statuer en cas de difficultés éventuelles sur la liquidation du montant de la créance ainsi due à M. X tant au titre de l’indemnité compensatrice couvrant la période du 1° décembre 2004 au 12 novembre 2008 qu’au titre des congés payés y afférent.

— sur la rupture du contrat de travail :

Un salarié protégé peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ; dans l’hypothèse où une telle prise d’acte s’avère fondée, elle emporte les effets d’un licenciement nul intervenu en violation du statut protecteur étant précisé que la prise d’acte vaut renonciation à la réintégration.

Par ailleurs, la prise d’acte a pour effet de rompre le contrat.

Au cas présent, les faits de discrimination syndicale et de harcèlement moral reprochés par le salarié à la CRCAM Pyrénées Gascogne ci dessus examinés sont suffisamment graves pour justifier à eux seuls la prise d’acte de M. X de sorte qu’il convient de retenir que celle ci produit les effets d’un licenciement nul, étant rappelé que la lettre matérialisant la prise d’acte ne fixe pas les limites du litige.

Dans une telle hypothèse, le salarié protégé renonçant à la réintégration bénéficie d’une indemnité pour violation du statut protecteur égale aux rémunérations qu’il aurait perçues de la date de sa prise d’acte soit en l’espèce du 13 novembre 2008 à l’expiration de la durée de sa protection soit au cas présent, le 3 juin 2009.

Cette indemnité a un caractère forfaitaire et n’a pas la nature d’un complément de salaire.

Il n’y a pas lieu, dès lors, d’en déduire les sommes perçues par l’intéressé au cours de cette période au titre de la pension d’invalidité ou d’un quelqu’autre revenu de remplacement.

Par contre, il y a lieu de tenir compte des salaires versés par l’employeur au cours de la procédure ainsi que des sommes mises à la charge de celui ci au titre du préavis lequel est, en l’espèce, de deux mois.

En cet état, le montant total de cette indemnité pour violation du statut protecteur doit être fixé à la somme totale de 11 728,32 euros (décembre : 13° mois année 2008 : 2 495,39 euros ; Janvier 2009 : 1 497,23 euros ( 2 495,39 euros / 30j x 18j) ; février à mai 2009 : 7 486,17 euros ( 2 495,39 euros X 3) ; juin 2009 : 249,53 euros ( 2 495,39 euros / 30j X 3j), cette indemnité s’entendant nette de prélèvements sociaux.

Une telle indemnité ne peut donner lieu, en outre, au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés de sorte que M. X doit être débouté de sa demande de ce chef.

M. X doit, en outre, bénéficier de ses indemnités de rupture (indemnité de préavis, congés payés sur préavis, indemnité conventionnelle de licenciement) ainsi que d’une indemnité pour licenciement nul, cette indemnité étant au moins égale à celle prévue par l’article L 1235-3 du code du travail de sorte qu’elle ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, étant précisé qu’il s’agit des salaires bruts.

Par conséquent, il doit être alloué à M. X la somme de 4 990,78 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 499,07 euros brut au titre des congés payés y afférent, ces deux sommes étant assujetties à la CSG et à la CRDS au même titre et dans les mêmes conditions que les salaires.

L’indemnité conventionnelle de licenciement telle que prévue à l’article 14 de la convention collective de la CRCAM Pyrénées Gascogne correspond compte tenu de l’ancienneté du salarié à deux ans de salaire.

Elle doit, par conséquent, être fixée à la somme de 59 889,36 euros.

En l’état de l’indemnité légale de licenciement déjà versée à M. X en 2004 à hauteur de la somme de 11 127,61 euros, la CRCAM Pyrénées Gascogne sera, dès lors, condamnée à payer à M. X la somme de 48 761,75 euros à titre de solde d’indemnité conventionnelle de licenciement, cette somme étant exonérée de CSG et de CRDS dans les conditions de l’article L 136-2 II 5° du code de la sécurité sociale.

Au titre de l’indemnité pour licenciement illicite, les circonstances de l’espèce et en particulier l’âge du salarié ainsi que son temps de présence dans l’entreprise justifient l’allocation à ce dernier d’une somme de 30 000 euros, cette somme étant également exonérée de CSG et de CRDS dans les conditions de l’article L 136-2 II 5° du code de la sécurité sociale.

— sur la demande d’indemnisation au titre du retour financier conventionnel ( participation et intéressement ) :

Au vu des pièces du dossier, il apparaît que la CRCAM Pyrénées Gascogne reste incontestablement devoir à M. X au titre du retour financier la somme totale de 26 223,40 euros ( exercice 2004 : 126,59 ; exercice 2005 : 5 877,54 ; exercice 2006 : 6 679,13 ; exercice 2007 : 6 960,32 ; exercice 2008 : 6 579,82 ), cette somme s’entendant nette de prélèvements sociaux.

XXX sera, donc, condamnée à ce règlement.

— sur la demande de dommages intérêts au titre d’un préjudice moral :

A l’appui de cette demande, M. X fait état, pour l’essentiel, de ce que sa carrière, pourtant prometteuse, a été brisée par la décision arbitraire de l’employeur qui a fait barrage à toute progression dès l’annonce de sa candidature aux élections prud’homales de 1987 et de ce qu’à compter de cette date et jusqu’à son licenciement en raison de l’inaptitude constatée par le médecin du travail soit pendant 17 années consécutives, il a subi une succession de brimades susceptibles d’être considérées comme autant de faits de discrimination syndicale et de faits de harcèlement.

Il ajoute que les manquements de l’employeur l’ont contraint à prendre l’initiative de la rupture et enfin, que ce dernier lui a opposé une résistance exemplaire puisque depuis sept ans, il est engagé dans des procédures usantes psychologiquement.

Cependant, ce faisant M. X ne justifie pas de la réalité d’un préjudice distinct de ceux dont il vient d’obtenir réparation au titre de la discrimination syndicale, du harcèlement moral et de la rupture du contrat de travail.

De plus, il ne caractérise nullement à l’encontre de la CRCAM Pyrénées Gascogne une quelconque faute de nature à faire dégénérer, en abus, le droit de cette dernière de se défendre ou d’agir en justice.

Par conséquent, M. X ne peut être que débouté de sa demande de dommages intérêts spécifiques pour préjudice moral.

— sur la demande au titre de la prise en charge par l’employeur de l’imposition à venir au titre des sommes qui ont pu lui être allouées dans le cadre de la présente procédure :

L’imposition est personnelle à chaque contribuable et la demande de M. X de prise en charge d’une partie de ses impôts par la CRCAM Pyrénées Gascogne aboutirait si elle était satisfaite à lui allouer une indemnisation complémentaire qui ne se trouve en rien justifiée.

Dans ces conditions, M. X doit être débouté de ce chef de demande.

— sur la demande de condamnation de la CRCAM Pyrénées Gascogne à régulariser sa situation auprès des caisses AGRICA et MSA :

A l’appui de cette demande, M. X explique que lors de son licenciement en 2004, l’employeur a immédiatement procédé à sa radiation auprès de ces organismes sociaux.

Or le contrat de travail n’a été, en réalité, effectivement rompu que le 13 novembre 2008.

Il est, donc, justifié d’ordonner à l’intimée de procéder à la régularisation de la situation de M. X telle qu’elle résulte d’une rupture du contrat de travail à cette dernière date, auprès des caisses AGRICA et MSA.

— sur la demande de délivrance par l’employeur d’un nouveau certificat de travail pour la période du 16 juillet 1973 (date d’embauche en contrat précaire) jusqu’au 3 juin 2009 (date de la rupture) :

L’employeur doit délivrer au salarié un certificat de travail conforme au présent arrêt, c’est à dire avec une date d’embauche au 1° décembre 1976 ( aucune pièce du dossier ne permettant de retenir une embauche antérieure) jusqu’au 13 novembre 2008 date de la prise d’acte ayant consommé la rupture.

* *

*

L’équité commande de condamner la CRCAM Pyrénées Gascogne à payer à M. Z H X la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, la CRCAM Pyrénées Gascogne sera condamnée en tous les dépens exposés devant les juridictions de fond y compris ceux afférents à l’arrêt cassé de la Cour d’Appel de PAU, la CRCAM Pyrénées Gascogne étant, par voie de conséquence, déboutée de sa demande relative à l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Tarbes en date du 30 janvier 2006,

Et statuant à nouveau :

Dit que la prise d’acte par M. Z H X de la rupture du contrat de travail à la date du 13 novembre 2008 produit les effets d’un licenciement nul,

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Midi Pyrénées à payer à M. Z H X les sommes de :

—  100 000 euros à titre de dommages intérêts pour discrimination syndicale et salariale, cette somme s’entendant nette de CSG et de CRDS,

—  50 000 euros à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral, cette somme s’entendant nette de CSG et de CRDS,

—  591,73 euros brut à titre de solde du 13° mois conventionnel pour l’année 2003, cette somme étant assujettie à la CSG et à la CRDS au même titre et dans les mêmes conditions que les salaires,

—  11 728,32 euros à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur, cette somme s’entendant nette de CSG et de CRDS,

—  4 990,78 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 499,07 euros brut au titre des congés payés y afférent, ces deux sommes étant assujetties à la CSG et à la CRDS au même titre et dans les mêmes conditions que les salaires,

—  48 761,75 euros à titre de solde d’indemnité conventionnelle de licenciement. , cette somme étant exonérée de CSG et de CRDS dans les conditions de l’article L 136-2 II 5° du code de la sécurité sociale,

—  30 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement illicite, cette somme étant également exonérée de CSG et de CRDS dans les conditions de l’article L 136-2 II 5° du code de la sécurité sociale,

—  26 223,40 euros au titre du retour financier conventionnel, cette somme s’entendant nette de prélèvements sociaux,

Ordonne à la CRCAM Pyrénées Gascogne de procéder à la régularisation de la situation de M. X telle qu’elle résulte d’une rupture du contrat de travail à la date du 13 novembre 2008, auprès des caisses AGRICA et MSA,

Ordonne à la CRCAM Pyrénées Gascogne de délivrer à M. Z H X un certificat de travail conforme au présent arrêt ( date d’embauche au 1° décembre 1976 et date de rupture au 13 novembre 2008,

Ordonne la réouverture des débats à l’audience du 1er février 2013 à 8h30 pour qu’il soit statué en cas de difficultés sur la liquidation du montant de la créance restant due à M. Z H X tant au titre de l’indemnité compensatrice couvrant la période du 1° décembre 2004 au 12 novembre 2008 que des congés payés y afférent,

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Pyrénées Gascogne à payer à M. Z H X la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Pyrénées Gascogne en tous les dépens exposés devant les juridictions de fond y compris ceux afférents à l’arrêt cassé de la Cour d’Appel de PAU.

Le présent arrêt a été signé par Mme C. V, président et par Mme T, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

S T U V

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Cour d'appel de Toulouse, 24 août 2012, n° 10/04198